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« Je
suis né, je l’avoue, avec une tournure d’esprit telle, que le plus grand
plaisir de l’étude a toujours été pour moi, non pas d’écouter les
raisons des autres, mais de les trouver par mes propres moyens » (René
Descartes Règles pour la direction de l’esprit, Règle X)
Lire
aussi la publication de novembre 2006
René Descartes L'élan d'une Science Humaine
Rester libre des écoles de pensée
Pour mener une réflexion constructive, la pensée doit
s'organiser et se structurer. Une certaine rigueur
est ainsi nécessaire afin que la réflexion ne parte pas dans tous
les sens et évite de confondre les hypothèses et
les certitudes.
Pourtant, la créativité
et la richesse d'une réflexion
n'apparaissent que si la pensée se sent libre
de vagabonder comme bon lui semble.
C'est là
tout le paradoxe des enseignements. Pour
être enseignée, une idée doit être organisée afin d'être transmise.
Mais le risque de cette organisation est qu'elle peut
la rendre rigide et constituer une sorte de dogme. Alors, même si
le projet initial est d'enrichir la réflexion de ceux qui étudient, il se
produit l'inverse.
Souvent un
enseignement produit malencontreusement cette rigidité et conduit
à des idées exclusives. Quelle qu'en soit la richesse, il ferme alors
l'esprit et freine sa réflexion.
Nous ressentons bien
cette nécessité d'être libre des
écoles de pensée afin de ne s'enfermer dans rien. S'il est
évident que le premier danger est représenté par les sectes, la pensée
sectaire est aussi une belle entrave dans tous les domaines de la société
(sport, travail, politique, vie familiale ...etc.
Or, si pour la sécurité de notre
liberté les sectes sont identifiables, la pensée sectaire, elle, est
beaucoup plus pernicieuse car elle se trouve n'importe où.
Un
peu de clarté sur ce qu'est la liberté de penser est donc un moyen de ne pas
se laisser abuser et de garder une réflexion fructueuse et une créativité satisfaisante.
C'est aussi le moyen de ne pas renier
ce que nous ressentons profondément et qui constitue l'essence
de nous-mêmes.
Rester libre même de la liberté
Ne s'attacher à aucune école est donc une condition
nécessaire à la richesse de pensée, à la progression et au
respect de soi. Mais elle n'est pas suffisante
car le risque est alors de prendre une distance
excessive avec la pensée des autres.
C'est aussi un piège d'être "attaché
à la liberté"... cela peut sembler paradoxal, mais c'est
aussi un attachement!
Tout contient une richesse. A trop se protéger, à trop
craindre la rigidité, à trop craindre d'être pollué par autrui, à trop
défendre ses propres idées, croyances et attachements personnels, on risque de passer à
côté des nombreuses ressources qui nous entourent.
La liberté doit s'accompagner
d'ouverture d'esprit, sinon elle se transforme en anarchie ou en
individualisme tournant en rond dans une réflexion personnelle stérile.
Autant l'attachement à une école de pensée ferme l'esprit,
autant l'attachement à la liberté ferme la réflexion. Si nous sommes attachés (même à
la liberté), nous ne sommes pas libres!
Liberté sans attachement
Le protectionnisme intellectuel et ses querelles de clochers
sont évidemment nuisibles à une réflexion saine et productive. L'attachement à la liberté
réserve quelques pièges aussi. Alors quelle est l'attitude juste?
Il s'agit de trouver ce délicat
équilibre qui n'est ni l'un, ni l'autre... ni entre
les deux. L'erreur consiste souvent à croire
que la sagesse se trouve comme une moyenne entre deux extrêmes. C'est
certainement une aberration. La moyenne de deux erreurs ne donne pas une chose
juste. Ce qui est juste n'est, ni l'un, ni
l'autre, ni entre les deux. C'est autre chose.
Cette
autre chose est une ouverture d'esprit aux deux possibilités auxquelles on
pense (plus à d'autres éventualités que nous ne connaissons pas encore)
sans être attaché à aucune. C'est de ne pas être attaché
du tout et de se sentir libre de considérer toute pensée nouvelle
sans risque de pollution intellectuelle.
