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Libido, amour et autres flux

regard sur quatre types de thérapies

mars 2005    -    © copyright Thierry TOURNEBISE

 

 

NB. Je propose habituellement dans ce site des documents accessibles à tous lecteurs, professionnels ou non de la psychologie. Ici, ce document diffère un peu des autres, en ce sens où j'y propose une description de plusieurs approches avec, par conséquent, de fréquentes références bibliographiques. Certains trouveront que cela amène quelques complexités inhabituelles par rapport à mes autres publications. D'autres, au contraire, y trouveront une richesse supplémentaire.  Ce document est l'occasion de placer le contenu de ce site dans un contexte plus vaste. Il commence en prenant pour prétexte de différencier les mots "libido" et "amour", si souvent et si maladroitement, confondus... pour décrire ensuite les différents types de flux et les différentes démarches psychothérapeutiques qui leur correspondent.

Sommaire

Introduction:  Flux et thérapies

1- Mécanismes psychodynamiques

2- Mécanismes existentiels

3- Mécanismes cognitivo comportementaux

4- Mécanismes psychocorporels

En conclusion:  Complémentarités

Introduction:
Flux et thérapies

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Cinq types de flux

Les mots libido et amour sont souvent abusivement utilisés pour désigner la même chose. Or leurs sens sont différents au point de nommer des notions  quasiment opposées (même si elles peuvent être complémentaires). La libido nomme une attraction et un besoin pulsionnel  conduisant à vouloir utiliser l'autre, alors que l'amour indique une ouverture à lui, tel qu'il est, avec pour seul projet de le rencontrer et non de l'utiliser. Celui qui ne fait pas la différence entre libido et amour n'a sans doute pas non plus fait la différence entre besoin d'autrui et ouverture à autrui.

Si le besoin joue un rôle dans l'accomplissement des rencontres, celles-ci  ne trouvent  toute leur dimension que dans l'amour. J'ai déjà évoqué cette notion dans la publication de février 2001 sur la passion pour ce qui concerne la rencontre dans le couple. Naturellement, nous nous garderons bien ici d'associer le mot amour à quelques mièvreries sensuelles ou à quelques dimensions métaphysico spirituelles que ce soit. Nous pourrons avantageusement l'associer à des mots comme considération, reconnaissance, respect, individuation, assertivité (publication de septembre 2001), sans pour autant qu'aucun de ces mots n'en soit le synonyme. 

La façon pour un être humain de vivre dans le monde et d'expérimenter le quotidien, avec autrui ainsi qu'avec lui-même, passe par la manifestation (expression), ou la rétention (refoulement) de différents flux. J'évoquerai ici cinq types de flux, sans que cela ne prétende être exhaustif:

Les flux d'énergie: flux dynamique, flux de libido - Moyens énergétiques, besoins  (Psychanalyse et thérapie psychodynamique)

Les flux existentiels: vie, amour, considération, reconnaissance - Accès à la Vie (psychologie existentielle, maïeusthésie)

Les flux de pensées: mécanismes de la pensée - Moyens psychiques, Intellect (thérapies cognitives)

Les flux d'actions: gestes et paroles - Moyens physiques (thérapies comportementales)

Les flux émotionnels: émotions - Moyens de "re-animation" (thérapies psychocorporelles). Les émotions sont ce qui anime (é-mouvoir : mettre en mouvement). Elles sont un moyen de sortir de l'insensibilité (incapacité à percevoir) et d'accéder à soi ou aux autres (thérapies psychocorporelles) Même si, en excès, elles peuvent conduire à des blocages, elles permettent néanmoins de garder une trace du vécu.

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Quatre types de thérapies

La psychanalyse et la psychodynamique s'occupent de la problématique du flux libidinal et de son évolution à travers les différentes étapes de la vie. La maïeusthésie s'occupe des flux existentiels de considération et de reconnaissance, autrement dit, des flux d'amour (en prenant soin de clarifier le sens de ce mot). Les thérapies cognitivocomportemantales (TCC) s'occupent des flux de pensées et des flux d'actions. Les thérapies psychocorporelles s'occupent de l'écoulement et de la rétention émotionnelle.

Ce que je nomme ici flux existentiels a déjà été considéré par des praticiens psychologues, psychiatres ou professeurs comme Rollo MAY, Karl JASPERS, Carl ROGERS, Ludwig BISWANGER, dans la psychologie existentielle et phénoménologique. La considération pour l'individu, rencontré comme une source majeure,  a aussi été particulièrement évoquée par le cognitiviste Joseph BRUNER (au delà des théories préfabriquées et de ce qu'il appelle la méthodolâtrie). Si je n'assimile pas la maïeusthésie à ces approches c'est juste par respect et considération envers elles, afin de ne pas les assimiler à ce qu'elles ne sont pas tout à fait. Cependant la maïeusthésie y reconnaît nombre de ses principes et je suis particulièrement touché que des praticiens aient eu, depuis le début du siècle dernier, et malgré d'autres idées dominantes, un tel regard sur les sujets (les êtres) qu'ils ont aidés. L'individu y est plus considéré que les événements et que les pathologies. Il y est vu comme un "être au monde" et non comme un objet de soin devant coller à une théorie.

Ce document a pour projet de mettre en exergue les cinq types de flux mentionnés ci-dessus et les approches thérapeutiques qui leurs sont associées. J'attire l'attention du lecteur sur le fait que d'une part ce document ne se prétend pas exhaustif et que d'autre part,  il n'invite aucunement à la mise en concurrence des différentes approches qui seront plutôt envisagées sous l'angle de la complémentarité. Le seul reproche qui peut leur être fait, c'est quand l'une d'elle exclue, par un a priori, les zones de pertinences des autres.

Outre la définition plus précise de la libido (flux libidinal ou flux d'énergie) et de l'amour (flux de vie ou flux existentiel), nous verrons dans les pages ci-après, le rôle et la place des différents moyens  thérapeutiques pour restaurer l’équilibre des cinq flux : énergie,  vie (existentiel) , action, pensée, émotion.

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Détails du flux libidinal  

Une énergie  à dépenser

La libido représente l’énergie dépensée, ou à dépenser, vers des « objets ». Si nous n’y mettons pas la précision nécessaire,  la notion d’ « objets » porte déjà une ambiguïté puisque l’habitude est, en psychanalyse et en psychodynamique, de parler d’« objets » quand il s’agit de parler d'individus autres que soi (je reviendrai plus loin sur ce point). La libido est une énergie, une pulsion, un instinct, qui s’exprime, soit envers soi-même, soit envers autrui. Quand elle s'exprime envers soi-même nous parlerons de libido narcissique ou de libido du moi (dans laquelle l’individu est son propre "objet" sexuel). Quand elle s'exprime vers autrui, nous parlerons de libido objectale (dans laquelle l’"objet" sexuel est un autre que soi).

Si je mets sexuel en italique, c'est que FREUD a beaucoup insisté sur  la nature sexuelle de l' énergie libidinale1, mais que d'autres comme JUNG ont préféré y voir, de façon plus générale une énergie psychique. Dans les deux cas, l'idée d'énergie reste, mais chez JUNG, sa sexualisation n'est plus systématique (cette différence de points de vue leur a même valu de perdre l'amitié qu'ils se portaient).

1 -FREUD distingue cependant la sexualité (simple flux de libido) d'une part, et la génitalité (flux de libido avec acte ou projet sexuel proprement dit, au sens habituel du terme) d'autre part. La distinction entre sexualité et génitalité ne suffit pas toujours à lever l'ambiguïté.

Un incontournable écoulement

Cette libido étant considérée, du point de vue de Freud et de la psychanalyse, comme une énergie existant de toute façon, celle-ci doit s’écouler d’une manière ou d’une autre, quelque soit le moyen qu’elle trouve pour y parvenir. Freud décrit la psychopathologie à travers un décodage de cet écoulement de la libido qui se trouve plus ou moins contrarié ou plus ou moins satisfait. Il analyse ainsi les stratégies inconscientes que l’individu met en oeuvre pour satisfaire à cette exigence fatale de l’écoulement de l’énergie libidinale malgré tous les facteurs qui viennent le contrarier au cours de la vie.

Un flux captatif 1  

La libido est une énergie, un flux, un prolongement que le sujet dirige vers l’objet. Dans la libido, l’objet (l'autre) est convoité. Le flux d’énergie libidinale qui est envoyé dessus n’est pas un flux qui donne, mais un flux qui capte et qui prend pour se « nourrir ». Freud ayant utilisé l’image naturaliste de l’hydre envoyant ses pseudopodes vers l’extérieur, pour parler du moi qui s’étire vers l’environnement, je n’hésiterai pas à comparer la libido à la langue du caméléon ou de la grenouille qui s’élance vers l’insecte… plus pour s’en nourrir que pour le saluer. Cette image est un peu extrême, mais il faut bien reconnaître que quand seule la libido est à l’œuvre il s’agit plus de profiter de l’autre pour apaiser un besoin, que de le rencontrer. Chez l’être humain il y a mélange, de cette énergie libidinale,  toujours aux aguets (gérée par le moi), avec une conscience qui porte au contraire au respect de l’autre (gérée par le surmoi).

Mais l’humanisation de l’être humain peine à se produire, tant cela génère des conflits. Tantôt il ira vers la libido au détriment de la conscience, tantôt vers la conscience au détriment de la libido, sans que les deux parviennent à trouver ensemble leur juste place. Dans les deux cas, les blocages de libido ou les blocages de vie, qui en résultent, produiront des troubles psychologiques ou psychosomatiques.

1 captatif de captare "capter" : Psychologique "Qui cherche à accaparer quelqu'un, à prendre pour soi". - possessif.  Amour captatif (opposé à amour oblatif). Caractère captatif.Définition du petit Robert
NB.
Nous remarquerons que l'association des mots "amour captatif" est contradictoire (oxymore) alors que l'association des mots "amour oblatif" est une répétition (pléonasme)

Source et nature de l'énergie libidinale

Sa source est essentiellement physiologique et influence les échanges relationnels (liens : attachements, répulsion) entre les êtres humains, ainsi que leur psychologie (échanges relationnels internes entre les différentes parties du Soi).

L’énergie a pour étymologie ergos qui signifie travail (donc avant tout action). Pour comprendre la libido, il est essentiel de concevoir qu’il s’agit d’une énergie qui s’exprime de différentes façons et pas seulement sexuellement. Même s'il y a analogie dans les différents modes d’expression il importe de comprendre qu’ils sont très différents. Par exemple,  quand un enfant veut « pénétrer » le monde de sa mère en essayant d’être intéressant à ses yeux et de lire dans son regard « l’attrait qu’elle a pour lui », il s’agit bien d’une expression libidinale sur le plan de l’énergie… mais il serait déplacé d’y parler sexualité au sens strict. C’est sans doute cette confusion qui a créé des distorsions de sens (et parfois, hélas, des ricanements) concernant la psychanalyse aux yeux du public.

Cette énergie est source d’actions et aboutit à de l’avoir. C’est certainement pour cela que Freud nous parla si souvent d’objet quand il désigne l’autre. Avec la libido, la pulsion n’invite pas à s’ouvrir à l’autre, mais à profiter de lui et à le posséder. Même quand il est possédé de façon délicate, il n’en n’est pas  pour autant rencontré. La libido, à elle seule, ne constitue pas l’amour, mais peut contribuer à la rencontre. 

L'amour n'y est que potentiel

Quand l'individuation n'est  pas suffisamment mature pour permettre aux individus de se rencontrer vraiment tels qu'ils sont, l'amour n'est, au mieux, que potentiel. L'individuation le permettant sera une étape ultérieure vers laquelle la libido aura permis d'aller, mais qu'en aucun cas elle ne constitue.  Le besoin libidinal initial, aura juste servi d'élément attractif et de "ciment provisoire" en attendant que la maturité permette la réalisation d'une réelle rencontre des individus.

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Détails du flux de vie (existentiel)  

L’amour différent de la libido

L’amour a pour étymologie amor qui, en latin, découle du nom de dieu Amor. Le picard, en a fait ameur qui signifie « rut ». D'où les confusions de sens !

