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Le ça, le Moi, le Surmoi,le Soi
Flux, pulsions et structure psychique

novembre 2005      -    © copyright Thierry TOURNEBISE

NB: Texte modifié le 15/12/2005 au paragraphe Le monde des objets (citation de Patrick Juignet sur le référent objectal) - le 17/02/2006 aux chapitres "ça", "moi "et "Soi" (das "Selbst"  en allemand) - le 11/03/2006 compléments de références trilingues sur le soi, le ça et le moi. Des praticiens disposant d'informations complémentaires sur le sujet sont invités à écrire à tournebise.thierry@wanadoo.fr , leurs informations seront les bien venues.

 

J’ai le plus souvent privilégié sur ce site la publication de documents permettant une approche concrète des réalités quotidiennes concernant la communication, l’aide et la psychothérapie. Cela m’a souvent valu de nombreux émails de lecteurs se reconnaissant dans ce qui était décrit.

J’ai également choisi de proposer quelques documents plus techniques, afin d’aborder certaines données théoriques avec des précisions complémentaires. C’est le cas de cette publication consacrée aux notions de Ça, de Moi, de Surmoi et de Soi. Ce sont des mots connus de tous, utilisés depuis longtemps…mais dont les nuances s’obscurcissent devant  de nombreuses explications contradictoires et surtout devant d’étonnantes inversions sémantiques. Outre une exploration des significations, ce document va permettre également de relier ces notions à l’approche maïeusthésique décrite dans l’ensemble de ce site. Naturellement ces éléments ne sont pas les seuls à considérer, comme cela a été abordé dans ma publication de mars 2005  « libido amour et autres flux » où l’on a pu également trouver le cognitivisme, le comportementalisme et le psychocorporel comme élément de synthèse maïeusthésique.

 

Sommaire

1- Regards sur la psyché

2- Le ça

3- Le moi

4- le Surmoi

5- Le Soi

6- Equilibre des deux flux (vie et survie)

7- Objectal et existentiel

Annexe 1 Les 4 éléments et leurs conséquences

Annexe 2 Evolution de l'individuation 

Bibliographie

Regards sur la psyché retour     

Théories et thérapies

Il est évident que le Ça, le Moi le Surmoi et le Soi ne sont pas les seuls éléments de la psychologie à considérer. Par exemple, les thérapies comportementales et cognitives ou psycho corporelles obtiennent des résultats en s’appuyant sur d’autres fondements.

Les éléments que représentent le Ça le Moi, le Surmoi et le Soi sont une façon de tourner son attention vers la psyché, en adoptant un certain point de vue. Il convient de bien avoir à l’esprit que ce n’est pas le seul possible. On peut considérer la psyché depuis plusieurs points d’observation distincts, comme on le ferait pour un objet qui peut s’observer depuis plusieurs endroits. Toutes les vues peuvent être justes, quoique différentes, et toutes contribuer à apporter un enseignement complémentaire.

Nous voyons aujourd’hui apparaître la psychothérapie Intégrative qui est une évolution majeure dans les soins psychiques puisqu’elle invite à une telle variété de perspectives.

Dans son ouvrage « Manuel de psychothérapie brève Intégrative », John Preston, Dr en psychologie,  insiste sur la question « Mais qu’est-ce que je dois faire maintenant ? ». Evoquant ses premières séances de thérapie il dit, parlant de lui et de ses clients « Si l’un d’eux m’avait demandé d’écrire une dissertation ou de définir un concept psychologique, je m’en serai sorti brillamment. Mais mon assurance n’allait pas plus loin…  … j’ai connu des moments, durant les séances de thérapie, où je me demandais en mon for intérieur mais que dois-je faire maintenant ? » p3.

Toutes les théories ont leur importance, mais ne sont que de peu d’utilité dans la réalité d’une situation thérapeutique concrète. Le Dr Karl Jaspers, dans son ouvrage « Psychopathologie Générale » nous signalait aussi : 

« Les tendances que nous avons à attribuer une grande importance à des considérations théoriques, exercent l’action la plus néfaste sur les connaissances intuitives et empiriques que nous arrivons à acquérir au sujet de nombreuses variétés d’anomalies psychiques. On quitte le monde des connaissances, en faveur de vaines abstractions » p328.

C’est donc en ayant cela présent à l’esprit que nous aborderons les notions de Ça, de Moi, de Surmoi et de Soi.

Si, comme pour le Dr John Preston la question qui vous préoccupe est « que dois-je faire maintenant ? » vous trouverez plus de réponses sur ce site dans ma publication d’avril 2004 « communication thérapeutique » que dans le présent document. Cependant, celui-ci apporte un éclairage intéressant sur l’habitude que nous avons de ne pas savoir distinguer les choses et les êtres, sur la fâcheuse habitude culturelle que l’on a de confondre l’objectal (qui s’occupe des objets) de l’existentiel (qui s’occupe de la vie et des individus).

Sources psychanalytiques

Les notions de Ça de Moi, de Surmoi et de Soi viennent de la psychanalyse. Les approches de psychothérapie qui en découlent, se nomment psychothérapies psychodynamiques.

Les trois premiers de ces quatre éléments (Ça, Moi et Surmoi), proviennent de ce que Freud a nommé sa « deuxième topique ». Le mot « topique » signifie « lieux » (de topologie, topographie) et désigne des lieux psychiques distincts. La première topique de Freud, que nous n’aborderons pas ici,  est : conscient, inconscient, préconscient.

Freud  nous a légué sa deuxième topique distinguant le Ça, le Moi et le Surmoi comme étant trois lieux psychiques distincts (il ne parle pas vraiment du Soi).  Nous remarquerons bien sûr que « lieux psychiques » ne signifie en aucun cas « lieux anatomiques ». C’est une sorte « d’anatomie de la psyché » qui ne peut se calquer sur l’anatomie physiologique.

Pour tout un chacun, les trois mots Ça, Moi et Surmoi,  à eux seuls ne clarifient pas grand’ chose sur les phénomènes psychiques. Même si, la plupart du temps nous les avons tous rencontrés dans un livre, un article ou une discussion, leur sens reste généralement imprécis (comme nous allons le voir, même chez certains spécialistes).

Or ils ont une signification bien déterminée et permettent vraiment de mieux comprendre la nature des phénomènes psychiques. Pour cela, il importe de regarder au-delà du cadre initial de la psychanalyse afin de considérer aussi la notion de Soi  (Jung) et d’existentiel (Carl Rogers, Rolo May, Karl Jaspers, Ludwig Biswanger). L’existentiel est ce qui a trait à l’individu, c'est-à-dire à « l’être au monde », comme se plaisent à les nommer les psychologues ou médecins cités ci-dessus.  L’ensemble de ces notions nous permettra une certaine compréhension de phénomènes se déroulant dans la psyché.

Le ça retour

Précisions sémantiques

« Ça » se dit das Es en allemand. En réalité, ce mot allemand est intraduisible exactement en français. Gerorg Groddek, médecin proche des milieux psychanalytiques a emprunté le mot « das Es » à Nietzsche, avant que celui-ci ne soit utilisé par Freud.

Il fut convenu de le traduire par le  mot « Ça » en français, et  par le mot « id » en anglais (venant du latin « id »). En latin, idiota   signifiait « ignorant, profane ».  A ne pas confondre avec l’étymologie grecque idios signifiant « privé, particulier », idioma « caractère propre », idiôtismos, « langage spécifique » et ayant donné l’homonyme anglais « id » qui signifie élément chromosomique portant les caractères héréditaires (Haraps Chambers 2003)

 Le titre du document de Freud : « Das Ich und das Es » (1923) a déjà été été traduit par « Le Moi et le Soi » Cela montre la confusion sémantique entre le « Ça » et le « Soi »  voir p26 dans l’ouvrage « Le Ça, le Moi et le Surmoi » TCHOU Pr Serge Lebovici p 26. Même les dictionnaires de traduction ne définissent pas clairement la différence entre le ça, le moi et le soi, que ce soit en anglais ou en allemand. Une confusion bien gênante que nous détaillerons plus loin,  pour tenter d'aborder plus précisément les différences entre ces éléments distincts de la psyché

Le Ça, une source

Il s’agit, comme son nom l’indique, de quelque chose d’indifférencié. Comme lorsque nous disons « Ça », pour nommer une chose dont nous ne connaissons pas la nature et pour laquelle nous n’avons pas de meilleurs mots qui nous viennent à l’esprit.

« Ça » désigne une source intérieure qui échappe à notre volonté et qui exerce une pression. Freud assimile le Moi à une entité physiologique « Le Moi est avant tout une entité corporelle » Le Ça le Moi et le Surmoi p101. Peut être en est il de même du Ça ? 

De son côté, Karl Jaspers parlant des phénomènes psychiques dit 

« La localisation des différents sens sur l’écorce cérébrale, des aphasies sur l’hémisphère gauche, signifie simplement qu’il faut que ces organes soient intacts pour qu’un phénomène psychique déterminé soit possible et rien d’autre. » (Psychopathologie générale p34). 

Quoique médecin proche de la psychologie existentielle (tenant compte de l’être, de l’individu), la rigueur de son approche ne lui fait donc prendre aucun parti, si ce n’est celui de n’affirmer que ce qu’on sait… et pas au-delà. Il est en même temps ouvert aux différentes possibilités, qui permettent les hypothèses de recherche, mais rigoureux quant aux affirmations. Affirmer que la source du Ça ou du Moi est corporelle, lui paraîtrait donc une affirmation abusive, si elle prétend exclure, a priori, toute autre éventualité sans expérimentations le démontrant.

Si Freud n’a pas énoncé clairement de quelle nature est la source du Ça (peut être n’est-ce pas trouvable ?), il a cependant pointé la nature de ce qui s’en écoule : c’est la libido. Le Ça est la source de la libido. Mais la réponse est à peine plus claire si on ne clarifie pas la notion de libido !

La libido, un flux

Voici encore un mot très usité dont la signification précise est rarement clairement connue. La libido c’est l’énergie psychique. Freud y a vu essentiellement l’énergie sexuelle. Mais on néglige souvent de préciser que Freud a fait une différence précise entre la sexualité et la génitalité et cela a conduit à de nombreux contresens. La sexualité, selon lui, est l’expression de l’énergie libidinale. La génitalité, selon lui, c’est l’expression de cette énergie dans le cadre de ce que tout un chacun appelle habituellement « sexualité ». La libido ne désigne donc pas à proprement parler la sexualité, mais une énergie psychique, entre autre à l’origine de la sexualité.

D’autres psychanalystes comme Jung ont tenté de recentrer cette nuance, mais Freud et Jung n’ont su s’entendre clairement sur ce point… jusqu’à y sacrifier leur amitié. Sans doute un « petit » dérapage dogmatique !

Il semble raisonnable donc de comprendre que la libido est un flux d’énergie dont le Ça est la source. Par contre nous n’avons pas d’information sur ce qui alimente la source (d’où l’appellation « Ça ») !

Cette énergie psychique (libido) tendra à s’écouler, comme un fluide suivant la pente qu’il trouve devant lui. Le comportement des êtres humains sera influencé par cet écoulement selon qu’il sera libre, contrarié, refoulé, canalisé, empêché…etc.

Le moi retour

Précisions sémantiques

Nous trouverons : das Ich en allemand, ego en anglais, moi en français. Le mot « ego » est aussi utilisé comme synonyme du Moi en français. Mais l'anglais (et par extension le français), utilise quelque fois le mot "self "pour désigner le moi... tout en l'utilisant aussi pour désigner le soi

Le Dr D.W. Winnicott, membre de la société britannique de psychanalyse dans les années 30,  a tenté de lever l'ambiguïté en parlant de "faux self" et de "vrai self". Le faux self étant « le paraître », il  fait penser au moi. Le vrai self désignant « l'être » évoque, lui, plutôt  le soi. Selon Winnicott, le vrai self se différencie du moi en représentant plus que le moi.

