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Une autre psycho-logique
...de l’objet vers le sujet
juillet 2010    -    © copyright Thierry TOURNEBISE

 

Quasiment toute notre pensée est basée sur une logique objectale (celle qui traite des objets, des choses, des faits) alors que pour approcher l’être humain nous avons besoin d’une logique subjectale (celle qui traite des sujets, des êtres, des ressentis).

L’une de ces logiques ne doit pas exclure l’autre, les deux ont leur importance. Pourtant, nous remarquons que l’aspect subjectal a été évincé de notre système de pensée. Croyant accéder ainsi à plus de rigueur et de justesse, la pensée se réduisit à l’étude de l’objet (et même de l’être humain en tant qu’objet).

Dans la logique de pensée qui traite des objets, nous avons d’un côté celui qui observe (qui est quelqu’un) et de l’autre ce qui est observé ou étudié (qui est quelque chose). Il se trouve que dans l’étude de la psyché, la pensée objectale fonctionne mal et même, comme nous le verrons un peu plus loin, dans certains secteurs de sciences physiques, quelle que soit la rigueur des protocoles ou des processus de mise en œuvre. Pour accéder à une meilleure compréhension de l’humain il est souhaitable d’ouvrir le champ à une nouvelle logique (à appuyer notre pensée sur de nouveaux fondements). Cela remet en cause nos « schémas tous faits » et peut nous dérouter au début, mais le sens qui s’en dégage peut rapidement nous aider à y voir plus clair.

 

Sommaire

1 Question de logique
-La nébuleuse métaphysique
-L’illusion pseudo scientifique de l’exactitude
-Persistance culturelle de l’obscurantisme

2 En sciences humaines et en psychologie
-Logiques et théories
-Logique classique en psychologie
-Nouvelle logique nécessaire
-Regard sur la dialogique pulsionnelle

3 D’une logique d’objet vers une logique de sujet
-L’ère de l’objectal
-Notion de réalité subjective

4 Logique des sources 
antérieures et postérieures

-Mieux vaut parler de sources que de causes
-Le projet « Spécialement pour
 »  

5 Les deux clés de cette psycho-logique : le sujet et le projet
-Quand le « sujet » mobilise notre attention
-Quand le « projet » bénéficie de notre confiance

6 La logique d’une rencontre exceptionnelle

-Les « deux sujets » en présence
-L’art de se sentir touché

7 Pour conclure

-Passer de la logique d’objet à la logique de sujet
-Passer de la logique de problèmes à celle de sens
-Passer de la logique de distance à celle de contact
-Passer de la logique de Solution  à celle de reconnaissance
-Intégrer la dialogique des pulsions de vie et de survie
-Intégrer la dialogique « connaissance – non savoir »
-Quand le praticien est-il prêt ?

Bibliographie

 

1    La logique en souffrance

1.1 La nébuleuse métaphysique

Pour échapper au flou de la nébuleuse métaphysique, les sciences ont œuvré vers une rigueur de la pensée.

L’obscurantisme des croyances ayant trop longtemps banni ceux qui ne s’y ralliaient pas et osaient penser autrement, la science a voulu introduire une rigueur permettant aux pensées différentes de trouver une place (nous verrons cependant qu’elle a fini par tomber dans ce même travers obscurantiste, bannissant par principe tout ceux qui ne pensent pas comme elle).

Le fait peut sembler anodin vu de loin, mais il fut des époques où penser différemment pouvait valoir la condamnation, et même la mort ! Ce qui était tenu pour vrai par le mythe, la religion ou les croyances ne souffrait aucune remise en cause. Un peu comme si toute pensée différente menaçait d’écroulement l’édifice social qui s’était construit dessus. L’arrivée de la pensée scientifique permit donc un grand progrès… avant d’atteindre elle aussi sa limite.

1.2 L’illusion pseudo scientifique de l’exactitude

Comme nous venons de le voir, la science permit une extraordinaire avancée pour sortir de cet obscurantisme qui ne permettait pas à une pensée différente de trouver sa place dans la société.

La science rejeta ainsi loin d’elle toute pensée qui ne respectait pas sa rigueur de logique. Tout ce qui ne rentrait pas dans le champ déterministe de cette cascade de causes et d’effets expliquant tout, fut ainsi soigneusement maintenu à l’écart de la pensée désormais devenue « convenable ».

Ce faisant, après un long parcours, croyant expliquer le monde par une implacable succession de faits reliés entre eux par une logique objectale très rigoureuse… les physiciens aboutirent à découvrir que les « briques » de la matière constituant notre monde ne sont pas vraiment réelles ! Ils découvrirent par exemple qu’en même temps onde et corpuscule, la particule nous offre une incertitude où elle montre deux visages différents et incompatibles… et pourtant tous deux vrais et scientifiquement démontrés.

L’éventuelle scission en quarks de ces particules nous conduisit à une sorte d’irréalité évanescente, insaisissable, où nos logiques habituelles sont perdues. Nous trouvons un vide qui n’est que de la matière au repos (mécanique quantique), des particules éloignées qui pourtant restent en contact (phénomène EPR), des particules dont la probabilité de présence n’est pas nulle n’importe où dans l’univers, où qu’elles soient (principe d’incertitude d’Heisenberg), un univers constitué de 95% de matière ou d’énergie qui nous sont totalement inconnues ou même peut être inconnaissables. Il est surprenant que toute l’exactitude de nos connaissances et certitudes « rigoureuses » ne porte que sur 5% de ce qui constituerait l’univers !

Ces données sont décrites par exemple dans l’ouvrage de Trin Xuan Thuan, astrophysicien (1991, 2008), dans celui de Jacob Oanounou, ingénieur polytechnicien (2008) et en particulier dans l’ouvrage d’Edgard Morin, sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS  (1999).

Ce fonctionnement logique basé 1/ sur le fractionnement de l’univers en éléments simples pour les rendre accessibles à l’étude, 2/sur un enchainement déterministe de causes et d’effets, 3/ sur une soigneuse séparation de l’observateur et de ce qu’il observe… nous a conduit à une logique bien précise.

Cette logique peut se nommer objectale, déterministe. Edgar Morin parle de « connaissance simplifiante » (1999, p.122) qui se retrouve aujourd’hui en crise du fait de tous les éléments nouveaux qu’elle a elle-même produit.

Concernant l’attitude de la plupart des scientifiques, Edgar Morin n’hésite pas à parler de « libido idéologique », c'est-à-dire d’attachement subjectif mais viscéral, à des idées (Morin, 1999, p.37)

Nous découvrons ainsi que l’objectivité n’a rien d’absolu et mérite un regard plus affiné. Quoiqu’ayant sa place et ayant permis de belles avancées, l’objectivité atteint aujourd’hui une  limite. Elle est en train de devenir un leurre en matière d’accès à plus de « vérité ». Il se trouve que bien des théories en sont plus à faire rentrer le monde dans leurs filets intellectuels ou démonstratifs (quand bien même la démonstration est expérimentale) qu’à le décrire réellement comme il est. La représentation qu’ils donnent du monde (même dûment démontrée) n’est alors pas le monde.

