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Incontournable délicatesse

et outrancières précautions

 septembre 2018   -    © copyright Thierry TOURNEBISE

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La délicatesse est une qualité essentielle chez un praticien. Bien sûr elle l’est aussi dans notre vie de tous les jours, mais concernant un praticien, elle fait même partie de son professionnalisme.  Il convient cependant de distinguer délicatesse et précautions. La délicatesse est douceur existentielle, alors que de trop nombreuses précautions peuvent vite devenir une indélicatesse face la Vie.

Comment cela est-il possible ? En fait il s’agit de deux choses très différentes : la délicatesse émerge naturellement de la réjouissance éprouvée face à la dimension du Soi qui se manifeste ; les précautions, elles, viennent des peurs que cette dimension ontique soit trop fragile, qu’elle ne puisse supporter une attitude spontanée.

Bien sûr, être spontané ne signifie pas une absence de délicatesse, mais une posture authentique. Finalement, il ne s’agit pas tant d’aider la Vie, que de l’accompagner dans l’expression de sa justesse ; il ne s’agit pas tant de la ménager, que de lui accorder de la reconnaissance ; il ne s’agit pas tant de la protéger, que d’en valider l’aspect lumineux ; il ne s’agit pas tant de la croire fragile, que d’en attester le socle existentiel systémique touchant l’humanité … et même au-delà, de se laisser toucher par cela. Ces quelques pages proposent de clarifier cet apparent paradoxe délicatesse/précautions.

Sommaire

1 Un paradoxe apparent
  Le vœu et la réalité – Spontanéité et délicatesse – La délicatesse victime de la précaution

2 Incontournable délicatesse
- Sensibilité et tact – Anesthésie sensitivo-cognitive et anesthésie ontique – Posture et emplacement, proximité et connivence – L’amour dans sa réalité – L’éthique qui en résulte

3 Libre des outrancières précautions
- Les précautions comme déni du sacré – Stratégie transférielle, ou intrication existentielle ? – Quand l’aide est une indélicatesse – Le moteur de l’intention, déceler la finalité – L’authenticité comme une reconnaissance

4 L’assise existentielle
- La sensibilité hors de la fragilité – Un « Chez-Nous  » familier – Oser y être – La Vie appelle la reconnaissance

5 Être avec la Vie
- Au-dedans comme au-dehors – Hommage par la reformulation – Une congruence spontanée – Être direct sans être indélicat – Tact, confiance et connivence – La Vie, Source de sécurité – Exemples – En thérapie – Juste être avec la Vie

 

Bibliographie  
Bibliographie du site

 

1    Un paradoxe apparent

1.1    Le vœu et la réalité

Souhaiter être délicat est une grande qualité. Toutefois, en faire le vœu est une chose, le mettre en œuvre en est une autre. Afin de ne pas manquer un tel projet nous aurons tendance à imaginer de multiples précautions sans nous rendre compte que celles-ci produisent l’effet inverse.

Avancer vers autrui avec trop de précautions sous-entend la fragilité, l’incapacité, l’insuffisance de notre interlocuteur, ou sa dangerosité. Le fait que l’on n’ose pas une rencontre plus directe témoigne d’une peur, ou au moins d’une crainte : soit une peur pour l’autre (qu’il soit trop fragile pour supporter ce qu’on veut lui partager ou lui demander, ou qu’il soit incapable de le comprendre), soit une peur pour nous (ses réactions nous inquiètent, pourraient nous mettre en danger), voire nous avons peur de manquer de délicatesse.

Ainsi l’élan d’être délicat devient biaisé par nos craintes et nos jugements implicites (envers l’autre ou envers nous-mêmes) nous conduisant à des précautions qui deviennent ainsi le contraire de la délicatesse, puisqu’elles sous-entendent une insuffisance ou un danger chez notre interlocuteur ou chez soi.

1.2    Spontanéité et délicatesse

La spontanéité va en principe avec la délicatesse et même en fait partie. Pour que la délicatesse accompagne naturellement la spontanéité, il suffit que notre focus se porte vers l’Être à qui l’on s’adresse en lui accordant ses justesses, plutôt que vers ce qu’il dit, ce qu’il fait, ou ce qu’il montre. Nous sommes ainsi naturellement touchés face à la vie, et notre expression en devient naturellement délicate.

L’essentiel de notre délicatesse vient du fait que nous sommes touchés par la Vie que nous rencontrons en l’autre, et en aucun cas des précautions que nous prenons pour nous adresser à lui.

La délicatesse est alors spontanée (et aussi non verbalement exprimée), quand bien même notre langage verbal est intuitif, parfois châtié, sans ménagement particulier. Pour l’autre, la délicatesse éprouvée vient plus du fait que l’on rencontre qui il est, que du miel que nous pourrions mettre pour enrober notre expression (verbale ou non verbale). C’est sans doute pour cela que Carl Rogers a tant insisté sur la congruence (authenticité) comme une des qualités essentielles chez le praticien.

1.3    La délicatesse victime de la précaution

Quand nous avons bien compris cette importance de la délicatesse (notre humanité suffit pour cela), nous pouvons craindre d’en manquer. Cette crainte nous conduit alors à la « surjouer » avec l’artifice de multiples précautions (le miel et les enrobages). Cette crainte vient simplement du fait que nous ne voyons pas assez la Vie, que nous n’avons pas assez confiance en elle, que nous avons peur de la fragilité de l’autre autant que de notre incapacité.

Notre capacité ne peut venir d’un effort que nous ferions pour maîtriser quoi que ce soit, même en noble projet. Elle vient plutôt de cette sensibilité que nous avons en nous, qui nous permet de voir la Vie à l’œuvre chez notre interlocuteur, au niveau de qui il est, quand bien même ce qu’il montre ou produit manque cruellement de grâce, voire est profondément détestable. Un Être n’est pas ce qu’il produit : celui qu’il est est « quelqu’un », ce qu’il produit est « quelque chose ». Le quelqu’un, l’Être, est par définition inestimable (hors du champ des valeurs), les choses elles sont estimables (évaluables comme positives, négatives ou nulles). Pour que la délicatesse soit spontanée, tout dépend de « où se situe notre focus » : sur l’Être ou sur ce qu’il produit.  

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2    Incontournable délicatesse

2.1    Sensibilité et tact

La sensibilité peut être vue sur le plan sensoriel. En ce cas elle permet, grâce aux cinq sens, de percevoir notre environnement matériel (les rues, les voitures, les maisons, les événements, les sons, les odeurs, les plaisirs, les dangers, et toutes choses appréhendables sensoriellement). Mais elle peut aussi être considérée sur le plan existentiel et concerner des perceptions subtiles qui ne sont plus d’ordre sensoriel, mais plutôt d’ordre expérientiel : esthétique, harmonie, humanité, intuition… nous y trouverons l’art (juste en partie sensoriel, mais qui va au-delà), l’humanisme, l’ontique, l’imagination, l’intuition, l’amour (purement expérientiel).

Par exemple le toucher : il est l’un des cinq sens et ne concerne que la représentation tactile du monde. Mais sur un plan plus subtil, il devient « tact », il est délicatesse, douceur, témoin d’une rencontre sur un plan existentiel (d’un vécu subtil expérientiellement éprouvé). En haptonomie, la racine grecque « Hapsy » signifie « tact psychique », de même que l’empathie en allemand se dit « Einfühlung » où « fühlen » est le « tact psychique », comme « feeling » en anglais est « perception subtile »... la sensorialité ne suffit pas à en rendre compte.

Ainsi, la sensibilité et le tact (sur le plan subtil) nous rendent spontanément délicats. D’ailleurs, « avoir du tact » est quasiment synonyme d’« être délicat ». La délicatesse ne peut émerger que d’une authenticité s’appuyant sur notre capacité à distinguer entre les choses et les Êtres. Elle ne peut se fabriquer, sinon elle devient précaution. Finalement, la sensibilité est une forme d’acuité. Le tact (tact psychique) est une forme de connexion ontique. Cette acuité nous conduit à distinguer les choses d’un côté, puis l’existentiel, les Êtres de l’autre, afin de nous y connecter grâce au tact psychique. Quand nous nous connectons prioritairement au côté existentiel, cela nous place naturellement en situation d’émerveillement (une authentique réjouissance hors de toute niaiserie), car ce côté existentiel est toujours inestimable. Cela nous place aussi dans une situation bien moins vulnérable, beaucoup plus stable face à l’adversité. Cela n’empêche aucunement d’avoir une lucidité quant à la valeur des faits et des actes (les actes sont estimables, en ce sens où l’on peut en estimer la valeur, alors que les Êtres sont inestimables, hors du champ des valeurs).

Quand il y a une douleur physique ou même psychique, cette sensibilité et ce tact subtil s’estompent (afin de nous soustraire à l’insoutenable). Il ne reste alors que le « sensoriel avertisseur » passant en premier plan comme gestionnaire des risques. Une perception « en urgence » finalement approximative car l’intellect peine à être efficient en pareils moments. Faute d’être analysés ces moments sont alors plus fantasmés et réactionnels, que réellement perçus. Ils deviennent émotionnels, mais, sans « âme ». Si ces émotions sont aussi trop inconfortables, nous arrivons même à une anesthésie encore plus profonde et salutaire d’où la sensorialité physique devient également absente, afin de pouvoir traverser la tempête en étant épargné de vivre des douleurs non supportables. Nous devenons alors insensibles. Cela peut aller jusqu’à l’évanouissement.