Si nous faisons abstraction des sens divins ou sexuels du mot amour, nous trouvons une notion d’ouverture de conscience envers autrui, un canal par lequel il peut y avoir des échanges. Une sorte de canal de vie de nature essentiellement psychologique (existentiel).  Il influence les échanges communicationnels (ouvertures d’esprit, de conscience) entre les êtres humains ainsi que les échanges communicationnels entre les différentes parties du Soi (état psychologique). Naturellement ce fonctionnement influence aussi la physiologie. Nous y trouverons l’expression de la pulsion de vie qui tend soit à créer une intégrité inexistente (mais potentielle) soit à retrouver une intégrité perdue

La pulsion de vie s’exerce sans énergie (un peu comme une attraction gravitationnelle spontanée). La pulsion de survie s’y oppose parfois, momentanément ou durablement, pour préserver d’une situation trop douloureuse. La pulsion de survie, elle, consomme de l'énergie (comme lorsqu'on veut s'opposer à la gravitation). C’est la pulsion de survie qui, quoique nécessaire, induit ruptures,  conflits et épuisements. Détails dans la publication de 2003 sur l'aide et la psychothérapie.

Un flux oblatif 1  

Oblatif signifie, qui donne, qui est généreux. La pulsion libidinale tentait d’attraper « l’objet » pour satisfaire à son écoulement  énergétique. La pulsion de Vie s’en différencie par deux points essentiels :

1- D’une part elle ne s’oriente pas vers un « objet » (être chosifié) mais vers un sujet (quelqu’un à part entière)
2 -
D’autre part elle n’attrape pas ce sujet, mais s’y ouvre pour donner (oblation) de l'attention et de la considération.

Contrairement à la pulsion libidinale,  la pulsion de Vie tend à la rencontre et non à l’utilisation de l’autre. Il s’y ouvre un canal permettant un échange réciproque. L’écoulement de vie constitue une voie de communication et non une accroche de l’autre. La vie n’est pas vraiment quelque chose qui s’écoule, mais quelque chose qui habite, qui s’ouvre, qui rencontre, qui reconnaît, qui réhabilite, qui permet de naître, qui met au jour, qui révèle, qui respecte tout et ne force en rien. Il n‘y s’agit pas d’énergie mais d’être. Par contre, cette qualité de l’être y sera source d’énergie. Ce flux de vie ne pourrait se mesurer en kilowatts, ni en lux. Il se mesure en qualité de présence, d’attention et d’ouverture (ce principe de "présence" est cher à Carl ROGERS, psychologue américain, nous y reviendrons en fin de document, avec un lien vers un texte explicite à ce sujet)

1 oblatif, ive : du latin oblativus « qui s'offre ». "Qui s'offre à satisfaire les besoins d'autrui au détriment des siens propres" - Dictionnaire  Petit Robert

Différencier vie et énergie

Quand nous parlons d’énergie nous parlons de faire ou d’avoir (d’où la notion d’objets, abordée en psychanalyse). Quand nous parlons de vie nous parlons d’être. Un enfant a plus d’énergie que de vie. Une personne âgée a plus de vie que d’énergie. Si la vie et l’énergie sont toutes deux présentes tout au long de l’existence, il semble que leurs proportions s’inversent au fil des âges (voir publications: " personnes âgées" - mai 2001; "humanisation de la fin de vie" - avril 2003).

Trop souvent nous faisons de ces deux mots des synonymes alors que être et faire ne définissent pas du tout les mêmes notions, même s’ils sont souvent intimement liés.

 

 

1

Mécanismes 
psychodynamiques

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La psychodynamique est l'approche psychotérapique inspiré de la psychanalyse et s'appuyant sur ses principes. Elle s'occupe des flux libidinaux (énergie venant du ça gérée par le moi, lui même supervisé par le surmoi). 

Innovation de Freud

Pionnier dans la quête de compréhension des troubles psychiques, Freud, a découvert le rôle important de la sexualité dans les affections mentales et psychosomatiques. Il est à noter qu’il a conduit ses recherches dans un monde puritain, à une époque et en un lieu où la sexualité était particulièrement taboue (la Vienne victorienne). Il avait donc plus de chance de trouver des troubles liés à la sexualité… jusqu’à la révéler comme étant à l’origine de la plupart des dérèglements psychiques. Il en découle tout un décodage des souffrances psychiques de l’être humain, comme étant lié à l’état de l’énergie libidinale. Rollo MAY, évoquant la problématique des postulats de la psychologie, nous interpelle bien sur le fait que ... "ces présupposés relèvent en partie de notre culture et du moment précis où nous nous situons dans l'histoire "1. Il invite par là à des remises en causes théoriques au fur et à mesure de changements culturels ou sociaux.

Il n’est cependant plus à démontrer l’importance que l’épanouissement de la vie sexuelle représente pour l’équilibre d’un individu... bien que la notion d’épanouissement reste floue : qu’est ce qu’une vie sexuelle épanouie ? Même sortie du tabou, cet aspect de la vie des êtres reste une zone majeure de malentendus entre les hommes et les femmes, tout en étant ce qui les rapproche malgré les profondes différences dans leur façon de percevoir l’existence. Au delà de ces considérations sur la sexualité, toute l’histoire de la libido est une histoire d’énergie qui peut ou ne peut pas s’écouler naturellement.

1 Rollo May and all. "psychologie existentielle" - éd Epi 1971

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Rééquilibrage libidinal  
énergie et animalité

La notion d’animalité n’a ici rien de péjoratif. Elle prend simplement en compte notre réalité corporelle. Cette réalité corporelle fait partie intégrante de notre vie et nécessite que nous en prenions soin pour optimiser notre existence. Si nous la négligeons ou la nions, elle se  rappellera à notre attention en se manifestant contre notre volonté par des symptômes physiques ou psychiques.

Chez FREUD, il y a eu cette intuition que les problèmes psychiques viennent des frustrations de l’énergie libidinale (elle même expression de cette animalité). Qu’il s’agisse de simple névrose actuelle (conflit libidinal présent), de névrose de transfert (conflit libidinal passé) ou même de psychose (libido narcissique avec perte de la réalité), pour Freud, tout vient de la libido dont l’écoulement peine à trouver son chemin.

Cette dimension de la biologie et de l’animalité de l’être humain, liée à sa sexualité, est ainsi, selon lui, la source de la plupart des troubles psychiques. La psychanalyse a pour projet d’en rétablir l’équilibre et l’écoulement juste, au sein de la conscience et du corps de l’individu.

Il y s’agit de l’expression d’une pulsion de reproduction tentant de trouver son chemin pour satisfaire à la continuité de l’espèce (venant  parfois en contradiction avec la conscience) tout en mettant les individus en concurrence. Il se trouve qu’un individu ne peut trouver d’épanouissement sans respecter son corps et ses besoins fondamentaux. Mais il ne peut y satisfaire sans respecter sa conscience et ses exigences au niveau de l’être (et pas seulement du surmoi).

Le risque d’un parti pris

La pulsion sexuelle trouve donc son énergie dans la Libido. Nous avons là le principal outil de décodage, à travers lequel FREUD tentera de tout expliquer avec un parti pris à la fois idéologique et scientifique.

Idéologique car il montre envers son hypothèse libidinale un attachement tenace (qu’il saura perpétrer à nombre de ses successeurs). Scientifique car il accepte de considérer les cas de patients qui pourraient la remettre en cause et les points de vue différents de ses confrères… mais toujours pour aboutir à son décodage libidinal dont il apparaît clairement qu’il occulte, parfois, d’autres données fondamentales pour satisfaire coûte que coûte à l'exigence "scientifique".

Cependant, quand on découvre une chose nouvelle, il est naturellement délicat d’élargir sa vision au-delà de ses hypothèses. Il est toujours plus facile de le considérer rétrospectivement, lorsqu’on dispose d’autres éléments de décodages découverts ultérieurement. Il est parfois difficile de garder le doute nécessaire, propre à un réel cartésianisme.

Quand il est systématisé, ce décodage occulte parfois des pans entiers de la vie d’un être humain en le réduisant à un animal pulsionnel dépourvu de conscience en évolution. D’ailleurs, de l’avis de Freud lui-même, la libido est plus d’origine physiologique que psychologique1

1 Freud « Pour introduire le narcissisme » 1914. Il n'y considère pas la dimension de "l'Etre au monde" évoquée par Rollo MAY,  de " l'Etre là" de Karl JASPERS, ni du Soi de JUNG, ni le Dasein (Da là et sein être) du psychiatre BISWANGER.

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Du moi à l'objet 

Libido narcissique (vers le moi)

Au début de son existence, un individu sera conduit à laisser cette énergie s’écouler vers lui-même. C’est la phase dite « narcissique » dans laquelle l’individu est son propre "objet" sexuel et considère son propre corps comme cible érotique. Ici le sujet qu’est l’individu se considère lui-même comme "objet" sexuel sur lequel il dirige son énergie libidinale. Puis par une sorte de saturation, la nécessité porte cette énergie libidinale à se tourner vers un "objet" extérieur au moi. Nous arrivons alors à la libido objectale.

Libido objectale (vers un objet)

L’évolution de l’individu le conduit à se détourner de lui-même quand il découvre qu’il peut diriger cette énergie libidinale vers un "objet" extérieur. Il sort alors de la phase narcissique et tendra à se retrouver en quête d’un "objet" vers lequel diriger cette libido. Nous noterons ici que l’individu extérieur est nommé « objet »… c’est le langage employé par Freud lui-même et par les psychanalystes ou psychologues. D’un côté il est choquant de parler d’objet pour parler d’individu, mais s’agissant de pulsion, il est peut-être juste de parler d’objet car une pulsion ne tient pas compte de l’être (c’est justement là le problème). C’est ce qui fait que nous prendrons soin de différencier la libido (qui va vers un objet), de l’amour (qui va vers un être, vers un sujet).

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Ecoulements contrariés  

Comme « l’objet » convoité ne satisfait pas forcément à l’attente, le sujet se retrouve frustré et contraint à donner à son énergie libidinale un autre chemin pour lui permettre de s’écouler tout de même. Cela peut conduire à des déplacements (trouver des substituts de l’objet convoité, transferts), ou un retour à l’étape narcissique... ou à une somatisation.

Ce mécanisme, se réalisant inconsciemment, peut induire des troubles du comportement, des psychopathologies de type névrotiques ou des psychopathologies de types psychotiques. Cela peut même produire des somatisations dont les premières étudiées par FREUD furent celles de l’hystérie dans lesquelles l’individu peut aller  jusqu’à paralyser une partie de son corps.

Exemples d’astuces inconscientes

Maintient objectal

Par déplacements : un objet extérieur est substitué à celui qui nous a manqué. Par exemple, suite à un manque de mère, un homme va épouser une femme qui lui ressemble, dont il attendra inconsciemment qu’elle comble la frustration antérieure.

Retour narcissique

Par projection : Le sujet trouve un autre que lui (objet) mais qui lui "ressemble" et vers lequel la libido peut s’écouler.  Il lui "ressemble" car il s'est projeté sur lui (comme un film sur un écran). La libido semble alors aller vers un autre mais le projet inconsciemment réalisé la fait indirectement aller vers lui même à travers ce « moi extérieur ». Il s’agit d’un narcissisme déguisé. Un parent peut parfois faire cela avec un de ses enfants en le considérant comme un prolongement de lui-même "faisant partie de lui" ou comme un "lui-enfant".

Par création d’un idéal du moi : Grâce à la construction d'un moi "idéalisé", le sujet devient la cible de sa propre libido. C’est une façon subtile de retourner au narcissisme perdu de l’enfance. Au lieu que la libido s’écoule vers le moi, elle s’écoule vers une image idéalisée du moi. Cela revient naturellement à refouler en soi tout ce qui ne correspond pas à cet idéal. Cette image idéalisée peut provenir d'un modèle qu'on admire (modèle culturel, modèle parental, modèle  tiré de personnalités sociales célèbres...)

L’idéal du moi amène l’idée de surmoi : Le sujet comparera sans cesse son moi à cet idéal du moi, avec tout le cortège de culpabilisation, de censures et de refoulements qui en résulte. Cela est la source de nombreux conflits internes pouvant conduire à diverses troubles ou psychopathologies. Le surmoi sera ainsi le « surveillant » visant à éviter les écarts entre le moi et l’idéal du moi (mais, en même temps, générateur de blocages, conflits et refoulements)... d'autant plus que le modèle idéalisé est forcément inatteignable.

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Névroses et psychoses

Freud associe d'une part la névrose de transfert à une libido d’objet ( libido objectale), avec conscience de la réalité, parfaitement différenciée de l’imaginaire. D'autre part, il associe la psychose à une libido du moi (narcissisme), avec une confusion entre la réalité et l’imaginaire. La psychose est un état pathologique plus difficile à traiter en psychanalyse que la névrose de transfert, non pas seulement à cause de cette perte des repères de la réalité, mais parce qu’il ne s’y fait plus de transfert. Or le transfert est le point clé de la cure analytique. C'est un moment de la cure où le sujet transfert (déplace sa libido et les conflits qui s'y rattachent) vers son thérapeute.  Le thérapeute peut alors accompagner le sujet dans ses zones de conflits, ainsi révélées.