1.3 Persistance culturelle de l’obscurantisme

Cette « pensée simplifiante », déterministe, séparant l’observateur de ce qu’il observe, se retrouve bousculée dans ses fondements par ses propres découvertes. La mécanique quantique a pointé que l’observateur influe sur ce qu’il observe et que si une expérience permet de savoir ce qui se passe quand on fait ceci ou cela, elle ne permettra jamais de savoir ce qui se passe quand on ne fait rien et qu’il n’y a personne pour regarder. La « neutralité » de l’observateur devient un leurre, une impossibilité. Mais nous avons la même observation en psychologie, en ethnologie, en éthologie. Etudier et mesurer permet d’avoir des chiffres… qui décrivent ce qui se passe quand on est là et quand on met en place tel protocole… mais qui ne permettent pas de savoir ce qui se passe naturellement, quand on n’observe pas, quand on ne mesure pas.

Finalement, ayant trouvé la justification de son existence pour combattre l’obscurantisme et permettre des pensées nouvelles, la science a elle-même banni toute pensée qui ne se trouve pas dans ses critères. Elle a fini par produire une autre sorte d’obscurantisme, sans doute moins violent que le précédent, mais ne laissant pas trop de place aux pensées novatrices.

Au moins avec la mécanique quantique, la science se retrouve confrontée à l’inexplicable, à l’incernable, à l’indécidable. Le mathématicien Kurt Gödel en a fait mathématiquement la démonstration, ruinant ainsi tous les espoirs de logiques absolues « démontant » l’univers avec renfort de patience et de forces scientifiques. Cela ne veut pas dire que la science ne peut rien, mais elle se devra de changer de logique. Gödel nous confronte au fait que certaines vérités ne se démontrent qu’en sortant du système considéré.

« Le calculable et le mesurable ne sont plus qu’une province dans l’incalculable et le démesuré. Et perdre l’Ordre du monde pour les scientifiques [….] est aussi désespérant que perdre Dieu pour un croyant » (Morin-1999, p.160).

Nous avons donc là une révolution de pensée, même dans le monde scientifique, mais qui ne se fait pas sans rechigner… car une remise en cause n’est jamais aisée.

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2     En sciences humaines et en psychologie

2.1 Logiques et théories

Edgar Morin dénonce que les lois, les règles, les théories dûment démontrées, ne font que faire entrer la réalité dans leurs théories, bien plus qu’elles ne la décrivent vraiment (1999). Le psychiatre Jean Maisondieu dénonçait aussi que certaines descriptions psychopathologiques ne font que produire ce qu’elles prétendent décrire… citant Albert Einstein, il nous rappelle « C’est la théorie qui décide ce que nous sommes en mesure d’observer » (2001, p.52).Puis il ajoute « Si les médecins prévoient d’observer de la démence là où il y a de l’angoisse, ils trouveront de la démence et rien d’autre (ibid.).

S’il est un domaine où tout cela est particulièrement important, c’est bien celui de la psychologie. Celui qui étudie la psychologie s’attend à entendre parler de l’humain, de l’individu… en fait, l’université va surtout lui parler de statistiques, de moyennes, de normes, de tests…

La nosographie actuelle listant les psychopathologies (DSM-IV) propose même des mesures précises de moyennes statistiques, permettant de cerner les comportements justes, afin de mieux mesurer les déviances… et de les corriger par des « thérapies appropriées » (chimiques ou psychothérapiques). L’individu « différent » risque ainsi rapidement de se retrouver étiqueté comme « malade mental » et de se voir menacé de correction !

Naturellement le problème ne vient que des dérives et des excès. Tout a sans doute sa place et seul un esprit trop partial peut ici causer des dégâts. Mais il y a de nombreux esprits trop partiaux, accrochés à leur certitudes (par peur de sombrer dans l’incertain) ayant probablement oublié (s’ils l’ont connu un jour) le fameux « Je doute donc je suis » de René Descartes (« Recherche de la vérité par la lumière naturelle » 1999, p.897-898).

Il semble que certains concepts soient dépassés et doivent être revisités avec une logique totalement différente. Pour ce nouveau mode de pensée, Edgar Morin parlera de « dialogique », c'est-à-dire d’une juxtaposition de logiques qui peuvent être opposées, qui restent distinctes, mais se trouvent être en lien, complémentaires, et faire partie d’un tout complexe. Il dénonce à ce titre la pensée simplifiante dans laquelle la science s’est fourvoyée, croyant ajouter de la rigueur, mais ne faisant que s’éloigner de la réalité qu’elle prétendait décrire.

2.2 Logique classique en psychologie

Cette logique est fondée sur le fait que si nous souffrons psychologiquement, c’est que nous sommes encombrés par quelque chose de mauvais, que nous avons les restes d’un ancien trauma. Il en résulterait une pathologie dont on pourrait venir à bout avec une élimination de ce qui nous encombre ou nous trouble, ou avec une correction des mécanismes erronés qui se sont développés en nous à cette occasion.

Nous ne pouvons pas ne pas remarquer l’analogie de cette conception avec celle, plus métaphysique de l’« âme habitée par le mal », où le salut du « possédé » se fait par l’exorcisme du mauvais esprit qui l’habite, ou par la correction des mauvais comportements à force de contritions, de volonté et de combat intérieur.

Naturellement ces anciens concepts ne font pas partie de la psychologie actuelle, mais l’on sent bien l’empreinte culturelle qui tourne l’esprit, presque malgré lui, de façon à voir ce qu’il observe avec un curieux présupposé affirmant qu’il s’agit de combattre un mal, de corriger une erreur. D’ailleurs la terminologie du DSM nommant « troubles » les pathologies (disorder en américain) montrent bien cet apriori correctif d’un mal, d’un désordre, d’un trouble, d’une erreur, d’une déviance.

Or, une telle logique produit peu de résultat en psychothérapie et peut même se révéler dangereuse. Il semble inquiétant que certains praticiens ne s’en rendent pas compte et poursuivent en toute bonne foi leur « combat contre le mal » !

C’est un peu comme s’il s’agissait d’une logique d’un autre temps, devenue anachronique à notre époque. Pourtant l’alerte ne vient pas d’aujourd’hui :

Epictète (philosophe stoïcien), 50 ans après JC nous dit que ce ne sont pas les choses qui nous blessent mais notre façon de les considérer (Le Manuel, 2006)

Descartes (philosophe et scientifique) nous propose de nous mettre continuellement en situation de doute et de nous méfier de la certitude, que plus une chose est subtile moins il y a de chance que beaucoup de gens y aient pensé, que celui qui a appris de ses précepteurs, et ne fait que les suivre, a cessé d’avoir son esprit en éveil (lire sur ce site la publication de novembre 2006 « René Descartes »).

Abraham Maslow (docteur en psychologie) a pointé que nos psychopathologies ne viennent pas d’un « trop de quelque chose », mais d’un « manque », d’une carence et, essentiellement « d’une carence d’humanité » (tout en remarquant que, bien que ce soit ce dont on le plus besoin, c’est aussi ce dont on a le plus peur) [ lire sur ce site la publication d’octobre 2008 « Abraham Maslow »].

2.3 Nouvelle logique nécessaire

La nouvelle logique porte un autre regard sur le symptôme psychologique. Ce dernier ne vient pas du trauma. Le trauma n’en est pas la cause. Le symptôme ne se produit pas « à cause du trauma » dont il resterait une trace dans l’inconscient, mais « spécialement pour garder un lien avec celui que nous étions et qui a vécu le trauma ».