En français on traduit donc parfois Self par « Soi », mais ce n'est pas forcément exact. Nous trouvons là des imprécisions sémantiques gênantes

Pour positionner le rôle du Moi, Freud nous propose : « Le Moi traduit en action la volonté du Ça » (Le Ça le Moi et le Surmoi p101). « Si toute la force motrice qui fait se mouvoir le vaisseau est fournie par le Ça, le Moi est en quelque sorte celui qui assume la manœuvre du gouvernail, sans laquelle aucun but ne peut être atteint » p136. « Le Moi tend vers le plaisir et cherche à éviter le déplaisir » p139.  Pour Freud, le Ça est donc la source d’énergie et le Moi est le gouvernail.

De son côté, Georg GRODDEK répète que « …ce que nous appelons Moi se comporte dans la vie d’une façon toute passive  et que nous sommes, pour se servir de son expression, vécus par des forces inconnues échappant à notre maîtrise ».  (Le Ça le Moi et le Surmoi p99).  

D’une part ce que propose Groddek est contradictoire avec l’idée de gouvernail énoncée par Freud, d’autre part, nous remarquons qu’il ne s’agit  pas vraiment ici du Moi de Freud, mais d’un Soi affaibli. Le Moi n’est donc pas l’individu proprement dit et son propos semble très clair : le Moi est un instrument de l’individu et ce dernier s’y trouve soumis. Mais cet instrument amène une intelligence que le Ça n’avait pas

Ces quelques citations nous montrent à quel point la confusion est présente, mais avec de fortes intuitions qui peinent à trouver leur expression sémantique

Pour Patrick JUIGNET, psychanalyste chargé de cours de psychopathologie à l’université de Nice, « Le Moi a une fonction de régulation et de contrôle (on retrouve donc l’idée de gouvernail). Son rôle principal est de gérer des exigences diverses et contradictoires comme l’opposition entre pulsions et réalités… »P46 de son ouvrage « Manuel de psychopathologie psychanalytique » Presses universitaires de Grenoble

Un préalable narcissique

Le narcissisme, lui, définit une sorte de rapport de l’individu avec le Moi, ou un état de son Moi.

L’écoulement libidinal, venant du Ça, va commencer par s’écouler vers le sujet lui-même. Dans le début de l’existence, on pourrait dire, que ce flux commence à se répandre proche de sa source. C’est ce qu’on appelle la phase narcissique, dans laquelle l’individu est son propre objet de satisfaction et n’a encore que peu conscience du monde extérieur. Il dirige ainsi vers lui-même son flux libidinal.

Cette phase, naturelle au début de la vie, peut devenir pathologique : Si un adulte, se coupant du monde extérieur, revient vers lui-même de façon exclusive nous pouvons aboutir à ce qu’on appelle des états psychotiques dans lesquels nous parlerons de libido narcissique. Dans ce cas, la coupure d’avec le monde extérieur interdit les contacts réels et les psychothérapies en sont rendues plus difficiles (en particulier les approches psychanalytiques basées sur le transfert, où il est nécessaire de reconnaître un objet extérieur à soi). Jean Pierre Chartier, Dr en, psychologie et psychanalyste, nous montre par contre que les psychotiques peuvent tout de même être aidés, dans son excellent ouvrage « Guérir après Freud »

A ce stade, il n’y a pas encore vraiment de Moi. Il n’y a que de l’autosatisfaction pour venir compenser les "manques d’être" ressentis par l’individu, pour venir compenser les sensations de vide auxquelles il est confronté. L’être venant au monde a bénéficié d’une présence continue de sa mère dans le prénatal… et fait rapidement l’expérience de l’alternance de la présence et de l’absence, de la faim et de la satiété, de la chaleur et du froid…etc.

Ces manques d’être, ces vides et ces insécurités sont nécessairement compensés pour permettre une sorte de survie en attendant mieux. A ce stade l’autosatisfaction narcissique est un moyen majeur. Nous ne parlerons cependant pas encore de Moi ou d’ego. Celui-ci n’apparaît que quand la compensation s’opère en dirigeant son flux libidinal vers l’extérieur.

Incompréhension sur la narcissisation

Il est coutume de dire que l’équilibre de l’individu dépend de la qualité de son processus de narcissisation. De sorte qu’un être en difficulté d’affirmation de Soi sera vite identifié comme un individu ayant besoin de se renarcissiser.

Avant d’aller plus loin il me semble utile de rappeler sommairement le mythe de Narcisse : Narcisse est un homme très beau qui séduit involontairement toutes les femmes. Mais il se trouve qu’il est indifférent à celles-ci. L’une d’elle, la nymphe Echo,  meurt même de chagrin à cause de cette indifférence de Narcisse à son égard. Leurs sœurs demandent à Némésis (déesse dont c’était le rôle) de venger la défunte. Némésis va alors faire subir à Narcisse ce qu’il a infligé à Echo : désirer quelque chose d’inaccessible. Un jour où il va s’abreuver dans une fontaine, il voir son reflet dans l’eau. La beauté de cette image le laisse stupéfait (narcisse a donné narkê, puis narcose). Il désire passionnément cette image inaccessible, croyant que c’était un autre. Il en reste stupéfait sans manger et sans boire devant cette fontaine et en meurt. Il poussera devant celle-ci les fleurs portant son nom.

Nous ne savons généralement pas cette nuance du mythe : comme si c’était un autre. Narcisse confond sa propre image avec l’existence d’un autre. Ce n’est donc pas lui qu’il aime, mais cet autre imaginaire. Croyant voir un autre, il ne voit qu’un reflet de lui-même.

Cela définit bien que nous ne rencontrons jamais autrui quand nous projetons sur lui nos propres représentations (voir publication « les pièges de l’empathie » et surtout l’ouvrage « L’écoute thérapeutique » ESF p 45) Le mythe de narcisse reflète plus notre problématique du rapport à autrui que du rapport à soi : notre cécité à autrui nous fait prendre nos propres représentations pour l’autre lui-même… et de ce fait nous rend incapable de le rencontrer vraiment.

Cette tendance à vouloir améliorer le sort des individus en leur permettant de développer une meilleure image de soi est ambiguë. Comme nous le verrons plus loin, le Moi ne semble pas être ce qu’on est mais ce qu’on paraît. Améliorer ce qu’on paraît ne peut directement développer ce qu’on est.

Patrick JUIGNET (cité plus haut) décide bien de différencier le Moi et le Soi, l’être et l’image de l’être. Pourtant il nous décrit le Soi, plus comme source d’illusion que comme un fondement existentiel : « Cette instance (le Soi) est centrée sur l’imago (image) de soi-même »…p46  « le Soi est source d’illusion et de méconnaissance par rapport à soi-même, car il donne une vision unitaire, fondée sur l’image de l’autre, valorisée ou dévalorisée de façon tout à fait irréaliste » p47

Je suis désolé si ces quelques lignes amènent un peu de complexité au propos. Il semble que justement ces notions ne soient jamais vraiment clairement énoncées et même parfois abordées de façon contradictoires. C’est la raison pour laquelle ces mots circulent dans le langage commun généralement sans clarifier de quoi il s’agit.

Nous retiendrons plus simplement que la narcissisation est la faculté de développer une image de soi qui, bien qu’étant illusoire, remplace le fait d’être vraiment soi-même. La narcissisation ne définit pas une affirmation de Soi, mais un manque de Soi compensé par une image à laquelle on croit. Si nous lui accordons trop d’importance celle-ci peut même nous couper du monde, dans lequel, comme Narcisse, nous mourrons, non pas de soif en face de la fontaine, mais de solitude tout en étant entouré de plein de gens.

Si le processus de narcissisation est une heureuse compensation au manque de Soi permettant de "tenir le coup" en attendant une meilleure maturation, il ne peut signifier un aboutissement. Croire que la narcissisation est une finalité c’est amener l’individu à se perdre dans ce qui n’est pas lui. C’est ce que nous faisons maladroitement quand nous complimentons quelqu’un qui se déprécie, dans l’espoir de lui remonter le moral.

Exemple : Dans une maison de retraite, une vielle dame réalise le coloriage qu’on lui a demandé de faire. Comme elle ne semble pas satisfaite du résultat, pour l’encourager, une animatrice lui dit qu’il est très beau. Comme cette vielle dame grimace pour montrer son désaccord, l’animatrice l’encourage encore « vous avez mis vraiment de très belles couleurs ». M’approchant d’elle, je demande à la dame « ça n’a pas l’air de vous plaire ? ». Elle me répond « Non, j’étais institutrice. Les enfants faisaient mieux que moi. Regardez, j’en fous partout ». Je valide alors simplement « Dans ce cas, je comprends que vous ne l’aimiez pas ».

La première formule, quoi qu’essayant d’être bienveillante, casse le Soi déçu de la résidente. Le Moi de l’animatrice est ici contre le Soi et la conscience de la dame. La deuxième formule lui donne au contraire existence et dignité. Le Soi de l’un est alors ouvert au Soi de l’autre. En fait, il ne s’agit pas de renarcissiser, mais de permettre d’exister. Pour cela, rien ne vaut de ramener quelqu’un à la raison qui, en lui, fonde son ressenti. Faute de cela, la narcissisation peut tenir lieu de béquille, et être l’étayage d’une structure psychique fragile… mais souvent en l’abîmant un peu, hélas… parfois en la détruisant !

La naissance du Moi

Suite à un préalable narcissique, où le flux libidinal s’écoule vers soi-même, celui-ci va se diriger vers l’extérieur. Il est courant de dire en psychologie et en psychanalyse qu’il se tourne vers des objets extérieurs plutôt que vers soi-même. Par là même, nous remarquerons bien qu’il se tourne vers des « objets » et non vers des « sujets » (c’est à dire vers des choses et non vers des êtres)

Le Moi va donc être cette partie psychique de l’individu qui va tenter d’investir le monde extérieur avec son flux libidinal. Ce flux va s’éloigner de la source (c'est-à-dire du Ça) pour suivre les « pentes » qui le conduisent vers ce qui l’environne.

Ce flux libidinal, à tort identifié à une sorte de « flux d’amour », n’est autre qu’une tentative de « profiter de l’autre », on pourrait même dire « de s’en nourrir ». S’il en résulte que l’individu semble ici aimer ceux qui l’entourent, il ne fait que les aimer comme on aime un aliment. Cela peut paraître réducteur et cannibalique, mais nous verrons plus loin que cette nuance est incontournable si on veut différencier le Moi, le Soi, l’amour, la libido, la quête des objets et la rencontre des êtres, l’affectivité (qui étouffe l’autre) et la chaleur humaine (qui réchauffe l’autre)

Compte tenu de sa vulnérabilité, de ses insuffisances et de ses vides ressentis intérieurement, un individu va tenter de « remplir » ses lacunes grâce à ces « autres » qu’il trouve autour de lui et dont il se sert pour « faire le plein ». Mais ce n’est, en fait, qu’un faux plein. Il ne s’agit là que d’une compensation de ses vides qui, en réalité, ne se remplissent pas. Il en résulte une attitude égoïste (dans le sens habituel du terme) et profiteuse, où le projet est juste un avantage personnel.

L’intelligence est certainement associée au Moi. Nous prendrons soin de la différencier de la conscience qui serait plutôt associée au Soi. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » est une citation bien connue de Rabelais qui, même s’il ne parlait pas du Soi et du Moi avait pressenti une importante nuance. L’intellectuel « pur et dur » est donc plus sur le mode « Moi » que sur le mode « Soi »

Quand le Moi est fort, il est source de pouvoir, d’investissement énergétique (libidinal). Le Moi, c’est la malignité, l’astuce, c’est le mental dans sa version calculatrice et astucieuse. Notons que le mot « mental » vient du latin men (idée de penser). Mentis désignant l’esprit pensant, avec le verbe mentiri  qui a donné mentir. Pour les romains, mentir signifiait qu’on avait de l’esprit.