Névrose de transfert

Les névroses génèrent des inconforts ou souffrances psychiques dont le sujet a conscience, mais qui échappent à sa volonté. La conscience de son origine lui échappe aussi. La névrose provient d’un conflit ancien (généralement datant de l’enfance) entre les pulsions libidinales (venant du ça, qui est la base animalisée) et le Surmoi (Moi idéalisé). Le Moi doit tenter de rétablir un équilibre raisonnable entre la pulsion libidinale (élan impérieux du ça) et la censure du Surmoi (instance morale, Moi Idéalisé) pour fonctionner dans le monde environnant.

Ultérieurement, ce conflit qui a bloqué l’énergie libidinale, resurgira avec des déplacements vers des objets analogues à la cible initiale. Par cette sorte de copie de la situation originale se reportant vers un objet qui lui ressemble, la libido tentera de retrouver l’écoulement interrompu. Ces déplacements vers une autre cible constituent les situations de transferts dans la cure analytique ou de déplacements dans la vie quotidienne. L’individu reste capable de transferts tant qu’il est capable de tourner sa libido vers des objets, quand il a quitté la phase narcissique dans laquelle il ne faisait que la tourner vers lui-même.

Cette libido objectale est celle qui permet un transfert.  A un moment, dans ce qu’on appelle la cure analytique, le sujet va transférer sa libido autrefois destinée à l'ancien objet qui le frustra, sur la personne du psychanalyste. Le psychanalyste devient alors l’objet de substitution duquel le patient espère ce dont il fut autrefois frustré. 

Malgré cette situation de transfert, pouvant être source d'ambiguïté dans le rapport soignant/soigné, nous noterons les propos de Freud lui-même: "...la collaboration du patient devient un sacrifice personnel qu'il faut compenser par quelque succédané d'amour. Les efforts du médecin, son attitude de bienveillante patience doivent constituer des suffisants succédanés"1(études sur l'hystérie). Quand Freud parle de neutralité bienveillante, il ne parle donc pas de distance ou de froideur, mais d'une généreuse capacité à tout entendre sans jugements de valeur.

Pourtant, dans la mesure où la frustration est, d’après la psychanalyse, un ancien blocage de la libido… quand celle-ci se dirige vers le psychanalyste, cela demande, chez ce dernier, une grande lucidité. Ce moment de transfert est une opportunité pour aider le patient à « rejouer » et s’approprier l’ancienne histoire à la lumière de sa maturité actuelle et avec l’aide du thérapeute. Mais si le psychanalyste prend pour lui ce que le patient lui envoie, il tombe alors dans un contre transfert qui peut nuire à la cure (et à lui-même).

1 "Les névroses - l'homme et ses conflits" Chez TCHOU 1979 - p 68

Psychose

Le psychotique a perdu ses repères dans la réalité, qu’il tend à confondre avec son imaginaire. Contrairement au névrotique, il n’a pas vraiment conscience de son état. Cette perte de la réalité du monde extérieur le conduit à ne plus pouvoir diriger sa libido vers un objet. Vivant dans son monde imaginaire, il ne pourra diriger sa libido que vers lui-même.

Le psychotique, d’après Freud, ne peut opérer de transfert. Frustrée, son énergie libidinale ne pourra donc s’exprimer qu’en retournant vers le Moi.  Il s’agira pour le psychotique d’une libido du moi conduisant à un retour à l’état narcissique. L’absence de libido objectale ne permet pas de transfert et rend la thérapie psychanalytique basée sur lui, beaucoup plus difficile. Ce point n’est pas tout à fait partagé par Federn (président de la société psychanalytique de Vienne, qu’il rejoignit en 1903). Ce dernier estime que les psychotiques ont une disposition au transfert différente des névrotiques, mais rendant pour eux aussi, la psychanalyse possible.

Pourtant, comme nous le fait remarquer par exemple Jan Pierre Charrier1 dans son ouvrage "Guérir après Freud", la psychologie psychodynamique peine à prendre en charge les psychotiques avec des résultats satisfaisants.

1 « Guérir après Freud »  Jean-Pierre CHARTIER - Dunod
Jean-Pierre CHARTIER: Docteur d’état en Psychologie Clinique, psychanalyste

Pour plus de détails sur la psychodynamique, sur les rôles du ça, du Moi, du Surmoi et du Soi voir sur ce site la publication de novembre 2005 Le ça, le Moi, Le Surmoi, le Soi. Vous y trouverez le rapport détaillé avec l'approche existentielle et maïeusthésique (28 pages)

 

 

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Mécanismes 
existentiels

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La psychologie existentielle s'occupe de l'individu (Carl ROGERS, Karl JASPERS, Rollo MAY, Ludwig BISWANGER, Eugène MINKOWSKI, Edmund HUSSERL, Martin HEIDEGGER)1. BISWANGER, qui décrit le Dasein ("Da""sein" être), poursuit même jusqu'à parler du Dawesen ("Da""wesen", l'être étant nu) pour désigner une certaine nudité de l'être dans sa présence, une nécessaire attitude de dénuement (et non "d'armement" ou de pouvoir)

Même si je me sens voisin de nombre de ces principes et de leurs auteurs, c'est par respect, que je ne prétends pas pour autant parler ici de leur approche, ainsi que je l'ai précisé plus haut, mais simplement de la maïeusthésie (décrite en détails dans l'ensemble de ce site). La maïeusthésie prend aussi en compte l'individu, (l'Être au monde) d'une façon bien précise, en le mettant comme source principale, au centre des échanges. 

Pour mieux comprendre cette démarche tenant compte du flux de vie, nous commencerons par clarifier la place de la libido et de l'amour dans la sexualité afin de préciser comment s'y organisent les flux de vie et les flux libidinaux. Quand Freud parle de pulsion de vie, il parle de pulsion libidinale, et il ne fait hélas pas la distinction entre le flux libidinal qui est un flux d'énergie et le flux existentiel qui est un flux de vie. Les lignes qui vont suivre vont proposer une meilleure acuité à ce sujet.

1 Carl ROGERS psychologue américain - Rollo MAY psychiatre américain - Karl JASPERS philosophe et médecin allemand, professeur de psychologie - Ludwig BISWANGER psychiatre allemand,  Edmund HUSSERL philosophe allemand, Martin HEIDEGGER philosophe allemand, Eugène MINKOWSKI psychiatre français)

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Sexualité: différence amour/libido

La libido ne fonctionne pas de la même manière chez l’homme et chez la femme. Ceci n’est pas un scoop, mais mérite tout de même d’être explicité car de nombreuses confusions perdurent, dont certaines semblent même affecter le regard de FREUD, pourtant maître en la matière.

Curieusement, Eros (un dieu) fut éclairé par Psyché (humaine) qui lui permit de s’affranchir de l’emprise de sa mère Vénus (déesse). Détail de ce mythe dans mon ouvrage « Ecoute thérapeutique » chez ESF, chapitre 30 

Au masculin

Nous trouverons souvent chez l’homme que la libido (pulsion) précède l’amour (l'existentiel). L’énergie libidinale du corps favorise pour lui la rencontre de l’Etre. Il peinera souvent à comprendre la femme chez qui le processus est fréquemment inverse.

Naturellement il peut se faire que le corps prenne tellement de place qu’au lieu d’aboutir à l’amour, l’homme se limite à une attraction pour l’objet sexuel que représente la femme à ses yeux. Il se restreint ainsi à la libido objectale, sans aboutir à l’amour d’un individu. Nous trouverons ici une attitude particulièrement dévalorisante pour la femme et souvent décriée. Par contre en situation plus généreuse, l’homme accordera beaucoup de valeur à l’être qu’est la femme, mais éprouvera tout de même le besoin de passer d’abord par la libido pour que cet amour s’exprime.

Au féminin

Nous trouverons souvent chez la femme que l’amour (existentiel) doit précéder la libido (pulsionnelle). Cela la conduit à ne pas comprendre l’homme dont le fonctionnement est fréquemment inverse. La qualité de l’être et de l’amour favorise pour elle la manifestation de son énergie libidinale.

C’est sans doute cela qui a conduit Freud a considéré la femme comme « se suffisant souvent à elle-même ». Il nous propose une étonnante interprétation narcissique de cette attitude où il considère que la femme se met à considérer son propre corps comme cible de sa propre libido (serait-elle psychotique à ses yeux?). Cela amènerait celle-ci, selon lui, à prendre exagérément soin de son esthétique et à manquer d’attrait pour l’homme. Mais c’est justement cette indépendance libidinale, toujours selon FREUD, qui serait particulièrement attractive pour l’homme. Nous avons donc d’un côté cette "auto suffisance féminine", et de l’autre, le besoin masculin de diriger vers elle son énergie libidinale, un peu comme si nous avions affaire à des « vases communicants » d’énergie.

FREUD a même été jusqu’à considérer que l’élan de la femme vers l’enfant, qui est une partie d’elle-même, n’est au fond que du narcissisme dirigé vers un prolongement de son moi (notion déjà évoquée plus haut). Cela me semble redoutablement réducteur et ne tient pas compte du fait que la femme passe d’abord par l’être avant d’aboutir au corps et est dotée d’une sensibilité dont l’homme ne dispose que trop peu. Il n’en demeure pas moins que la grossesse fait partie de la dimension sexuelle de la vie féminine.

Naturellement nous trouverons des femmes qui commencent par la libido et des hommes qui commencent par l’amour, mais la tendance la plus répandue est que l’homme passe par la libido pour aboutir à l’être et la femme passe par l’être pour aboutir à la libido. En d’autres termes on pourrait aussi bien dire que l’homme commence par l’énergie pour arriver à la vie et que la femme commence par la vie pour arriver à l’énergie.

L’incompréhension résultante

Ainsi, de son côté, l’homme croit à tort que la femme n’aime pas son corps d’homme car il voudrait commencer par la libido. Il s’en trouve frustré et tend à en faire le reproche à sa compagne. La femme de son côté, croit à tort que l’homme n’aime pas l’être qu’elle est et qu'il n’en veut qu’à son corps de femme. Elle s’en trouve niée et tend à en faire le reproche à son compagnon. En réalité la femme aime le corps de l’homme mais tend à commencer par l’être et l’homme aime l’être qu’est la femme mais tend à  commencer par le corps.

Ce paragraphe est très résumé pour parler de quelque chose de très subtil et délicat, mais il importait en quelques lignes de préciser ces importantes nuances.

Une expérience explicite

L’armée américaine a réalisé un test sur son personnel masculin et féminin. Ce test consistait à évaluer comment leur regard s’animait face à des images érotiques. Avec les outils appropriés pour suivre le cheminement du regard de chacun en telle situation, le constat fut que le regard des hommes suivait toujours les images sexuelles alors que le regard des femmes y restait relativement indifférent . Par contre l’expérience, répétée chez les femmes avec des images de bébés, montra que celles-ci avait, face à ces images d’enfants, un regard très animé.

Nous y voyons clairement un fonctionnement différent de la libido. Ceci ne veut en aucun cas signifier un manque d’attrait des femmes pour la sexualité, mais souligne que ce qui initie le flux libidinal n’est pas chez elles de même nature que chez les hommes.

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De la libido vers l'amour

Libido (flux énergétique)

La libido est donc une énergie, une pulsion. Elle se porte sur des « objets » sexuels. Elle prend sa source dans une constitution quasi physiologique de l’être humain et influence sa psychologie. Elle procède d’une certaine animalité basique de l’être (venant du ça), et constitue une des réalités corporelles de sa vie. Si elle trouve sa place il y a équilibre. Si elle est niée, combattue, culpabilisée, détournée, bloquée, elle produit divers déséquilibres.

Amour (flux existentiel)

Dans ce paragraphe, les éléments ne viennent pas de la psychanalyse, mais d’une réflexion que je développe dans les autres documents de ce site concernant l’antagonisme entre la pulsion de vie et la pulsion de survie.

L’amour est une ouverture d’esprit. Elle se dirige vers des sujets (des êtres) et non vers des objets. Elle définit un état de vie et non une énergie. Elle procède d’un état de conscience ouvert (humanisation) et non de l’animalité (proies et prédateurs). La pulsion de survie semble s’opposer à cet amour. En fait la pulsion de survie préserve l’individu de trop de souffrance en maintenant à distance les parts douloureuses de l’Etre (du Soi). C’est la source de fractures, de rejets, de cassures intérieures.