La logique du « à cause de » invite à trouver du mauvais à éliminer ou à corriger, alors que celle du « spécialement pour » invite à retrouver une précieuse part de soi en attente de réhabilitation. D’une logique de l’événement (objet) en tant que cause, nous pouvons aller vers une logique de l’individu (sujet) en tant que source, en tant que raison, en tant qu’origine, en tant que projet. Nous reviendrons un peu plus loin sur ce point fondamental.

Cette nouvelle logique se déroule avec des phénomènes obéissant à une « dialogique », c'est-à-dire à deux pulsions antagoniques se côtoyant avec pertinence dans « le tout » complexe de la psyché. Il s’agit de la pulsion de vie et de la pulsion de survie. La première assure la cohésion des différentes parts de soi, la seconde assure la dispersion, l’éloignement des parts de soi en souffrance pour préserver la psyché d’une charge émotionnelle qu’elle ne pourrait subir sans dommage à ce moment là.

2.4 Regard sur la dialogique pulsionnelle

Le mot  « Dialogique », est un terme proposé par Edgar Morin pour désigner le fait que notre pensée permet à deux ou plusieurs logiques en contradiction ou en concurrence de se côtoyer, et même d’être en lien l’une avec l’autre. De rester distinctes sans être disjointes. Quoiqu’opposées ou concurrentes, elles ne peuvent qu’exister ensemble dans un tout complexe, plus vaste, où elles se soutiennent mutuellement.

Par exemple, on ne peut étudier d’un côté la pulsion de vie et de l’autre la pulsion de survie. Bien qu’opposées, les deux sont indispensables l’une à l’autre. La pulsion de survie, en éloignant la part douloureuse de soi, préserve le reste de la psyché d’une émotion qu’elle ne serait pas actuellement capable d’intégrer dans son expérience. La pulsion de vie, elle, fait que « cette part de soi éloignée » ne sera jamais tout à fait perdue (en la gardant dans l’inconscient elle permet à la psyché de ne pas être amputée de soi) et elle donne aussi à la pulsion de survie sa ressource pour fonctionner (ressource vitale sans laquelle elle n’existerait pas). Tout en étant opposées, les deux sont intimement intriquées. Elles œuvrent de concert pour l’équilibre et la maturation de la psyché. Du moins on peut dire que tout se passe « comme s’il en était ainsi ».

Ce qui est intéressant, c’est que cette conception de la psyché permet une approche thérapeutique plus efficace. Cela ne dépend pas tellement du type d’approche utilisée (psychocorporelle, systémique, analytique, gestaltiste, psychodramatique…etc), mais de l’esprit dans lequel elle est mise en œuvre.

Je désigne ce regard, cet état d’esprit, sous le vocable « maïeusthésie » (art d’être sensible à l’accouchement du Soi). Même si nous trouvons en maïeusthésie une approche très précise des phénomènes psychiques, et des moyens très clairs d’accompagner ce processus, d’autres approches peuvent aussi le réaliser avec d’autres moyens. Ce ne sont pas tant les moyens mis en œuvre qui donneront le résultat, c’est la logique, la sensibilité, le projet, le regard du praticien, sa façon de concevoir le phénomène psychique.

Autre exemple de dialogique : c’est le fait que d’une part un individu n’existe qu’en fonction de ce qui l’entoure (comme cela est particulièrement précisé en Gestalt thérapie [voir sur ce site la publication de mai 2009 « Gestalt thérapie »). En effet, un « être seul au monde » ou « seul dans l’univers » serait-il encore un être ? Qu’en serait-il de lui s’il existait sans la présence d’aucun autre ? Mais en même temps, ces autres qui lui permettent d’être lui (et peuvent avoir à son égard quelques délicatesses), par inconscience ou par concurrence, ont tendance à l’empêcher d’être lui, à le nier, à le combattre, à le contredire, à s’opposer, à le critiquer. Un être se trouve donc entre le fait de ne pouvoir exister sans les autres, mais aussi à devoir souvent se protéger des autres pour exister. Ces deux éléments contradictoires coexistent, et bien qu’opposés contribuent à son développement, au fonctionnement complexe d’un tout, dont la logique simple nous échappe et  où, pour comprendre, nous devons accepter ces contraires dans notre réflexion, accepter l’aspect complexe (c'est-à-dire intriqué) d’éléments opposés.

Edgar Morin nous rappelle que déjà Héraclite nous proposait « Joignez ce qui concorde et ce qui discorde, ce qui est harmonie et ce qui est en désaccord » (Morin 1999, p.167).

Mais même sans aller jusqu’à cette considération dialogique, un changement de logique est nécessaire pour accéder à une certaine compréhension de la psyché et œuvrer correctement en termes de communication et en termes d’accompagnement psychologique.

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3   D’une logique d’objet
vers une logique de sujet

…ou « De l’objectal vers le subjectal ». Rappelons-nous que l’objectal c’est ce qui a trait aux objets (les choses) et que le subjectal est ce qui a trait aux sujets (les êtres).

Edgar Morin évoque de façon précise le problème  que pose la pensée actuelle : « Mais l’idée que le développement de la connaissance scientifique est un développement entièrement centré sur l’objet par l’évacuation du sujet, cela n’est pas un postulat. C’est un problème d’histoire des idées » (1999, p.84). Il s’agit donc de quelque chose qu’on peut remettre en cause, qu’il est même recommandé de reconsidérer, sans pour autant perdre en rigueur dans sa démarche. Cela peut même conduire à une plus grande rigueur en ce sens que peuvent être pris en compte des aspects jusque là négligés.

Naturellement il ne s’agit pas de se débarrasser de l’objet, mais simplement de cesser de ne considérer que lui, cesser de le mettre toujours au premier plan, cesser de ne mettre que lui dans nos observations, cesser de n’avoir que lui dans notre champ de conscience pour conduire notre réflexion. Ce n’est pas une destruction de l’objet dans notre pensée, c’est simplement une prise en compte du sujet qui peut désormais se retrouver au premier plan, sans nier l’objet pour autant.

3.1 L’ère de l’objectal

Comme nous l’avons vu plus haut, nous sommes sortis de l’obscurantisme moyenâgeux qui interdisait toute pensée nouvelle (souvent sous peine de  mort). A l’époque les vérités étaient faites de mythes, de croyances, de métaphysiques.

La science, par sa rigueur, par la séparation de l’observateur et de ce qui est observé, par le fractionnement en éléments plus simples de ce qui est complexe, par l’objectivation méticuleuse (faire de ce qu’elle étudie un « objet d’étude »), par l’expérimentation ou par la vérification empirique… a permis l’émergence d’une pensée nouvelle.  Puis, sans s’en rendre compte elle est devenue pourvoyeuse d’un « néo obscurantisme » (Morin- 1999, p.27, 35, 38). La voilà en train de produire ce que jadis elle a combattu : ceux qui ne pensent pas comme elle sont exclus du club de pensée ! Ceux qui ont des intuitions nouvelles doivent se battre pour trouver une place leur permettant de partager leurs idées. Il n’y a plus de risque d’exécution (en tout cas pas chez nous), mais celui d’exclusion ou de rejet est encore bien là.