Nous comprendrons donc que l’assertivité définissant l’affirmation de soi dans le respect d’autrui est basée sur le Soi1, alors que convaincre est basé sur le Moi2 et que la confusion et l’immaturité du Soi engendrent les violences des rapports humains3

1 -voir sur ce site la publication de septembre 2001 « assertivité »
2 -voir sur ce site la publication de juin 2002 « Le danger de convaincre »
3 -voir sur ce site la publication de Juin 2003 « Apaiser violences et conflits »

Profit et manque de discernement

Ce qui caractérise le Moi est donc une attitude de profit, dont la puissance intellectuelle (quand elle existe) devient un danger pour l’environnement. Le Moi fonctionne essentiellement sur la notion d’intérêt et est incapable d’attention envers autrui. Nous noterons que l’intérêt concerne les choses et l’attention concerne les êtres.

Ce flux d’intérêt se fait avec une certaine intelligence (plus ou moins affinée en fonction des capacités intellectuelles de chacun) permettant de tirer meilleur profit possible. Cependant il s’y trouve une inconscience de l’autre en tant qu’individu. Une sorte de cécité existentielle rendant les êtres inaperçus à son regard. 

Comme le disait Saint-Exupéry dans « Le petit prince » l’essentiel est invisible : « on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux » p72 « qu’il s’agisse de la maison des étoiles ou du désert, ce qui fait leur beauté est invisible » p78 (folio junior GALLIMARD 1987)

Si le Moi discerne les moyens de profiter, il n’a pas d’yeux pour discerner les êtres et les choses. L’écologie du monde et des rapports humains lui échappent donc tout à fait et lui confèrent une tendance à la prédation, plus qu’à la réelle rencontre d’autrui. IL va devoir être régulé, pour donner aux rapports humains un semblant d'humanité

« Quant au Moi, Freud lui assigne… le difficile devoir de servir trois maîtres à la fois : le Ça, le Surmoi et le monde extérieur » (Le Ça le Moi le Surmoi p107) 

Le Surmoi sera donc l’élément complémentaire par lequel le Moi assurera sa régulation.

Le Surmoi retour

Précisions sémantiques

En allemand Über-Ich :  ce qui est au-dessus du Moi. La construction est ici la même qu’en français.

En anglais superego : ce qui est plus que le Moi. Ici il s’agit d’un élément comme le Moi, mais plus fort que lui  

ces mots, eux, ne comportent pas d'ambiguïté linguistique

Idéal du Moi (fondement du Surmoi)

Face à son environnement, l’individu ayant développé son Moi (ego), voit des attitudes et des comportements chez autrui qu’il prendra plus ou moins comme modèles d’efficacité et de performances.

D’autre part, son expérience personnelle l’amènera à choisir des modèles de comportement plus efficaces que d’autres, en fonction des punitions ou récompenses qu’ils ont suscités de la part d’autrui envers lui.

Il en résulte un idéal à atteindre pour optimiser la performance de l’écoulement d’énergie, de l’écoulement du flux libidinal vers l’extérieur. A défaut d’avoir développé une conscience d’autrui suffisante, même si c’est encore à des fins personnelles, il va néanmoins se mettre à tenir compte des autres.

Une prothèse de conscience

Le Moi va de ce fait devoir satisfaire les pulsions du Ça, tout en tenant compte du monde extérieur, ainsi que des règles exigées par le Surmoi (les 3 maîtres énoncés par Freud)

En ce sens, le Surmoi va tenir lieu de prothèse remplaçant la conscience manquante. Nous parlerons d’un outil d’étayage venant compenser un manque de Soi et de lucidité existentielle.

Le Moi avait pour tâche d’orienter le flux libidinale (gouvernail) dans le projet d’un profit maximum. Le Surmoi aura pour tâche d’éviter les débordements impulsifs du Ça, mais aussi de ménager son environnement (évitement des récifs réels ou supposés de l’égoïsme). Les motivations restent basées sur les notions de plaisir/déplaisir, mais en tenant compte des autres. Pourtant il ne s’agit là que d’un faux Soi, d’une fausse conscience qui se contente de refouler ce qui n’est pas en accord avec le modèle.

Une correction régulatrice aveugle

Cette correction du Moi suit la logique d’un modèle qui a été adopté pour compenser « les yeux qui ne voient pas ». N’ayant pas encore eu l’opportunité de développer une sensibilité suffisante à autrui et à soi-même, un individu va s’appuyer sur des modèles « tous faits » pour assurer une vie acceptable.

Les multiples corrections de comportement, qui en résulteront, seront donc aveugles car elles ne correspondront pas à la réalité des situations présentes, mais seulement à la situation antérieure prise comme modèle.

L’individu se trouvera ainsi en train de refouler, cacher, retenir, forcer, exagérer des attitudes qui ne seraient pas les siennes en l’absence de Surmoi. En même temps que cela provoque des actes « tous faits » ou des inhibitions, cela permet tout de même d’ajuster une vie sociale moins anarchique. Le Surmoi fait de l’homo sapiens sapiens le précurseur d’un homo sociabilis… mais il est encore loin d'une réelle reconnaissance d'autrui et encore moins de soi. Bien souvent le faux respect d’autrui qui en résulte est accompagné d’un déni de Soi dont les multiples refoulements amènent les douleurs psychologiques.

Débridage dangereux

Il pourrait être tentant, à ce stade de retourner vers un Moi libre où le refoulement n’existe plus. Pourtant, il convient surtout d’aller vers le développement du Soi plutôt que vers la suppression du Surmoi.

Certains praticiens en psychothérapie confondent parfois le fait de se libérer des inhibitions du Surmoi avec le fait de développer le Soi. Or il semble que ce soit un leurre de chercher à développer un plus « d’être » en revenant vers un Moi débridé. Il convient de ne pas confondre l’individuation avec l’individualisme

Pour comprendre cela clairement, il est nécessaire de différencier avec précision le Soi et de ne plus le confondre avec le Moi ou avec le Ça.

Le Soi retour

Précisions sémantiques

Sich est le pronom personnel soi. Mais en allemand le Soi se dit das Selbst.  Nous avons aussi le Dasein  désignant "l'être là" chez les psychologues existentiels, évoqué par le philosophe Martin Heidegger et qui pourrait se rapprocher de l'idée du Soi. 

OneSelf en anglais serait le bien venu à la place de self, qui est généralement utilisé. OneSelf reflèterait bien l'idée d'unique, d'individu (d'indivisibilité)

Nous remarquerons ici la différence des mots Ich (Moi) et Selbst (Soi) en allemand, puis entre les mots ego ou self (Moi) et self ou OneSelf (qui serait bien venu pour évoquer l'idée de Soi, en anglais). Mais comme nous l'avons vu plus haut, certains auteurs utilisent le mot "self" pour désigner "plus que le moi"... d'où parfois la traduction de self par "Soi". Ce n'est pas simple!

Pour désigner Ça, Moi, Surmoi, Soi:
En allemand, nous avons :  Es, Ich, Über-Ich, Selbst 
En anglais nous avons : id, ego, superego, "self" (ou mieux, "OneSelf"  car le mot self a trop été utilisé comme synonyme d'ego).

L’expression "das Es" retient l'attention de Freud en ce qu’elle illustre l’idée développée par Groddeck, que … « …nous sommes vécus par des forces inconnues immaîtrisables ». Elle concorde aussi avec le langage spontané des patients dans des formules comme « ça a été plus fort que moi… »

Selon Jung, dans son ouvrage Ma vie (Folio - Gallimard 1973) « le Soi est une entité surordonnée  au Moi. Le Soi embrasse non seulement la psyché consciente, mais aussi la psyché inconsciente et constitue de ce fait pour ainsi dire une personnalité plus ample, que nous sommes aussi…. » p462 
« Je constate continuellement que le processus d’individuation est confondu avec la prise de conscience du Moi et que par conséquent celui-ci est identifié au Soi, d’où il résulte une désespérante confusion de concepts. Car, dès lors, l’individuation ne serait plus qu’égocentrisme ou auto érotisme » p457.  

Encadré réservé à ceux que  les références linguistiques intéressent:
voici quelques complexités sémantiques trilingues, mais aussi des complexités de concepts.

HACHETTE LANGENSCHEIDT Dictionnaire fr/all et all/fr -HACHETTE  -Paris 1995
Das Selbst :  le moi (le soi est ici confondu avec le moi) 
Soi : (psych) Das Es
(le soi est ici confondu avec le ça)
Das Es : (psych) ça
(juste!)
Moi : (psych) das Ich, das Ego, das Selbst, Notre vrai soi, unser wahres Ich, Selbst 
(donc le moi et le soi sont confondus)

Le ROBERT ET COLLINS  Dictionnaire fr/angl et  angl/fr -ROBERT -Paris 1985 
Self : le moi … The conscious self : le moi conscient 
(le self est identifié au moi)

Le ROBERT ET COLLINS  senior Dictionnaire fr/angl et  angl/fr -ROBERT  -Paris 1994
Self : psych : le moi…. The conscious self : le moi conscient
(le self est identifié au moi)
Le moi : the self, the ego…. Notre vrai moi, Our true self
(le self est identifié au moi)
Soi : (psych.  inconscient), id
(le soi est identifié au ça)
Id : (psych).  Ça
Ça : (psych. Inconscient), id

Le ROBERT ET COLLINS  Dictionnaire fr/angl et  angl/fr -ROBERT  édition 2006
Soi: self (psych= inconscient) id (le soi est identifié au ça)

VOCABULAIRE DE LA PSYCHOLOGIE  Henri PIERON -PUF -Paris 1973
Le ça : Structure topique de l’appareil psychique….comme équivalant de l’allemand « Es » est habituellement préféré au terme « soi »
(le ça est un mot préféré, mais on peut, hélas, trouver l'utilisation du mot "soi")
Soi : voir ça
(confirmation que le ça est confondu avec le soi)
Moi : (psych)  das Ich,  das Ego, das selbst ; notre vrai moi : unser wahres ich, Selbst
(le moi est ici confondu avec "das selbst" qui signifie "soi" et qui en plus est parfois synonyme de "das Es" qui en réalité signifie "ça")
(nous trouvons la même définition exactement que dans le dictionnaire Hachette ci-dessus)

VOCABULAIRE DE LA PSYCHANALYSE  J. LAPLANCHE et J-B PONTALIS  -PUF -Paris 1990
Ça : allemand das Es   anglais  the Id

HARRAP'S SHORTER  Dictionnaire angl/fr et fr/angl -édition 2006
Le soi: The self; (psy) the id (le soi est identifié au ça)
Self: (psy) le moi

LAROUSSE CHAMBERS -angl/fr et fr/angl -Paris édition 2003
Le soi: the self
Le moi: the ego

LEXIQUE TRILINGUE des termes psychanalytiques (français anglais allemand)  -MASSON -1997
Le soi: self, selbst
Le moi: ego, Ich
Le ça: id, Es