2.2    Anesthésie sensitivo-cognitive, et anesthésie ontique

Nous aurons avantage à distinguer l’anesthésie sensorielle et cognitive de l’anesthésie ontique ou expérientielle. L’une permet parfois d’illustrer l’autre, mais elles ne sont pas de même nature : un Être qui adopte une personnalité habile et manipulatrice peut ainsi se retrouver sensoriellement et cognitivement très performant, et cependant existentiellement totalement anesthésié, incapable de percevoir l’autre, ou même de se percevoir lui-même. Cela fait penser à l’enfant dans le film le 6e sens (de Night Shyamala, 1999) qui dit des revenants qu’il perçoit quotidiennement avec frayeur, qu’ils ne savent pas qu’ils sont morts (ils ne se voient pas eux-mêmes) et ne se voient pas entre eux... ils peuvent juste se signaler en faisant peur à ceux qui les perçoivent.  Cela semble en fait décrire le monde des vivants où un Être n’est pas conscient de lui-même, ni des autres… et de ce fait n’accède pas à la délicatesse, puis adopte des comportements douloureux pour autrui sans même s’en rendre compte.

La sensibilité au niveau de la conscience peut se trouver à trois niveaux : anesthésie (niveau zéro), émotion (perception forte mais floue) , sensibilité (précision, acuité). Contrairement à l’idée courante, l’émotivité vient d’une déficience de la sensibilité et non d’un excès de sensibilité. Pour sortir de l’émotionnel il y a deux voies : s’anesthésier davantage, ou accroître sa sensibilité. Quand on est trop émotionnel, c’est par manque de sensibilité. Il est alors plus efficient d’accroitre sa sensibilité, que de s’anesthésier encore plus. Byron Katie a bien pointé cela avec son approche visant à nous faire sortir du fantasme, grâce à sa fameuse question « est-ce vrai ? », invitant à une investigation plus sensible qu’émotionnelle ou automatique (Byron, 2006). Si nous osons une métaphore, nous pouvons dire que, pour la sensibilité, tout se passe comme si l’anesthésie correspondait à un tunnel noir dans lequel on ne voit rien, puis que l’émotionnel correspondrait à la sortie de tunnel avec éblouissement (on sent quelque chose de fort, mais d’indistinct), et qu’enfin la sensibilité nous permettrait ultérieurement une vision précise, avec acuité, une fois sorti de cet éblouissement.

2.3    Posture et emplacement, proximité et connivence

Concernant la délicatesse d’un praticien accompagnant un patient, tout va dépendre de cette sensibilité ontique ou expérientielle. Tout d’abord, le praticien sera sensible à la présence de l’Être qu’est son patient plus qu’à ses « problèmes », tout en étant capable d’entendre finement ces « problèmes », et surtout la nature et la dimension de ce que celui-ci éprouve face à eux.

C’est un minimum incontournable, mais cela n’est pas suffisant, loin s’en faut ! Il sera aussi avec une acuité qui ne perçoit pas que le patient présent, mais aussi ceux qu’il a été au cours de sa vie et qui « appellent la conscience de celui-ci » à travers les symptômes dont il se plaint.

Le praticien est en connivence avec cet Être (ou ces Êtres) en émergence qui appelle(nt) la conscience du patient grâce au symptôme. Cette connivence avec l’Être émergeant est même plus grande que celle avec le patient lui-même : le patient veut souvent se débarrasser de ressenti qu’il considère comme un « encombrant », sans se rendre compte qu’il s’agit d’une opportunité de retour à la complétude, d’un mieux-être à venir, d’une nouvelle assise qui pourrait le rendre moins vulnérable, d’une ressource lui donnant potentiellement plus de possibilités. Cependant, bien que le praticien soit plus en connivence avec cet Être émergeant qu’avec le patient lui-même, il reste en chaleureuse proximité du patient et en grand respect de toutes ses réticences qui ne sont jamais perçues comme des résistances, mais comme des indicateurs du chemin le plus pertinent pour aboutir à cette complétude inconsciemment attendue.

De plus, s’il est en proximité de l’Être émergeant appelant la conscience du patient, par principe, avant même de l’avoir identifié par le guidage non directif, il ne s’y trouve pas « tout seul » avec ses « petites » ou « grandes » compétences de praticien : non seulement il s’y trouve « avec le patient », « avec l’Être émergeant », mais aussi « accompagné de la Vie, du Tout, de l’Univers »… pourvoyeurs de justesses. Les mots « Vie », « Tout », « Univers » ne doivent pas être perçus de façon grandiloquente ou encore moins mythomaniaque ! Ils ne font que définir une présence de l’Existence (une sorte de « Soi » au-delà du « Soi ») avec sa pertinence systémique, sans aucune connotation métaphysique. On pourrait l’appeler « Chez-Nous d’Humanité ».

Cette notion d’un « Chez-Nous d’Humanité » est assez délicate à décrire, mais elle est un des fondements de la délicatesse. C’est la curieuse sensation d’un endroit familier (car c’est un « Chez-Nous », qui pourtant n’envahit pas le « chez-l’autre » et n’expose pas le « chez-soi »). Idée sans doute assez proche de celle que proposait Carl Rogers en nous disant que ce qui est le plus intime, est aussi ce qui est le plus commun à tout le monde :

« Ce qui est le plus personnel est aussi ce qu’il y a de plus général. » (Rogers, 2005, p.22)

Une zone intime, familière, qui ne peut se décrire en termes de savoir, mais dans laquelle il a une sorte de « connaissance profonde », indicible, dont on peut faire l’expérience, mais dont l’intellect peine à rendre compte. Le « savoir » est une représentation intellectuelle structurée, alors que la « connaissance » est une sorte de proximité avec ce qui est même parfois non pensable, non représentable, sauf en métaphores, en approximations, en simples esquisses.

Cette proximité au niveau de ce « Chez-Nous d’Humanité » est sans doute le plus grand pourvoyeur de délicatesse, de tranquillité, de sécurité, d’empathie au sens profond du terme. Nous en voyons quelques exemples touchants dans l’émission de Frédéric Lopez sur France 2 « Rendez-vous en terre inconnue » où des humains de cultures totalement différentes nous montrent une humanité que nous savons reconnaître au-delà d’importantes différences (de modes de vie, de cultures, de races, de croyances ou de religions).

Ce « Chez-Nous d’Humanité » va au-delà des différences et exprime une sorte de conscience émergente au monde, ainsi que le propose le paléontologue Pierre Teilhard de Chardin dans son ouvrage « Le phénomène Humain » (1955)

« L’homme ne saurait se voir en dehors de la Vie, ni la Vie en dehors de l’Univers » (Teilhard de Chardin, 1955, p.29). « La présence d’un plus grand que nous-mêmes, en marche au cœur de nous » (p196). « l’Homme ne progresse qu’en élaborant lentement, d’âge en âge, l’essence de la totalité d’un Univers déposé en lui. » (p.199). « Ce n’est plus un simple champ, si grand soit-il, - c’est la Terre entière qui est requise pour alimenter chacun d’entre -nous. » (p.273) « L’Etoffe de l’Univers, en devenant pensante, n’a pas encore achevé son cycle évolutif » (p.279) « Résonance au Tout » (Teilhard de Chardin, p.296).

Peut-être ce « Chez-Nous d’Humanité » est-il la Noosphère (Vie, conscience, hors énergie) qu’il évoque en la distinguant de la biosphère (énergie vitale) et de la géosphère (énergie matérielle). Le paradoxe est que cet endroit familier où nous nous rejoignons intimement côtoie un état exacerbé où la moindre différence matérielle produit des heurts : l’avis sur un film, sur une équipe sportive, sur un élément du monde professionnel, sur la qualité d’un plat cuisiné… tout cela provoque émois, discussions sans écoute, ou même des conflits parfois violents… Bien évidemment, quand ces différences portent sur des idées politiques, sur des religions, sur des fondements culturels, des différences ethniques… c’est encore pire ! Cela existe même sur d’infimes différences, comme si ces différences venaient nous heurter dans ce « Chez-Nous d’Humanité ». La quête qui consiste à convaincre l’autre afin qu’il pense comme nous, tendant ainsi vers une pensée unique, est bien sûr une insupportable carricature de ce « Chez-Nous d’Humanité ». Bien au contraire, dans ce « Chez-Nous d’Humanité » tout le monde peut être différent selon sa propre nature et sans risques ni pour lui ni pour autrui.

Cette humanité en nous permet d’être en résonance avec l’humanité qui est en l’autre, éclairant une proximité dans un « Chez-Nous » que n’influencent pas nos différences extérieures. Peut-être ce que Carl Rogers a énoncé vers la fin de sa vie concernant ce qu’il désigne par « relation praticien/patient » :

« …notre relation se dépasse elle-même et s’intègre dans quelque chose qui la transcende… » (Rogers, 2001, p.168-169)

Sans doute un des éléments pourvoyeurs de considération, de respect, voire d’amour… mais au fait, qu’est-ce que l’amour ? Ce sentiment si souvent évoqué, idéalisé, mal compris, parfois instrumentalisé.