Naturellement un vrai scientifique n’aura pas la maladresse de considérer comme faux ce qui n’est pas démontré. Il se contentera de dire qu’il ne sait pas et que cela reste dans le champ de la recherche (ou que c’est dans la zone du « non décidable » ou « non démontrable » [notions si bien développées par le mathématicien Kurt Gödel]). Le vrai scientifique ne s’autorisera même pas à dire que ce qui est démontré est vrai : il dira seulement que c’est vrai dans tel contexte et que la recherche reste ouverte si on doit étendre ce contexte. Mais l’ego, le pouvoir, les rêves de toute puissance, font que trop souvent celui qui se prétend scientifique outrepasse ces limites et considère comme faux  ou farfelu ce qui sort de son champ d’étude.

Avec le fait d’avoir fusionné les notions de « scientifique » et d’« objectal » nous avons abouti à une ambigüité particulièrement délicate en sciences humaines : comment peut-on approcher l’humain en n’étudiant que des objets ?

La quête d’objectivation a conduit à éloigner du champ de recherche ce qui est subjectif. Or il se trouve que tout ce qui est à prendre en compte en psychologie est d’ordre subjectif et que la recherche sur le mode objectal, en ce domaine, tourne vite en rond.

La psychodynamique freudienne et le langage généralement utilisé  en psychologie, parlent d’« objet » pour évoquer l’interlocuteur. Il y a le « sujet » émetteur de libido, qui envoie celle-ci vers le « récepteur », vers l’autre, qui est alors dénommé « objet ». Au point qu’en psychologie, on parlera quelquefois même d’« amour objectal » pour parler de « libido objectale ». Parler « d’amour d’objets » est pour le moins une sérieuse dérive ! D’autant plus que confondre la libido (besoin) avec l’amour (ouverture, considération, générosité) est une embrouille assez étonnante chez des personnes prétendant pourtant étudier le thème avec rigueur.

La logique objectale a envahi notre réflexion, jusque dans les sciences humaines. Il en résulte une grande confusion et, de ce fait, une limitation des avancées.

L’imprégnation est forte. Elle est culturellement implantée. Elle est entrée dans la pensée populaire. Quand je forme des soignants sur l’accompagnement psychologique (relation d’aide), ceux-ci peinent à se départir de cette logique objectale. Ils considèrent plus les problèmes que les gens qui les vivent, ils considèrent plus les soins à réaliser que les gens qui en bénéficient, ils considèrent plus les pathologies qu’ils rencontrent que les gens qui les ont (et cela tout en voulant et en croyant être dans une humanité satisfaisante). Je me souviens même d’un médecin me disant toute la peine qu’il avait, ayant été formé à l’objectivation pendant toutes ses études universitaires, à prendre en compte ce qui est subjectif (ce subjectif que, jusque là, il avait justement été formé à négliger pour ne pas s’éloigner de la « réalité »).

Or il se trouve que la seule réalité qui compte en matière de psychologie est la réalité subjective. Voilà un grand bouleversement de pensée… un total changement de paradigme (un total changement de ce sur quoi se fonde notre pensée). Jean-Louis Le Moigne nous donne une intéressante définition de « paradigme » (1999, p.40) : « Les paradigmes, ce sont les principes des principes, quelques notions maîtresses, qui contrôlent les esprits, qui commandent les théories, sans qu’on en soit conscient nous-mêmes »

Le « paradigme objectal » a imprégné toute notre pensée, rendant parfois même celle-ci hermétique à des concepts simples. Il est même étonnant de constater que des personnes intelligentes et formées à de sérieuses connaissances, peinent à ouvrir leur esprit si on passe de l’objectal au subjectal. Par exemple comprendre clairement qu’en matière d’accompagnement psychologique il convient plus de « reconnaître » que de « solutionner » demande souvent une réitération, des détours d’explications, de nombreux exemples… jusqu’à ce que la notion apparaisse clairement chez l’étudiant ou le stagiaire. Mais même après cela, l’imprégnation objectale est si forte qu’il peut rester une difficulté à changer de mode lors des mises en œuvre spontanées. Le « réflexe objectal » reste souvent quelques temps à l’œuvre et voile les perceptions nécessaires à l’accompagnement psychologique. Des praticiens comme Abraham Maslow, Carl Rogers, Donald Wood Winnicott, Eugene Gendlin, Fritz Perls, Rollo May… ont frôlé et sans doute mis en œuvre ces  notions subjectales, mais ils n’ont pratiquement pas théorisé à ce propos et donc beaucoup reste à faire en ce domaine.

3.2 Notion de réalité subjective

Habituellement, dans les fondements inconscients (culturellement inculqués) de notre pensée, la notion de « réalité » rime mieux avec « objectivité » qu’avec « subjectivité ». La notion même de « réalité subjective » peut sembler une sorte d’oxymore, comme si on mettait ensemble des termes contradictoires pour faire un effet de style. Il n’en est rien. La réalité de la psyché est plus fondée sur la subjectivité que sur l’objectivité.

Naturellement, nous pourrions débattre sur « qu’est-ce que la réalité ? ». Pour aborder simplement cette question nous noterons qu’il y a « la réalité des faits » (l’objectivité à la quelle nous sommes habitués) et il y a « la réalité des ressentis » qui nous est plus étrangère dans nos analyses, mais qui est continuellement et intimement vécue. Même si les deux sont reliées, elles restent profondément distinctes.

Le piège de la psychologie est d’avoir voulu objectiver et théoriser ce qui était subjectif. Naturellement il est important de théoriser, car c’est le moyen par lequel on peut partager, transmettre, rendre intelligible à autrui ce dont on a eu l’intuition. Mais cette théorisation aurait dû davantage prendre en compte cette notion de « réalité subjective ». Le secteur de la psychologie qui traite de la phénoménologie s’en est occupé (réalité des choses telles qu’elles sont éprouvées par les sujets), mais le développement en est insuffisant et il n’est pas étonnant que ce domaine de la psychologie ait semblé délicat et complexe à bien des praticiens. D’ailleurs nous n’en avons pas une trace explicitement théorisée. Quand quelqu’un comme Karl Jaspers (médecin, psychologue existentiel) nous parle de phénoménologie et d’existentiel, il théorise peu sur le sujet, même dans son imposante « Psychopathologie générale » (Jaspers, 2000).

En fait, la réalité subjective, c’est ce qui est éprouvé par le sujet. Il se trouve que ce qu’il éprouve ne vient pas que de ce qui se passe autour de lui, mais aussi (et même surtout) de la façon dont il le perçoit (comme nous le disait déjà Epictète, 50 ans après JC).

Cela nous fait examiner la vie d’un être de façon complexe, car suite à un événement, on peut dire qu’il n’aurait pas ce vécu si l’événement ne s’était pas passé !... et pourtant, on ne peut tout de même pas dire que l’événement est la cause de son ressenti ! L’événement, c’est la cause exogène (extérieure), mais il y a aussi une cause endogène (intérieure). Nous verrons plus loin que ce vécu intérieur induit un projet qui, plus tard, produira les symptômes psychologiques du sujet. En matière de psychologie, c’est ce qui sera le plus important  à prendre en compte. La cause est donc aussi en lui. Ce qui est en lui détermine la façon dont il a éprouvé ce qui s’est passé. Il est évident pour tout le monde que, face à une circonstance analogue, tout individu n’a pas le même vécu éprouvé.