GRAND DICTIONNAIRE LAROUSSE de la psychologie -LAROUSSE -Paris 1997
Le Soi
 Psychan. :  Chez M. Klein, ensemble des pulsions de la personnalité toute entière par différence avec le moi qui se réfère à la structure de la personnalité. (syn Self) Quand l’objet se divise en bon et en mauvais, il en est de même pour le soi, dont les différentes parties ainsi clivées peuvent entrer en conflit Thérap. Pour l’école de Palo Alto, le moi de l’individu en tant qu’il se caractérise par son identité et son autonomie en se dotant de valeurs et de contre-valeurs. Dans l’écosystème familial, le soi se constitue par référence au mythe familial, et selon Murray Bowen, par le processus de différenciation du soi.  Voir self. (Mélanie KLEIN parlait du "clivage d'objet", par exemple le sein de la mère qui est en même temps "bon quand il est là" et "mauvais quand il est absent" et du clivage du moi qui en résulte... mais pas du clivage du soi. Or ici le soi est associé à un discours sur le moi)
 Self Synonyme de soi.  Psychan. Vrai self/faux self. Chez DW Winnicott, distinction établie par lui concernant le développement de l’enfant (la traduction de « self » en « soi » n’a volontairement pas été effectuée dans les textes français
(et nous voyons là une prudence bien venue) Pour Winnicott, le moi du nourrisson s’achemine vers un état dans lequel les exigences instinctuelles sont ressenties comme faisant partie du self (ou soi) et non de l’environnement. Winnicott établit un parallèle entre le vrais self et le faux self : il reprend en cela la distinction freudienne entre, d’une part une partie centrale du moi gouverné par les pulsions ou par ce que Freud appelle sexualité génitale et prégénitale (expression du ça)  et d’autre part une partie tournée vers l’extérieur, établissant les rapports avec le monde (expression du moi s'il s'agit de la libido, ou expression du soi s'il s'agit d'existentiel... mais ce n'est pas précisé!). Le faux self est représenté par toute l’organisation que constituent une attitude sociale polie, de bonnes manières, et une certaine réserve. Le vrai self est spontané et les évènements du monde se sont accordés à cette spontanéité, du fait de l’adaptation d’une mère suffisamment bonne. Voir soi (le soi est identifié au self)

 


Nous assistons là à un ballet de glissements sémantiques où self signifie tantôt soi, tantôt ça, et nous avons la même chose en allemand où das Selbst est parfois donné par les dictionnaires bilingues comme synonyme de das Es (d'où l'ambiguïté de la traduction du titre du livre de Freud "Das Ich und des Es" par "Le moi et le soi"). Il semble que ces références ne soient pas toutes "parfaitement fiables" (ou du moins parfaitement claires), et face à ces contradictions, il nous faut pourtant bien utiliser des termes assez précis pour ne pas mélanger des notions aussi différentes que le ça, le moi et le soi. Il importe de ne pas confondre le libidinal (venant du ça et régulé par le moi, source de paraître) avec l'existentiel (venant du soi, source de construction de l'être). Au delà des conflits et débats de spécialistes (parfois de pseudo spécialistes) autour des mots, ce qui importe c'est que les notions soient clairement exprimées et que l'on s'assure de ne pas désigner un élément de la psyché à la place d'un autre... car cela fausserait  complètement les concepts psychologiques qui en découlent et même la qualité de l'aide qu'on est en mesure d'apporter aux patients en psychothérapie. 

C'est  ce qui a conduit JUNG à dénoncer la confusion entre le moi et le soi dans la phrase déjà citée en haut de cet encadré: « Je constate continuellement que le processus d’individuation est confondu avec la prise de conscience du Moi et que par conséquent celui-ci est identifié au Soi, d’où il résulte une désespérante confusion de concepts. Car, dès lors, l’individuation ne serait plus qu’égocentrisme ou auto érotisme » (Ma vie -Folio Gallimard 1973 - p457).  

Sources et projets (intuition existentielle de Freud)

« La tâche du Surmoi consiste aussi, en effet, à approvisionner en amour le Moi docile et méritant. Fierté, sentiment de protection et satisfaction narcissique récompensent par conséquent le Moi, bon serviteur de ses trois maîtres (Ça - Surmoi - monde extérieur) » : Freud, Moïse et le monothéisme 1939 dans Le Ça le Moi, le Surmoi Tchou p107. 

Nous voyons ici que Freud, parlant du Surmoi, annonce un prémisse de source existentielle (amour), venant en réalité du Soi, mais qu’il attribut au Surmoi. D’autre part, il met cette source existentielle sur le même plan que la narcissisation, peut être à cause d’un parti pris objectal et libidinal. L’admiration (culte de l’image) et la reconnaissance (de l’individu réel) ne semblent pas ici être différenciées. 

Pourtant Freud nous propose dans Les névroses l’homme et ses conflits p68 « …la collaboration des patients devient un sacrifice personnel qu’il faut compenser par quelque succédané d’amour. Les efforts du médecin, son attitude de bienveillante patience doivent constituer de suffisants succédanés » 

Il donne ici des éléments qui font échos avec la qualité de présence proposée par Carl Rogers, mais sans pourtant que la dimension existentielle y soit clairement différenciée. Pourtant une telle attitude n’est possible qu’avec une réelle présence du Soi. Mais la confusion a parfois été telle que certains thérapeutes ont confondu neutralité avec froideur. C’est le résultat des imprécisions et de la difficulté à transmettre des nuances aussi subtiles.

Il semble pourtant naturellement et intuitivement que les notions de Moi et de Soi se différencient et ne puissent être confondues. C.G.Jung, dans son ouvrage « Ma vie », comme nous venons de le citer, se désole qu’on ne fasse pas clairement cette distinction.

Nous venons donc d’expliciter que le Ça est la source, que la libido est le « fluide (l’énergie) » qui s’en écoule, que le Moi essaye d’optimiser cet écoulement pour un profit maximum, que le Surmoi régule les excès d’après des modèles figés… tout cela dans quel projet ?

S’il y a à tout cela une finalité, nous pourrions tout aussi bien examiner cet ensemble des parties de la psyché, de telle façon que la source des phénomènes soit le projet final et non le départ. Oups ! Désolé pour ce moment de complexité ! Il est habituel de considérer qu’on a d’abord les causes, puis ensuite les effets. Mais on peut aussi avoir un regard inversé dans lequel l’origine est dans la finalité. C’est un peu ce qu’on rencontre quand nous avons un projet qui assure la motivation de tout le reste. On appelle cela un regard « téléolonomique », c'est-à-dire où c’est la finalité qui produit le départ grâce à un plan prédéterminé.(Téléolonomique : de nomos régulation, étude des règles, et de têle loin, télé à distance – littéralement réglé à distance.).

Depuis le début de ce document, nous avons pris l’habitude de considérer le Ça comme source libidinale. Le Soi pourrait-il être une autre source ?

Il semble raisonnable de considérer le Ça comme source libidinale et le Soi comme source existentielle. En ce sens le Ça va vers ce qui l’entoure pour s’en servir et le Soi va vers les êtres pour les rencontrer.

Les deux sources

Nous avons vu que la "libido vers Soi"  c’est le narcissisme. D’ailleurs cela s’appelle libido narcissique. Nous avons vue, que la libido allant vers l’extérieur est dite se tourner vers des « objets ». D’ailleurs nous l’appelons libido objectale. Dans ce dernier cas, les autres sont considérés comme des objets…et cela reflète parfaitement le projet du Moi qui n’est pas de rencontrer, mais de profiter.

Il convient pourtant de remarquer qu’un individu peut tout de même se tourner vers l’autre pour le rencontrer et non pour assurer un profit. Dans ce cas (où l’être qu’est l’individu est vraiment considéré), nous parlerons non plus de flux libidinal, mais de flux existentiel. Et la source de flux ne peut plus être le Ça. Nous la reconnaîtrons dans le Soi. Le Ça et le Soi étant tous deux des sources, cela peut expliquer qu’on les ait parfois confondus (comme en traduisant maladroitement « Das Ich und das Es » par le Moi et le Soi).

Ces sources de natures différentes, pour ne pas dire opposées, jouent probablement toutes deux un rôle majeur dans la maturation d’un individu. Alors que le Surmoi était une prothèse de conscience, le Soi semble être une conscience à part entière. Le premier venant temporairement supplanter le second encore en devenir (et pourtant déjà présent en tant que projet)

Un individu peine ainsi à passer de son immaturité initiale à la maturité qui fera de lui un humain à part entière. Mais le cheminement semble se réaliser de toute façon et quand un praticien en psychothérapie accompagne un individu en souffrance psychique, il se doit de comprendre ces phénomènes afin de ne pas ramener vers le Ça un patient qui tend vers une évolution du Soi. Il prendra soin de ne pas renarcissiser (de ne pas ramener vers le Moi) quelqu’un qui est en train de lâcher son ego pour développer le Soi. Il prendra soin de ne pas combattre les inhibitions engendrées par un Surmoi assurant la sécurité en attendant le développement du Soi. Un praticien en psychothérapie se devra de ne pas confondre la source existentielle et la source libidinale, car prendre l’une pour l’autre peut conduire à causer des dégâts.

Par exemple : On peut malencontreusement inviter une jeune femme à prendre de la distance avec sa mère pour se construire. On croit ici qu’il faut stopper un flux libidinal (de besoin) entre elles. Ceci est partiellement vrai, mais peut être dangereux si on ne sait pas, en même temps, qu’elles doivent remplacer le flux libidinal par un flux existentiel. C’est à dire qu’elles n’ont pas besoin d’être distantes, mais juste d’être distinctes afin de se rencontrer vraiment (et sortir des images idéalisées imago). Elles ne sortiront de la fusion qu’en devenant distinctes (et non distantes) et en permettant que le flux existentiel s’écoule librement entre elles. Si maladroitement on les invite à la distance, il n’y aura plus de flux libidinal, mais il n’y aura pas non plus de flux existentiel. Le vide qui en résultera sera source de beaucoup de douleurs engendrées par cette maladresse thérapeutique. Le domaine psy peut aussi, hélas, parfois produire des souffrances iatrogènes (iatrogène : engendrée par le soignant et n’ayant rien à voir avec la pathologie initiale du patient).

Un tout en devenir

Cette notion de « personnalité toute entière » abordée par Jung est très touchante car l’expérience clinique semble vraiment montrer cela quand on aide des personnes en psychothérapie. C’est du moins l’expérience que j’en ai avec l’approche maïeusthésique décrite sur ce site 

Voir les publications d’avril 2004 « Communication thérapeutique » pour l’approche elle-même et de mars 2005  « Libido amour et autres flux » pour la situer parmi d’autres approches existantes)

Dans son ouvrage « Le développement de la personne » Carl ROGERS nous rapporte le cas de Mrs Oak qui semble en être l’illustration. Il rapporte les propos de sa cliente  p58 :

« Mais vous savez, l’idée qui me vient tout le temps : c’est que tout ça c’est exactement comme si j’essayais de mettre ensemble les morceaux d’un puzzle. Pour l’instant, il me semble, je suis en train d’examiner des petits morceaux qui ne veulent vraiment pas dire grand-chose. Je les tiens simplement en main, je n’arrive même pas à voir le dessin. C’est ça l’idée qui me vient tout le temps. Et ça m’amuse parce qu’en fait je déteste les puzzles. Ça m’a toujours énervée. Mais c’est l’idée qui me vient. Je veux dire que je ramasse des petits morceaux de puzzle (ici elle joint le geste à la parole) qui n’ont absolument aucun sens, sauf de sentir que vous tenez dans la main des morceaux sans voir où il faut les mettre, mais rien qu’à les sentir comme ça, je me dis : ça va probablement aller quelque part. »…. et p59 « En même temps j’ai le sentiment d’être très objective et cependant je n’ai jamais été aussi proche de moi-même »… « …je ne suis pas en train de faire un puzzle comme quelque chose dont j’aurais vu l’image. Peut être que j’aimerai rester là à sentir simplement comment ça se  passe. Ou en tout cas que je suis en train d’apprendre quelque chose. »…. « …nous faisons des petits morceaux, nous ne sommes pas débordés, ou  hésitants, ou soucieux, ou, très intéressés quand… quand les aveugles apprennent à lire avec les doigts, le Braille… »  puis p.60 « Je suis venue pour résoudre des problèmes, et je me mets simplement à faire l’expérience de moi-même ».