La pulsion de vie préserve, dans l’inconscient, ces zones de vie « séparées » (clivées) et permet ultérieurement de se les réapproprier afin de les réhabiliter et de contribuer ainsi à une restauration de l’intégrité psychique. Les symptômes psy sont les moyens d’accès à ces zones de vie en attente de réhabilitation. Il s’agit cette fois-ci non plus d’écoulement d’énergie, mais d’écoulement de vie entre différentes parties de ce qui constitue un être (celui qu’il est, tous ceux qu’il a été et tous ceux dont il est issu). Il y s’agit de sa propre structure psychique, mais il n’y s’agit en aucun cas de narcissisme. Nous y parlerons plutôt d’accueil du Soi que de « libido du moi ». Ce Soi ne constitue donc ici ni une cible libidinale, ni une cible d’admiration narcissique. Ce Soi y est rencontré, reconnu et réhabilité, mais en aucun cas idéalisé. Il y s’agit plus d’un fondement pour rencontrer autrui, que d’un refuge pour fuir le monde.

Comme pour l’énergie libidinale, la vie tendra aussi à trouver son chemin quand elle rencontre un obstacle. C’est ce que je décris en détails dans ma publication d' avril 2004 « Aide et psychothérapie ». Il peut sembler curieux de différencier la vie et l’énergie, mais l’énergie n'est que l’ergos (travail). Comme nous l’avons vu, la Vie c’est Être, alors que l’énergie c’est Faire (et avoir). Selon qu’on considère les concepts de vie ou ceux d’énergie, les attitudes thérapeutiques seront très différentes, mais se peuvent complémentaires.

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Rééquilibrage existentiel
maïeusthésique 

En maïeusthésie, il ne s’agit pas de contrarier le point de vue psychodynamique, mais simplement d’y adjoindre un autre décodage. Un décodage où le point fondamental n’est plus l’énergie, c'est à dire n'est plus l'ergos (le travail, le faire). Le point central de décodage, y est l'existentiel... c'est à dire la vie (l'être).

Nouvel axe: pulsions de vie et de survie

La vie et l'énergie étant différenciées, nous pouvons ainsi préciser que la pulsion libidinale n'est qu'une pulsion énergétique (faire et avoir) alors que la pulsion de vie est une pulsion existentielle (être). Ce qui est évoqué ici comme "pulsion de vie", ne doit donc pas être entendu au sens psychanalytique (libidinal) du terme. Il était impossible de trouver un autre mot pour éviter la confusion, car le mot "vie" définit vraiment de quoi il s'agit et ne peut être remplacé.

Il n’y s’agit donc plus de sexualité comme point fondamental (quoi que la sexualité soit un élément important dans la vie des êtres humains). Le nouveau point fondamental y est le cheminement de la pulsion de vie tendant à faire s’écouler le flux de vie (existentiel) pour satisfaire à la construction psychique d’un être humain (vers un plus d'être). La pulsion de survie vient accompagner cette pulsion de vie et la réguler afin d’encaisser les chocs (résilience / concilience) et de permettre de ne rien perdre du Soi.

Les pulsions de vie et de survie sont deux expressions antagonistes et complémentaires permettant à la vie de trouver sa place dans la structure psychique d’un individu, en dépit des circonstances extérieures difficiles.  Nous distinguerons ainsi le Soi intégré, dont la cohésion dépend de la pulsion de vie et le Soi non intégré, mis à part par la pulsion de survie, en attendant que l'intégration soit possible lorsque la maturité le permettra. Cette pulsion de survie qui est une pulsion de rejet d'une par du Soi (pour préserver de la douleur) peut être rapprochée de la pulsion de mort évoquée en psychanalyse (qui porte à détruire). Cependant, la pulsion de survie définit sous un angle plus positif cette pulsion d'éloignement ou de destruction. La pulsion de survie est source d'anesthésie d'une part de Soi. Quand Freud nomme "pare-excitation" (Reizschutz - Reiz : "sensibilité" - schutz "protection")1, il parle sans doute d'une telle anesthésie et avoir traduit Reizschutz par pare excitation n'est peut être pas une traduction satisfaisante. La pulsion de survie est source de l'anesthésie salutaire permettant de supporter une souffrance ou  un choc en mettant de côté la part du Soi que le Soi intégré ne peut accueillir en l'état actuel de sa maturité.

La pulsion de vie tente de réaliser une complétude de la structure psychique d’un individu. Une sorte « d’histoire d’amour » à réaliser entre celui qu’on est, tous ceux qu’on a été et ceux dont on est issu. Son projet n’est pas la survie de l’espèce mais une maturation de la vie et de la conscience. Elle vise à permettre l’intégrité de la structure psychique qui rend ensuite possible l’ouverture d’esprit des individus entre eux. C’est le processus d’individuation et d’humanisation, par lequel un individu peut être proche d’un autre individu tout en en étant distinct et sans le considérer ni comme un danger, ni comme une proie. La libido ne permet au contraire qu’un processus d’individualisme dans lequel l’autre n’existe que comme un moyen… et dans le narcissisme n’existe même plus du tout.  

Le projet de la pulsion de vie, elle, n’a rien de narcissique car, d’une part il n’y s’agit pas de libido et d’autre part il n’y s’agit pas d’admiration de soi (ni du moi) mais d’accueil de soi conduisant vers l’accueil d’autrui. C’est le principe d'une individuation dépourvue d’individualisme.

1 "Le ça, le moi, le surmoi" - TCHOU -1978 - p 139 -  
Freud "psychanalyse et médecine"

Deux zones du Soi, pulsions en conflits

Quand ce flux de vie est bloqué par des zones de conflits , il ne s’agira plus de libérer une charge de libido, mais de rétablir ouverture et considération entre deux zones fracturées de la structure psychique. C'est alors une réparation d'un clivage du Soi. Il y s'agit de redonner existence, reconnaissance et réhabilitation à une part du Soi autrefois séparée à cause de trop de douleurs.

Il y s'agit d'une fracture du Soi, qui est l'individu ou  l'être (l'être au monde de Rollo MAY, l'être là de Karl JASPERS, le Dasein de Ludwig BISWANGER).  Il convient de ne pas confondre le Soi qui est l'individu avec le moi qui est l'ego, le self. Le moi n'est que la personna, aspect superficiel nommé ainsi par Jung. Celui-ci se désolait que les psychanalystes ne différencient pas le Soi et le moi1.

En maïeusthésie, il ne s’agit plus d'attendre ou de permettre un transfert avec le thérapeute, mais de revisiter les transferts (déplacements) qui se produisent naturellement dans la vie de chaque jour. Chacun de ces déplacements conduit directement aux zones initiales du blocage de flux de vie (nœuds émotionnels contenus dans la mémoire ou dans la structure psychique). Tout le mécanisme de ce processus est décrit dans ma publication d'avril 2004 "Aide et psychothérapie". La zone du Soi clivée étant localisée, il convient d'y restaurer l'écoulement du flux de vie qui y était interrompu. Souvent les symptômes psychiques (parfois somatiques) sont des moyens d'accès aux zones du soi à réhabiliter.

Une fois que la localisation est réalisée, il arrive qu'en imagerie mentale, je propose au patient de visualiser un flux de "lumière", comme une "ouverture" entre lui-même et la part de lui avec laquelle il est en conflit (avec la part du Soi clivée, séparée). Cette lumière n’a rien de matériel, ni de spirituel. Ce type de visualisation permet juste de concrétiser mentalement un canal d’ouverture et de reconnaissance afin de s'approcher et de s'ouvrir à la part du Soi blessée qui vient d'être localisée. Il s'agit d'une "action mentale", d'une sorte de psychodrame2  réalisé dans l'imaginaire psychique. Nous verrons dans le chapitre suivant (mécanismes cognitivo comportementaux), la ressemblance avec la visualisation utilisée dans les thérapies comportementales, mais dans lesquelles le projet est différent.

Il n’y s’agit surtout pas d’énergie : une patiente à qui je proposais cette visualisation me dit « mais "ça" ne veut pas être éclairé ! » Je lui proposais aussitôt d’envoyer « une lumière qui n’éclaire pas ». Cette apparente contradiction ne la heurta pas. En effet il s’agissait d’un canal et non d’un éclairage. Rappelez vous que la lumière d’un tube est juste le passage en son centre et qu’une lumière dans un mur est le nom qu’on donne à une fenêtre. Il s’agit de passage et non d’énergie. Pour plus de détails sur cette notion, vous pouvez lire la publication de décembre 2000 « éclairer sans produire d’ombre » . La symbolique du mot lumière correspond bien au flux de vie (qui est plus une ouverture qu'une circulation de quelque chose). Bien sûr, il ne s'agit pas de lumière à proprement parler, mais juste de proposer un acte mental concret conduisant à produire implicitement une ouverture, permettant de restaurer l'écoulement du flux de vie, du flux existentiel, ou plus exactement, de restaurer la qualité de présence et de considération avec la part bridée de Soi.  

Ces quelques lignes sont très résumées et il y a naturellement beaucoup d'autres nuances, tant dans les moyens de localisation que dans les moyens de réhabilitation . Des  détails très précis sont disponibles sur ce site dans les 40 pages du document d'avril 2004 "aide et psychothérapie".

Au delà de ces explications,  le plus important est de loin que ce moyen permet  d’importantes avancées concrètes du patient dans la réhabilitation de l’intégrité de sa structure psychique. 

1 "Ma Vie" - Carl Gustav Jung - FOLIO -1973 - p 460-463

2 Le mot psychodrame signifie "action" (drame) "psychique" (psycho)". Les techniques de thérapie par psychodrame, sont des techniques par l'action (jeu théâtral), découvertes fortuitement par le psychologue américain J.L.MORENO. Même si dans le psychodrame mental maïeusthésique, nous retrouvons certains principes de MORENO, ce qui est décrit ici ne reprend pas ses techniques.

NB Vous trouverez des précisions sur le rapport entre la psychodynamique, et l'existentiel: sur les rôles du ça, du Moi, du Surmoi d'une part (psychodynamique) et du Soi d'autre part (existentiel) voir sur ce site la publication de novembre 2005 Le ça, le Moi, Le Surmoi, le Soi.  (28 pages)

 

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Mécanismes 
cognitivocomportementaux

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Après la description des approches thérapeutiques s’occupant des écoulements de libido (flux énergétique) et de vie (flux existentiel), nous abordons ici, celle de la thérapie qui s’occupe de deux autres types de flux : les  flux d’actions et les flux de pensées. Il s'agit de la thérapie comportementale et cognitive ou TCC.

Dans la thérapie comportementale et cognitive, comme c’est le cas dans toutes les psychothérapies, le thérapeute est sensé avoir une attitude chaleureuse, « empathique » et sincère. Cette approche en synthétise en réalité plusieurs autres, organisées autour de principes communs, avec des protocoles précis. Nous y trouverons notamment des mesures de l’état pathologique initial, puis des mesures des résultats thérapeutiques obtenus. Le projet y est d’objectiver, autant que faire se peut, les résultats des soins prodigués.

La dénomination « comportementale et cognitive » vient du fait qu’il s’est avéré nécessaire d’associer deux démarches initialement différentes mais dont la complémentarité s’est progressivement avérée incontournable. L’approche comportementale ne s’occupait que de l’action sans prendre en compte les mécanismes de pensées sous jacents (behaviorisme1). L’approche cognitive, elle, s’occupait des mécanismes de pensées mis en œuvre. L’une s’occupe donc du flux d’actions et l’autre du flux de pensées. Leur association a permis de proposer un soin plus performant.  

1 Le behaviorisme (en anglais behaviour signifie "comportement") nous vient de John Broadus WATSON, psychologue américain, qui s'est largement inspiré des travaux de Pavlov sur le conditionnement et l'apprentissage.

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Comportementalisme: 
Flux d’actions

Quand une personne agit ou réagit d’une façon insatisfaisante, avec pulsions, inhibitions, phobies, anxiétés, rituels… elle souhaitera améliorer son flux d’actions et de réactions pour qu’il soit correctement adapté à la réalité extérieure et la libère de ces encombrantes souffrances.

La thérapie comportementale pure s’occupe de ces troubles, sans tenir compte de ce qui se passe dans l’esprit (cognitions). L’esprit y est considéré comme une « boite noire » dont on ne s’occupe pas. Les écoulements de libido, de vie, ou même de pensées, ne sont pas le propos des thérapies comportementales et les rapports du présent avec ce qui a pu se passer antérieurement dans la vie du patient, n’y sont ni explorés ni pris en compte. La perturbation de son flux d’actions et de réactions y sera considérée uniquement du point de vue de la désensibilisation (déprogrammation) et de l’apprentissage (programmation). Nous trouvons ici ce qu'on appelle le behaviorisme pur, inspiré des travaux de Pavlov sur le conditionnement.