Par exemple, en situation simple, un être aimera un repas dans lequel les mets et les conversations lui rappellent (inconsciemment) les merveilleuses soirées qu’il passait en famille avec ceux qui l’aiment. Au cours du même repas, un autre individu à qui ces même mets et conversations rappellent (inconsciemment) de pénibles instants dans une famille qui ne faisait pas attention à lui… éprouvera un malaise, un inconfort, peut être une forte gêne. Nous trouverons aussi cela dans une situation plus délicate, suite à un événement traumatisant, telle la perte d’un enfant ou une grave maladie. Dans ces cas, telle personne s’effondre et sombre dans l’alcool, telle autre met en place un groupe de parole pour aider ceux qui ont traversé des situations analogues, telle autre trouve une ressource intérieure pour continuer une vie d’une grande richesse, avec de nombreuses subtilités et remises en cause, telle autre met en place une compensation dans des projets professionnels qui l’aident à ne pas y penser (voir la publication « Résilience » de novembre 2003)

Nous retrouvons ici l’idée de dialogique où nous avons en même temps une cause extérieure (ce qui se passe) et une cause intérieure (l’expérience accumulée qui fait que se qui se passe est vécu de telle ou de telle façon). Les deux se retrouvent en interaction, parfois en opposition, et donnent un ressenti éprouvé

L’idée « exocausale » (cause venant de l’extérieur) domine la pensée actuelle. Cela  fait que la psychothérapie raisonne trop souvent en termes de « à cause de » et recherche la zone de trauma pour y apporter réparation, correction ou élimination.

Pire que ça, est-il si raisonnable de raisonner en termes de causes, que celles-ci soient exocausales (éléments venant du dehors) ou que celles-ci soient endocausales (éléments venant du dedans, de son propre vécu antérieur, de ses capacités, de ses choix). Nous allons voir dans ce qui va suivre qu’il n’est même pas forcément juste de raisonner en termes de « causes » et qu’on pourra avantageusement parler plutôt de « sources » pour évoquer ce qui produit les phénomènes ressentis ou observés. Il ne s’agit pas de jouer sur les mots, mais d’utiliser les mots justes, pour nommer ce qu’on cherche à nommer. En effet le mot « cause » nous enferme implicitement dans un a priori qui verrouille nos possibilités de réflexion. Nous allons voir pourquoi.

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4     Logique des sources 
antérieures et postérieures

Il s’agit ainsi d’étendre notre regard à propos de ce qui produit ce qui se passe dans la vie d’un être, au niveau de ses ressentis face aux événements, au niveau de ce qui émerge en lui quand il expérimente sa propre vie.

Il expérimente sa vie en même temps qu’il la produit. Nous avons là aussi une dialogique qui ne nous permet pas d’examiner la situation sous le seul angle de la causalité, mais doit nous faire tenir compte de plusieurs éléments contraires. L’individu est en même temps confronté à ce qui vient de l’extérieur et à ce qui vient de lui. Puis, concernant ce qui vient de lui, en regardant plus précisément, nous voyons qu’il est en même temps confronté à ce qui l’habite de son passé et à ce qui l’« appelle » dans son futur (projets).

4.1 Mieux vaut parler
de « sources » que de « causes »

Quand nous cherchons une cause, nous cherchons dans le passé ce qui est source de ce que nous trouvons aujourd’hui dans le présent. Cette notion de causes à effets, et cet enchaînement quasi déterministe, font que s’il y a eu ceci, nous aurons cela. Une telle idée nous enferme dans une logique inappropriée dans le domaine de la psyché. Ce mode causal est un mode de pensée bien particulier qui a son importance, mais qui ne fonctionne pas vraiment en accompagnement psychologique. Dans le domaine de la psyché, tout se passe non pas comme s’il y avait une cause, mais comme s’il y avait un projet.

Afin de pouvoir parler des causes et des projets sans les emmêler, nous prendrons le terme plus général de « source ». Nous ne dirons plus « qu’est-ce qui est la cause ? » mais « qu’est-ce qui est la source ? ». Le mot « cause » désigne exclusivement une source dans le passé (source antérieure qui alimente et provoque ce qu’on observe dans le présent) alors que le mot « source » peut aussi bien nommer une origine antérieure que tout autre type d’origine. Nous aurons ainsi par exemple un « projet », qui finalement devient alors une sorte de « source dans le futur » (téléonomique) qui vient plus « tirer le présent vers un accomplissement » que « le pousser vers le futur du fait d’une cause antérieure ». La cause est propulsive (pousse vers l’avenir) alors que le projet est tractif (tire vers le futur).

Carl Jung a un peu évoqué ce principe en parlant du Soi en accomplissement. Selon lui, le Soi potentiellement réalisé « tire » le sujet vers sa propre réalisation (1973, p.462, 457).

La source antérieure (cause) et la source ultérieure (projet) jouent conjointement en association dialogique. Il est dommage qu’on n’ait généralement seulement considéré en psychologie la source antérieure (cause), au détriment de la source ultérieure (projet).

Même si les rôles des deux sources sont plus ou moins intriqués (et fonctionnent en boucle rétroactive), il semble qu’en terme de réalisation il est plus que temps de tenir compte de la source ultérieure.

Nous avons une boucle rétroactive car ce qui se passe modifie le sujet quand il le vit, mais aussi le sujet modifie ce qui se passe du fait de ses réactions (réactions engendrées par ce qui se passe, mais aussi par son histoire et par ses projets).

L’humain n’est pas seulement propulsé du passé vers le futur, il est aussi tracté par un projet de vie.

Depuis les gamètes jusqu’à l’individu réalisé, il y a une part causale (rencontre des gamètes, capital génétique, circonstances de la vie), mais il y a aussi une part de projet, où l’individu en devenir va se réaliser selon un plan bien déterminé (un embryon d’humain donne bien un humain et non un vers,  un oiseau, ou un éléphant). C’est finalement l’association des deux sources (causes et projets), associées aux circonstances de la vie, qui donnera cet individu plutôt qu’un autre. Il serait enfantin de ne tenir compte que de l’unique causalité.

C’est sans doute en réaction à cela que je privilégierai la notion de projet (source ultérieure) afin que malgré notre poids culturel, nous ne passions pas à côté de cet élément majeur.

4.2 Le projet « Spécialement pour »

S’il est vrai que des circonstances de vie peuvent nous avoir bouleversés au point que nous en gardions une trace dans nos comportements et nos ressentis présents, il ne semble pas juste (et en tout cas pas exploitable en thérapie) de croire que nos comportements présents résultent essentiellement de ces circonstances.

Nos comportements et ressentis résultent plus de ce que nous avons fait de ce qui s’est passé, que de ce qui s’est réellement passé. Ce que nous en avons fait induit en nous un type de projet qui déterminera ce qui se passera ultérieurement, et il se trouve que c’est ce projet qui jouera un rôle majeur dans la psyché

Ainsi une personne, traumatisée par une circonstance qu’elle ne supporte pas, aura tendance à éloigner d’elle-même cette part douloureuse de soi (projet de protection de la psyché). Le sujet ne pouvant intégrer cette part de soi, va la mettre « à part » grâce à sa pulsion de survie, puis sa pulsion de vie la récupèrera dans l’inconscient où elle restera en « garderie » (projet de protection contre l’amputation de soi). Cette part de soi y restera jusqu’à ce qu’avec plus maturité, grâce à des symptômes venant l’interpeller, la conscience puisse intégrer cette part de soi jusque là restée à l’écart (projet de réhabilitation, d’intégration, de réalisation, d’individuation).