Ce chapitre a malencontreusement été nommé « Expérience immédiate du Moi potentiel » alors que Mrs Oak parle ici d’une expérience du Soi potentiel. Mais peut être cela vient-il de la traduction, car C. Rogers est vraiment un thérapeute basé sur l’existentiel et la traduction du titre de son ouvrage « Counseling and psychotherapy » par « relation d’aide et psychothérapie » marque déjà une profonde déformation. « Counseling » dans le sens de « tenir conseil » ne signifie pas « relation d’aide », surtout quand on sait que « relation » signifie « relié » et  amène de l’« affectivité ». Ces nuances entre "relation", "communication" et "aide" sont largement abordées dans les documents de ce site:   « Communication thérapeutique » (avril 2004) et   « assertivité » (septembre 2001)

Constitution de la psyché

Un individu semble constitué de celui qu’il est, de tous ceux qu’il a été depuis qu’il existe… et de tous ceux dont il est issu.

Les parts de Soi ont tendance à se rassembler pour constituer l’intégrité d’un individu. Celui qu’il est, tous ceux qu’il a été et de ceux dont il est issu sont ainsi assemblés dans une structure plus ou moins stable.

Dans cette idée de structure psychique, nous retrouvons l’idée de topique du départ, une sorte de représentation spatiale comportant plusieurs éléments. 

Il s’agit ici cependant d’une  nouvelle topique, différente de celles de Freud: celle-ci est une topique existentielle faisant intervenir plusieurs parties du Soi, alors que la deuxième topique de Freud est une topique libidinale faisant intervenir le le Moi et ses prémices. 

Ces éléments du Soi sont donc portés à s’assembler, mais les parts douloureuses tendront à être évitées. Nous aurons ainsi une pulsion qui rassemble (ce qui est intégrable) et une pulsion qui éloigne (ce qui, ayant trop souffert, n’est pas intégrable), laissant ainsi des vides, ou au moins de fractures, dans la structure.

Pulsion de vie et pulsion de survie

J’ai nommé la pulsion qui rassemble « pulsion de vie » et la pulsion qui éloigne « pulsion de survie ».

Il semblerait que la pulsion de survie consomme de l’énergie pour maintenir à distance les parts de Soi dont on ne veut pas et que la pulsion de vie tende toujours à les rapprocher, sans y investir d’énergie. Je comparerai cela à l’action de la pesanteur : Il faut de l’énergie pour envoyer quelque chose en l’air loin de soi. Il n’en faut aucune pour que ça retombe ! La pulsion de survie consomme beaucoup d’énergie pour rejeter, pour maintenir à distance. La pulsion de vie n’en consomme aucune pour rassembler, comme si une pente naturelle produisait ce phénomène de rassemblement et que l’énergie n'était investie que pour s’y opposer.

Nous avons ainsi d’un côté la libido comme réservoir à énergie (conduisant la dispersion) et de l’autre l’existentiel comme moyen d’accès à l’équilibre (conduisant l’attraction)

La psychanalyse a parlé de pulsion de vie en parlant de la libido et de pulsion de mort en parlant de ce qui désassemble. Pourtant la libido éloigne de l’autre (pas de considération pour autrui, juste attiré pour un profit). La dispersion, assimilée par la psychanalyse à Thanatos, semble mal nommée également car elle assure la survie. Maintenir à distance ce qui fait mal pour pouvoir continuer à avancer sans trop souffrir ne ressemble pas à la mort mais à une stratégie de vie : assurer la survie de ce qui reste, afin de pouvoir poursuivre son processus de maturation, ressemble à une ingénieuse stratégie qu’on ne peut assimiler à la mort. Il est néanmoins réel que la pulsion de survie aimerait faire en sorte qu’on puisse se débarrasser de ces parts de Soi douloureuses.

Les notions de pulsion de vie et de  mort, du point de vue de Freud,  sont par exemple explicitées dans l’ouvrage Les névroses, l’homme et ses conflits (TCHOU1979) p143. « Si on se réfère à la dualité pulsionnelle Instinct de vie/Instinct de mort,  introduite précisément par Freud,  dans Au-delà du principe de plaisir, la liaison serait en rapport étroit avec Eros qui cherche à établir des unités toujours plus grandes, tandis que la déliaison serait, elle en rapport avec Thanatos, dont le but est de désintégrer les ensembles, de briser les liens »

Même si la symétrie vie/mort semble attirante pour un fondement théorique, je n’y retrouve pas mon expérience clinique. Il apparaît plutôt que la mise à distance permette d’attendre la maturation qui, ultérieurement, rendra possible l’intégration.

Pourquoi intégrer ce qui a été douloureux ?

Il est légitime de se demander pourquoi il ne faudrait pas plutôt se débarrasser de ce qui a été douloureux. En réalité, pour comprendre cela, il faut clarifier la différence qu’il y a entre ce qui est arrivé (le circonstanciel, l’événement parfois horrible) et celui qui l'a vécu (l’existentiel, l’individu de valeur toujours inestimable).

Il ne s’agit jamais de retrouver, ni d’intégrer l’événement qui s’est produit, ni de retourner dans le passé, mais de donner enfin une place d’honneur en soi, à celui que nous avons été. Pour cela il convient de ne plus mêler l’individu qui a vécu l’événement à l’événement lui-même. C’est cette confusion entre l’événementiel et l’existentiel qui rend la pulsion de survie exagérément persistante (au point de ressembler à une pulsion de mort) et nous fait vouloir oublier ce qu’on a été.

Pourtant, quand par exemple des chaussures nous ont fait mal aux pieds au cours d’une longue marche, il importe plus de s’occuper de ses pieds que de ses chaussures. Le soin aux pieds est primordial. De la même façon il convient de s’occuper de l’être qui a vécu l’événement et surtout pas de ressasser cet événement pour se débarrasser de je ne sais quoi. Sinon, cela reviendrait à un marcheur qui manipulerait sans cesse ses chaussures (ou les jetterait) en oubliant de s’occuper de ses pieds meurtris ! Ne faisant pas la différence entre ses pieds et ses chaussures, il jetterait même les pieds avec les chaussures. Il est souhaitable de bien comprendre que l’événement est passé, alors que celui qui a souffert est toujours en nous et en attente qu’on s’occupe de lui. Or cela est impossible tant qu’on l’assimile encore à ce qui est arrivé.

Les manifestations de rejet ou de rencontre se déroulent entre les différentes parts de Soi, de la même façon qu’elles se produisent avec le monde extérieur : profit, évitement, rejet, pouvoir…. ou au contraire rencontre.

La structure psychique (topique existentielle) s’assemble ou se désassemble. Je peux ainsi me demander quel rapport j’entretiens avec ceux que j’ai été dans ma vie (et ceux dont je suis issu, mes ascendants). Est-ce que si je devais les rencontrer, je leur donnerais volontiers une place d’honneur (pour ne pas dire d’amour), ou préfèrerais-je les oublier (pour ne pas dire les détruire)?

C’est ce qui fait que pour répondre à l’interrogation du Dr John PRESTON cité au début du document « que dois-je faire maintenant ? » il s’agit souvent de permettre au sujet en consultation de réaliser une sorte de psychodrame mental, à l’aide de son imaginaire, dans lequel il  « rencontre » et « écoute » ceux qu’il a été, en prenant soin de ne pas les confondre avec ce qui est arrivé. Je ne détaillerai pas plus ce processus thérapeutique ici puisqu’il est largement développé avec de nombreux exemples concrets dans le document d’avril 2004 « Communication thérapeutique ».  

Equilibre des deux flux retour

Structure psychique, Vie et Energie

La structure psychique semble donc devoir satisfaire à deux types d’écoulements de flux : le flux libidinal et le flux existentiel, qu’on pourrait aussi qualifier de flux d’énergie pour l’un et de flux de vie pour l’autre.

Ici également il convient d’apporter une précision sémantique. Souvent nous confondons à tort les notions de "vie" avec celles "d’énergie". C’est sans doute ce qui conduit aussi à mal différencier l’existentiel et le libidinal. L’énergie  a pour étymologie le grec erg (idée de travail) et le préfixe en (dedans), energia signifiant activité et ergon travail. Nous voyons clairement que ce mot désigne le « faire ». Or quand nous parlons de vie devons nous parler de « faire » ou « d’être » ? 

Notons que de par sa dénomination "dynamique", la psychothérapie psychodynamique "dit" s'occuper des forces et de l'énergie (libido), plus que de l'existentiel (vie). Quand Jung parle du Soi et de l'individuation, il étend donc la psychanalyse au delà du champs de la psychodynamique.

Il est courant d’évoquer les trois bases que sont « être, faire, et avoir » et vous remarquerez qu’on les énonce toujours en plaçant « être » en premier (un peu comme dans une phrase où le sujet est avant le verbe, qui est lui-même avant le complément). Si l’on éprouve le besoin de faire cette distinction c’est qu’il s’agit de nuances très différentes :

Être : L’acteur, le sujet… c’est l’individu, l’être
Faire : L’action, le procès (processus)… c’est ce que le sujet met en œuvre
Avoir : L’avoir, c’est ce qui résulte du procès et dont le sujet peut ensuite disposer. Il semble qu’Être soit la source du faire et de l’avoir et que les trois soient bien distincts. Nous pourrions énoncer que l’énergie c’est FAIRE et que la vie c’est ÊTRE.

Le flux libidinal (énergie) se trouve donc vraiment différent du flux existentiel (vie). L’un procède du monde des objets et l’autre du monde des sujets. D’ailleurs tout le discours psychanalytique dit bien que le flux libidinal va vers un objet (en parlant de l’autre vers lequel il est dirigé). Même les discours psychologiques parlent souvent de l’attention se portant sur un objet (pour nommer l’autre vers qui nous portons notre attention). Il semble vraiment que la façon de nommer les phénomènes soit plus orientée vers la notion d’objet que vers celle de sujet.

Ceci prend une nouvelle nuance avec la psychologie existentielle où l’on parle "d’individu", de "sujet", "d’être au monde", " d’être là". Nous trouvons cela avec des praticiens comme Carl Rogers, Rollo May, Ludwig Biswanger, Karl Jaspers. Certainement que ces deux types de flux (existentiel et libidinal) sont importants et il convient de ne pas les confondre, ni d’en délaisser un pour sacraliser l’autre.

L’écoulement libidinal : flux d’énergie

Avec la libido, nous avons donc un flux vers des « objets ». Ce flux est une énergie venant du Ça, gérée par le Moi et régulée par le Surmoi. Il assure la survie en jouant sur les notions de profit ou d’évitement. L’autre n’y est pas reconnu en tant qu’individu. Il n’y est qu’instrumentalisé pour un profit ou évité pour échapper à un désagrément. Ce flux ne permet pas de rencontrer vraiment autrui, ni soi même. Il a un rôle de compensateur des vides, encore présents dans la structure psychique en devenir. Chaque fois que ce flux se met en œuvre, il y a consommation d'énergie.

Ce flux permet de poursuivre la vie malgré de nombreux manques existentiels et d’avancer vers un plus de maturité au fur et à mesure des années. Des parts d’être continuent de s’assembler pendant que certaines sont évitées. La structure psychique en devenir se construit ainsi progressivement mais avec un coût énergétique (celui de l’évitement et de la compensation). Ce coût énergétique est parfois d’autant plus intense que la pulsion de vie (existentielle) pousse dans l’autre sens : rassembler ce qui est dispersé par le Moi.

L’évitement est curieusement, et heureusement, compensé par les besoins venant aussi du Moi. Combien de personnes sommes nous amenés à rencontrer dans notre vie, plus par besoin que par volonté de les fréquenter. Par exemple il peut y avoir des collègues, patrons, ou collaborateurs qu’on supporte juste parce qu’on a besoin de travailler. Grâce à ce besoin (qui ne contient aucune générosité de notre part) nous sommes alors amenés à fréquenter (et peut être découvrir) des êtres vers lesquels nous n’aurions jamais pensé aller spontanément ! Cela nous amène à rencontrer le monde… un peu plus. 