2.4    L’amour dans sa réalité

La notion d’amour est si importante que même Sigmund Freud a évoqué l’idée d’un nécessaire succédané d’amour :

« ...la collaboration du patient devient un sacrifice personnel qu'il faut compenser par quelque succédané d'amour. Les efforts du médecin, son attitude de bienveillante patience doivent constituer des suffisants succédanés » (Les névroses - l'homme et ses conflits" Chez TCHOU 1979 - p 68)

Mais il parle d’amour objectal (amour d’un objet), alors que l’amour ne peut être que subjectal (amour d’un Sujet). C’est sans doute ce qui lui permet de parler de succédané. Cela est naturel en ce sens où il développe une psychologie du « moi » où l’autre est vu comme « objet » d’investigation, et non une psychologie du « Soi » où l’autre est considéré comme sujet, révélateur de complétude. La notion d’amour mérite donc plus de précisions.

Les grecs ont utilisé plusieurs mots pour évoquer différents types d’amour dont je retiendrai ici trois d’entre eux :

Eros (amour de besoin, amour intéressé – prendre « l’objet »)
Agapè (amour oblatif, amour désintéressé – donner « des sentiments, des objets »),
Charis (amour ontique, amour attentionné- recevoir « la grâce du sujet »)

L’amour Eros tente d’obtenir quelque chose de l’autre qui représente un attrait. C’est un amour de lien activant une notion de profit… d’où l’idée d’amour intéressé.

L’amour Agapè ne cherche pas à obtenir quoi que ce soit et déverse sur l’autre une générosité sans attente de retour. D’où l’idée d’amour désintéressé. Ainsi, en générosité le flux va de soi vers l’autre. Souvent idéalisée, cette posture occulte le fait qu’ici le sens n’est pas réciproque, que l’autre reçoit en liberté de ne pas accepter (sinon ce n’est plus un don), mais que cette générosité sous-entend plus le manque de cet autre que sa complétude, et de ce fait ne valide pas son entièreté, sa dimension ontique.

L’amour Charis, lui est de nature très différente puisque le flux ici va de l’autre vers soi. L’auteur de charis est sensible à la grâce de l’autre, la reçoit et lui en témoigne juste par son émerveillement (sa réjouissance). L’autre est ici validé dans sa complétude, dans sa dimension ontique, dans sa grâce. Il est reconnu en lui cette dimension d’humanité qui nous touche et qui est réciproque. D’où l’idée d’un amour attentionné, donnant existence à l’interlocuteur. Attention : il convient de distinguer soigneusement le fait d’être touché par la grâce de l’autre du fait d’idéaliser l’autre (qui reviendrait à une sorte d’Eros déguisé, en quête d’un profit subtil fantasmé). Dans agapè, même donner un sentiment d’amour revient à en souligner la carence chez l’autre, ce qui en fait une sorte de « fausse générosité », parfois même un piège tant cela semble magnifique, sans pourtant procurer le bonheur qui devrait en découler. Entendons bien que je parle ici pourtant d’un véritable agapè qui n’est pas une transaction déguisée où l’on attendrait un retour, car ce ne serait qu’un Eros masqué. Quand je parle d’agapè, il s’agit d’un agapè authentique, généreux, non transactionnel, mais qui pourtant pose le problème du sens du flux (soi vers l’autre).

Dans « charis », la générosité est une « générosité authentique » qui vient du fait que l’on s’ouvre à la grâce de l’autre (flux de l’autre vers soi), qui de ce fait se sent exister. Cette générosité authentique vient du fait de notre capacité à être touché par cette grâce de l’autre, par la nature profonde de son humanité, quand bien même celle-ci ne paraît pas dans les actes de l’interlocuteur. Ici l’on distingue d’une part les actes qui sont des choses, et d’autre part l’individu qui est un Être. La chose est toujours estimable (mesurable) en termes de positive (source de bonheur), négative (source de souffrance) ou nulle (ne produisant rien), alors que l’Être lui est inestimable et se trouve hors du champ des valeurs. Ce qui nous conduit à découvrir, de façon inattendue, que dire qu’un Être est précieux est une sorte d’insulte existentielle, en ce sens où accorder une valeur (même très grande) à ce qui est inestimable revient à le déchoir de son statut « existentiel » vers un statut « objectal ». D’où l’idée de cette publication insistant sur la nuance entre délicatesse (tact) et précautions (artifice mielleux) !

C’est cela qui m’a conduit à publier sur ce site « Réjouissance thérapeutique » (février 2017) car c’est sans doute ici que se passe l’essentiel du phénomène thérapeutique. Le terme « charis » signifie exactement en grec « touché par la grâce de Dieu ». Si Dieu existe, on pourrait dire que l’homme a besoin que Dieu lui-même soit touché par la grâce de son humanité, et de toute façon, que Dieu existe ou non, chaque Être a de toute façon besoin qu’un autre humain soit touché par la grâce de son humanité.

En Education Positive il est fait mention d’un peuple qui, lorsqu’un enfant a manqué à l’éthique de la communauté, il lui est demandé de venir au milieu de la place du village, et aux habitants de venir autour de lui… puis chacun est invité à énoncer une belle chose qu’il voit chez ce jeune (belle gestion de la délinquance !). D’une façon analogue, Anne Gruwez, juge d’instruction au tribunal de Bruxelles (qui joue son propre rôle dans le film documentaire « Ni juge ni soumise » de Jean Libon et Yves Hinant, 2017), propose des paroles citées par « Moustique » :

« Le fait est peut-être monstrueux mais ce n’est pas pour ça que la personne qui l’a commis est un monstre. Si vous dites que c’est un monstre, vous admettez son caractère inhumain, vous le rejetez, alors que c’est un de vos semblables. Il n’a fait qu’exacerber une des pulsions qui se trouve dans tout être humain… J’aime les gens. [….] Le fait est peut-être monstrueux, mais ce n’est pas pour ça que la personne qui l’a commis est un monstre. » (Moustique https://www.moustique.be/20402/10-choses-savoir-sur-anne-gruwez )

Anne Gruwez est certainement un magnifique exemple de délicatesse hors du champ des précautions, grâce à sa profonde sensibilité à l’humain, associée à une claire lucidité quant à la nature des actes. Elle ne mélange pas les deux et ainsi l’humanité de son attitude est sans ambiguïté.

2.5    L’éthique qui en résulte

Nous entrons dans une zone où notre sensibilité ontique (à ne pas confondre avec notre fragilité émotionnelle) devient un guide plus sûr que les règles, les techniques ou les protocoles. Même quand les règles et protocoles sont profondément humanistes, si ceux qui les mettent en œuvre ont oublié leur humanité et/ou celle de l’autre, ils ne remplacent pas une authentique délicatesse. 

Comme le dit si bien Rolo May (proche de Carl Rogers) :

« Les principes techniques protègent les psychologues et les psychiatres de leurs propres angoisses. Mais par la même occasion, les techniques empêchent les psychologues et les psychiatres de comprendre le malade, elles l’isolent de sa présence pendant l’entretien, qui est essentielle pour comprendre la situation » (May, 1971, p.26)

Même si des règles sont nécessaires pour la vie sociale, il est illusoire de penser qu’elles puissent remplacer la conscience. Elles n’en constituent qu’une sorte d’utile prothèse… juste faute de mieux. Nous arrivons avantageusement à une zone où l’éthique prime sur la règle et où les postures ontiques (une attention qui privilégie les Êtres par rapport aux choses) guident spontanément vers une justesse parfaitement adaptée. Au-delà des précautions artificielles permettant une illusion de tranquillité, nous arrivons à un « savoir vivre ensemble authentique ». Baruch Spinoza nous disait que la paix n’est pas l’absence de guerre mais la concorde des âmes :

« Car la paix ainsi que nous l'avons déjà dit, ne consiste pas en l'absence de guerre, mais en l'union des âmes ou concorde » (Spinoza - 1962, p.954).

Si cela est utile à envisager pour toute une société, ça ne semble pouvoir se réaliser que comme un flux d’évolution en marche. Cette posture socialement utile devient immédiatement essentielle dès que l’on envisage de proposer des entretiens thérapeutiques et que l’on est praticien. Cela devrait même être un pivot de la formation qui est délivrée à ceux qui prévoient d’en faire leur métier.

Si, en tant que professionnel, nous croyons que notre salut est dans plus de savoir établi une fois pour toute, gardons René Descartes à l’esprit (« Je doute donc je suis ») et écoutons Abraham Maslow pour attraper l’humilité du chercheur, où aucun statut n’assoit notre assurance, si ce n’est de rester en partenariat avec ceux qui nous entourent :

 « Nous nous heurtons à une nouvelle frontière où je pense ne pouvoir que jouer les chercheurs, les cliniciens ou les psychologues, et lancer tout ce que je sais et tout ce que j’ai à offrir, dans l’espoir que quelqu’un l’attrape et en fasse quelque chose » (Maslow, 2006, p.104)  

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3    Libre des outrancières précautions

3.1    La précaution comme un déni du sacré

Ainsi prendre des précautions, c’est afficher une peur : soit de la fragilité de l’autre, soit de notre incapacité. Il s’agit alors d’un double déni : un déni de soi comme capable de délicatesse, et un déni de l’autre comme capable de comprendre ce qu’on souhaite lui proposer.

