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Des lumières bien fêtes
Les illuminations de ces fêtes de fin d'année 2000, soulignent
un moment de joie rempli de souhaits et de cadeaux.... Même si
elles font en même temps un peu ressortir quelques ombres
d'inégalités, car tout le monde n'a pas les mêmes moyens de faire la fête,
les arbres, les rues et les villes sont néanmoins enguirlandés et cela
ressemble à un moment de féerie.
"Illuminer". "Éclairer". Ce
sont des termes également utilisés pour parler de notre pensée.
Nous parlerons d'une idée lumineuse. Nous
demanderons parfois à être éclairé (recevoir une explication). Nous dirons
faire la lumière sur un problème (le
résoudre).
On peut aussi se faire enguirlander... ça
revient même à dire que là, c'est notre fête...! Et ça n'a rien de
féerique! Ainsi, il arrive parfois qu'une
personne veuille nous éclairer sans que nous le souhaitions. Cette
lumière imposée vient souvent ternir
notre pensée personnelle et notre interlocuteur, pour manifester l'éclat de
son point de vue, s'acharne à mettre le nôtre dans l'ombre. Comme si
notre pensée (à nous) n'avait pas de valeur, ne méritait pas de lumière. Alors
nous nous sentons un peu enguirlandé... mais avec les pensées
"lumineuses" de l'autre... et ça, c'est plus encombrant
que décoratif!
Grâce à l'ombre et la lumière, certains
contrastes donnent du relief (comme en peinture, dessin, photo
etc.). Mais sur le plan humain, les contrastes
semblent hélas moins appréciés. Trop souvent, nous assistons à
une pratique qui fait disparaître les reliefs que nous offrent les différences
de pensée. Cette pratique risque de conduire à un monde ressemblant à une
photocopie ratée de la pensée de quelques-uns (soit toute noire soit toute
blanche).
Je trouve que cette période de fin d'année est un moment propice pour
examiner ce que nous montrent ces jeux d'ombres et de lumières. Voyons s'il
est possible d'éclairer sans produire d'ombre car il semble que, même en
physique optique, les deux soient associés.
Un effet inattendu de l'éclairage
Un des effets inattendus de la lumière, c’est que plus l'éclairage est
fort, plus il génère d' ombre. Il y a toujours une
face éclairée et une face cachée.
On le voit particulièrement bien sur notre Lune. Le
côté éclairé par le soleil est lumineux et chaud… et
dans le même temps, il en découle que l’autre
côté est sombre et froid.
En serait-il de même des idées? Plus on les
éclaire d’un côté, plus elles deviennent sombres de l’autre?
En effet, ce qui satisfait l’intellect sous un angle, augmente souvent sa
frustration sous un autre!
La source des conflits vient souvent du fait que chacun
veut éclairer sa propre face (son point de vue à lui),
interdisant aux autres d’éclairer la leur (leur point de vue à eux). Chacun
refusant à l’autre la "lumière" qui lui revient sous
prétexte qu’il n’y aurait qu’une vérité, digne d’être éclairée
pour être adoptée par tous. On voit ici poindre le sectarisme avec la
destruction organisée des points de vue différents.
C’est évidemment un fléau de l’évolution humaine. Même
les bonnes idées, quand elles deviennent sectaires, deviennent dangereuses.
Nous trouvons là une parfaite illustration : essayer
de convaincre, c’est
éclairer tout en faisant de l’ombre. C’est mettre son propre point de vue en lumière en faisant de l’ombre à
l’interlocuteur. C’est mettre la pensée de l’autre
à l’ombre (pour ne pas dire l’enfermer dans une prison ou des
oubliettes).
Éclairer l’endroit et l’envers
Quand vous éclairez un objet vous n’augmentez
la visibilité que d’une face de cet objet. Pour le voir
entièrement, il vous faudra aussi en éclairer l’autre
face. C’est à dire vous mettre au
point de vue opposé.
Mais nous manquons de souplesse pour un tel exercice. Nous aimons surtout
défendre notre point de vue. Trop souvent, seul l’éclairage
de notre point de vue compte! Le côté opposé (pour ne pas dire
adverse) ne mérite aucune lumière… si ce n’est des lasers pour l’exploser !
C’est tout le problème des pensées partiales. Problème de sectes, bien
sûr, mais aussi problème terriblement quotidien de la communication où
chacun défend sa pensée… et plutôt que de la partager il l’impose.
Peut être celui qui est atteint d’idéologisme doit-il simplement
apprendre à repasser. Oui vous avez bien lu repasser!
Amusante analogie : L’accès à la
vérité, c’est comme quand on repasse le linge. Le repassage
optimum sera atteint quand on aura repassé l’endroit et l’envers de l’étoffe.
La vérité est sans doute comme une telle étoffe. Il faut en éclairer les
deux faces pour qu’il ne s’y trouve plus d’ombre ni de plis.