Nous avons aussi ce phénomène, quoi que beaucoup plus subtile, dans le couple. Dans l’état amoureux initial, chacun est animé par un grand besoin de l’autre. Ce besoin est aveugle à la réalité et fait se côtoyer et s’unir des individus qui, la plupart du temps ne sont pas encore capables de se rencontrer, de s’accueillir et de s’apprécier dans ce qu’ils sont vraiment (ils s’idéalisent plus qu’ils ne se rencontrent). Ce n’est que quand l’état amoureux cessera que l’amour prendra toute sa dimension : soi-même tel qu’on est, face à l’autre tel qu’il est. L’amour au départ n’est que potentiel et le besoin initial lui permettra de se réaliser ultérieurement, si la maturation fonctionne bien. Ce thème a longuement été développé sur ce site dans la publication de février 2001 « Passion »

L’écoulement existentiel : flux de vie

Avec le flux existentiel nous avons un flux vers des êtres (vers des sujets). Le flux libidinal allait vers « quelque chose » (l’autre était vu comme un objet), le flux existentiel va vers « quelqu’un » (l’autre est vu comme un individu, un être). Ce flux est un flux de vie venant du Soi et tentant de rassembler un ensemble fragmenté par les pulsions de survie.

Puisque nous parlons ici d’existentiel, d’être et d’exister, quelques précisions sémantiques sur ces termes seront les bienvenues :

Exister : En latin nous avons ex-sistere (ex l’extérieur, sistere se tenir, être). Donc « être à l’extérieur ». Puis en grec nous avons ek à l’extérieur, sta position station, stabilité… qui a donné le mot « extase ». Littéralement, « être à l’extérieur » également. Les psychologues existentiels parleront « d’être là », d’être au monde ». Exister, c’est donc « être au dehors ». 

Nous remarquerons que « être présent » est aussi une expression intéressante. Elle signifie que nous savons « être là », dans l’instant et dans l’espace (le fameux ici et maintenant)… mais c’est aussi  étymologiquement praesens (latin),   c’est à dire « être devant » avec prae signifiant devant. Nous avons aussi essentia : le fait d’être.

Comment exister peut il signifier « être au dehors » ? Nous connaissons tous l’expression « je suis hors de moi » à tort assimilée à « être hors de soi ». Nous pourrions la préciser en disant « être hors du Moi ». Le Moi étant du paraître, il semble possible que pour « être plus » il soit nécessaire de sortir du paraître, sortir des personnages que nous jouons, sortir des statuts et des imagos. Pour être plus Soi, être moins dans le Moi.

Il s’agit donc d’une disposition particulière de la psyché qui se « dévoile » au sens littéral du terme. D’une part le flux existentiel est, pour le Soi, une façon « d’être au monde » ; d’autre part le flux libidinal est, pour le Soi qui ne sait pas encore être au monde, une source de survie. Le Moi, est ainsi pour le Soi, une façon temporaire « de ne pas être au monde » (il tient compte du monde pour s’en servir, pas pour le rencontrer. Il ne fait que l’instrumentaliser)

Il est toujours étonnant de découvrir à quel point les mots contiennent déjà tellement de renseignements. Ils sont souvent le reflet de phénomènes psychologiques perçus sans doute inconsciemment dans chaque culture. Il semble peu probable que les mots ne soient que le fruit d'une construction intellectuelle ou d'un hasard sur lequel on se serait ensuite accordé. Quand on parle des mots comme d’un code conventionnel… on néglige un peu rapidement les trésors de pertinence qu’ils contiennent. De plus, la communication c’est 93% de non verbal… et 7% de sémantique... vu ce que chaque mot contient, l’ensemble est encore plus riche qu’on se l’imagine !

Ce flux existentiel peut s’écouler de soi vers autrui, mais en psychothérapie, il devra aussi s’écouler de soi vers les différentes parties du Soi. Vous vous souvenez que la structure psychique est constituée de trois zones : celui qu’on est, tous ceux qu’on a été et ceux dont on est issu. Il importe que le flux existentiel s’écoule librement entre ces différentes localisations de la psyché.

Une régulation inconsciente mais lucide

Quand le flux existentiel ne peut s’écouler entre deux parties du Soi (par exemple celui qu’on est et l’enfant qu’on a été), la pulsion de survie fournit l’énergie nécessaire pour la mise à distance. Elle fournit aussi des moyens de compenser le manque qui en résulte, par l’utilisation de ce qui nous entoure (les choses et les êtres). Nous trouverons ici les multiples situations libidinales du Moi, canalisées avec plus ou moins de bonheur pas le Surmoi.

Des symptômes d’inconfort (parfois certaines psychopathologies) apparaissent ultérieurement, spécialement pour interpeller sur ce manque et permettre de retrouver cette part du Soi, afin de lui accorder la place qui lui revient dans la structure psychique. Ces symptômes sont produits par le Soi tentant de restaurer son intégrité. Cette notion de symptômes « spécialement pour » et non « à cause de » est essentielle pour répondre à l’interrogation du Dr Preston « maintenant que dois-je faire ? ». 

Quand on croit que le symptôme existe à cause d’une mauvaise situation vécue, on tendra à chercher à en libérer le sujet. Quand, au contraire, on perçoit que le symptôme existe spécialement pour restaurer une part du Soi, on tendra à la retrouver et à la réhabiliter. On fera cela d’autant mieux qu’on saura différencier l’événementiel (mauvais) de l’être qui l’a vécu (toujours de grande valeur). Je ne développerai pas plus ici ces notions largement explicitées dans la publication d’avril 2004  « communication thérapeutique »

Un tout réalisé

Le Soi va vers une complétude que Jung appelait « individuation ». 

Il dit dans Ma Vie p457 « On pourrait donc traduire le mot d’individuation par réalisation de son Soi ». Il définissait également la névrose comme un « état de désunion d’avec soi même » p459.

Cette désunion produite, puis compensée,  par le flux libidinal, trouvera médiation avec le flux existentiel , comme un flux de vie qui se rétablit entre différentes parties du Soi. Une sorte de guérison d’un « infarctus » de la psyché qui obstruait le passage du flux existentiel. 

Au départ le Moi désunit énergiquement les parts du Soi  non intégrables (énergie de répulsion).  Puis il provoque un besoin qui l'attire et l'oblige à s'approcher d'objets (énergie d'attraction) pour compenser les manques engendrés par la répulsion. Enfin le Soi produit des symptômes qui attirent l'attention vers les parts d'être à restaurer tout en remettant en cause les compensations (décompensations). Si tout se passe bien, le passage du flux existentiel est rétablit. Ce flux de vie correspond plus à une ouverture qu'à une énergie.

Objectal et Existentiel retour

Nous sommes donc en présence de deux flux de nature différente souvent mal différenciés. Ils concernent deux mondes très distincts : le monde des objets  concernant les choses (monde objectal), et le monde des sujets  concernant les individus, les êtres (monde existentiel).

Le monde des objets

Le flux libidinal est celui qui constitue l’énergie psychique et qui se projette vers l’extérieur,  non pour le rencontrer mais pour en profiter. Quand cet extérieur est sa cible, cette cible est nommée « objet ». La libido se tourne  toujours vers un « objet ». Ne dit-on pas « l’objet du désir » ou même « l’objet de notre amour ». Il est pourtant curieux  qu'en psychanalyse on parle d’amour objectal pour dire que la libido s’est tournée vers quelqu’un. Vu que dans ce type d'attraction l’autre est considéré comme un objet, le mot « amour » trouve ici une curieuse utilisation. 

La psychanalyse peine à désigner autrui comme un "sujet". Pourtant, Patrick JUIGNET, dans son manuel de psychopathologie psychanalytique p541, donne la précision suivante: 

"Nous distinguerons fermement l'objet, élément de la structure psychique, du référent objectal, la personne concrète à laquelle le sujet s'adresse". 

Ce qui est appelé objet n'est donc plus ici ce qui est extérieur à soi, mais la représentation intérieure qu'on s'en fait. Il est donc clair que le flux libidinal va alors vers l' image qu'on a de l'autre (image qui est un objet, une représentation qu'on a en nous), et non vers l'autre lui-même (qui est un sujet, qui est une présence extérieure à nous). Cela aurait pu nous apporter un début de réponse, 

Cependant, Patrick JUIGNET, dans son ouvrage, n'évoque généralement pas l'autre en terme de sujet.  Il y explique clairement que le développement narcissique et le développement objectal se poursuivent en parallèle, en même temps que s'opèrent des phases structurantes p68-83. Il nous précise même qu'à la dernière phase  de la psychogénèse de l'enfant (phase de reprise et d'achèvement de l'adolescence) , le référent objectal est perçu comme un sujet qui possède une altérité vraie (p80).  Mais il considère le Soi comme "source d'illusion et de méconnaissance de soi-même" p47. Même s'il reconnaît au Soi son rôle d'unification et de synthèse (individuation), il l'estime construit avant tout par des ressemblances à autrui, s'inspirant plus de l'image des autres que d'une intuition de celui qu'on est. Il le réduit donc ainsi à une "photo" bâtie sur les "objets environnants (imagos)" et il n'y est jamais question du Soi en tant qu'individu, en tant que sujet (comme nous l'avons lu plus haut dans l'exemple de Mrs Oaks avec Carl ROGERS). 

Nous remarquons ici, encore une fois, qu'il s'agit donc avant tout d'une théorie s'appuyant essentiellement sur la notion "d'objet" et d'énergie (libido) et où celle de "sujet" et de vie (existentiel) sont absentes. Curieusement,  dans la notion de flux libidinal dirigé vers l'extérieur (objets)  nous ne voyons alors en fait qu'un flux dirigé vers des représentions intérieures de ce qui nous entoure. Comme si la libido objectale n'était qu'une variante de la libido narcissique, mais au lieu de se diriger vers une représentation de soi, elle se dirige vers une représentation d'autrui...  dans le deux cas  ce ne sont que des représentations qu'on a en soi. L'autre (le référent objectal) n'est pas rencontré vraiment, pas plus que soi-même (celui qu'on est). A ce titre, nous prendrons soin également de différencier, dans le rapport avec soi-même, "s'admirer" et "s'aimer". Le premier est narcissisme libidinal, alors que le second est individuation existentielle. Comme le souligne Jung dans une phrase déjà citée plus haut:

« Je constate continuellement que le processus d’individuation est confondu avec la prise de conscience du Moi et que par conséquent celui-ci est identifié au Soi, d’où il résulte une désespérante confusion de concepts. Car, dès lors, l’individuation ne serait plus qu’égocentrisme ou auto érotisme » Ma vie p 457

La notion de sujet et d'objet doit donc être clairement précisée. En réalité,  pour un objet on a de l’intérêt, alors que pour un être on a de l’amour ou, plus simplement, de l’attention. Il est toujours étonnant de trouver ces imprécisions sémantiques qui sont autant de sources de confusion.

Le monde des objets concerne le relationnel. La notion de relation est souvent confondue à tort avec celle de communication2 . Au point même qu’on pense souvent qu’être relationnel est plus chaleureux qu’être communiquant. Pourtant la relation relie, attache, génère de l’affectivité, ne nous fait que projeter sur l’autre ce que nous imaginons…. Elle ne s’occupe que de l’information pour en profiter ou pour la combattre. Les relations conflictuelles, amoureuses, professionnelles… sont des genres différents d'une même propension à privilégier l’objet par rapport au sujet. Bien sûr nous y trouvons toute la dimension libidinale.

C’est sur ce registre que se dérouleront le fait de convaincre, d’imposer, de posséder, de dominer, de manipuler ou de fuir. Je ne développerai pas trop en détails ces notions de relation et communication longuement explicitées sur ce site dans la publication de septembre 20012 

1 - Manuel de psychopathologie psychanalytique – Patrick Juignet  Presse Universitaires de Grenoble – 2001
2 - voir sur ce site la publication de septembre 2001 
"Assertivité"

Le monde des sujets

Le flux existentiel est celui qui constitue la vie, et qui s’écoule vers l’extérieur pour rencontrer et non pour profiter. De la même manière il peut se tourner vers l’intérieur,  vers des parts du Soi, mais de façon non narcissique. Le narcissisme, c'était le flux libidinal vers le Moi, dans le projet de compensations de manques de Soi, par autosatisfaction, alors qu'ici il s'agit du flux existentiel vers le Soi dans le projet d'individuation, de plénitude (remplir ses vides et non plus les compenser). Nous prendrons soin de bien différencier le flux libidinal vers le Moi, qui donne le narcissisme et le flux existentiel vers le Soi qui donne l'individuation.