Hypothèses et certitudes
La pensée scientifique a tenté de se rapprocher de cette
sagesse en séparant bien les hypothèses des certitudes. L'esprit
scientifique, en principe, ne considère
comme vrai ou faux que ce qui a été démontré par
l'expérience. Ainsi, tout ce qui n'est pas explicitement
démontré par l'expérience comme vrai ou faux reste alors dans le
champs des hypothèses possibles.
Pour un
scientifique, une chose n'est acceptée comme une certitude que quand, de
façon reproductible, une expérience au protocole précis donne
systématiquement le même résultat. Mais notons qu'il y a une
grande différence entre :
- Ne retenir comme vrai que ce qui
est démontré (ceci est parfaitement correct
et reflète une certaine sagesse)
- Considérer comme faux ce qui n'est pas
démontré (ceci est parfaitement abusif
et reflète une certaine folie)
Le scientifique a souvent perdu toute sagesse, en développant
un nouveau système de croyance
considérant comme
faux ce que l'expérience n'a ni
avéré ni réfuté . Sa peur des croyances (légitime)
le plonge alors inconsciemment dans d'autres croyances (pernicieuses) qui lui
ferment des champs d'exploration nouveaux.
Heureusement,
tous les scientifiques ne tombent pas dans ce piège et c'est ainsi que
certain d'entre eux ont permis les avancées plus innovantes (les autres ne
font que tourner en rond en ronronnant ce qu'on leur a enseigné).
Les ressources en soi
Pour accéder aux hypothèses, il est utile d'être ouvert à
ce qui nous vient de l'extérieur, mais aussi et surtout d'être
ouvert à tout ce qui nous vient de l'intérieur.
Ce
qui nous vient à l'esprit, ce que nous ressentons, nos intuitions, constituent
un réservoir extraordinaire de créativité
(poétique, scientifique, humaine, technique ....) Or nous sommes
généralement assez inconscients de ce potentiel qui n'est culturellement
accordé qu'aux artistes, aux poètes... et encore seulement à ceux que les
musées ou la littérature nous mettent en exergue car le talent ne semble
réservé qu'à une élite!
De cette façon qui ose
s'aventurer dans une créativité qui sort des sentiers battus? Nous pouvons remarquer,
que quand il y a les maîtres... et ceux qui les admirent, le potentiel de
chacun s'étiole (mais naturellement on peut apprécier quelqu'un, et ce qu'il
fait sans tomber dans cette fascination).
Il y a tellement de choses que nous ressentons et que nous avons
pris l'habitude de ne pas entendre, en laissant aux spécialistes le soin de
penser pour nous! Cependant, pour
chaque chose nouvelle, il a fallu que quelqu'un y pense en premier.
Or ce quelqu'un peut être n'importe lequel d'entre nous et il est important
de ne pas laisser autrui décider à notre place de ce que nous ressentons et
pensons.
Nos ressources intérieures sont plus importantes que nous ne
l'imaginons. Pour chaque chose qui se passe nous avons une idée, un ressenti.
Celui-ci peut être le point de départ d'un regard nouveau sur quelque chose
que personne n'avait vu ainsi auparavant.
Naturellement tout ce que nous pensons et ressentons est juste,
par rapport à ce que contiennent notre histoire et notre esprit, mais ne l'est
pas forcément par rapport à des éléments objectifs extérieurs. S'accorder
cette créativité est important, mais l'accompagner
de rigueur et d'humilité l'est tout autant
L'humilité d'écouter l'autre
Quand nous avons trouvé et réhabilité cette ressource
intérieure, celle-ci peut encore être polluée par notre ego. De même que
l'adolescent a plein d'idées et rejette ce que pensent ses parents, celui qui
retrouve cette ressource intérieure risque de se croire investit d'une
vérité unique et de ne plus écouter les autres.
Alors qu'il vient d'échapper à l'enfermement sectaire dans
la pensée d'autrui, il tombe maintenant dans la prison intellectuelle qu'il
vient de se fabriquer lui-même. Or, que la secte soit dehors ou dedans... la
liberté en prend un coup!
Dans notre culture (et dans beaucoup d'autres), il est urgent
de réapprendre (ou d'apprendre) à écouter et entendre ce qui est en nous.