Être précautionneux est comme une hésitation dans laquelle l’enrobage des propos étouffe la Vie qui ne demande qu’à s’exprimer et à entendre. S’il reste vrai que les précautions et protocoles sont d’utiles béquilles pour qui ne sait être attentionné, il n’en demeure pas moins que la clé se trouve plus dans l’attention et la confiance accordée à autrui et à soi-même.

Les précautions présupposent une incapacité de l’autre ou de soi, et de ce fait nient l’humanité qui est en chacun de nous (soit dit en passant, le manque de délicatesse aussi). L’humanité est plus solide qu’on ne le suppose et représente le sacré qui nous habite. Être sensible à l’humain, c’est être sensible au sacré car l’humain est inestimable. De ce fait, les précautions piétinent ce sacré qui est en chacun de nous et deviennent quasiment sacrilèges de par leurs délicatesses artificielles.

Tout autant que l’indélicatesse, les précautions constituent une sorte de sacrilège face à l’humain !

3.2    Stratégies transférielles, ou intrications existentielles ?

Le transfert et le contretransfert concernent les informations, les émotions et les personnalités mises en jeu dans un échange, avec plus ou moins de lucidité. Il s’agit d’un échange essentiellement non-verbal, qui conduit ainsi à des postures chez le patient et chez le praticien.

A la fois leviers thérapeutiques et sources d’embrouille selon la lucidité qui les accompagne, les transferts et contretransferts sont spontanément des enjeux au niveau des stratégies sociales du « moi » chez l’un et chez l’autre (patient et praticien). Le psychiatre Henri Grivois, lui, parle plutôt de concernement pour évoquer une subtilité dans les ajustements de deux Êtres l’un par rapport à l’autre. Notion qu’il utilise particulièrement pour la problématique des psychotiques qui se retrouvent en concernement avec « toute l’humanité » (faute de contenant égotique, du fait d’un manque du moi et d’un trop du Soi.)*

*Vous pouvez lire sur ce site la publication d’octobre 2012  « Mieux comprendre la psychose » dans lequel ce médecin psychiatre est abondamment cité .

Quand le sujet, l’individu, le quelqu’un, l’Être est en premier plan, il ne s’agit plus de transferts au niveau des émotions, des personnalités, des stratégies plus ou moins conscientes, mais « d’intrications existentielles ». A ce moment-là, il ne s’agit plus de « tactiques du moi », mais de « tact du Soi ».

Le transfert est une chose mais ne concerne que l’informationnel stratégique, alors que l’intrication expérientielle, elle, concerne ce « tact du Soi », ce « tact psychique » (empathie : Einfühlung, fühlen, feeling, hapsy). Un tact existentiel où chacun est parfaitement Soi, alors que les deux interlocuteurs se rencontrent dans un « chez nous d’humanité commun » où palpite cette intrication. En fait, encore plus qu’un tact, il s’agit d’une intrication. A cet endroit chacun est informé de ce qu’éprouve l’autre, mais c’est plus expérientiel qu’informationnel ou sensoriel.

L’intrication quantique illustre ce phénomène (sans toutefois le démontrer) : deux particules ayant eu contact, quand elles se séparent, même se trouvant ensuite à chaque bout de l’Univers, quand une information arrive chez l’une elle est simultanément chez l’autre. L’analogie de ce phénomène physique (expérimentalement démontré) avec le phénomène psychique de l’intrication expérientielle est assez troublante. Nous noterons que, qui dit « transfert » dit « déplacement » d’information, alors que parlant « d’intrication expérientielle » nous parlons de « simultanéité » de l’information en deux points distincts. C’est ce qu’on appelle une situation expérientielle et non plus une situation sensorielle.

Pour qui place son attention en priorité vers le sujet (l’Être) cela se passe naturellement et la délicatesse est spontanée. Pour qui place son attention prioritairement sur les informations et sur les problèmes, il se produit de l’affect qui peut conduire à des projections ou des retenues, induisant des précautions compensatrices qui deviennent sacrilèges par rapport à cette humanité commune qui nous anime. Il est curieux que les précautions qui visent pourtant un respect, finalement piétinent cette humanité en chacun des deux interlocuteurs. Sans doute est-ce la différence entre le Soi et le surmoi, le second n’étant que la prothèse compensant le manque du premier.

3.3    Quand l’aide est une indélicatesse

Vouloir aider quelqu’un devient vite outrancier. D’où les résistances des patients, qui ne viennent pas d’une retenue personnelle de leur part, mais d’une retenue engendrée par la volonté d’aider du praticien.

En quoi vouloir aider pose-t-il problème ? : Vouloir aider c’est signifier implicitement que l’autre, tel qu’il est, doit être changé ! Or il ne souhaite pas être changé, mais être rencontré et bénéficier de reconnaissance et de validations.

Quand une personne éprouve une peine accompagnée de larmes, poser notre main sur son épaule peut être un geste réellement accompagnant. Cependant, tout dépendra de notre intention : si nous souhaitons l’apaiser, ce geste peut être ressenti comme une violence ; alors que si avec ce même geste nous souhaitons accompagner l’expression de sa peine, il sera vécu comme une douceur.

Vouloir apaiser revient à nier l’Être avec ce qu’il éprouve et génère un inconfort chez lui, en même temps qu’un épuisement chez celui qui tente d’apporter cet apaisement. En effet, celui qui veut apaiser engage « de l’énergie contre » la peine, et indirectement contre celui qui l’éprouve. Comme cela ne marche pas il y met encore plus d’énergie, plus de douceur appuyée… il met plus de force et de stratégie dans sa douceur… mais cela ne marche pas non plus. A sa perte d’énergie, l’absence de résultat ajoute la déception, et celui qui déjà avait cette peine se retrouve, en plus, source de déception pour celui qui voulait « être gentil » avec lui.

En fait, il ne s’agit pas tant d’aider l’autre, mais de le rencontrer, dans l’intention de lui accorder de la reconnaissance et de valider ses ressentis dans leur nature et dans leur dimension. Cette reconnaissance confirme sa dimension sacrée, alors que la volonté d’aider insinue une quelconque monstruosité dont il devrait se défaire. D’où l’insistance que j’ai mise dans la capacité de réjouissance du praticien, au point d’avoir publié sur ce site « Réjouissance thérapeutique » en février 2017 et « Être libre du déni » en janvier 2018.

Aller vers l’autre pour l’aider (psychologiquement) fait partie des outrancières précautions, alors qu’aller vers lui pour le rencontrer fait partie des incontournables délicatesses. Naturellement je parle de l’aide psychologique, car il peut arriver qu’une aide matérielle soit nécessaire et qu’elle ne soit aucunement outrancière, voire même qu’elle soit indispensable… toutefois, l’aide matérielle peut l’être aussi, comme par exemple obliger un SDF qui ne le souhaite pas, à dormir dans un abri (même la générosité des personnes qui participent aux maraudes se retrouve ici face à beaucoup d’ambivalences). Il ne semble pas pensable de le lui imposer, par contre entendre en quoi ne pas y dormir est mieux pour lui quand tel est son souhait est essentiel. Une fois reconnu il se peut qu’il l’accepte, car pour recevoir dignement une aide matérielle il se peut qu’une considération préalable soit incontournable.

3.4    Le moteur de l’intention, déceler la finalité

Poser un projet, même avec délicatesse peut être outrancier. Il importe de différencier d’une part la notion de « projeter », d’autre part celle de « déceler une finalité ».

Pro-jeter, c’est « jeter en avant »… jeter en avant quelque chose afin de créer une motivation (un moteur) artificielle, qui nous donne le goût de courir après. Cela peut être très bon pour faire de l’exercice (c’est même ce que l’on propose à son chien en lui lançant une balle ou un bout de bois qu’il va nous rapporter), mais pas pour rejoindre une finalité authentique.

Alors que le projet est seulement ce que l’on jette en avant, pour ensuite courir après, la finalité est ce que l’on rejoint, là où une justesse appelle notre attention vers un accomplissement pertinent. Tout se passe un peu comme si la finalité préexistait potentiellement et guidait nos pas dans le présent. Au lieu d’un passé qui engendre un futur grâce à un déroulement déterministe (causalité), nous avons ici un futur qui guide un présent vers un aboutissement (finalité). Cela porte le nom de « téléonomie ».

Notre intellect se trouve un peu malmené par cette idée d’un futur qui influence le présent, sans toutefois que l’on puisse tout à fait parler d’un « déterminisme inversé » (même si l’auteur cité ci-après utilise ce terme). Ce futur est comme un aboutissement pertinent qui, en même temps préexiste et se dessine, mais aussi s’ajuste et se déploie, se déplie. Une sorte de justesse dans un accomplissement qui ne suit pas de modèle mais une intime intuition qui ne laisse pas d’hésitation. Il se peut même que la finalité soit un moteur bien plus puissant que la causalité. Philippe Guillemant, chercheur au CNRS, dans son ouvrage « La route du temps », parle même de traces du futur dans le présent.