Raisonner en termes de projets permet de mieux comprendre la psyché que de raisonner en termes de causes. Un praticien pourrait parcourir toute la vie de son patient (ou la lui faire parcourir), et en connaitre toutes les circonstances… sans pour autant jamais n’aboutir à rien d’important. Les interprétations qu’il en ferait risqueraient seulement de l’éloigner de la réalité subjective de son patient, et surtout d’empêcher la réalisation de Soi (projet) que ce dernier poursuit inconsciemment avec les symptômes qui sont les siens.

Freud s’est même tellement fourvoyé à ce sujet qu’il considérait les symptômes comme des moyens de dissimulation et non comme des moyens d’accès à Soi (d’ailleurs la notion du Soi lui fut étrangère et il s’arrêta au Moi). Il voyait les symptômes comme une protection contre l’inconscient (un peu stigmatisé comme étant empli de choses sombres et peu avouables), alors qu’on peut les considérer comme un moyen permettant au sujet de se retrouver. Il voyait (fantasmait) ses patients comme supportant les conséquences de leur passé et de leurs pulsions. Les seuls projets qu’il leur accordait étaient des projets liés à leur libido. Il s’est ainsi aveuglé au fait qu’un être met en œuvre des projets pertinents. Les patients ne se débattent pas avec leur passé, ils tentent simplement de s’accomplir en réunissant « tous ceux qu’ils ont étés » au cours de leur vie.

Les manifestations (symptômes) qui surgissent chez le patient ne se produisent donc pas « à cause de ce qui s’est passé autrefois » (il est vain d’en chercher la cause). Elles se produisent « spécialement pour » une restauration de soi (de cette part de soi antérieurement blessé). Ce projet met en œuvre l’accomplissement  de soi (individuation). Un praticien ne peut pas se permettre de négliger cet aspect fondamental, que ce soit en psychothérapie ou seulement en simple accompagnement psychologique (relation d’aide).

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5     Les deux clés  de cette psycho-logique:
le sujet et le projet

Nous avons là deux axes majeurs pour accompagner notre réflexion dans le domaine de la psychologie et de l’accompagnement psychologique. Nous pouvons opérer ainsi un changement radical de notre pensée et de notre logique, en nous appuyant désormais sur les notions de « sujet » et de « projet ».

Nous pourrions tout aussi bien parler d’être et de sens. L’« être » étant « l’individu » et le « sens » désignant la nature du « spécialement pour » (projet).

Nous venons de voir qu’il est souhaitable d’élargir la notion de source, d’origine, de moteur, et de ne plus se cantonner à l’idée de causalité. La causalité est un enchaînement venant du passé, alors que le sens est un projet en train de se réaliser.

5.1 Quand le « sujet » motive notre attention

Notre attention est habituellement et culturellement captée (pour ne pas dire aspirée) par l’objet. Les circonstances, les problèmes, les situations, les psychopathologies… tout cela mobilise une grande énergie et tout notre intérêt.

Or, dans tout cela, le sujet se trouve oublié alors que c’est lui qui devrait motiver notre attention. Nous devrions moins être intéressés par la situation matérielle ou événementielle qui est la sienne, qu’attentionnés envers lui, en train d’éprouver les ressentis qui en résultent.

Si une personne nous dit «  C’était vraiment très dur quand j’ai eu cet accident ! ». Notre attention se porte-t-elle vers « l’accident » ou bien vers « celui qui l’a vécu » ? Pour le savoir : sommes-nous portés à lui dire « Que s’est-il passé ? » (attention sur l’événement) ou bien « ça t’a vraiment beaucoup éprouvé !? » (attention sur lui qui l’a vécu).

Quand un soignant va vers un patient, naturellement il fera le soin qu’il doit professionnellement réaliser avec la compétence requise. Hélas, trop souvent son attention ne se portera pas vers l’être à qui il fait le soin, mais il sera mobilisé par l’acte de soin ou le problème à régler. Si par exemple le patient ne veut pas prendre un médicament, recevoir un examen ou faire une toilette, toute l’énergie du soignant se mobilisera vers ces « problèmes à résoudre ». Il ne lui viendra que rarement à l’esprit d’écouter la source pertinente de ces refus ou de ces demandes… et encore moins d’en reconnaître la pertinence. Il ne pensera qu’à les combattre par la logique et l’argumentation. Quand il y a écoute, ce n’est, hélas, que pour ensuite mieux convaincre. Nous ne trouverons que rarement une réelle reconnaissance du ressenti du patient. (lire sur ce site la publication de juin 2002 « Le danger de convaincre »).

Or c’est l’individu, le sujet, qui doit motiver notre attention. Quand c’est le cas, « celui qu’il est » compte plus à nos yeux que « les choses » que représentent les situations, les pathologies ou les soins. Naturellement, toutes ces choses ne sont ni oubliées ni négligées, mais c’est juste la priorité de ce qui nous motive et nous mobilise qui a été inversée.

Quand un patient dit « je ne veux pas manger » (ou simplement en manifeste le souhait de façon non verbale), la reconnaissance de « son souhait de ne pas manger » (et de qui il est  en train  de le ressentir), compte alors plus à nos yeux que  « le fait qu’il mange ou ne mange pas ». N’imaginez pas pour autant qu’on se moque qu’il mange ou non. Simplement le premier pas s’accomplit en direction de l’être et de son vécu, et non en direction du problème alimentaire qu’il pose.

Quand nous rencontrons une personne en train de pleurer il importe plus d’entendre ses larmes que de les calmer. Lui permettre de les avoir, le rencontrer  avec ce qu’il ressent, lui apporteront plus de réconfort que de vouloir le calmer ou l’apaiser.

Nous aurons la même chose face à de l’agressivité ou de la colère.

La reconnaissance du sujet et de son ressenti doivent être prioritaire par rapport à la considération des problèmes à résoudre. Cela produit des résultats profonds, immédiats, et quasi systématiques en termes d’amélioration de son état psychologique. L’avantage est aussi que le problème se règle  plus vite et la solution juste apparait d’autant mieux quand la personne se sent reconnue. C’est toute la problématique de la bientraitance, si l’on veut éviter « l’hospitalisme » (voire publication de aout 2007 « Bientraitance »)

5.2 Quand le « projet » bénéficie de notre confiance

Il serait convenable de considérer qu’il n’y a pas un problème à résoudre, une déviance à corriger, ou un mal à combattre… mais plutôt qu’il y a un être avec un projet pertinent qui cherche à réaliser quelque chose de juste.

Le point le plus délicat est de savoir considérer cette justesse. En effet, le plus souvent pour aider autrui, nous sommes construits pour chercher des erreurs à corriger et des maux à combattre. Dans le cadre de l’aide psychologique, une toute autre logique s’impose : trouver la pertinence à reconnaître.

Voici ci-dessous quelques exemples de pertinences. Naturellement, les pertinences peuvent aussi être d’une autre nature, ce ne sont que des exemples :

-Par exemple une personne phobique de l’eau est en train de garder une sorte de contact, de lien, avec celle qu’elle fut un jour, et qui a vécu une souffrance insurmontable à propos de l’eau. Elle garde ce contact afin d’un jour pouvoir réhabiliter cette part de soi, que sa pulsion de survie a dû maintenir à l’écart. La reconnaissance de cette pertinence lui permet d’accomplir cette réhabilitation.