La valeur de nos ressentis et de nos pensées a trop été bafouée. Mais dans
le même temps il est fondamental de garder une ouverture d'esprit sur les
découvertes et la pensée des autres.
C'est l'ensemble de notre propre créativité et celle des
autres qui permet la plus grande richesse. S'il est judicieux de ne pas
permettre à la pensée d'autrui de gérer notre réflexion et de développer
en nous des croyances réductrices, il est tout aussi fondamental d' y rester
ouvert.
C'est ce que j'appelle l'affirmation de soi sans
ego. Elle permet d'oser être vu sans avoir besoin de se mettre en avant,
de n'avoir ni fierté ni effacement. D'être présent plutôt que brillant
(clinquant)
Mais ne tirons pas à boulet rouge sur cet ego... c'est la
moins mauvaise solution en attendant de développer suffisamment d'affirmation
de soi.
La maturité de penser par soi-même
L'affirmation de soi sans ego permet de
considérer ce qui est reçu de l'extérieur avec acuité et de privilégier ce
qui est en accord avec notre ressenti et notre expérience.
De la même manière cette affirmation de soi sans ego permet
de confronter ce qui est ressenti en soi avec ce qui
nous vient de l'extérieur.
L'affirmation
de soi sans ego permet de s'ouvrir à ce (et surtout à
"ceux") qui nous entourent sans pour
autant les laisser nous dicter notre pensée. Il en résulte une créativité
accrue .
Cette "liberté de pensée" est riche et structurante. Elle est
bien sûr très différente du désordre anarchique qui ressemble seulement à
une révolte d'adolescent. Elle est le signe d'une maturité qui marque peut-être un passage à l'état adulte.
Trop souvent la pensée est soit rigide quand elle se veut rigoureuse
soit confuse quand elle se veut libre. Elle gagne à n'être ni rigide ni
confuse. On accède ainsi en même temps à sa propre richesse intérieure
tout en bénéficiant des inestimables apports extérieurs.
Beaucoup de gens ont pensé des choses fabuleuses à toutes les
époques. Il y a ceux qu'on connaît (certains scientifiques, philosophes,
poètes ...etc.) puis tous les autres... N'oublions pas qu'il y a certainement
eu une infinité d'hommes et de femmes qui ont eu des ressentis subtils, des
regards nuancés sur la vie, des idées géniales... mais qui n'ont pas
laissé de postérité.
Il y en a eu et il y en a aujourd'hui. Nous en faisons tous
partie.
Conclusion
La liberté de pensée est quelque chose de plus rare qu'il
n'y paraît. Elle est pourtant une composante incontournable de la
créativité. Il y a toujours eu des personnes qui ont pensé les premiers à
certaines choses innovantes. Ce peut être chacun d'entre nous.
Cette
inspiration et cette acuité jaillissent particulièrement quand la liberté
est associée à l'affirmation de soi sans ego permettant en
même temps d'être ouvert à soi et au monde qui nous entoure.
Elles jaillissent encore mieux quand on est libre même de la
liberté!
Cela
permet un cheminement souple mais rigoureux, lucide et sensible, libre des
dogmes et des croyances, sans pour autant passer à côté de la richesse
qu'ils véhiculent.
Je vous livre dans cet article ce qui fait partie de mon expérience. La
vôtre
vous conduit peut-être à penser avec d'autres nuances... ou peut être même
de façon opposée? Certainement avons-nous chacun des raisons
pertinentes qui appellent réflexion et remise en cause. Nous
avançons tous grâce à ces remises en cause
qui ne sont possibles que lorsque
nous sommes libres des dogmes autant que des modes.
Ainsi,
tout ce qui est écrit dans ce site sur la communication
, la psychothérapie
et la maïeusthésie
doit rester évolutif et sera sans cesse ajusté par l'expérience à venir.
Chacun de vous , riche de sa propre expérience peut lui trouver des
ajustements et des développements auxquels je n'ai pas pensé car nos
expériences de vie sont différentes. Ce qui échappe à l'un peut être vu
par l'autre et vice versa.
La richesse de la pensée naît
de la liberté et de la communication.
Thierry
TOURNEBISE
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