« Cet écoulement vers le bas, vers le passé, conforme au déterminisme inversé, ne pourrait-il pas avoir un intérêt : celui de nous rapporter éventuellement quelques informations sur notre futur, qui transportées par cette eau, surgiraient dans le présent sous la forme de traces du futur ? » (2014, Guillemant, p.108)

Pour un praticien qui accompagne un patient, quelle est la finalité vers laquelle il se dirige ? S’il cherche à apaiser son patient, il ne fait que poser un projet et nie celui qu’il accompagne. S’il cherche à rencontrer ce qui appelle la conscience du patient il suit au contraire une finalité et se laisse emmener vers une justesse qui attend d’être rencontrée. Les processus qui en découlent sont de nature très différente : le premier consomme de l’énergie sans résultats satisfaisants (on s’y retrouve souvent à contre-courant, épuisé et déçu, pareillement à une personne cherchant à retrouver le bord par le mauvais sens dans une baïne, où le courant circulaire le porte vers le large avant de la ramener vers la plage) ; le second ne consomme pas d’énergie, comme si l’on suivait le courant d’une rivière qui va juste là où il faut. Pour le praticien, cela « se fait » plus « qu’il ne le fait ». Dans le premier il y a de l’énergie et des précautions, dans le second il y a de la spontanéité et de la délicatesse, d’autant plus qu’il n’y a aucun parasitage du fait d’une inutile fatigue, le praticien ne fait que suivre une justesse à l’œuvre. Suivre la finalité est existentiellement plus écologique, dans le sens d’un respect systémique des enjeux implicites qui habitent le patient et que propose la Vie dans sa dimension la plus profonde.

3.5    L’authenticité comme une reconnaissance

Face à quelqu’un, ne pas oser être, même avec une généreuse humilité, peut aussi être outrancier. Ne pas oser être face à un interlocuteur sous-entend, soit que celui-ci peut représenter une menace, soit qu’il n’est pas capable de nous supporter. C’est implicitement mettre l’accent sur une insuffisance chez lui (et non uniquement sur un manque d’assurance de soi). Ainsi, ce n’est pas seulement notre humilité qui est en jeu, mais surtout notre « manque d’oser être » et notre perception de notre interlocuteur, nos a priori, nos croyances à son sujet, et surtout « vers où regardons-nous quand nous nous tournons vers lui » : sur l’humanité qui est en lui ? ou sur ses failles ? ou sur les nôtres ?

Nous n’avons hélas pas pris culturellement le pli de poser notre attention sur cette humanité. Nous sommes plus dans un archaïsme de prudence, face à une éventuelle « prédation » qui pourrait nous menacer. Cela peut venir de notre histoire personnelle, mais cela vient aussi phylogénétiquement de l’évolution : longue période où les réalités de proies et prédateurs ont occupé bien des vies. Justement le propre de l’humain est d’avoir cette potentialité d’être sensible à cette humanité et de sortir de cet archaïsme… mais sans doute le chantier est-il seulement en cours, et encore incomplètement abouti. Une sorte de virage dans l’évolution : virage sur des siècles ou même des milliers d’années, annoncé par Charles Darwin lui-même disant qu’arrivée à l’homme la loi de l’évolution change de forme et que le mieux adapté est celui qui sait prendre soin du plus faible (Tort, 2009, p.72-73 et 2010, p.66), ou, comme le disait le paléontologue Pierre Teilhard de Chardin : c’est la conscience qui cherche à travers l’évolution à s’exprimer, à venir au monde.

« La conscience monte à travers les vivants » (Teilhard de Chardin, 1955, p.195)

Il se peut aussi que nous manquions tout simplement d’assurance. Bien sûr, nous avons nos propres failles. Mais il semble qu’à cet endroit se trouve une source inattendue : notre façon de regarder l’autre. Notre capacité à le rencontrer dans ce « Chez-Nous d’Humanité », qui existe sans altérer aucunement le chez soi et le chez l’autre. Depuis ce « Chez-Nous », nos différences peuvent être la source de fructueux échanges.

Le mot « assertivité » définit une affirmation de soi accompagnée de respect de l’autre. En effet, s’affirmer ne signifie aucunement écraser l’autre, et respecter l’autre ne signifie aucunement s’écraser soi. L’assertivité est une posture qui émerge naturellement quand nous avons conscience de ce « Chez-Nous d’Humanité ». Elle permet une très grande délicatesse, sans avoir besoin de précautions. Les ajustements pertinents se font « en live », au fur et à mesure de l’échange, sans présupposés, juste avec une attention et une confiance accordée prioritairement à l’Humain qu’est l’interlocuteur (voir sur ce site la publication de septembre 2001  « Assertivité »).

Un Être qui ose être est tout simplement lumineux et ne représente aucune difficulté ou menace pour autrui.

Au contraire, un Être qui n’ose pas être peut, soit être si éteint qu’on ne parvient pas à le rencontrer, soit proposer l’artifice d’un paraître stratégique brillant qui ne permet pas davantage de le contacter. Ce dernier va au mieux susciter une admiration où, n’étant qu’idéalisé, il reste invisible… et au pire il va faire peur du fait de l’ombre que son éclat artificiel produit sur autrui. C’est toute la différence entre quelqu’un de brillant (ego, paraître) et quelqu’un de lumineux (Soi, être). A côté du premier, fasciné ou non, on se sent minable, à côté du second on se sent simplement exister et en sécurité.

Même quand la stratégie de ce paraître tente de montrer une gentillesse précautionneuse, l’interlocuteur se sent infériorisé : une fausse délicatesse dont le miel vient engluer les serrures qui auraient pu ouvrir la porte et faire que les deux interlocuteurs soient communicants (ouverts).

Celui qui ose être n’a pas besoin de précaution pour être délicat.  

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4    L’assise existentielle

4.1    La sensibilité hors de la fragilité

Prendre appui sur la Vie, c’est s’assurer d’une bonne base. L’on mélange souvent sensibilité et fragilité. Qui est sensible s’appuie sur la Vie et bénéficie d’une perception existentielle qui n’est pas que sensorielle… il bénéficie de plus d’assurance et n’est pas fragile.

Par contre, qui est émotif, loin de la réalité (donc non sensible à la réalité), n’accède qu’à du fantasmé qui le ravit ou l’effraie … et aussi, qui s’appuie sur sa force personnelle aidé d’une acuité seulement sensorielle et cognitive sera bien moins stable également, car leurré par diverses croyances techniques… il s’exposera à bien des déboires tout en dépensant une grande énergie. Cette énergie sera souvent investie pour que la Vie en lui, et en l’autre, ne se manifeste pas trop au niveau de ses symptômes ou manifestations.

La revue « Jusqu’à la mort accompagner la vie – JALMALV » me demanda un texte sur la résilience des personnes en fin de vie. Ce que je fis volontiers. En recevant le numéro concerné (N°101 juin 2010), j’ai été surpris, en dépit de la grande qualité de cette revue, par tous ces énoncés de différents auteurs, affirmant la fragilité des Êtres en fin de vie. En effet, les soignants travaillant dans ces services me disent souvent qu’ils trouvent plus de Vie auprès de ces personnes que dans la vie sociale… car les patients y sont particulièrement authentiques. Ainsi, ils ont moins d’énergie mais sont existentiellement plus vivants. Ce sont même souvent ces personnes en fin de vie, qui prennent soin de ceux qui les accompagnent, car ceux qui les accompagnent et qui sont en bonne santé, sont souvent plus fragiles qu’eux. Curieusement ces personnes en fin de vie touchent la Vie de plus près et bénéficient de plus de stabilité que ceux qui ne la voient pas avec cette acuité. Le Dr Jean-Jacques Charbonier parle même de conscience intuitive extraneuronale (Charbonier- 2017).

Seul l’appui sur la Vie donne l’assurance souhaitée. Bien sûr la force que nous engageons peut être très utile, à condition qu’elle soit conduite par une sensibilité à  la Vie et non par des volontés de combat ou d’éradication. Être sensible, c’est être conscient de la Vie qui est en soi et qui est en l’autre. C’est se laisser toucher par elle, en éprouver de la réjouissance.

4.2    Un « Chez-Nous » familier

Les précautions viennent d’un appui excessif sur le « chez Soi », pour ne pas abimer le « chez l’Autre » auquel nous sommes aveugles. Ces précautions peuvent résulter, comme nous l’avons vu, d’un besoin de sécurité personnelle (éviter de fâcheux feedbacks), mais elles peuvent aussi résulter d’un profond désir de ne pas abimer l’autre (on a conscience de la nécessité du respect, mais on n’en a pas les moyens).

Il se trouve que le respect, la considération, la délicatesse ne se peuvent pas vraiment en devinant ce « chez l’Autre », mais plutôt en prenant appui sur un « chez Nous » d’Humanité.

Il y a les spécificités de chacun, que nous découvrons au fil d’un échange, et nous ajustons notre pas à chaque pas, selon ce que l’autre nous révèle, sans rien préméditer. Notre guide, notre socle, notre assurance ne viennent pas d’une force personnelle, ni d’une capacité prédictive, mais d’une sensibilité à ce qui se passe à chaque instant… et surtout d’un appui sur ce « chez Nous » d’Humanité. Il ne s’agit que d’ajustements qui s’accomplissent en partenariat avec l’Autre, au fur et à mesure de l’échange, spontanément.