Pour cela saurons-nous apprendre à éclairer
aussi le point de vue de l’autre afin qu’il n’ait pas besoin
de se battre pour être entendu. Saurons-nous lui donner une qualité d’écoute
et de confiance qui lui permette de s’exprimer plus facilement. Saurons-nous
avoir pour projet d’accéder à " sa vérité " pour
ensuite, et ensuite seulement, lui faire par de la nôtre ?
Ne pas confondre Lux et Passage
Le lux est une unité de mesure de la
luminosité. Vous avez
sans doute remarqué qu'il y en a particulièrement peu dans un tunnel.
Quoi de plus sombre qu’un tunnel ! "être dans le
tunnel", ne symbolise-t-il pas "être dans l’ombre",
"être dans les problèmes". Pourtant un
tunnel, c’est une lumière ! Cela
mérite quelques explications:
Sans doute je m’amuse à jouer sur les mots, mais là c’est franchement
trop tentant ! Une lumière ce n’est pas
seulement un
éclairage, mais aussi un
passage.
Par exemple le centre d’un tube s’appelle la "lumière du
tube". Toutes les personnes ayant travaillé dans un laboratoire
connaissent bien ce terme pour parler de leur matériel tubulaire. Un trou ou
une fenêtre dans un mur s’appellent aussi une lumière. Un tunnel dans une
montagne, c’est donc aussi une lumière dans la montagne.
Être
dans le
tunnel
c’est donc aussi être dans la lumière!
L'analogie vous semble-t-elle excessive? Pourtant nous
avons tous observé dans notre vie, que les moments
difficiles (les zones d'ombre) sont souvent ceux par lesquels nous avons le plus
progressé. Ces zones d'ombre, curieusement, nous ont fréquemment permis
de grandir, de gagner en maturité... elles nous ont éclairés!
Naturellement nous ne disons une telle chose qu'après
être passé dans le tunnel! Car quand nous y sommes, ça ressemble
plus à un obstacle qu'à une ouverture.
Projecteurs et ouvertures
Le mot lumière désigne donc deux concepts différents : éclairage
ou passage.
Parfois les analogies nous aident à comprendre. Pour cela il faut oser s’éloigner
quelques instants de la pensée habituelle. Le fait que le mot lumière
désigne en même temps "éclairage" et "passage" nous
renseigne un peu sur l’attitude qui nous permet de mieux communiquer, de
mieux aborder les différences de points de vue, et même de mieux
accéder à ce qui est en nous.
Avec l’intellect, nous avons pris l’habitude
de comprendre en réfléchissant (réfléchir
pour faire la lumière sur quelque chose… curieux, non !).
Pourtant, plus nous réfléchissons,
plus nous développons en même temps des zones d’ombre.
Par exemple la science, tout en nous sortant (fort heureusement) de l’obscurantisme
médiéval, nous a montré la dimension de notre ignorance.
Nous pourrions dire que l’éclairage
correspond à l’intellect et l’ouverture
à la conscience.
La science éclaire, la conscience s’ouvre.
Les deux ont de l’importance, mais elles n’opèrent pas de la même
façon. Dans un prochain article, je parlerai de ce lien particulier entre la
science et la conscience.
Habituellement, quand nous parlons d’éclairer, de faire la lumière, d’y
voir clair, de comprendre, nous pensons surtout à une puissance
de réflexion résultant d’un capacité
intellectuelle. Or si cela fonctionne pour résoudre un problème
mathématique (encore que l’intuition y a aussi de l’importance), ça ne
marche pas pour résoudre les problèmes humains.
La qualité de la communication
entre les humains dépend plus de l’ouverture d’esprit
que de la capacité intellectuelle. Pour
mieux communiquer, il est préférable d’être ouvert plutôt que d’être
brillant.
Quelqu’un qui a une ouverture
d’esprit aura de la présence
et semblera "lumineux", chaleureux, mais sans affectivité (lire l’article
sur le piège de l’ empathie).
Quelqu’un qui essayera d’être
brillant sera clinquant,
étouffant. Dépourvu de chaleur humaine, même avec du charisme, il ne fera
que brûler ou étouffer ceux qui l’approchent (même admiratifs, ils ne
seront qu’éblouis, aveuglés, endormis).
Ce qui est vrai pour la communication avec autrui l’est tout autant dans
la communication avec soi-même.
Des Ombres comme des Lumières
Cette attitude d’ouverture avec les autres est également fondamentale
avec soi-même. Mais saurons-nous nous ouvrir, en nous, à ce qui
habituellement nous gêne ?
Combien de fois nous a-t-on rejoué la fable de l’ombre
qui est en nous!? Depuis les fautes, les pêchés, le mal et les
démons qui nous habitent jusqu’à cet inconscient psy, rempli de choses
plus ou moins malsaines où un enfant a la pulsion de tuer son père et de
coucher avec sa mère… Certes, aussi bien la religion que la psychologie
méritent un regard plus nuancé que ces quelques mots que je viens de jeter
dans ce paragraphe. Mais il n’en demeure pas moins que telle
est la culture véhiculée, telle est la résultante dans l’esprit
du plus grand nombre de personnes. Il n’en demeure pas moins non plus que la
lutte contre le mal, hélas, continue… même si c’est
sous des formes plus modernes : Que la lumière soit plus forte… tous à
vos lasers! Il faut éradiquer l'ombre, l'exploser !