Afin de réaliser une désensibilisation, un protocole progressif est établit avec le patient en tenant compte de ses possibilités. La relaxation peut faire partie de cette approche afin de mieux gérer les réactions de son propre corps. Pourront s’y ajouter des techniques d’affirmation de soi. La visualisation également, permettra de réaliser une approche imaginaire des sources anxiogènes du monde réel (petite infraction à l’ignorance de la « boite noire »). Puis une immersion in vivo (dans la réalité) est réalisée, pour accomplir dans le monde réel ce qui  été approché dans l’imaginaire.

Qu’il s’agisse de l’imaginaire ou de l’approche in vivo, une échelle progressive est respectée, en accord avec le patient, afin d’accéder sans brutalité à la situation la plus forte, jusqu’à une désensibilisation significative qui est mesurée.  

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Cognitivisme: 
Flux de Pensées

Les actions, les réactions et les pensées du patient sont ici considérées du point de vue de ce qui se déroule dans l’esprit. Ici la « boite noire » n’est plus ignorée. Il s’agit d’y étudier et d’y décoder les processus mentaux (processus cognitifs) par lesquels le patient arrive à ses conclusions… qui le poussent malgré lui vers ce qu’il ne souhaite pas.

La thérapie cognitive a pour projet de mettre en évidence des processus de pensées erronés qu’il va falloir désapprendre au profit de pensées adaptées qui les remplaceront. Les comportements mentaux (comportements internes) y seront décrit avec la même rigueur que les comportements externes l’étaient dans la thérapie comportementaliste. Il est  à noter que la thérapie cognitiviste piste la pensée erronée pour accomplir une déprogrammation au profit d’une programmation plus performante.

Dans le paragraphe suivant, « sources et mémoires »,  nous aborderons comment la thérapie cognitiviste chemine à travers les nœuds émotionnels afin d’apporter les correctifs cognitifs (correctifs du flux de pensées). Nous pourrons y reconnaître quelques éléments qui font l’efficacité de la maïeusthésie.

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Sources et  mémoires

Pour les sources et les écoulements des flux de pensées, les cognitivistes distinguent deux mémoires :  la mémoire à court terme (MCT) et la mémoire à long terme (MLT)

La mémoire à court terme (MCT) 

Cette mémoire se nomme aussi mémoire de travail (MDT). Elle est comparable à la ram d’un ordinateur et permet les opérations immédiates. Elle stocke l’information actuelle pour un temps limité, juste le temps de déduire le processus cognitif adapté (ce peut être de l’ordre du 1/100e de seconde à quelques secondes) le contenu de cette mémoire est fluctuant, perpétuellement en mouvement. Nous y trouverons un flux de pensées ininterrompu.

Les sujets anxieux ont généralement cette mémoire saturée par un excès d’informations. Toujours aux aguets, ils mettent en œuvre des processus cognitifs de pré attention très coûteux en énergie. Ces processus automatiques, inconscients et involontaires d’hyper vigilance, occupent une partie de la MDT.

Ces informations éphémères se relient à la mémoire à long terme (MLT) pour élaborer des processus cognitifs permettant de s’ajuster à la situation présente de façon optimum. En même temps elles enrichissent la MLT de nouvelles données qui, elles, seront durables.  

 La mémoire à long terme (MLT)

Cette mémoire est, plus profonde que la MCT. L’information y est stockée durablement. Nous y trouverons la trace des anciens conflits. C’est certainement là que se situent les blocages du flux de libido et les coupures des flux de vie. Les informations s’y organisent en réseaux d’éléments analogues, généralement reliés par des nœuds émotionnels.

Ces liens par analogies (et par différences) entre zones de mémoire , font penser à la théorie des ensembles. « La théorie des ensembles est le fleuron des mathématiques » me dit un jour un enseignant universitaire en cette matière. Si cet aspect des mathématiques a rarement eu de succès auprès des lycéens (et même de certains enseignants), c’est peut être qu’il reflète les mécanismes de la pensée inconsciente. Jean Charron, physicien relativiste,  en a même produit un ouvrage uniquement mathématique où il décrit « l’être et le verbe » par la théorie des ensembles1. La pensée consciente fonctionne surtout par analyse (décorticage) alors que la pensée inconsciente fonctionne plutôt de façon analogique (associations). Elle est capable de repérer les analogies entre des choses très différentes. Ce sera d’ailleurs le mode d’action des déplacements, du transfert ou du contre transfert. Une simple analogie peut réveiller une mémoire enfouie.

Aaron Timothy BECK  nous parlait de schémas latents et de schémas actifs2. Un schéma latent, enfoui dans la MLT peut être réactivé par une circonstance. A partir du moment où le schéma (s’il est nuisible) est actif, il y a psychopathologie. Nous retrouvons là, sous un autre angle, l'idée des déplacements et transferts.

La structure (architecture) et le fonctionnement (process3) y sont indissociables en ce sens où l’un engendre l’autre et réciproquement. La boucle de rétroaction y est continue. La structure permet un fonctionnement qui amène une expérience la modifiant. Cette modification de la structure change l’action suivante…etc. Cette structure est en réorganisation permanente afin d’optimiser le bien être de l’individu.

1 L’être et le verbe – Jean Charon – Albin Michel

2 Aaron Timothy BECK un des fondateurs du cognitiviste.  "Manuel de Thérapie comportementale et cognitive" Dunod - Propos rapporté par Mark Hautekeete Psychologue, Université Charles de Gaulle - Lille
Aaron Timothy BECK estime que nous sommes en situation d'équilibre quand notre esprit contient 1/3 de pensées négatives (protectrices) pour 2/3 de pensées positives (ressources)

3 Processus ou action. 
En grammaire, le mot process est synonyme de verbe. Le sujet est l'agent (qui produit l'action), le verbe est le process (l'action) et le complément est le patient (celui qui subit l'action) - "Grammaire du Français" - Robert Léon Wagner Jacqueline Pinchon - HACHETTE p 237

Les nœuds émotionnels

La théorie de John R. ANDERSON et Gordon H. Bower1 proposait l’idée selon laquelle le contenu de la MLT serait en lien étroit avec les émotions. Les nœuds émotionnels y regroupent des familles d’évènements. Le modèle de Bower (HAM)2 propose l’idée d’un réseau mnémonique, comme une toile qu’on pourrait comparer au net. On y trouve un ensemble d’espaces, unis par des relations passant par des nœuds émotionnels. L’accès à un nœud y ouvre la porte vers un autre. Toute nouvelle information est susceptible de créer de nouveaux liens. Les espaces mnémoniques sont ainsi réunis entre eux par un tel réseau. Il est à noter que si l’on parle de réseau, le chemin d’un point à un autre n’est pas forcément linéaire. Il peut passer par différents itinéraires.

Un ensemble d’événements similaires peut constituer une sorte "d’information type" susceptible d’être renforcée à chaque nouvelle occurrence analogue rencontrée. Il en résulte des schémas de comportements, dont certains peuvent nuire s’ils sont reliés à des émotions douloureuses, ainsi réactivées. Les comportements qui en découlent ne sont alors pas adaptés à la réalité du présent.

Nous retrouvons ici la théorie des ensembles dans laquelle des ensembles peuvent comporter des éléments analogues (nous avons là l’opération d’intersection) ou des éléments différents (nous avons là l’opération d’exclusion). Les éléments analogues les plus « performants » seront les analogies émotionnelles. Mais un élément non émotionnel peut aussi comporter des zones d’analogies suffisantes pour provoquer une réactivation.

1 JR ADERSON, psychologue américain. G.H. BOWER Médecin américain ayant tous deux travaillé sur la Mémoire à long terme

2 Human Associative Memory

Le questionnement maïeusthésique

Un des outils utilisés par les cognitivistes est la découverte guidée. Cet outil est pour eux un puissant moyen d’accès aux mécanismes cognitifs du sujet et aux événements qui les ont engendrés. Les cognitivistes le disent plus subtil que le questionnement socratique (maïeutique1). Le projet, avec beaucoup de délicatesse, y est de cheminer de nœuds émotionnels en nœuds émotionnels, pour faire émerger les mécanismes de cognition erronés. Il s’agit ensuite de les corriger avec un protocole thérapeutique adapté. Le guidage non directif maïeusthésique, permet aussi de cheminer entre ces nœuds émotionnels et d’aboutir à un processus de pensée nouveau (cognition mieux adaptée) en pistant la raison des ressentis.

Nous remarquerons que les projets cognitivistes et maïeusthésiques sont très différents. Le premier tente de pister l’erreur pour la corriger, alors que le second tente de pister la raison pertinente de la réaction, pour la réhabiliter. Pourtant, les deux ne sont certainement pas incompatibles. Les deux moyens peuvent conduire à la même zone émotionnelle, et modifier les processus cognitifs.

Nous pouvons regarder cette situation sous deux angles différents : d’un côté le processus cognitif qui découle de cette zone de mémoire est inadapté au présent (cognition erronée), mais de l’autre les réactions inadaptées dans le présent sont aussi un moyen de retrouver la part du Soi clivée (part mise à distance, mise en rupture) par la pulsion de survie. Avec le cognitivisme,  il y a mise en évidence de la cognition erronée par rapport au présent. Avec la maïeusthésie, il y a mise en évidence de la pertinence de la réaction présente conduisant à la zone du Soi à réhabiliter. Dans les deux cas il y aura mise en œuvre d’un nouveau processus cognitif. Mais dans le deuxième, nous trouverons, en plus, une amélioration de l’individuation par réappropriation du Soi.

1 Maïeutique: Démarche initiée par Socrate. Par des questions pertinentes, Socrate permettait à l'esprit d'accoucher des pensées qu'il contient sans le savoir.

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Moyens thérapeutiques

Les techniques comportementales et cognitives, commencent toujours par un minutieux examen de la situation présente et du changement attendu. Les moyens thérapeutiques à mettre en œuvre sont alors établis. Après la thérapie, il y a mesure des résultats obtenus. Cette première étape fait déjà partie de la thérapie.

Thérapies comportementales 

·       Par l’action: 
La thérapie comportementale ne s’occupe pas de ce qui se passe dans l’esprit. Elle ne s’occupe que des situations actuelles et des comportements. Nous y trouverons souvent une procédure de désensibilisation systématique. Le principe y est d’être progressivement confronté à ce qui provoque la réaction. Par exemple un sujet phobique de l’eau sera confronté progressivement à des situations croissantes l’exposant à ce qui réactive sa phobie. Le rythme de la progression est négocié à l’avance avec le sujet. Le nombre de séances peut varier de 15 à 20.1

·       Par l’imagerie mentale: 
Le principe comportementaliste, qui ne veut pas s’occuper de la « boite noire », ne va pas jusqu’à ne pas utiliser l’imagerie mentale. Un des outils de désensibilisation est justement l’imagerie mentale, en première approche. La thérapie peut par exemple commencer par une exposition imaginaire progressive sur 10 séances, puis continuer par une exposition in vivo, elle aussi  progressive, sur 8 autres séances. Selon des critères précis il y aura mesure de l’état initial et mesure de l’état final.1

·       Analogies maïeusthésiques: 
Nous remarquons que cette situation d’imagerie ressemble partiellement au psychodrame mental2 utilisé en maïeusthésie . Il y ressemble en ce sens qu’il s’agit de produire une action mentale. La différence est que l’imagerie mentale comportementaliste concerne un imaginaire présent ou futur, alors que l’imagerie mentale maïeusthésique concerne la zone du nœud émotionnel moins lié aux circonstances (événementiel), mais plus en rapport avec l'individu qui a vécu la circonstance (le sujet lui-même, à un autre moment de sa vie). Comme en comportementalisme, la maïeusthésie procède un peu à une sorte de désensibilisation (une approche progressive où toutes les « résistances » sont respectées), mais dans laquelle la part du Soi correspondante est réhabilitée. La part du Soi y est la cible, alors que le comportement (apparemment erroné) y est le moyen de la localiser.  