Ce « Chez-Nous d’Humanité » est un curieux « endroit » (qui n’est pas un lieu) dont nous ne savons rien, mais qui nous est profondément familier. Le paradoxe est que puisse être aussi familier quelque chose qui n’est pas accessible, ni à notre sensoriel, ni à notre cognitif (intellect).

Outre Carl Rogers, qui nous dit que ce qui est le plus intime est ce qui est le plus commun à tout le monde, Jean Decety (professeur de psychologie et de psychiatrie à l'université de Chicago), nous propose :

« L’empathie est fondée sur notre capacité à reconnaître qu’autrui est semblable à soi, mais sans confusion entre soi-même et l’autre. »
Jean Decety Le Monde 20 février 2014
http://www.cerphi.org/veille/jean-decety-lempathie-une-specificite-humaine-un-article-du-monde-fr/

Il s’agit donc pour mieux se rencontrer d’avoir d’une part cette notion du « semblable » (le « Chez-Nous d’Humanité ») et d’autre part ce « différent » (le chez Soi de chacun qui nous rend distincts). Être distincts sans être distants peut nous conduire à cette délicatesse et à cette assurance.

C’est là que tout se joue entre deux Êtres. C’est là que se trouve la base qui permettra tout le reste. C’est là ce qui engendrera la délicatesse authentique, libre des outrancières précautions qui ne seraient qu’une insulte à cette humanité qui est en chacun.

4.3    Oser y être

Le « Chez-Nous d’Humanité » ! Un « endroit » non spatial, « familier » mais inaccessible au savoir. Quoi que tangible, il ne se « touche » qu’en dimension de « connaissance », en proximité et en intuitions. Une sorte de résonnance entre l’autre et soi qui fait qu’on trouve non seulement le « semblable » en lui et en nous… mais aussi que rien de nos différences n’en sont altérées, ni dans le « chez-Soi », ni dans le « chez-Lui ». A la fois vaste et cosy, autant libre que chaleureux, comme une sorte de « Maison retrouvée », mais dont l’intimité est à la dimension de « l’Univers », qui s’offre à nous en chaleureux environnement.

La connaissance est existentiellement expériencée, alors que le savoir est cognitivement organisé. Ce « Chez-Nous d’Humanité » vient toucher ce que nous cherchons plus que tout au monde : l’Humanité de l’Autre, et l’Humanité de Soi. Comme le dit Abraham Maslow : c’est ce que nous cherchons plus que tout au monde, mais ce dont nous avons le plus peur. Oser y être, c’est un peu passer outre nos craintes, nos croyances, nos réflexes, nos automatismes… pour nous laisser aller là où la Vie nous appelle. Aucunes peurs quand on y est, mais que de craintes pour oser y aller !

Oser y être ! Là est la question. Découvrir, au-delà de la première crainte, qu’il ne s’y trouve aucun risque, que la source de nos compétences s’anime, que nous y sommes avec ce que la Vie a de plus intime, de plus inestimable et de plus vaste, de plus différent et pourtant de plus sécure, de plus riche.

Oser y être nous permet spontanément une si grande délicatesse qui donc ne nécessite aucune précaution.

4.4    La Vie appelle la reconnaissance

La Vie qui habite chacun appelle de la reconnaissance… pas de la pitié ! A force de précautions, tout se passe comme si sa dimension était niée, tant en l’Autre qu’en Soi. Les émergences venant de notre interlocuteur invitent à cette reconnaissance, même si cela ne saute pas toujours aux yeux. Souvent nous interprétons ces manifestations comme des sources d’inconfort ou des menaces, ou comme des besoins d’aide, ou des fragilités. Mais la Vie ne fait que tenter une émergence dans l’espoir d’être rencontrée, vue, reconnue, comprise. Dans l’espoir de susciter une attention qui lui donnera une place. Toujours en constant apprentissage, elle s’exprime bon gré mal gré dans un environnement qui ne sait pas la voir, la rencontrer, lui faire confiance.

Les attaques et les indélicatesses viennent la blesser, mais aussi les précautions qui la sous-entendent fragile ou insuffisante. En attente de l’émerveillement de celui qui, en charis (dans le sens « touché par la grâce de l’autre ») saura la voir, la Vie erre de conversations en conversations, d’idées en idées, de conflits en conflits, de précautions en résistances… et de temps en temps trouve une clairière existentielle où son côté lumineux est perçu et validé, quand bien même elle ne sait pas encore le montrer librement.

La Vie est source d’émerveillement. Et cet émerveillement n’est pas concerné par les précautions. Ce qui est brillant va éventuellement nous étonner (puis induire fascinations, méfiances et précautions), ce qui est lumineux va toujours nous émerveiller (et ne nécessite pas de précautions). Ce « Chez-Nous d’Humanité », ce « Chez-Nous de la Vie » nous est familier et ne nous étonne pas, mais à chaque fois qu’on le contacte, nous en éprouvons de l’émerveillement. Dans les textes des philosophes grecs, le verbe grec Thaumazein, est traduit en français tantôt par « s'étonner », tantôt par « s'émerveiller ». Or ces deux mots ne signifient pas la même chose : l’étonnement est cognitivement (intellectuellement) une surprise alors que l’émerveillement est existentiellement (ontiquement) une rencontre. Par exemple quand un enfant naît, l’on est émerveillé (face à la Vie), mais pas étonné (on attendait un enfant, et c’est bien un enfant qui est venu au monde). Nous ne pouvons qu’être surpris qu’une telle nuance n’ait pas été pointée !  

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5    Être avec la Vie

5.1    Au-dedans comme au dehors

Qu’il s’agisse de la psyché et de tous les Êtres de Soi qui la « peuplent » (que certains appellent « parts de Soi »), ou qu’il s’agisse du monde environnant et de chaque Être de notre entourage, la délicatesse est incontournable et les précautions indésirables.

Chaque individu reste sacré, qu’il soit dans la psyché, ou bien à côté ou en face de nous. Certes, ses comportements ne sont pas toujours très gracieux, c’est le moins que l’on puisse dire (qu’il s’agisse d’autrui ou de soi-même) ! Mais pour autant il reste sacré et ne soyons pas sacrilège : c’est juste la Vie en œuvre d’émergence, peinant parfois à se manifester. « Être sacrilège » revient à manquer de confiance en ces « Êtres de Soi » extérieurs ou intérieurs, à ne pas oser être en proche, à les considérer soit comme vulnérables soit comme dangereux, à leur refuser le tact psychique et la reconnaissance. Certes pour cela il convient de distinguer entre les Êtres (inestimables) et ce qu’ils produisent (estimable en valeur positive, négative ou nulle), ainsi que nous le rappelle brillamment la juge d’instruction Anne Gruwez. Les précautions reflètent une confusion entre « les Êtres » et « ce qu’ils produisent »... alors des craintes en résultent, et donc par là même notre méfiance culturellement si bien instaurée.

Les paroles dragéifiées ou bien enveloppées dans la guimauve peuvent sembler douces, mais en fait elles se rapprochent d’une insulte à la Vie, d’un propos sacrilège. La Vie a besoin qu’on lui fasse confiance, et surtout que l’on éprouve du bonheur à la rencontrer.

 

5.2    Hommage par la reformulation

La meilleure façon d’honorer la Vie est le bonheur que nous éprouvons quand nous la rencontrons (posture « charis » : être touché par la grâce de l’autre). Sur cette assise de la réjouissance se trouvent ce qu’on appelle les « reformulations ». Elles ne sont aucunement un simple reflet, ainsi qu’on le lit ou l’entend quelques fois, car la Vie n’a que faire d’un miroir (qui n’est que glace et froideur). La vraie reformulation consiste en un élan du cœur, profond et spontané. La verbalisation qui en résulte est ainsi non-verbalement habitée. La reformulation ne peut en aucun cas être feinte ou seulement stratégique, car sans cette réjouissance la reformulation ne serait que niaiserie témoignant d’une évidence répétée, inutilement reflétée en écho... qui sonne creux. Avec la réjouissance cette reformulation devient vraie, habitée, colorée, profonde, et remplit le cœur de celui qui la reçoit, autant que de celui qui la donne. Pas seulement celui qui la donne ou la reçoit : la Vie « frétille » pour l’hommage que l’on vient ainsi de lui rendre.

Il n’est pas forcément juste de « personnaliser la Vie » ainsi que je viens de le faire (« la Vie frétille »), mais l’on pourrait se dire « tout se passe comme si la Vie se réjouissait d’être rencontrée » à travers ses différentes tentatives de manifestations, quand bien même celles-ci sont occultées par des violences ou des précautions.

5.3    Une congruence spontanée

Pour qui est avec la Vie, l’authenticité (congruence) est naturelle. D’ailleurs, l’authenticité, par définition ne peut être fabriquée ! Ce n’est pas une chose qui se produit par construction intellectuelle.

Si, au contraire, la Vie n’est pour nous qu’un concept théorique, les précautions indiqueront cette construction mentale (socialement préfabriquée ou personnellement élaborée). Nos pensées, nos paroles et nos actes, seront chargés d’une supposition d’insuffisance concernant l’autre (ou soi). La délicatesse ne peut résulter d’une telle posture.