- Par exemple une personne âgée qui ne veut plus manger car elle ne veut plus vivre. Elle ne veut plus vivre car elle a la sensation de ne plus servir à rien. Elle ne veut plus embêter les autres sans rien pouvoir faire pour eux en retour. La reconnaissance de cette pertinence lui permet de retrouver une dignité, une existence, une place lui permettant d’avoir encore envie d’être là. Si au contraire on la contredit, croyant la réconforter (« Mais non il ne faut pas dire ça on est très content de vous aider ! »), on ne fait que conforter sa détresse en la niant et en affirmant, sans s’en rendre compte, que ce qu’elle sent ne compte pas à nos yeux, qu’elle n’existe déjà plus.

- Par exemple une personne Alzheimer qui perd ses facultés cognitives, tentant ainsi d’échapper à la peur de la mort et à un effondrement de son identité. Le fait de reconnaître sa peur et d’entendre sa blessure concernant son identité, lui restaure une place, la sort d’une certaine solitude, et lui permet de ne plus avoir besoin d’évoluer vers une extinction de son intellect.  Trop souvent les autres ne savent plus la voir comme une personne, et ne perçoivent plus qu’un malade ou un vieux (voir à ce sujet sur ce site la publication de décembre 2009 « La maladie d’Alzheimer »). Il importe ici de comprendre que la restauration de l’identité (reconnaissance du vécu et des ressentis) ne peut être confondue avec une restauration de l’ego (compliments, gratifications superficielles).

- Par exemple une jeune fille anorexique qui ne mange pas afin de tenter de retenir le développement de son corps, afin de ne pas vraiment devenir une femme. Cela lui permettant d’éviter les problèmes que semble poser le fait d’être femme. Il ne s’agit pas tant de combattre le fait qu’elle ne mange pas que de reconnaître en quoi il est fondamental pour elle de se préserver d’avoir un corps de femme  (voir sur ce site la publication de juillet 2006  « Anorexie », avec le cas Lucie).

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6     La logique d’une rencontre exceptionnelle

Ce serait un leurre de penser qu’il y a le praticien observateur « agent soignant » et le patient observé « passif, subissant », juste exposé à la compétence du praticien. En réalité, les deux sont continuellement en interaction, et croire à la fameuse « distance thérapeutique » pour une meilleure neutralité du soin psychique est un leurre. Comme le proposait Carl Rogers dans le Counseling, ils sont tous deux à la fois distincts mais en positions équivalentes, et leurs vécus de la séance sont profondément intriqués, interdépendants.

Cela nous conduit au fait qu’un praticien ne peut correctement s’occuper de l’autre s’il n’est pas au moins un peu conscient de lui-même.

6.1 Les « deux sujets » en présence

En psychologie, il ne peut y avoir un praticien « agent du soin » et un patient « objet de soin ». Si cela semble une évidence tant mieux, mais il importe de le rappeler : nous avons deux sujets en présence.

Le patient ressent des choses, le praticien ressent des choses. C’est la présence du praticien qui permet la situation thérapeutique, et cette présence ne peut se concevoir sans que le praticien ne ressente quelque chose face à son patient. La question est de savoir « que ressent-il ? ».

Il se trouve que ce qu’il ressent dépend de « vers où il tourne son attention ». Tourne-t-il son attention vers un être à rencontrer, ou bien vers un problème à résoudre ? Est-il motivé par le sujet à rencontrer ou par la pathologie à guérir ?

S’il est mobilisé par le problème à résoudre, par la pathologie à guérir, par les circonstances douloureuses de vie à retrouver… il aura naturellement le visage et l’expression de quelqu’un qui voit des problèmes. Il sera alors grave, lourd, préoccupé. Le patient voyant cela se sentira source de lourdeur chez le praticien et se crispera naturellement, hésitant à se montrer davantage… vu l’effet qu’il produit sur celui-ci !

Si le praticien est motivé par la rencontre du sujet, du sujet présent mais aussi « de ceux qu’il a été dans sa vie » et qu’il va lui présenter,  il a naturellement le visage, l’expression, de quelqu’un qui fait une rencontre. Voilà son ressenti : non seulement il n’a aucune gravité, mais il manifeste la simplicité d’une réjouissance éprouvée lors d’une rencontre. Cette expression du praticien est un réel encouragement pour le patient qui, voyant qu’il produit un effet positif, n’hésite pas à se montrer un peu plus… donc à se rencontrer lui-même un peu plus.

6.2 L’art de se sentir touché

Pour cela, le praticien accepte d’abandonner l’idée de distance (même de « bonne distance » ou de « bonne proximité »). Il accepte d’être « touché » par la présence de son patient. Rappelons-nous que le mot « empathie » était à l’origine le « Einfülhung » de Theodor Lipps et Sandor Ferenczi (où « Fülhen » en allemand signifie « tact psychique », comme « feeling » en anglais).

« Être touché » ne signifie pas « tomber dans l’affectivité ». On est affecté quand on regarde un problème, on est touché quand on rencontre quelqu’un.

C’est justement parce que le praticien se sent touché que le patient émerge et se sent reconnu. Ils sont distincts, mais en contact, et de la rencontre émerge un moment thérapeutique. Ils sont distincts (ce que sent l’un n’est pas ce que sent l’autre) mais ils ne sont surtout pas distants !

Quand au contraire le praticien se sent affecté, le patient recule, se cache, dissimule.

Si pour éviter d’avoir l’air affecté le praticien se « neutralise », pour maintenir le leurre, il se rigidifie, joue quelque chose qui n’est pas lui. Le patient n’a plus alors  le goût d’aller vers lui-même, en étant face à quelqu’un qui n’existe pas. C’est comme s’il était seul ou abandonné.

« Être touché, c’est « être en vie ». C’est faire une rencontre. C’est toucher la vie. C’est être touché par la vie. C’est un moment de « réjouissance », car pour un humain qui est un humain, être touché par la vie est un moment d’exception. Bien évidemment, tout comme le patient, le praticien est avant tout un humain.

Ce moment d’exception est cependant un moment simple, car c’est juste un moment de rencontre. Il serait erroné de l’idéaliser. Il est profondément simple, mais en même temps source d’une profonde réjouissance, comme face à une justesse, comme simplement face à la vie en accomplissement, comme face à quelqu’un qu’on est content de voir, comme face à quelqu’un qui vous accorde le privilège de le rencontrer, comme face à quelqu’un qui se révèle sous vos yeux… et même comme face à quelqu’un qui vous accorde le privilège d’être présent à sa naissance, à son émergence de Soi.

Pour plus de détails, voir sur ce site la publication de décembre 2007 « Le positionnement du praticien »).

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7     Pour conclure

Résumons les points abordés dans ce document concernant un changement de logique chez celui qui souhaite améliorer sa capacité d’accompagnement psychologique des personnes dont il s’occupe. Que celui-ci soit un soignant, un travailleur social, un éducateur, un psychothérapeute, un psychologue, un psychanalyste, un psychiatre, un pédopsychiatre…etc., il aura avantage à se pencher sur ces différents points.

7.1 Passer de la logique d’objet
à la logique de sujet

Si vous voulions parler de façon sophistiquée, mais très juste, nous pourrions dire que nous passons d’un paradigme objectal à un paradigme subjectal. En mots courants (mais moins précis) nous dirons que nous passons d’un mode de pensée basé sur l’objet (quelque chose) à un mode de pensée basé sur le sujet (quelqu’un).