Le projet, ici, est alors de rétablir, la circulation existentielle entre différentes parts du Soi, entre lesquelles elle avait été interrompue. Une façon de « rassembler ses esprits », une façon de se rencontrer et surtout pas de s’utiliser ou de s’admirer à des fins d’autoprofit ou de compensations.

Si la notion d’amour objectal n’avait pas plus de sens que de parler des « coins du cercles » (les mots ne vont vraiment pas ensemble), celle d’amour existentiel prend tout son sens. Par contre on ne pourra pas parler d’intérêt existentiel, puisque le mot « intérêt » est réservé aux choses.

On peut se demander s’il est nécessaire d’être aussi pointilleux sur le langage ? Il est certain qu’il vaut mieux de la considération avec de mauvais mots, que de la manipulation avec des mots exacts ! Rien n’est pire que l’habileté intellectuelle au service de la manipulation.

Pourtant, pour énoncer des idées précises, l’emploi de mots inexacts amène des confusions. C’est un peu comme pour un outil de bricolage. Par exemple peu importe le tournevis pour une vis standard. Mais quand il s’agit de resserrer ses branches de lunettes, il faut un outil approprié. Nous trouverons aussi des vis cruciformes… et de différentes tailles ! Sans l’outil adapté on abîme soit la vis soit l’outil. Il en va de même des mots. Quand ils sont inexacts, nous risquons d’abîmer les idées que nous essayons d’échanger quand celles-ci comportent de subtiles nuances. Nous arrivons aussi à abîmer les mots à force de mal les utiliser.

Dans cette zone existentielle,  il ne s’agit plus d’objets (ni extérieurs, ni intérieurs), mais de sujets, d’individus, d’êtres. Le quelque chose y est toujours moins important que le quelqu’un. 

Ce sera le monde de la communication où les interlocuteurs comptent plus que les propos. L’état d’ouverture, fait que l’information y passe mieux, alors que, paradoxalement, celle-ci est mise au second plan par rapport aux interlocuteurs. Cela s’explique simplement par le fait que, pour que l’autre nous entende, il faut d’abord qu’il existe, et que pour qu’il existe, il doit d’abord à nos yeux, plus compter que les choses.

Cet énoncé qui semble une évidence se trouve aussi dans les soins psychologiques : qu’est ce qui mobilise l’attention du thérapeute ? Est-ce l’objet pathologique à guérir ? Est-ce le sujet souffrant de cette pathologie à rencontrer et entendre ? Tout est là. Quel est l’axe de notre attention ? L’être ou la morbidité ? 

Karl JASPERS nous interpelle sur le fait que si les buts sont clairs dans la médecine somatique, il en va tout autrement quand on aborde les soins psychiques : « Mais aussitôt que nous voulons agir sur l’âme de l’homme, la clarté du but disparaît. Nous devons même nous demander consciemment, lorsque nous voulons éviter de prendre des dispositions confuses ou indifférentes : Qu’est-ce que nous voulons vraiment atteindre ? » (Psychopathologie générale p518)

Jean-pierre Chartier, cité au début de ce document nous propose : « Mais plus encore, en faisant des symptômes névrotiques, non plus un stigmate de je ne sais quelle dégénérescence nerveuse, mais un message énigmatique adressé à l’autre et du délire une tentative de guérison fondée à l’origine sur un élément de réalité, Freud positionne la maladie au cœur de la psyché, comme un langage qui cherche à dire la vérité de l’être » Guérir après Freud p 29 et « Doit-on traiter les symptômes d’une maladie mentale hypothétique ou soigner quelqu’un qui souffre de sa psyché ? »p30

Ces notions sont détaillées sur ce site dans la publication d’avril 2004 « communication thérapeutique »

Situations concrètes de la vie, 
entre le Moi et le Soi

Nous rencontrons dans notre vie quotidienne de nombreuses situations où les échanges sont les résultats du Moi ou du Soi. Le plus souvent nous trouverons le Moi de l’un combattre le Soi de l’autre. D’autres fois ce sera le Moi de l’un qui combat le Moi de l’autre. D’autres fois encore le Moi de l’un utilisera (pour son profit) le Moi ou le Soi de l’autre. Enfin, dans des situations plus rares, le Soi de l’un s’adresse au Soi de l’autre 

Exemples de débuts de situations:

Le Moi de l’un contre le Soi de l’autre (le plus fréquent)

-Quand un enfant pleure et qu’on le prend dans ses bras pour le calmer, c’est du pouvoir contre son ressenti. Notre flux libidinal s’oppose à son expression. Il s’agit d’un pouvoir de notre Moi contre l’expression du Soi de l’enfant.

-Quand notre conjoint rentre du travail en nous parlant d’un conflit qui l’a blessé avec un collègue : si nous lui disons « ne t’en fais pas, il ne vaut même pas la peine que tu penses à lui ». Comme pour l’enfant, notre Moi s’oppose au vécu du Soi de notre conjoint.

-Quand un malade ne veut pas prendre ses médicaments et que le médecin lui explique pour quelle raison il devrait les prendre, ce dernier utilise le pouvoir de son Moi pour affaiblir le Soi du patient.

-Quand un enseignant explique à un élève qu’il peut mieux faire, il utilise son Moi contre le Soi de l’enfant qui éprouve une difficulté.

-Quand une personne âgée se plaint qu’on ne s’occupe pas d’elle, qu’on ne vient pas assez vite et  qu’un soignant lui répond « Je n’ai pas pu venir plus tôt parce que nous devions finir de préparer les médicaments », nous avons le Moi et l’intellect du soignant qui vient éviter le vécu du Soi du patient.

-Quand une personne se plaint d’être fatiguée et qu’on lui dit « tu n’as qu’à te reposer un peu ou dormir plus », notre Moi envoie un flux d’énergie contre l’expression du vécu de son Soi.

-Quand un thérapeute dit à son client qui ne dit pas certaines choses, ou ne se laisse pas aller dans les émotions « vous avez encore des résistances », il oppose le pouvoir de son Moi à la raison intime du Soi de son patient.

-Quand un thérapeute dit à sa patiente « vous serez bien obligée de devenir adulte quand vous n’aurez plus votre mère », par le pouvoir de son Moi, il détruit le Soi de la mère et celui de sa patiente ainsi que le flux existentiel qui devrait pouvoir s’écouler entre elles. Or, une telle situation chez la patiente, marque souvent plus le fait d’avoir manqué sa mère que d’en être trop proche.

-Quand une femme dit « je me sens un peu vieillir. Ça m’angoisse ! » et que sa meilleure copine lui dit avec un ton d’indignation « Mais pourquoi dis-tu ça. Tu es superbe ! », elle oppose l’énergie de son Moi à l’expression du Soi de son amie.

-Dans un couple, l’épouse disant à son mari lorsque le deuxième enfant quitte la maison pour aller suivre ses études : « tu sais, c’est vraiment difficile de voir les enfants qui partent de la maison. Ça me laisse un sentiment douloureux » Il lui répond « ce n’était pas si terrible quand le premier est parti. Et puis il faut bien qu’il fassent leur vie » Le Soi de l’une est invité à se taire par le Moi de l’autre

Le Moi de l’un contre le Moi de l’autre (assez fréquent aussi)

Quand un enfant reproche à son père « tu ne m’écoutes jamais » et que celui-ci répond « de toute façon tu n’es jamais là », c’est une bataille de leurs deux Moi

« Je trouve que tu pourrais faire un effort » reproche le premier. « Tu n’as qu’à le faire toi-même répond le second ». C’est aussi une bataille entre les Moi

Un professeur dit à un élève « vous ne faites jamais d’effort ». L’élève répond  « ce n’est pas ça, monsieur, mais le devoir était trop long » Le Moi de l’un argumente contre le Moi de l’autre.

Le parent d’un malade dit au soignant « vous pourriez vous occuper un peu mieux de lui, il ne mange pas assez ». Le soignant répond « mais vous savez, nous faisons tout ce qu’il y a à faire, il ne faut pas vous inquiéter comme ça » le Soi du parent étant inquiet, il utilise son Moi pour attaquer le soignant qui utilise le sien pour se défendre

Dans une réunion, une personne attaque son collègue « sur ce dossier tu aurais pu être plus précis, je n’ai eu que des ennuis avec le client » et le collègue lui objecte « Bien sûr c’est facile à critiquer, on voit bien que ce n’est pas toi qui a dû te débattre avec tous ces chiffres » Le Soi de l’un ayant été embarrassé, il utilise son Moi pour combattre l’autre, qui lui-même se défend avec son Moi. Les deux Soi s’ignorent mutuellement.

Le Surmoi de l’un et les deux Soi cachés.

Quand nous aimerions aller au cinéma et que nous n’y allons pas pour ne pas ennuyer notre conjoint qui n’aime pas ça, notre Surmoi adapte notre Moi pour satisfaire à celui de notre conjoint. Aucun des deux Soi n’existe ni n’est rencontré.

L’un aimerait bien dire à l’autre que la musique qu’il écoute le gène. Mais il se tait pour ne pas recevoir en retour un reproche. Juste après, à table il lui dit « tu pourrais finir ton assiette, pourquoi tu en laisses tout le temps ». Le Surmoi a contenu la première remarque pour éviter un reproche. Mais le Moi a débordé à table juste après.

Le Soi qui tente d’émerger

Quand un adolescent nous explique qu’on ne le comprend pas, il revendique la construction et l’existence de son Soi. Souvent il n’est invité qu’à l’élaboration de son Moi (plus de lutte) ou de son Surmoi (apprendre à s’écraser un peu) ou les deux à la fois : « Bien sûr qu’on t’entend. On n’entend même que toi. Tu râles tout le temps »

« Je me rends compte que j’hésite souvent à donner mon avis et à te dire ce que je ressens » dit finalement une femme à son compagnon après quinze années de vie commune. Lui : « Mais tu sais j’essaye de t’écouter au mieux. Je crois que je ne t’ai jamais empêché de dire ce que tu avais à dire ». Elle : « Justement, là, tu vois je ne sens pas que tu m’entends ». Il ajoute « je ne vois pas ce que je peux faire de plus ». Chacun revendique son ressenti à l’autre. Mais chacun n’étant pas prêt, le Soi ne reçoit pas, ni d’un côté, ni de l’autre. Il se contente de revendiquer son ressenti et l’envoi par l’intermédiaire du Moi comme une objection.

Le Soi de l’un qui s’adresse au Soi de l’autre

Quand un jeune dit « je ne sais pas si je trouverais du travail. C’est vraiment difficile en ce moment » et qu’il s’entend reformuler « Tu es vraiment très inquiet ? » nous avons là un Soi qui reconnaît et valide l’expression du Soi de l’autre.

L’un exprime sa colère « je n’en peux plus de toutes ces histoires », l’autre lui reformule « c’est insupportable à ce point ? » C’est aussi une validation du Soi

L’un dit « J’ai vraiment été très heureux de ce que tu as fait ». L’autre reformule « Ça a vraiment été très agréable pour toi ? ». Il se voit répondre que oui et ajoute. « Tu sais c’était vraiment avec plaisir ». Nous avons ici un échange simple ou chacun exprime son vécu sans effacer celui de l’autre.