Avec la délicatesse on ne calcule pas, on se laisse toucher par l’Être qu’est notre interlocuteur, on se laisse toucher par la Vie qui cherche son chemin. Nous n’avons pas de craintes à oser car, quoi qu’il se passe, nous sommes toujours en partenariat avec notre interlocuteur qui nous éclairera pas à pas. Plus encore qu’en partenariat avec notre interlocuteur, nous sommes en connivence avec la Vie dans laquelle nous baignons avec lui.

5.4    Être direct sans être indélicat

La spontanéité et la délicatesse ne rejettent pas les codes ou protocoles sociaux. Simplement elles ne s’y laissent pas enfermer. Les courtoisies habituelles d’une culture ou d’un milieu social y sont respectées, puisqu’il s’agit « de la langue de l’Autre » (il est toujours essentiel de parler la langue de l’Autre). Mais elles ne brisent pas l’élan de la reconnaissance, ne se substituent pas au tact.

Dire sans détour, tout en parlant « la langue de l’Autre », puis s’ajuster en fonction de l’émergence qui en résulte, pas à pas, juste en train de partager un moment avec la Vie. Dire ce que l’on a à dire, mais ne pas « le jeter comme un pavé dans la mare » sans se préoccuper de ce qui se passe. Après avoir dit, la délicatesse nous conduit à être à l’écoute de la réaction de l’interlocuteur, non par souci stratégique, mais pour ne rien manquer de ce que la Vie exprime à travers lui, pour ne pas manquer une occasion de la valider, pour construire ensemble ce qui semble le plus juste, voire se laisser enseigner des choses auxquelles nous n’aurions pas pensé.

5.5    Tact, confiance et connivence

Dans un monde où les notions de « bonne distance » et de « liens » sont si présentes dans les discours concernant la communication ou la thérapie, nous constatons immédiatement l’incompatibilité des notions de « tact » et de « bonne distance ». Aussi infime que soit la distance, ce n’est pas du tact ! La « bonne distance » est à ranger dans la catégorie des précautions. Le « lien » également. Là où il y a « tact », par nature il n’y a pas de distance, et donc pas besoin de lien. Le lien (attache) n’est là que pour ne pas se perdre lorsqu’on ne sait pas être en contact. Et l’on ne sait pas être en contact tant qu’une crainte de la Vie nous en empêche. Comme le disait Abraham Maslow : cette subtilité est ce que nous souhaitons le plus, mais ce dont nous avons le plus peur.

Il est subtil de bien comprendre que le tact est plus sécure que la distance, fût-elle la soi-disant « bonne distance ». La notion de « tact psychique » n’implique pas une proximité physique. La distance physique est réglée selon les codes sociaux ou empiriques (naturels). La distance psychique, elle, n’est réglée que par nos croyances, et surtout notre cécité à la Vie.

5.6    La Vie, source de sécurité

La Vie, comme un bain qui enveloppe deux interlocuteurs, leur permet d’échanger de façon spontanée et en ajustement permanent, sans souci de mal faire. Il n’y a ni le souci de blesser l’autre, ni celui d’être blessé par lui. La Vie prime sur le détail, elle s’exprime tout simplement grâce à chacun, et « attend » la reconnaissance, voire la gratitude, qui lui revient. Partenaire de chacun dans l’échange elle permet une continuelle découverte sans heurts. Là où il y a violence (et cela arrive hélas souvent), c’est que la Vie n’est pas vue dans le présent, ou bien qu’elle a été oubliée dans le passé. La question qui se pose alors est de savoir comment en restaurer la conscience.

En communication, j’ai souvent abordé dans ce site, ou dans mes ouvrages, que ce qui permet la qualité d’un échange est cet « état communicant » où l’individu prime sur l’information. Nous y ajoutons ici, qu’en plus du fait que l’Individu (l’Être) prime sur l’information (la chose), il y a la présence de la Vie qui s’exprime grâce à chacun. Quand celle-ci a été oubliée, chacun se sent seul face à l’adversité et entre en mode défense (avec son « moi stratégique »).

Quand une écologie plus vaste est ignorée, quand une pertinence qui dépasse l’instant n’est pas prise en compte, bien des heurts sont à craindre. Encore une fois, « personnaliser la Vie » comme un Être à part entière ne sert sans doute que de métaphore… mais la pertinence qui l’anime, l’écologie qui la sous-tend, ses possibilités d’émergence en toute situation, même les moins favorables, nous conduisent à oser cette image. Sa présence en nous et en conscience ne semble pas qu’une rêverie. Quand maître Ueshiba, fondateur de l’aïkido explique, sans aucune mégalomanie, qu’on ne peut pas le faire tomber car « il est l’Univers » (et on ne peut faire tomber l’Univers), il témoigne simplement d’une telle présence de la Vie en lui, et d’une vastitude non égotique.

La restauration de la Vie source de sécurité s’opère modestement grâce aux validations et surtout grâce à la reformulation, telle qu’elle a été décrite ci-dessus : expression spontanée d’une réjouissance face à sa tentative d’expression.

L’interlocuteur est pris en compte sur une sorte « d’entièreté de SA vie », c’est-à-dire que quand ses paroles ou ses actes sont apparemment inadaptés par rapport au présent, ses paroles ou ses actes sont tout de même adaptés par rapport à une antériorité récente ou ancienne. Au-delà de son moi stratégique, nous percevons le Soi qu’il est en tentative d’existence, de remédiation ou de déploiement.

Mais bien plus que cela, l’interlocuteur est aussi pris en compte sur une sorte « d’entièreté de LA Vie » (et pas seulement de SA vie) qui tente de se frayer un passage à travers un présent plus ou moins complexe. L’idée que « la Vie » est présente dans l’entretien déborde du cadre existentiel individuel (il est d’ordre transpersonnel). Cela conduit à avoir un comportement spontanément empli de respect, sans la nécessité de précautions. La Vie est notre bain naturel, la Vie est amie, la Vie est familière. Une sorte de « Chez-Nous d’Humanité » dans lequel les deux interlocuteurs éprouvent une sécurité facilitant la qualité des échanges. Un « Chez-Nous » qui nous place à la fois dans le familier et dans le sacré. Un sacré si familier que les précautions ne feraient que l’altérer, et que la spontanéité est le meilleur moyen de lui rendre hommage.

5.7    Exemples

Exemple 1 : Un interlocuteur dit « J’en ai marre » à propos d’un autre…

Les précautions tenteront de le calmer avec « Il ne faut pas te mettre dans cet état », « Rien ne sert de t’énerver », « Il n’a pas voulu dire quelque chose de désagréable ». Les précautions expliquent, enrobent… mais ne font que démontrer à l’autre qu’il se trompe et que sa posture est erronée, voire stupide !

La délicatesse, touchée par la Vie qui se manifeste dira plutôt « C’est insupportable à ce point !? », avec un élan de rencontrer l’Autre dans ce qu’il éprouve, et dans ce qui donne sens à ce qu’il éprouve. C’est un goût de rencontrer la Vie qui nous anime lui et nous, on se retrouve comme en connivence avec notre interlocuteur qui a comme les clés de cette rencontre. Tout ce qu’on peut avoir à ajouter ne vient qu’après que cette rencontre soit accomplie.

Exemple 2 : Un interlocuteur dit « Je ne suis pas d’accord »

Les précautions tenteront de trouver des arguments pour expliquer afin de réduire le désaccord. Ces arguments seront proposés stratégiquement en douceur (pour protéger l’autre) ou en fermeté (pour se protéger soi).

La délicatesse, elle, y va sans détour et à pieds joints en proposant « Vraiment ça ne te convient pas !? ». Là nous sommes spontanément partant pour rencontrer l’Autre dans ce qui fonde son désaccord, dans le but de valider ce fondement. Ce n’est qu’après que nous reprendrons notre propre point de vue avec notre fondement à nous, non en opposition à celui de l’autre, mais en complément… la Vie n’a pas peur de rencontrer la Vie.

 

 

Exemple 3 : Un interlocuteur montre de la peine

Les précautions nous conduiront à poser une main sur l’épaule en volonté d’apaisement et à demander un « Que se passe-t-il ? » empli de la douceur requise… mais chargé d’une volonté de solutionner, apaiser, calmer, libérer.

La délicatesse nous conduira plutôt à « oser être » au côté de cette personne en peine. Eventuellement lui reformuler « C’est très éprouvant !? ». Si la main se pose sur l’épaule, c’est juste pour offrir notre présence, être prêt à entendre si l’autre souhaite s’exprimer. Nous sommes ouverts à la Vie, prêts à offrir notre reconnaissance à celui qui éprouve une telle chose, prêts à découvrir ce que la Vie traverse à un pareil endroit, ce qu’il s’y trouve de sensibilité.

Exemple 4 : Un interlocuteur nous témoigne de la rancœur

Les précautions tenteront de le défaire de cette rancœur, en lui montrant comment celle-ci est infondée, ou en lui expliquant combien il serait plus confortable pour lui de se libérer de sa rumination.