1 "Manuel de thérapie comportementale et cognitive" 
Samuel Lajeunesse - éd  DUNOD - 2004

2 paragraphe Deux zones du Soi, pulsions en conflits chapitre rééquilibrage existentiel dans la section précédente

Thérapies cognitives 

·       La triade cognitive de Aaron Timothy BECK
Beck  délimite trois « espaces » pour aborder les mécanismes de cognition du sujet. Sa « triade cognitive » est :
1)          
Les pensées qui concernent le sujet lui-même
2)           Les pensées qui concernent le monde environnant
3)           Les pensées qui concernent le futur,

Selon les pathologies, un de ces trois « espaces » est privilégié par le sujet. Par exemple, l’anxieux est sur le danger (futur) alors que le déprimé est sur la dépréciation de soi (lui-même). Dans tous les cas, l’attitude du cognitiviste sera chaleureuse et « empathique ». Il mettra la priorité sur l’autonomie du patient. Nous remarquons que le passé n'est pas évoqué par A.T. BECK. 1

·       D’abord l’identification cognitive
L’utilisation de la découverte guidée,
pour accéder aux zones de cognition posant problème,  est sans doute un des éléments d’investigation de la thérapie cognitive qui est le plus proche des moyens d’investigation maïeusthésique (guidage non directif, développé dans la prochaine section). La thérapie commencera par l’identification des mécanismes de pensées. Une autre technique utilisée, sera la technique dite de la flèche descendante. Celle-ci permet d’examiner un enchaînement de cognitions involontaires : comment à partir d’un fait anodin, une succession de pensées se succèdent, d’aggravation en aggravation (dramatisation). Par exemple « il est en retard »…« il a du se perdre »…« il a sûrement du avoir un accident »…« il s’est peut-être fait agresser »…

·       Puis la modification du processus cognitif
Pour modifier ces pensées automatiques, l’examen rationnel de la situation, de l’émotion ressentie, de la pensée automatique négative (il s’est peut être fait agressé), puis de la pensée alternative (un ami a du le retenir au téléphone) permet de faire émerger un nouveau processus de cognition1. Une telle thérapie se réalise sur une vingtaine de séances.

1 "Manuel de thérapie comportementale et cognitive" 
Samuel Lajeunesse - éd  DUNOD - 2004

·       Le changement de mécanisme cognitif en maïeusthésie
L’identification émotionnelle et les pensées qui surviennent n’y seront pas utilisées de la même façon. Elles y seront considérées comme un chemin vers la part du Soi qui attend une réhabilitation. Quant à l’erreur de cognition trouvée par la thérapie maïeusthésique (si l‘on choisit d’en parler comme ça), elle portera plus sur le mécanisme appris culturellement, qui consiste à mettre plutôt son attention sur les faits et les choses que sur les êtres qui les ont vécues. En opérant un recentrage d’attention vers les "êtres" plutôt que sur l'événementiel, les nœuds émotionnels contenus dans la mémoire à long terme se dénouent le plus souvent spontanément.  

Il ne s'agit donc pas non plus en maïeusthésie de visiter le passé en tant qu'événement, mais de réhabiliter celui qu'on était et qui n'a jamais cessé d'être en nous depuis cette époque. En fait il s'agit plus d'une "rencontre avec le Soi" dans le présent que d'une visite du passé, même si le vécu de cette part du Soi s'est réalisé dans une époque lointaine. Cette part du Soi est présente et c'est cette présence qui est rencontrée dans son émotion toujours intacte et jamais reconnue jusqu'à ce moment actuel de reconnaissance et de réhabilitation. 

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Mesures et classements
scientifiques, mais...

Précision des mesures, et flou des outils

Des questionnaires d’évaluation ou d’auto évaluation, mis au point par des spécialistes permettent de mesurer les résultats des thérapies comportementales et cognitives. Des mesures précises… mais… « 106 études sur le traitement de l’agoraphobie ont recensé 98 instruments de mesure différents pour évaluer les résultats des thérapies comportementales et cognitives. L’importance du changement mesuré chez le patient varie dans un rapport de 1 à 6 selon l’outil utilisé1. » Donc quand un résultat d’amélioration de 60% est annoncé, ce peut aussi bien être 10% en changeant de matériel de mesure. Une incertitude bien gênante !

La cotation utilisée pour apprécier l’amélioration de l’état du patient est la suivante : une amélioration de 30% est considérée comme un échec, de 31 à 70% le patient est considérée comme étant amélioré, au delà, ils est considéré comme très amélioré. Résultats, selon ces critères: 18 études menées sur 20 ans rapportent que, les échecs concernent 10% des patients, les améliorations 39% et ceux qui sont très améliorés 51%2

Mais nous venons de voir plus haut que le choix de l’outil de mesure peut modifier ces résultats de façon importante. La mesure des résultats est sans nul doute un outil inestimable dans le domaine de la psychothérapie. Même si les outils actuels n’ont pas toujours les précisions attendues, ils ont le mérite d’exister et seront sans doute sujet à évolution. Ces outils de mesure semblent cependant, pour l’instant, incapables de prendre en compte certaines évolutions émotionnelles, affectives, relationnelles… faisant suite à une action thérapeutique.  La vraie question est : "qu'est-ce qu'on mesure vraiment?" Le fait que la mesure soit scientifiquement reproductible n'et pas un critère de pertinence suffisant.

1 Chiffres donnés par Christine Mirabel-Sarron et Rolland Dardennes au chapitre 4 de « Manuel de thérapie comportementale et cognitive » chez Dunod).

2 Chiffres rapportés par Luis Vera chapitre 7 -­ 6 de « Manuel de thérapie comportementale et cognitive » chez Dunod

Le (DSM)

Dans le but de mieux mesurer et classer les psychopathologies, cette nosographie1 ambitionne de rendre l’approche plus rigoureuse, indiscutable et statistiquement éprouvée. Le projet est de fiabiliser les diagnostics psychiatriques. Restant, au départ (1952), d’inspiration psychodynamique, le DSM-1 tente une première version. C’est à partir de la troisième version (DSM III en 1974) qu’on assiste à un tournant majeur : indépendamment des sources étiologiques2 et des théories, la liste des syndromes devient surtout destinée à un usage psychiatrique qu’elle prétend organiser et ordonner. La volonté de rendre plus scientifique l’approche du psychisme, conduit ainsi à définir plusieurs axes (cliniques I ; troubles de la personnalité II ; affection physiques III ; difficultés d’environnement IV ; fonctionnement global V). Cette organisation nosographique1 des attitudes et comportements, s’éloigne ainsi volontairement des anciennes théories de la psyché. Le DSM III est révisé en 1983 pour donner le DSM-III-R puis devient le DSM-IV en 1994.  A chaque version, des diagnostics sont modifiés, d’autres disparaissent (comme par exemple l’homosexualité, considérée initialement comme une pathologie dans les premières versions).

Certains n’apprécieront pas cette apparente avancée. Ils y dénonceront même une idéologie de la rationalité cherchant un peu à faire oublier Freud3. Il semblerait aussi que ce listage conduise à diagnostiquer certaines attitudes ordinaires comme étant pathologiques, et produisent ainsi des dérives ou des abus, diagnostiquant des pathologies là où il n’y en a pas..

En attendant, il semble qu'une approche aussi « carrée » d'éléments aussi « rangée » ne puisse en aucun cas se substituer aux bases de la psychodynamique, pour permettre à une personne de donner du sens à ce qu’elle vit, que ce soit dans la normalité ou dans la pathologie (ceci est naturellement aussi très éloigné de psychologie existentielle). Rien, pour l’instant, ne semble pouvoir remplacer la qualité de la présence du praticien avec son discernement et son « empathie ». Contrairement au DSM qui prône de plus en plus les sources physiologiques voire héréditaires, Jean-Pierre Chartier3, estime qu’il est plus raisonnable de penser que l’effet n’est jamais fixé une fois pour toute (même chez le psychotique). Là aussi, le progrès des recherches fera sans doute son chemin. (Vous pouvez lire, au sujet de ces inconvénients nosographiques, la publication d'avril 2008: "Psychpathologie")  

1 Nosographie: classement des maladies. 
Emil KRAEPLIN né la même année que FREUD a déjà réalisé une nosographie des psychopathologie si détaillée et hiérarchisée que Jean-Pierre CHARTIER,  s'amuse à le nommer le plus grand "botaniste" des fleurs du mal. 
("Guérir après Freud" DUNOD- 2003 - p 27)

2 Etiologie: étude des causes d'une maladie

3 Remarques sur le DSM: Jean-Pierre CHARTIER -  Docteur d’état en Psychologie Clinique, psychanalyste, vice président de la fédération française des psychologues et de la psychologie (même ouvrage p 35).

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Humanisme et cognitivisme

TCC et analytique

Les thérapies cognitivo comportementales sont quelques fois mal considérées par les psychanalystes ou par ceux dont la tendance est une approche de type analytique. Il est vrai que, peut être par effet de mode, les TCC ont pris une place parfois excessive et excluant, à tort, les principes analytiques.

Vous aurez cependant remarqué en lisant ce document que les approches ne s'excluent pas les unes les autres (nous y reviendrons plus loin) mais sont complémentaires.

Si quelques praticiens cognitivo comportementaux semblent avoir pris de la distance avec un certain humanisme thérapeutique (et avec les autres approches), c'est sans doute que quelques principes leur ont échappés (comme ceux de la découverte guidée), mais aussi et surtout qu'ils ont oublié les remarques du cognitiviste Jérôme Bruner qui a aussi développé la "psychologie culturelle".

Jérôme Bruner

Il n'hésite pas à dénoncer «En dépit de l'habitude bien installée de mener des "petites études bien nettes" et de ce que Gordon Allport a appelé la "méthodolâtrie", les grandes questions psychologiques sont encore une fois soulevées : questions concernant la nature de l'esprit et de ses processus; questions sur la manière dont nous construisons nos significations et nos réalités; questions sur la façon dont l'esprit prend forme au travers de l'histoire et de la culture»1 .  

Il est vrai que Jérôme Bruner, cognitiviste, a développé la psychologie culturelle, dans laquelle il estime qu'on devrait d'avantage faire cas de la psychologie populaire de tout un chacun, trop souvent regardée avec dédain par les "savants". Il considère que cette psychologie populaire a pourtant bien l'air de décrire ce qui se passe vraiment. Il s'insurge même en disant qu'en rejetant la psychologie populaire on «...en est venu à jeter par dessus bord le phénomène même que la psychologie doit expliquer»1.

Il dénonce aussi les langages obscures et inaccessibles au plus grand nombre: «Nous vivons publiquement en utilisant des significations qui appartiennent au domaine public, et selon des procédures de négociations et d'interprétations partagées par notre entourage. L'interprétation, aussi opaque qu'elle puisse devenir, doit demeurer accessible publiquement, faute de quoi la culture sombre dans le désordre, et avec elle chacun de ses membres»1.

Par rapport à la tendance excessive à la psychométrie (mesure des états et des aptitudes psychiques) il nous interpelle: «que veut exactement dire "performance intellectuelle"? Y a-t-il une performance ou des performances? La définition ne serait-elle pas subtilement marquée par ce qu'une culture choisit d'honorer, de récompenser et de cultiver?»1. A un autre chapitre de son ouvrage il ajoute «Les outils qui sont utilisés par les sciences humaines pour aboutir au concept de self 2 sont, en général, les instruments traditionnels de recherche conçus par les sciences formelles pour localier et mesurer des objets ou des choses»1. J'ajouterai que cela ressemble un peu à un physicien tentant de voir l'atome avec un microscope optique!

Jérôme Bruner nous rappelle donc des principes de bon sens que certaines envolées théoriques nous font parfois oublier. Ce discours venant d'un cognitiviste, nous montre quelle humanité il peut y avoir dans son approche.

1 "Car la culture donne forme à l'esprit" - Jérome Bruner - éditions Georg Eshel 1991

2 le self désigne le moi, mais est parfois abusivement utilisé pour désigner le Soi. En anglais Soi se dit "oneself" et moi se dit "self". En allemand moi se dit ich, Soi se dit Sich. Ce qu'on appelle  "le ça" en allemand est "es". Mais un traducteur a déjà transposé "das Ich und das Es" par "le moi et le Soi" (propos tiré de "le ça, le soi et le surmoi" chez TCHOU p 26 où il est d'ailleurs écrit "der Ich und das Es"). Nous remarquerons à quel points ces mots sont embrouillés même chez les spécialistes! Le médecin allemand Groddeck a parlé du ça avant Freud. Considéré comme psychanalyste par Freud, Groddeck, précurseur,  avait une vision plus souple, plus simple du "ça" (das Es).

 

 

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Mécanismes 
psychocorporels

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Les mémoires du corps

Stockage dans le « mémorial corporel »

Rien ne dit si cette mémoire à long terme (MLT) est seulement neuronale ou également corporelle (à travers les somatisations). Il est certain que le corps en porte les traces. Le mot « mental » vient de la racine latine men/mon (idée de penser). Le verbe monere (faire penser, avertir), qui indique bien l’idée de « mémoire », a donné « monument ». D’ailleurs certains monuments sont même parfois appelés « mémorial ». Il est évident qu’il ne s’agit pas là de neurones, mais de « ce qui rappelle ». En quoi un monument serait une mémoire et une somatisation ne le serait pas ? C’est une façon comme une autre de stocker l’information. Il semble donc évident que le neurone ne soit pas la seule possibilité de stockage de l’information et que nous ayons aussi une sorte de « mémorial corporel ». Les thérapies psychocorporelles s’occupent particulièrement de cet aspect.

