Le paragraphe précédent (que vous avez lu ou que vous avez passé selon
votre choix) a mis l’accent sur le fait que, quelques
soient les circonstances,
la rencontre avec l’enfant reste le point clé. Les trois circonstances qui s’y
trouvent décrites sont heureusement rares, comparées au nombre de naissances.
Hors de ces circonstances, revenons à la situation naturelle et délicieuse
dans laquelle l’enfant a été conçu, porté, accueilli puis allaité. Il
reste à l’accompagner vers un plus d’existence toujours croissant.
Une étape quelquefois remplie de maladresses, involontaires où voulant aider
l’enfant, les parents (ou les autres) freinent quelquefois cette croissance d’être.
Le prendre pour l’entendre, pas pour le calmer
Valider les ressentis de l’enfant est très important. Quand celui-ci
exprime son inconfort (généralement par les pleurs) la tendance naturelle est
de le prendre dans les bras… pour le calmer!
Naturellement, il est très important d’être près de lui à chaque fois
qu’il en a le besoin. Mais si on le prend pour le calmer plus que pour l’entendre,
c’est involontairement nier ce qu’il exprime. Le problème n’est pas qu’on
le prenne dans les bras… ça, c’est plutôt une bonne chose ! Le
problème c’est quand c’est plus pour le calmer que pour l’entendre
Il est bon d’entendre son pleur comme l’expression d’un ressenti
profond. L’accent doit être mis sur le fait de prendre en compte ce qu’il
exprime. Entendre son pleur comme une conversation dans une autre langue. L’écouter
avec ouverture d’esprit et considération.
Il peut sembler curieux d’accorder tant d’importance à ce qui peut-être
n’en a pas autant ? En fait, l’expérience montre qu’en faisant cela,
on apaise mieux l’enfant qu’en voulant le calmer.
Cela continuera quand il grandira. Quand il se cognera et
pleurera, les
parents penseront à lui demander "Tu as mal?",
"Où t’es tu fait mal?"…etc pour valider ce qu’il
exprime plutôt que de lui lancer "Ce n’est rien, ne pleure
pas!"
Un enfant, dont on valide les ressentis, gagne de la confiance en lui et se
calme plus vite... alors qu’un enfant dont on nie les ressentis, ne peut plus
faire confiance à ce qu’il perçoit. Quand son ressenti est
validé, son apprentissage devient meilleur car il devient plus lucide et plus confiant.
Donner droit à la sensibilité, c’est donner la possibilité de percevoir
la vie et d'assurer une capacité d’ajustement et d’adaptation plus juste. C’est
aussi l’accompagner dans la découverte de soi et du monde. C’est le préserver de
trop de danger sans pour autant lui bloquer l’accès à l’expérience et
sans nier le ressenti personnel qu’il en éprouve.
Accompagnant leur enfant, la mère comme le père peuvent être excessifs. C’est
sans doute ce qui a conduit à quelques conseils de réserve du genre : ne
le prend pas trop, lâche le un peu, ne soit pas toujours après lui, laisse le
un peu respirer…etc.
Or il doit être clair que les parents n’auront jamais trop d’amour
envers leur enfant. L’amour, plus il y en a, mieux c’est, plus l’enfant
est heureux et chanceux. Mais il faut différencier l’amour de l’affectivité,
car l’affectivité, souvent il y en a trop… et cela est plutôt source de
perturbation, d’inconfort, de révolte, de souffrance.
Nous différencierons soigneusement l’amour (qui réchauffe) de l’affectivité
(qui étouffe).
L’amour est une considération reconnaissante et constructive d’autrui,
lui accordant liberté et ressentis personnels. L’amour accueille, ne nie
jamais, sécurise, réconforte. Celui qui le reçoit peut devenir de plus en
plus lui même en toute sécurité.
L’affectivité, elle, est l’expression d’un manque personnel qu’on
essaye de compenser au dépend de l’autre. Par exemple un parent, qui ne s’est pas
senti assez aimé par ses propres parents, attendra de son enfant qu’il lui
donne ce qu’il n’a pas reçu. Il voudra se sentir aimé par son enfant pour
recevoir ce qu’il lui a manqué. Ses actions, ses conseils, ses
gentillesses,
a priori destinées à l’enfant, ne seront alors en fait qu’une demande
déguisée rendant l’enfant redevable. Ce dernier ne se sentira alors pas le
droit de mener sa propre vie sans risquer d’offenser son père ou sa mère.
Cela contribuera à le retenir de vivre et à l’étouffer.
Il est important de comprendre que ce qui étouffe, ce n’est pas trop d’amour,
mais plutôt trop d’affectivité. Naturellement, là encore, les
situations sont rarement caricaturales et les deux sont inégalement mêlés.
Si en tant que parent nous nous découvrons un excès d’affectivité,
il ne s’agit pas de s’en culpabiliser, mais simplement de s’offrir une
rencontre avec soi-même pour combler les parts manquante de notre vie. Il
arrivera ainsi, que grâce à la venue de son enfant, le parent soit amené
aussi à s’occuper de l’enfant qu’il était lui même et qui est resté
en attente, en lui, depuis tout ce temps.
En venant au monde, un enfant fait ainsi à ses parents, en bonus, le cadeau
de les conduire à se mettre eux-mêmes au monde. Ainsi la famille est de plus
en plus complète!
Ceux qu’on a été et ceux dont on est issu, sont la base de celui qu’on est
et trouvent ainsi, grâce à nos enfants, une nouvelle opportunité de
réhabilitation, d’écoute et d’existence. Un cadeau inattendu… dont l’enfant
peut être fier et dont les parents peuvent lui être reconnaissants!
Ils
se donnent mutuellement plus de vie.
Thierry TOURNEBISE
Vous pouvez lire également le poème : "Instant
maternel"