Pour comprendre cette expression du Soi, vous pouvez lire les exemples de la publication de novembre 2002  « reformulation »

Rôle du Moi et du Soi dans l’exemple d’une situation phobique

Une personne ayant failli se noyer il y a dix ans a une phobie de l’eau depuis deux années. La phobie est donc apparue, alors que la situation antérieure ne semblait pas avoir laissé de trace pendant 8 années. Le Moi a su être assez fort pour mettre durablement de côté cette circonstance douloureuse (personnalité forte).  Puis la phobie est finalement apparue afin de retrouver la part manquante du Soi (spécialement pour cette réhabilitation).

Mécanismes préalables :

La mise à distance de la part de Soi qui a vécu la noyade avait été réalisée par le Moi (pulsion de survie). Par contre, le fait de la garder dans l’inconscient (et non de l’éradiquer) avait été accomplie par le Soi afin de ne pas la perdre, en attendant une opportunité de réhabilitation.

A l’occasion d’une baisse d’énergie (moment de faiblesse du Moi, fragilisation de la personnalité), le Soi peut enfin faire émerger le symptôme phobique qui sera le moyen par lequel on pourra revenir à cette part manquante.

Le projet global (perspicace, mais patient) est celui du Soi, qui tend à retrouver son intégrité afin de permettre une meilleure qualité d’individuation. Pendant ce temps, le Moi s’y oppose en tentant d’offrir un confort optimum par l’oubli  (identifié à tort à la pulsion de mort, alors que c’est plutôt une pulsion de survie). Mais le Moi a besoin d’énergie alors que le Soi n’en utilise aucune. La lutte est donc inégale car tôt ou tard le Soi aura une opportunité, lors d’un effondrement énergétique (libidinal)

Il peut y avoir plusieurs « décompensations » puis « recompensations »…. jusqu’au moment où :

Moment thérapeutique :

Le sujet arrivera à faire la différence entre les circonstances effrayantes (noyade) et celui qu’il était dans cette circonstance (l’individu qu’il était à ce moment). Il n’y a une peur d’y retourner que tant qu’on croit qu’il faut y retourner… En fait il ne s’agit pas de retourner au moment de la noyade, et encore moins de la revivre, mais juste de rencontrer celui qu’il était et qui a vécu cela afin de l’entendre, le soutenir, le reconnaître dans son vécu et de lui donner sa place dans la structure psychique.

Notions de Moi et de Soi hors des concepts psychodynamiques

De nombreuses souffrances psychologiques correspondent souvent au schéma ci-dessus (y compris en dehors des situations phobiques). La source ne vient donc pas forcément de l’enfance. Le ça, le Moi et le Surmoi, n’y concernent pas non plus systématiquement les étapes infantiles envisagées dans la psychodynamique.

Une situation psychothérapique se concrétisera plus souvent sur un schéma analogue au cas ci-dessus, que sur celui d’une étude de la sexualité infantile.

Psychothérapie et psychodynamique

Généralement les données de la psychanalyse appliquées à la psychothérapie conduisent à tenir compte des quatre éléments de la psyché que sont le ça, le Moi, le Surmoi et le Soi. Le plus souvent seuls les trois premiers éléments sont évoqués et quand le quatrième est présent, sa différenciation reste confuse. De plus, ils sont abordés avec, en toile de fond, l’idée de sexualité infantile et des stades du développement correspondants. Mais ceux-ci nous sont de peu d’utilité pour l’accompagnement d’un sujet en souffrance psychique et risquent même de laisser le praticien face à son client, avec cette question du Dr Preston « que dois-je faire maintenant ? ».

Ces stades sont, le « stade oral » (vers 17 mois), le « stade annal » (jusqu’à 4 ans), le « stade phallique » (jusqu’à 7 ans), suivis d’une « période de latence »  (jusqu’à 12 ans) précédant le « stade génital » (à partir de 12 ans). Les développements définis par la psychodynamique placent vers 3 à 5 ans le complexe de castration et le complexe d’Œdipe  pour les garçons ainsi que l’envie de pénis pour les filles. Le complexe d’Œdipe chez les filles étant plutôt identifié vers 12 ans.

Je ne prendrai donc pas la peine de détailler ici ces éléments. J’ai choisi d’utiliser dans ce document les notions de ça, de Moi, de Surmoi et de Soi de telle façon qu’elles puissent avoir directement une utilité en psychothérapie ou en compréhension de soi, afin de comprendre les enjeux à l’œuvre dans la psyché. Mettre l’accent sur la cohabitation des mécanismes libidinaux et des mécanismes existentiels m’est apparue, ici, plus important.

En effet, les stades de développement cités ci-dessus sont intéressants du point de vue de l’étude théorique des phases d’évolution d’un individu, mais l’expérience clinique m’a montré qu’ils n’apportent pas d’éclairage pour l’efficacité d’une psychothérapie dans laquelle le sujet a besoin d’une aide immédiate. Ce document n’apportant pas d’éléments sur ces stades du développement, j’invite le lecteur qui chercherait ce type d’information à se tourner vers un site  traitant principalement de la psychanalyse ou de la psychodynamique.

Que ce soit en tenant compte de ces notions, ou hors du champs de celles-ci, le lecteur qui souaite plus de détails au sujet de la psychopatholgie et de la psychothérapie peut lire la publication d'avril 2008: "Psychopathologie" et, pour des nuances particulirement innovantes en ce domaine, la publication de décembre 2008 "Le positionnement du praticien dans l'aide et la psychothérapie"

Synthèse

Pour reprendre l’ensemble de ce qui a été évoqué dans mon document, vous trouverez en annexe un tableau mettant en face de chacun des 4 éléments constituant la psyché, ce qu’il induit d’attitudes, de réactions, de comportements, d’ouverture, de fermeture…etc. Vous trouverez dans ce tableau des mots renvoyant à de nombreuses notions développées dans d’autres documents de ce site.

Une 2e annexe reprend les évolutions simultanées du Moi (ego)  et du Soi (individuation) sur le cours d'une vie. Ceci permet de bien visualiser le rapport entre l'évolution du paraître et celle de l'être (du libidinal et de l'existentiel)

 

 

Thierry TOURNEBISE

Annexe 1 retour

Les 4 éléments et leurs conséquences

Il importe de comprendre que les 4 éléments sont présents en permanence mais dans des proportions plus ou moins importantes, ne serait-ce qu’à titre potentiel, et exercent une influence sur les trois autres. En début d’existence le Ça prédomine, à maturité, normalement le Soi prédomine. Mais tout est toujours là.

Ça

Moi

Surmoi

Soi

Jaillir

Posséder

Contrôler

Rencontrer

Pulsions

Profit

retenue

Spontanéité

Vide

Optimisation
des profits et compensations

Régulation
avec l’environnement

Plénitude

Sans idées

Accusations

Culpabilisation

Responsabilité

Fusions
fausse proximité

Distances
fausse individuation

Inhibitions
fausse conscience

Distinct et proche
Conscience réelle

Inexistence de l’être

Paraître
être brillant

Paraître idéal
être parfait

Etre
exister

Faire compulsif

Faire calculé - Avoir

Etre

Narcissisme

Personnalité, statuts (faux Soi)

Présence

Se soulager

Utiliser ou éviter

S’ouvrir

Subir sa pulsion

Imposer - prendre

Proposer -recevoir

Désordre

Information et agitation

Individu, structuration

Source énergie
pulsion de plaisir

Survie
pulsion de survie

Source vie
pulsion de vie

Réactions (subies)

Manipulations

Actions (décidées)

Instinct

Savoir (intellect)

Connaissance (vécu)

Libidinal

Libidinal et objectal

Existentiel

Indifférence

Pouvoir
aide autrui avec pourvoir sur ses problèmes

Aide réelle

Fusions
dans le sens « indifférents »

Solutions1
dans le sens de « ruptures »

Médiations
rencontres

Sans pensées

Fermeture d’esprit (pensées fixes)

Ouverture d’esprit

Ignorance

Déni
Déni - Colère - Marchandage
rejet - transactions anxiolytiques

Reconnaissance

  Dépression – acceptation
lucidité - reconnaissance

Anesthésie
insensibilité

Emotivité
affectivité

Sensibilité
chaleur humaine

Energie

Vie

Relation
fuite, combat, manipulation

Communication
assertivité

1 En médecine, solution de continuité du segment osseux signifie fracture.                                      Thierry TOURNEBISE

 

Annexe 2 retour

Evolution du Soi et du Moi dans une vie

Voir également l'évolution des courbes du Soi et du Moi dans ma publication de juillet 2005  "Psychologie et violence dans le grand âge". au paragraphe Du Moi au Soi, de l'ego à l'individu. Vous y trouverez l'évolution de l'individuation depuis le début de la vie jusqu'à la sénescence (développement du Soi) ainsi que les situations de dérive quand l'ego reprend de l'importance en milieu de vie et conduit, malencontreusement, à un vide d'être dans le grand âge, aussitôt que le Moi n'a plus la ressource de compenser. 

Individuation réussie

 

Individuation manquée

Thierry TOURNEBISE


Bibliographie  retour

Ouvrages

14 approches de la psychopathologie - Serban Ionecu - NATHAN UNIVERSITE - 2004

Guérir après Freud Psychoses et psychopathies - Jean Pierre Chartier – DUNOD Paris 2003

Le Ça le Moi le Surmoi Freud Sigmund, Serge Lebovichi, et al -  Tchou 1978

L’écoute thérapeutique  Thierry TOURNEBISE    - ESF Issy-les-Moulineaux  2001

Le développement de la personne   Carl Rogers  Inter Editions  Dunod   Paris 2005

Les névroses, L’homme et ses conflits – Sigmund Freud et al – TCHOU, 2000

Manuel de thérapie brève intégrative John  Preston - Iner Edition-Dunod Paris 2003

Manuel de psychopathologie psychanalytique – Patrick Juignet  Presse Universitaires de Grenoble – 2001

Manuel de psychopathologie générale  Karl Jaspers  –Tchou, les introuvables - Paris 2000

Manuel de Psychopathologie Guy Besançon - Dunod  -Paris 2005

Ma Vie Carl Gustave  Jung  - Folio – Gallimard 1973

Psychologie existentielle Carl Rogers, Rollo May, Gordon Alport Herman Feifel, Abraham Maslow Epi Editeurs Paris 1971

Relation d'aide et psychothérapie - Carl Rogers - ESF- 1996

Dictionnaires psy:

Dictionnaire usuel de Psychologie – Norman Sillamy – BORDAS, 1983

Dictionnaire de Psychologie – Roland Doron ; Françoise Parot – PUF, 1991

Grand Dictionnaire Larousse de la psychologie LAROUSSE Paris 1997

Vocabulaire de la psychologie  Henri PIERON - PUF - Paris 1973

Vocabulaire de la Psychanalyse J. LAPLANCHE et J-B PONTALIS - Paris 1990 

Dictionnaires linguistiques

Hachette Langenscheidt. Dictionnaire français/allemand et allemand/français HACHETTE Paris 1995 

Harrap's chambers English dictionnary Edinburgh 2003

Harrap's shorter Dictionnaire anglais français et français anglais -édition 2006

Harrap's standard French and english dictionnary - London 1979

Larousse Chambers - anglais français et français anglais Paris édition 2003

Le ROBERT ET COLLINS  Dictionnaire Français anglais et  anglais français ROBERT Paris 1985 

Le ROBERT ET COLLINS senior  Dictionnaire Français anglais et  anglais français ROBERT paris 2006

Lexique trilingue des termes psychanalytiques (français anglais allemand)  MASSON 1997

Etymologie :

Dictionnaire étymologique de la langue française - O. Bloch ; W. Von Wartburg – PUF, 1989

Étymologies surprises  - Jean Bouffartigue ; Anne-Marie Delrieu – BELIN, 1981  

Le ROBERT  Dictionnaire Historique de la langue française -Alain Rey - ROBERT -Paris 2004

Trésors des racines latines – Jean Bouffartigue ; Anne-Marie Delrieu – BELIN, 1981

Trésors des racines grecques - Jean Bouffartigue ; Anne-Marie Delrieu – BELIN, 1981