L’accès par le corps

Les thérapies psychocorporelles s’occupent particulièrement des accès à la mémoire par le corps. Il y s’agit probablement d’un des aspects de la mémoire à long terme (MLT) citée plus haut. Dans cette mémoire profonde, se trouvent aussi bien le « noyau du vivant » (personnalité primaire ou « première », qui est la personne elle-même, l'être là, le Dasein), que la personnalité secondaire (persona de Jung) développée au cours de la vie en fonction des difficultés, afin de faire face à l’environnement1.

Cette persona « personnalité secondaire », est en fait l’ensemble des stratégies développées par une personne, pour faire face aux expériences de la vie. Elle se cristallise en une sorte d’armure tissulaire.

L’incrustation musculaire des névroses

Wilhem Reich2, tenant une place de première importance dans le premier mouvement psychanalytique, montre le rapport entre le refoulement psychique décrit par Freud et l’incrustation musculaire des névroses. Un peu plus tard, Gerda Boysen, psychologue et physiothérapeute, décrira comment une personne incarne sa névrose au plus profond de son corps, à chaque fois que ses mécanismes naturels d’auto guérison des blessures psychiques ne peut être spontanément opérant.

La mémoire corporelle joue donc ici un rôle majeur dans l’investigation d’un psychothérapeute bio-énergéticien. Les actions thérapeutiques passeront par des actions de mouvements et de respiration afin de libérer ces incrustations.

1 Nous remarquerons que le mot "personnalité" (personna : masque) ne convient donc pas pour désigner cette part de l'individu profond, ce "noyau du vivant", mais convient bien pour désigner la personnalité secondaire, qui elle est superficielle.

2 Wilhem REICH: psychiatre psychanalyste autrichien qui élabora une technique de relaxation musculaire et d’expression émotionnelle bioénergétique. : la végéto thérapie. Son disciple, le Dr Alexander Lowen, psychanalyste psychothérapeute américain, en fit une adaptation sous le nom de « thérapie bio-énergétique »

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Les émotions et la bio-énergie

Circulation du flux émotionnel

Dans le psychocorporel, il est pointé que la circulation du flux émotionnel est en étroite relation avec la circulation des flux organiques. Dans la thérapie psycho corporelle biodynamique, le flux considéré est un flux de bio-énergie qui est sensé circuler librement pour vitaliser les tissus. En cas de blocage de cette circulation, le corps est affecté jusqu’au plus profond des cellules.

L’influence de cette circulation s’exprime aussi au niveau du péristaltisme intestinal qui est un point central d’accumulation des flux émotionnels bloqués (psycho péristaltisme). C’est sans doute à cela qu’on fait allusion, quand on dit instinctivement d’un ressenti émotionnel que « c’est viscéral » (une forme de psychologie populaire, évoquée plus haut chez Jérôme Bruner, dans le cognitivisme).

Les cycles émotionnels

Les praticiens y parlent de « cycles émotionnels » qui, quand ils sont réalisés complètement ne laissent pas de traces néfastes. Par contre ils peuvent s’être stoppés en cours d’accomplissement et laisser des cuirasses, des blocages, des « citernes » émotionnelles. Il y s’agit, comme pour la libido, d’une énergie. On remarquera le lien entre les mots émotion et mouvement : Emouvoir est construit à partir de e puis mouvoir et signifie « mettre en mouvement ». C’était le sens strict du mot émouvoir jusqu’au XVIIe siècle. Emotion a signifié strictement « mouvement » au XVIe siècle.

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Moyens thérapeutiques

Emergence du noyau du vivant

Pour terminer ces cycles émotionnels inachevés, une première approche par le massage peut être envisagée pour ensuite inviter le patient à explorer ses ressentis internes (stimulis de l’intérieur), afin de les laisser s’exprimer. Il contacte ainsi son « noyau du vivant » qui faisait pression pour être reconnu (une forme de pulsion de vie comme en maïeusthésie).

Actions visant à la libération de l’énergie

A partir du corps, un accès direct aux nœuds émotionnels est recherché. Peuvent être aussi utilisé des postures, des gestes ou des cris, visant à atteindre cette libération de l’énergie. Certaines approches psycho corporelles provoqueront une régression, c'est-à-dire que le sujet se retrouvera « comme autrefois ». L’explosion émotionnelle qui peut en résulter nécessite alors un accompagnement particulièrement compétent, emprunt de chaleur et de délicatesse. Le Dr Alexander Lowen précise comment un patient qui pense avoir déjà pleuré, car il pleure fréquemment dans sa vie, ne sait généralement pas encore pleurer de façon à atteindre le fond de sa tristesse.1

1 A. Lowen - La Joie retrouvée (pleurer est signe de force) - éditions Dangles

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Mode d’action

A la fois cathartique1 et intégrative

Le but de ces thérapies est l’élimination de ce qui est bloqué. Il s'agit donc d'un principe cathartique. Les praticiens y parlent souvent de « purification biologique ». En ce sens il y a une sorte de recherche du « mauvais à éliminer » (comme en thérapie comportementale et cognitive, où l’on piste l’erreur de cognition pour y remédier). Mais il y a aussi cette quête qui consiste à permettre au «  noyau du vivant » de sortir de ses restrictions et de se rouvrir vers la vie. Dans ce deuxième aspect il s’agit plus de l’émergence d’une richesse qui est en nous, il s'agit plus d'une méthode intégrative.

1 Catharsis vient du grec katharsis « purification ». Selon Aristote, c'est un effet de « purgation des passions » produit sur les spectateurs d'une représentation dramatique. En psychanalyse, c'est une réaction de libération ou de liquidation d'affects longtemps refoulés dans le subconscient et responsables d'un traumatisme psychique En psychanalyse, on parlera aussi d'abréction: brusque libération émotionnelle; réaction d'extériorisation par laquelle un sujet se libère d'un refoulement affectif (définitions du petit Robert). 

Joseph BREUER (1842-1925) repris le terme de catharsis pour désigner l'effet salutaire du rappel à la conscience d'un événement traumatique refoulé (définition du Dictionnaire usuel de la psychologie -Bordas).

La catharsis
(élimination)

La catharsis comporte l’idée de « purification ». Il est à noter que la plupart des approches thérapeutiques ont une orientation cathartique. C'est-à-dire qu’elle ont pour projet de libérer, purifier, débarrasser de quelque chose d’encombrant ou de néfaste. Quelles que soient les méthodes, il semble que ce soit une constante : débarrasser du mauvais pour arriver à du meilleur.

Même les TCC (thérapies comportementales et cognitives), qui auraient pu sembler échapper à cela, y sont confrontées : le comportemental veut aider à se débarrasser d’un mauvais comportement et le cognitif d’un mauvais mode de pensée. Naturellement ce nécessaire ajustement des mécanismes de cognition ou d’action ne peut faire l’économie de ce travers cathartique pour aboutir à ses résultats. C’est ce qui amène les praticiens en TCC à être prudent quant aux risques de culpabilisation ou de dévalorisation, si l’histoire du patient est trop évoquée ou fouillée par  le thérapeute.

Les approches cathartiques permettent de nombreux recentrages, de précieuses libérations émotionnelles, de fructueuses réexpérimentations (par le transfert). Mais il se peut que la catharsis ne permette pas tout à fait la structuration du Soi. De plus, cette visite des « mauvais éléments à évacuer » peut s’avérer inquiétante pour le sujet et demande au thérapeute une extrême rigueur dans sa délicatesse. Enfin, confronté à ce qu’il y a de plus sombre chez son patient il devra veiller à ne pas se « charger lui-même » du poids de cette déferlante morbide... d’où l’incontournable supervision du praticien pour toute approche cathartique.

Le principe d’intégration 
(émergence, rencontre et assimilation)

A l’opposé de l’idée cathartique, nous trouvons celle de l’intégration. Il n’y s’agit plus de se défaire de quelque chose de néfaste, mais de retrouver et de réhabiliter une part noble du Soi. Nous remarquerons qu'en maïeusthésie, il ne s'agit pas de faire remonter à la conscience un événement traumatique refoulé (selon la définition de la catharsis de Joseph BREUER)  mais de retrouver celui qu'on était lors de cette circonstance. Cela suppose de distinguer clairement la différence entre, d'une part l'événement (circonstanciel) , et d'autre part, celui qui le vit (l'individu), .

En situation normale. L’individu intègre celui qu’il est et ce qu’il ressent à chaque instant. Cela se hiérarchise dans sa structure psychique (le Soi) qui accroît sa maturité (champ de conscience) ainsi que la finesse de ses perceptions et ses capacités d’intégrations à venir.

En situation douloureuse. Ce qui n’est pas intégré est réservé dans l’inconscient. Ce qui est réservé dans l’inconscient n’est pas l’événement survenu, mais la part du Soi qui l’a vécu. Il ne s’agit donc plus de retrouver « ce qui est arrivé », mais « celui qui a vécu ce qui est arrivé ». Nous noterons que, même si ce qui est arrivé est horrible, celui qui s’y trouvait ne l’est pas.

Catharsis ou intégration ? Si nous prenons le parti de retrouver ce qui est arrivé nous aboutirons à une nécessité cathartique (car le contenu des événements est néfaste). Si, au contraire, nous prenons le parti de retrouver la part du Soi qui l’a vécu, nous aboutirons à une évidence intégrative.

Jung est un des rares à considérer cet aboutissement du Soi, encore qu’il considère que, pareil à l’alchimiste, il faut savoir « transmuter » le mauvais ou  l’ordinaire en « précieux » (comme le plomb en or). Il part donc aussi d’un mauvais à améliorer. Même s’il n’en propose plus l’élimination, il en propose quand même la transmutation plutôt que la « révélation ».

Avantage des approches intégratives: Le sujet ira plus volontiers vers ce Soi antérieur de valeur à révéler, que vers la morbidité des situations qui furent néfastes. D’autre part le thérapeute ne risquera pas de se charger du poids de la déferlante morbide du sujet en thérapie.

Analogie maïeusthésique

C’est sur le deuxième point (intégration du noyau du vivant), que nous trouverons une analogie avec la maïeusthésie. Le « noyau du vivant » qui tend à émerger fait penser aux parts du Soi en attente (un de ceux qu'on a été ou la part d'un de ceux dont on est issu) qui émergent en thérapie comme une "naissance" de Soi.

 

 

En conclusion:
Complémentarités

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Rappel des quatre approches.

Extrêmement  différentes, elles auront en commun  d’appartenir à des réflexions poursuivant une même quête : améliorer la condition de l’être humain en l’aidant dans son fonctionnement psychique. La plupart des actions obéissent à un principe cathartique d'élimination. Quelque unes mettent en oeuvre un principe plutôt intégratif.

Psychanalyse, psychodynamique

Cette amélioration y est réalisée en accordant une place majeure à la libido (énergie). Le psychanalyste accompagne l’être humain vers un écoulement optimisé de celle-ci. Freud a conduit son approche clinique de façon empirique, mais rigoureuse. Il utilise le transfert comme outil majeur de sa cure analytique. Le psychanalyste n’a pas pour projet de guérir des symptômes (en tout cas pas dans l’urgence). Il a pour but d’accompagner le patient dans l’exploration de l’ensemble de sa vie pour y localiser et y libérer les zones où la libido s’est bloquée ou détournée. Il en découlera la disparition de symptômes, qui étaient liés à ces blocages libidinaux. Une cure analytique peut durer plusieurs années.