C’est sûrement là le piège.
C’est
justement ce type de lumière qui génère de l’ombre.
Plus
on éclaire pour vaincre, plus on croit y voir clair, plus le
mystère s’épaissit, plus l'ombre augmente.
Souvent ce que nous identifions comme mal
être n'est en fait que ce qui souligne un
manque, une zone de vie restée
vide, qui attend d'être comblée de notre attention.
Rappelons nous plus haut de l’exemple du tunnel dans la montagne.
Et
si ce qui semble être de l’ombre n’était en fait qu’un passage.
Un passage vers une part de nous-même qui attend un peu d’attention, un peu de
considération, un peu d’écoute, de chaleur, un peu d’amour ?
Tout le travail thérapeutique à faire n’est autre que d’accomplir
une rencontre entre celui que nous sommes et cette part de soi qui attend.
Pour accomplir cette rencontre aurons-nous l’idée ou le courage de considérer
ce qui semble sombre, comme un passage, comme
une lumière (comme pour le tube ou le tunnel) conduisant
vers ce qui attend notre attention pour guérir?
Seulement faire le lien entre ce passé
et ce présent, ce n’est qu’éclairer.
Cela peut générer de l’ombre et produire l’inverse de l’effet attendu.
Par exemple une personne découvrant qu'elle a développé les mêmes défauts
que ses parents peut se désespérer, lutter contre ses défauts et finalement
se mettre à se rejeter elle-même (comme elle a autrefois rejeté ses
parents). Au contraire elle aurait pu utiliser cette ombre comme une
opportunité pour comprendre ses parents. Elle n'aurait pas eu à se rejeter
elle-même et en plus, elle aurait récupéré la dimension manquante de ceux
dont elle est issue. D'autre part le défaut aurait spontanément disparu car
sa seule raison d'être était de permettre un tel cheminement de réhabilitation.
S’ouvrir, c’est vraiment combler le manque,
réparer et se libérer définitivement, sans déplacer le problème. C’est
éclairer les deux faces à la fois , c’est rendre sa juste place à ce qui
était resté en suspend, comme dans une parenthèse de vie et qui attendait
notre regard pour venir au monde. Dans l'exemple ci-dessus, c'est vraiment
éclairer le parent autant que soi-même. Éclairer l'un ne fait plus d'ombre
à l'autre! C'est bien plus qu'un éclairage, c'est une ouverture donnant existence
à chacun.
S’ouvrir c’est offrir
une lumière à celui qui attend. Lui offrir une lumière, c’est
à dire un passage pour être reconnu,
entendu, considéré, accueilli, soigné.
La nuit du présent et le présent de la nuit
Nous arrivons donc aux fêtes de Noël et c’est le
moment des cadeaux. La nuit de Noël, sous notre latitude est celle
du solstice d’hiver (précisément le 21 ou 22 décembre), où la
nuit la plus longue précède le premier jour qui rallonge !
C’est donc cet instant particulier de la nuit la plus longue, de l’ombre
la plus épaisse… et pourtant celle où les cadeaux vont arriver.
C’est la nuit du présent
(du cadeau). C’est donc le moment à vivre pour
recevoir le présent de la nuit. C’est à
dire ce passage qui permet d’aller vers plus de
jour. Ce passage, même quand il est sombre, n'est peut-être qu'un
généreux tunnel offrant un judicieux passage vers soi et vers les autres.
Cette nuit du présent peut être la symbolique de l'instant
présent (l'instant cadeau), qui à chaque moment de
l'existence peut donner beaucoup à celui qui s'y ouvre.
Un des cadeaux à s’offrir et à offrir aux autres est
sûrement d’ apprendre
à éclairer sans faire d’ombre, à expliquer sans chercher à
convaincre. Développer une attitude de respect. Développer cette attitude
envers les autres, mais aussi envers soi-même (il est plus important de
savoir accueillir ce qu'on est que d'apprendre à le maîtriser). Pour
être meilleur, ne devenons pas un autre: cessons plutôt d'être un autre.
Les différents articles de ce site vous indiqueront quelques pistes pour y
parvenir. Que ce soit sur la communication,
sur la psychothérapie
ou sur les diverses applications
personnelles,
familiales ou
professionnelles.
De nombreux détails se trouvent aussi à votre
disposition dans les publications d'ouvrages
dont vous trouverez les titres sur ce site
De la peur du noir quand on est petit, aux besoins d’explications quand on
est grand, la même inquiétude nous poursuit:: nous n'aimons pas ne pas
savoir, ni ne pas voir. Pour s'en libérer, pour ne
plus subir l'ombre, il est probablement plus
important d'être ouvert que d'être brillant.
Inutile de se déguiser en sapin de noël avec des guirlandes clignotantes!
Sur l'acception de "ne pas savoir", je vous
proposerai aussi plus tard un article car c'est un point fondamental.
Thierry TOURNEBISE
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