7.2 Passer de la logique de problèmes
à celle de sens

De la même façon, nous pourrions dire que nous passons d’un paradigme de « problèmes à résoudre ou de désordre à corriger » à un paradigme de « sens à révéler ou d’ordre en marche à accompagner ». En mots plus simples, nous dirons que nous passons d’un mode de pensée qui ne faisait que s’orienter vers les problèmes à résoudre ou les désordres à corriger, à un mode de pensée qui est orienté vers le sens, vers une réalisation en cours, vers une individuation en accomplissement, vers un être en train de venir au monde avec des processus pertinents qu’on prendra soin d’accompagner et non d’entraver.

7.3 Passer de la logique de distance
à celle de contact

Nous  pourrions dire aussi que nous passons d’un paradigme de la distance juste à  établir (positionnement ultra « professionnel » quasi dogmatique) au paradigme d’un contact à établir, ou plutôt à laisser s’établir naturellement  (positionnement réellement professionnel, qui est un état d’ouverture et non une situation de lien). Au lieu d’être distants, le praticien et le patient, restent en contact, tout en étant tout à fait distincts. En fait, nous cessons tout simplement là de confondre « distinct » et « distant », au point que le contact puisse s’établir sans risque.

7.4 Passer de la logique de solution
à celle de reconnaissance

Nous passons aussi d’un paradigme du problème à résoudre, à un paradigme du ressenti à reconnaître. Jusque là, la plupart du temps, face à une souffrance psychologique, le projet du praticien est d’apporter un apaisement. Or le mode de pensée à adopter est à l’opposé : avoir pour projet une reconnaissance du ressenti (et non l’apaisement de celui-ci). En effet, vouloir apaiser augmente le mal être que l’on cherche à calmer.

7.5 Intégrer la dialogique
« pulsions de vie - pulsion de survie »

A cela nous ajouterons le fonctionnement dialogique des pulsions de vie et de survie. Elles répondent à des logiques opposées, et pourtant fonctionnant ensemble, en synergie, et en complémentarité. Il s’agit donc pour le praticien de tenir compte simultanément de leurs deux rôles antagoniques et d’en accompagner le déroulement pertinent.

7.6 Intégrer la dialogique
« connaissance - non savoir »

Accéder à la dialogique « Connaissance-Non savoir » est un point délicat, méritant une publication à lui tout seul (voir sur ce site la publication d’avril 2001 « Le non savoir source de compétence »). Le praticien et le patient sont distincts, le praticien ne peut rien savoir réellement du patient sans passer par lui… et pourtant il ressent plein de choses à son sujet (qui ne sont pas des projections).

Cependant il se gardera toujours d’interpréter, et ne fera que demander au patient ce qu’il en est pour lui, sans pour autant induire quoi que ce soit. Cela demande du doigté, un bon usage du langage, un grand respect de l’autre, et une conscience suffisante de soi.

Quand Carl Rogers parlait de « présence », il évoquait quelque chose de ce genre. Il estimait qu’il s’agit de quelque chose de fondamental. Voilà la description qu’il en donnait : « J’ai l’impression, que mon esprit est entré en contact avec celui de l’autre, que notre relation se dépasse elle-même et s’intègre dans quelque chose qui la transcende et qu’adviennent alors, dans toute leur profondeur, l’épanouissement, le salut et l’énergie » (Rogers, 2001, p.168-169)* 

*Cité dans le très intéressant article de André Botteman  (écrit à l’occasion du centenaire de Rogers), qui rapporte de nombreux propos de Brian Thorne, un de ses derniers disciples (Botteman, 2004)

Nous avons là une proximité où nous voyons en même temps se côtoyer le fait de ne pas savoir, et le fait de ressentir, de connaître, de rencontrer.

7.7 Quand le praticien est-il prêt ?

En réalité, il n’y a rien de compliqué dans tout cela. Ce qui est surprenant, c’est que la plupart du temps ce qu’il y a à faire est très simple. Par exemple dire à quelqu’un qui a de la peine et qui est en larmes « c’est vraiment trop dur pour toi !? » n’est pas bien sorcier (voir sur ce site la publication de novembre 2002 « Reformulation »). Cet assemblage de « reconnaissance » affirmative, et d’attitude de « non savoir » interrogative, donne de la douceur, de la justesse et accomplit un réel apaisement (sans pourtant qu’on ait un projet d’apaisement). Le plus compliqué ne tient pas dans les éléments théoriques abordés ici, mais simplement dans le changement de logique qui conduit à un mode de pensée auquel on n’est pas habitué.

Pour être prêt, le praticien n’a pas d’autre alternative que se mettre à l’œuvre.  Il doit avoir un minimum de connaissance, et avoir accompli un minimum de lucidité à son propre sujet… mais il ne sera vraiment prêt qu’en commençant à accompagner autrui.

Donald Wood Winnicott met en dédicace dans son ouvrage Jeu et réalité (1975) « merci à tous ces patients qui ont payé pour m’instruire ». Nous comprenons ici tout à fait son propos.

Si le praticien a suffisamment d’humilité, les personnes dont il s’occupera  pourront bénéficier de son accompagnement, tout en l’éclairant sur toutes ces notions que nous avons évoquées ici. Ayons bien présent à l’esprit que même si les patients ne connaissent pas consciemment ces notions…ils   les vivent pleinement.

Thierry TOURNEBISE

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Bibliographie

Descartes, René
-
Descartes, Œuvres Lettres
Règles pour la direction de l’espritLa recherche de la vérité par la lumière naturelle – Méditations – Discours de la méthode  « Bibliothèque de la Pléiade » Gallimard – Lonrai, 1999

Epictète
-Manuel – Nathan, 2006

Botteman, André
-
Un testament de Carl Rogers- Revue francophone  internationale Carriérologie, 2004 (Volume 9, numéro 3)

Jaspers, Karl
-Psychopathologie générale -PUF Bibliothèque des introuvables, Paris 2000

Jung, Carl Gustav
-
Ma vie, souvenirs rêves et pensées- Gallimard Folio, 1973

Ouanounou, Jacob
-La clé des temps – Edilivre 2008

Le Moigne, Jean-Louis - Morin, Edgar
-Intelligence de la complexité – L’Harmattan, 1999

Maisondieu, Jean
-Le crépuscule de la raison – La maladie d’Alzheimer en question – Bayard 2001

Morin, Edgar – Le Moigne, Jean-Louis
-Intelligence de la complexité – L’Harmattan, 1999

Rogers, Carl Ransom  
-L’approche centrée sur la personne. Anthologie de textes présentés par Howard Kirschenbaum et Valérie Land Henserson. Trad. de Henri- Richon Georges. Editions Randin S.A. , Lau san ne 2001.

Trinh Xuan Thuan
-Mélodie secrète - Gallimard folio essais 1991
-Le monde s’est-il créé tout seul ? -
Albin Michel 2008

Winnicott, Donald Wood
 -Jeu et réalité - Folio Gallimard 1975

 

site Internet 

Tournebise Thierry
Publications citées venant de www.maieusthesie.com  
« Le non savoir source de compétence »
d’avril 2001
« Le danger de convaincre »  juin 2002
« Reformulation »
novembre 2002  
« Résilience »
de novembre 2003
« Anorexie »
juillet 2006  
« René Descartes »)
novembre 2006
« Bientraitance »
aout 2007
« Le positionnement du praticien »
décembre 2007
« Abraham Maslow » d’octobre 2008
« Gestalt thérapie » mai 2009
« La maladie d’Alzheimer »
décembre 2009

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