Maïeusthésie

Cette approche, abondamment décrite dans ce site, accomplit l’amélioration en accompagnant l’antagonisme pertinent,  mais trop souvent contrarié,  des pulsions de vie et de survie à l’œuvre en chacun de nous. Le praticien va y optimiser un écoulement de vie (existentiel) et non plus un écoulement d’énergie (libidinal) Il y est clairement fait la différence entre la vie et l’énergie, entre « être » et « faire ». Une thérapie en maïeusthésie durera de une à cinq séances de deux heures (environ) chacune. Il s'agit d'une thérapie courte dans laquelle une seule séance peut parfois être envisagée. Quand il y a plusieurs séances, celles-ci sont généralement espacées de quelques semaines ou quelques mois. Il peut arriver néanmoins que le souhait du sujet soit un cheminement régulier sur sa vie et, dans ce cas, il peut y avoir deux ou trois années de séances (à la demande) à raison d'une séance tous le deux ou trois mois. Dans ce cas nous ne parlerons pas de thérapies longue, mais plutôt d'un accompagnement sur son cheminement de vie, pour réaliser une rencontre plus approfondie avec soi-même. La plupart des demandes concernent surtout une thérapie courte, car c'est sans doute ce qui manque le plus dans le domaine de l'aide psychothérapique: recevoir une aide ponctuelle au moment où l'on en a besoin, sans s'engager pour autant dans un processus long et systématique

Comportemental et cognitif

Ici l’amélioration se réalise en s’occupant des actions réactions et des mécanismes de pensées de l’être humain. Le thérapeute comportementaliste et cognitif accompagne vers une optimisation des flux d’actions/réactions et des flux de pensées. Il  tente de mesurer le degré de morbidité des états psychopathologiques initiaux ainsi que les résultats obtenus après la thérapie. Pour y parvenir il utilise de nombreuses techniques de soins de différents types et n’exclut pas d’y adjoindre d’autres approches (aussi bien d’autres approches de psychothérapie qu’un soutient médicamenteux : le psychothérapeute en TCC adressera si nécessaire son patient aux praticiens ayant ces compétences complémentaires). Une thérapie comportementale et cognitive dure de quelques semaines à un an.  

Psycho corporel

L’amélioration vient ici en  provoquant l’émergence de flux émotionnels bloqués, le plus souvent jamais exprimés (ou insuffisamment exprimés). Elle utilise des procédés dans l’action, associés à l’imaginaire, pour provoquer une situation favorable à cette émergence et terminer les cycles émotionnels inachevés. C’est une thérapie qui passe par le corps. Si le patient souffre de rancunes ou de colères rentrées, le thérapeute l’invitera à ressentir ce qui est en lui et à se « lâcher » dans des gestes de colère ou des cris volontaires ou de prendre un positionnement du corps susceptible de faire recontacter une émotion. Il utilisera aussi le massage pour accompagner ces émergences.  Le thérapeute se devra particulièrement attentif, délicat et accompagnant, car ces émergences peuvent atteindre de grandes amplitudes pour lesquelles il devra assurer un accompagnement serein.

Synthèse

Des flux en interactions

Si l’on veut donner un point d’analogie entre les quatre approches, outre le fait qu’elles s’occupent toutes de proposer un mieux être, nous pourrons les considérer toutes les quatre sous l’angle d’un écoulement de flux. La première s’occupe de l’écoulement de la libido (énergie), la seconde de l’écoulement de la vie (réhabilitation existentielle, individuations), la troisième de l’écoulement des actions (processus psycho physiques) et de  la pensée (processus mentaux), la quatrième de l’écoulement des émotions (émergences, décharges).

Encore une fois, je vous invite à ne pas mettre toutes ces approches en concurrence, mais plutôt à en percevoir les nuances complémentaires.

Le côté extrêmement utile des TCC (source de leur efficacité) est de permettre à un patient de découvrir des apprentissages, soit qu’il n’a jamais rencontré auparavant, soit qu’il n’a pas eu l’opportunité de retenir du fait du contexte dans lequel ils sont survenus. Par contre, il ne tient compte ni de l’écoulement de la libido, ni de l’écoulement de vie, ni de la validation de la raison, ni de la décharge émotionnelle.

Une remarque particulièrement judicieuse des praticiens en TCC est de constater que de fouiller dans le passé pour aboutir à des interprétations, ou à des recherches de causes antérieures, risque d’être culpabilisant.  Cette réticence me semble d’autant plus justifiée que le projet est pour le TCC de pister les erreurs. Cela accroît déjà, en soi, le risque de dévalorisation et doit être géré avec beaucoup de délicatesse par le thérapeute. Dans ce contexte il convient donc de ne pas ajouter à ce risque. J’ai longuement développé cette  problématique du risque de culpabilisation dans mon précédent document de novembre 2004 «Ne pas induire de culpabilisation»;

L’approche maïeusthésique ne rencontre pas cette difficulté puisque le projet n’y est pas de corriger une erreur mais d’aller vers une raison. Il n'y s'agit pas d’aller vers des événements douloureux (le circonstanciel), mais juste de retrouver, rencontrer et réhabiliter ceux (les êtres) que nous avons été et qui sont présents en nous (qui constituent notre "tissu psychique"). L’action thérapeutique consiste à leur offrir l’écoute, la reconnaissance et le soin qui leur a manqué, à restaurer leur valeur et leur existence (projet existentiel). C’est un travail sur le ressenti et sur le présent.  

En maïeusthésie, les notions d'apprentissage à la réhabilitation et d'approche progressive de zones douloureuses font penser aux moyens comportementalistes de l'apprentissage et de la désensibilisation. En fait la maïeusthésie n'est pas spécifiquement analytique, mais joue aussi sur l'apprentissage, la désensibilisation, le psychodrame (en proposant une action mentale), l'émotionnel et le corps en passant par les somatisations et les ressentis pour localiser etc... Dans tous les cas elle vise à donner un plus d'existence et se rapprocherait assez de la psychologie existentielle (sans toutefois prétendre s'y identifier).

Vers plus de fluidité

Quand la vie s’écoule mieux, l’énergie disponible augmente. Quand l’énergie circule mieux, la vie trouve plus facilement son chemin. Les cognitions mentales sont plus performantes et les actions plus adaptées. Mais les apprentissages inédits renforcent aussi l’énergie et assoient la vie dans une plus grande sécurité. Les émotions s’y expriment plus spontanément et plus librement. Quand des émotions sont restées bloquées, leur rendre leur écoulement facilite également l’écoulement de la vie… celui de l’énergie s’en trouve alors amélioré et les nouvelles expériences d’apprentissages plus souples, plus faciles et plus performantes… etc.

Tous ces écoulements sont en relation et sont interdépendants les uns des autres. C’est pourquoi aucune thérapie ne peut prétendre détenir toutes les clés… mais elles assurent chacune une complémentarité des autres.

Les thérapies de l’esprit sont parfois compatibles avec la science (comme dans les TCC, ou dans la psychométrie utilisée aussi en psychodynamique avec les tests et les statistiques, d'usage très répandus). Mais certaines zones semblent difficilement accessibles à un tel regard scientifique et le risque de tomber dans la "méthodolâtrie dénoncée par Jérome Bruner reste grand. Par contre, le fait qu’une approche ne puisse être totalement scientifique ne la dispense pas d’être précise et rigoureuse. Il n'en demeure pas moins que croire en des résultats comme représentant ce qu'ils ne représentent pas, tiendrait plus du scientisme ou de la  métaphysique que de la science proprement dite.

A l’intersection de la science et de la psychologie la revue Science et Vie 1046 de novembre 2004 consacrait un dossier à l’influence du psychisme sur le corps : diminution du besoin d’anesthésiant, force musculaire décuplée, baisse d’hypertension, résultats de chirurgie placebo dans la maladie de parkinson, défenses immunitaires significativement augmentées chez des patients ayant eu un cancer traité et ayant été ensuite psychologiquement accompagnés, contrairement à un groupe témoin n’ayant pas eu ce soutien (publié dans le Journal of Clinical Oncology  en 2004 - Résultats d’une étude réalisée par le Professeur de psychologie Barbara Andersen.de l’Université de l’Etat de l’Ohio USA)1.

1 Attention, il serait cependant dangereux de vouloir traiter une maladie grave, juste avec une psychothérapie, quelle que soit la psychothérapie. 

Mais l’association de cette action psy aux traitements médicaux est fondamentale car l’effet y est bien plus important que ce qu’on croyait jusqu’ici. Ces résultats, qui commencent à être mesurés et objectivés, contribuent à progressivement diminuer les anciennes frontières entre les médecines du corps et celles de l’esprit. Cela contribue à faire prendre plus au sérieux ce qui a trop longtemps été regardé avec dédain par quelques scientifiques peu rigoureux et victimes de leurs « croyances », victimes de leurs « certitudes » uniquement corporelles. De ce fait, ils s'éloignent, à leur insu, du cartésianisme dont pourtant ils se revendiquent.

La source de progrès est toujours une acceptation du non savoir. Celui qui croit savoir, ferme son esprit et ne peut entrevoir de choses nouvelles. Cela restreint ses possibilités de recherche. Un scientifique considère normalement comme vrai ce qui est démontré et ne s’autorise pas à se prononcer sur ce qui n’est pas prouvé. Une chose n’est ni fausse ni vraie tant qu’aucune démonstration de vrai ou de faux n’a été apportée. Toute affirmation sans preuves, dans un sens comme dans l’autre peut être l’œuvre d’une intuition, d’une hypothèse ou d’une croyance, mais ne peut en aucun cas être un fait scientifique et défendu comme tel. Descartes lui-même avait pour fondement "je doute donc je suis" (et non comme on le croit trop souvent "je pense donc je suis")2.

Cela permet une liberté de recherche à la fois humble et rigoureuse qui, je l’espère, amènera de plus en plus d’efficacité dans l’aide psychologique aux personnes en souffrance.  

2 Lire à ce sujet l'article de Jean Jacques Crèvecoeur, physicien et philosophe, dans le Psychanalyse magazine 24 de novembre décembre, page 49

Du libidinal à l'existentiel

J’ai commencé ce texte inspiré par les deux mots amour et libido, à la fois tellement prononcés par tant de monde et si souvent mal connus, y compris par ceux là même qui les prononcent.

Une occasion pour préciser, puis pour étendre la réflexion vers d’autres types de flux et de thérapies. Une occasion pour réaliser un début de synthèse. Même si mon site est surtout dédié à décrire l’approche maïeusthésique,  j’ai été particulièrement heureux de partager avec vous ces quelques pages mettant cette approche en relation avec d’autres méthodes dont chacune est constituée des réflexions et recherches assidues de nombreux praticiens investis pour améliorer la vie psychique des êtres humains.

Naturellement, cette synthèse ne prétend en aucun cas être exhaustive. Bien d’autres approches thérapeutiques pourraient être également considérées, comme la gestalt thérapie, le cri primal, la PNL, l’hypno thérapie, le coaching, la sophrologie…etc.

Remarque sur la psychologie existentielle

A plusieurs reprises, dans ce document, j'ai évoqué la psychologie existentielle comme assez remarquable, car tenant compte de la notion d'individu, "d'être au monde", "d'être là", de "Dasein", de "Dawesen"1.

Des philosophes, psychologues ou psychiatres comme Rollo May, Carl Rogers, Karl JASPERS, Ludwig BISWANGER, Martin HEIDEGGER, Eugène MINKOWSKI, Edmund HUSSERL, Herman FEIFEL Abraham MASLOW... cités au début de ce document, sont précurseurs en ce domaine2

1 Pour plus de détails sur la notion de Dasein, visiter site belge Daseinsanalys 

2 Sur ce sujet, vous trouverez des détails dans l'ouvrage "psychologie existentielle" -éd. Epi -19710. Pour situer cette approche au sein des autres méthodes, lire "Les 14 approche de psychopathologie" de Serban Ionescu -éd Nathan Université- 2004.

Cependant, quelques mouvements métaphysiques, astrologiques ou ésotériques, et même des époques new age,   citent aussi des personnes comme Rollo MAY en référence, pour la grande place qu'ils accordent à l'être (nombreuses références sur Internet). Ce serait avoir une fausse idée que d'identifier Rollo MAY ou Carl ROGERS à de telles démarches. Si je cite ces psychologies dans mon site, il doit être clair qu'il n'y a aucune intention métaphysique, mais que c'est vraiment dans le cadre de leur approche de la psychologie et dans la qualité du respect qu'ils y accordent à autrui.

André BOTTEMAN, docteur en psychologie. directeur adjoint membre de l'équipe "Psychologie sociale des Insertions" du laboratoire de psychologie de l'université Victor Ségalen de Bordeaux II, évoque avec beaucoup de sérieux la dimension humaine de psychologues comme Rollo MAY ou Carl ROGERS. Il a publié l'article "Un testament de Carl Rogers" (conférence de Brian Thorne), que je vous recommande particulièrement. Article dans la revue scientifique "Carriérologie" disponible en ligne. 

Même si je ne prétends aucunement me comparer à de tels auteurs universitaires, c'est avec ce même sérieux que je vous invite à considérer les pages de ce document , avec également tout l'esprit critique nécessaire à la liberté et à la progression de chacun.

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Thierry TOURNEBISE

Pour plus de détails sur la psychodynamique, sur les rôles du ça, du Moi, du Surmoi et du Soi, voir sur ce site la publication de novembre 2005  Le ça, le Moi, Le Surmoi, le Soi. Vous y trouverez le rapport détaillé avec l'approche existentielle et maïeusthésique (28 pages)

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