La délicatesse le rencontrera en direct, par exemple avec « Vraiment tu m’en veux !? Ce qui s’est passé est inacceptable pour toi !? » (2 reformulations successives) puis « Qu’est-ce qui est le plus inacceptable ? » (question ouverte). Puis après la réponse « Si tu l’as ressenti comme ça je comprends que tu aies cette rancœur ! » (validation cognitive accompagnée de validation existentielle). Les explications concernant ce qui s’est passé pour nous ne viennent qu’ensuite.

 

Exemple 5 :  Un interlocuteur montre non verbalement un agacement à notre égard

Les précautions proposent douceurs et gentillesses, évitent d’aborder le sujet qui fâche, cherchent un consensus permanent… espérant que ce qui a l’air sous-jacent ne sorte pas.

La délicatesse, au contraire, y va directement : « Il y a une chose qui ne te convient pas !? », avec le souhait sincère de rencontrer l’interlocuteur dans ce qui se passe pour lui. Ici, aucune crainte, car cela ne peut être dangereux de rencontrer l’autre et ne peut conduire qu’à une meilleure compréhension et moins de conflits. Ainsi que le disait Baruch Spinoza « La paix n’est pas l’absence de guerre, mais la concorde des âmes », et pour cette concorde, il convient de se rencontrer dans ce qui anime chacun.

 

Pour résumer, on pourrait dire que la délicatesse est assertivité (posture communicante d’affirmation de soi et de respect d’autrui) et que les précautions sont manipulations (l’une des trois autres postures relationnelles et non communicantes : manipulation, conflit ou fuite).

Même si dans ces exemples la manipulation vise un apport ou un maintien de la tranquillité apparente, elle évite la Vie qui tendait à vouloir s’exprimer, comme si celle-ci était dangereuse à rencontrer ou trop fragile. Ainsi contrairement aux apparences, sans le vouloir, il est fait offense à la Vie, et la douceur de surface devient une attitude sacrilège face au sacré de l’existence qui attendait d’être rencontré en toute simplicité, hors précautions, en confiance et quasiment en amitié.

Sans doute les indiens ont-il compris depuis longtemps cette nuance, même s’ils l’expriment d’une toute autre façon : dans leur culturel salut « namaste », ils s’inclinent devant leur interlocuteur, les mains jointes contre la poitrine, proposant intimement de saluer ainsi la Vie qui nous habite, et surtout de rendre hommage au divin qui est en chacun.

5.8    En thérapie

La question se pose particulièrement en thérapie et en relation d’aide. La délicatesse y est incontournable, mais les précautions n’y sont pas bienvenues.

Quand un praticien devient précautionneux, c’est qu’il n’a pas confiance en son patient ou même en ses propres compétences. L’incertitude face à la Vie qui s’exprime reste la faille principale du praticien inexpérimenté (ou savant mais faussement expérimenté). Cela le rend rigide ou mielleux. Et quand il a compris que plus d’assurance est nécessaire, il risque aussi de privilégier une confiance en son savoir et ses techniques plutôt qu’une confiance en l’Autre et en la Vie qui s’exprime avec pertinence à travers celui-ci.

En fait, le langage et les comportements du praticien en thérapie sont censés être simples, directs, chaleureux, confiants. Une simplicité, toutefois sans familiarité, œuvrant dans ce fameux « Chez-Nous d’Humanité » qui nous est familier, sans pour autant que l’intellect ne puisse en aucun cas s’en emparer.

Libre de toute posture de supériorité, le praticien est toujours prêt à se faire éclairer par son patient. Néanmoins, il l’accompagne avec assurance au cœur de la Vie qui s’exprime en justesse à travers ses symptômes. Il crée un climat de confiance tel que, s’il se trompe, le patient ose le recentrer. Ces ajustements, en alliance thérapeutique, permettent des avancées simples et spontanées. La confiance est réciproque, la connivence est toujours présente. La capacité d’émerveillement du praticien résulte de cette confiance.

Exemple 1 Opposition

Un patient ne souhaite pas mettre son attention là où le praticien l’invite à le faire. Le praticien se réjouit de ce recentrage qui indique que sa proposition n’était pas adaptée. Il se sent ainsi invité vers une nouvelle nuance qui lui avait échappé. Quand il poursuit avec « C’est plus juste de ne pas mettre votre attention, par-là !? », c’est avec réjouissance qu’il prononce ces mots, prêt à découvrir la justesse qui va en émerger. Cela peut aussi être « ça vous dit rien d’le voir !? » (reformulation). Nous pouvons trouver deux cas de figure : soit le patient ne veut pas car ce qui est demandé ne l’amène pas là où c’est important pour lui, soit le patient mélange ce qui s’est passé avec celui qu’il était et croit qu’il faudrait « retourner dans l’événement ». Dans ce deuxième cas, le praticien, sans précaution particulière peut avancer « Vous pensez qu’il faut retourner dans cet événement ! ?  - Si c’est le cas vous avez raison d’hésiter. Il n’est aucunement question de retourner dans cet événement, mais juste de rencontrer celui qui y était, de l’entendre, de l’accompagner… - et en aucun cas de revivre cette situation :  une fois suffit, on ne va pas la revivre ! ». Le praticien rend au patient l’acuité qui permet de distinguer entre ce qui s’est passé et celui qu’il était.

Exemple 2 Silence

Un patient se tait, ne dit pas de mots ou très peu. Il marque de longs silences. Le praticien va directement, sans détours, sans précautions particulières vers cette « expression silencieuse », car en effet, ces silences sont une expression pertinente qui peut être explicitée comme n’importe quelle autre. « C’est important de prendre votre temps !? », « C’est mieux pour vous de ne pas répondre immédiatement !? » (reformulations), « Que se passe-t-il quand je vous pose cette question ? » (question ouverte, sans obligation de réponse). Dans tous les cas le praticien va directement vers la pertinence du patient avec un langage direct, voire familier : « Pas facile à dire hein ! ». Direct, mais avec une posture de bienveillance, où la pertinence est accordée sans détour.

Exemple 3 Colère

Il arrive que le patient ait des colères. Rarement (mais ça peu arriver) envers le praticien), le plus souvent envers lui-même à d’autre moments de sa vie, ou envers des interlocuteurs passés, voire envers Dieu qui « lui a joué un mauvais tour » avec ces circonstances de vie.

Envers lui-même : « Il n’a pas de chance. Tout le monde est contre lui, même vous ! ». Envers un proche « Vraiment vous ne l’aimez pas ! », vers Dieu « Dites-lui qu’il est nul. Qu’il a fait n’importe quoi ! – Soit il n’existe pas et ça ne lui fait aucun mal ; soit il existe et il peut entendre… sinon ce n’est pas Dieu ! ». Un parler de comptoir, sans aucun doute, mais avec tendresse, avec reconnaissance, avec en arrière-plan une place pour chacun et aucun jugement envers qui que ce soit de la part du praticien… il ne fait qu’accompagner une expression. Au final tout le monde a sa place et le patient peut accomplir ses remédiations ou ses déploiements.

Exemple 4 Conversations intérieures

Proximités, emplacement, langage direct. Quand le praticien invite le patient à s’adresser à celui qu’il était, ou à tout autre Être émergeant, il le fait en langage direct : « Dites-lui "j’ai bien pris la mesure de ton ressenti" ». Et non « dites-lui que vous avez bien pris la mesure de son ressenti ». Si ce ressenti n’a pas été identifié, le praticien propose « Demandez-lui ! » (à l’Être émergeant). S’il ne répond pas il propose « Dites-lui "c’est mieux pour toi de ne pas répondre !? » (avec douceur et considération, sans aucun doute concernant sa raison pertinente, mais sans détour).

Le langage est direct, simple, sans enjoliveur de protocole social. Les dialogues se déroulent comme dans une conversation normale entre des Êtres qui se retrouvent.

Exemple 5 Contact premier

Ce langage direct et simple est rendu possible par la proximité du praticien avec l’Être émergeant, qui appelle la conscience du patient à travers son symptôme. Le praticien est comme en connivence avec celui-ci. Le patient consulte souvent pour se débarrasser de son symptôme, pourtant le praticien accueille toujours en connivence cet Être émergeant qui a produit le symptôme afin d’atteindre la conscience du patient. Tout se passe comme si, dans une sorte de chuchotement silencieux, ils conversaient déjà « Cela fait un moment que tu l’appelles… et il ne répond pas. Pas facile ! Mais il est quand même venu consulter ! On va tâcher d’arranger ça entre vous ». Une connivence qui cependant respecte profondément toutes les éventuelles réticences du patient. Tout reste fluide, mais très direct, sans détours, sans discours précautionneux, dans un langage net et franc (congruence absolue). Il est clairement vu que le symptôme est un moyen relationnel (lien) entre le patient présent et celui qu’il a été à qui il ne sait pas encore s’ouvrir. Le rôle du praticien est de permettre de passer de cet état relationnel intérieur (fermé, relié) à un état communicant (ouvert).

5.9    Juste être avec la Vie

Cette spontanéité est rendue possible par le fait que le praticien est simplement avec la Vie en déploiement ou en remédiation, avec la Vie en train de venir au monde ! Il est placé dans une sorte de « Chez-Nous d’Humanité » qui n’est ni chez Soi ni chez l’Autre, qui est familier à chacun en dépit du fait qu’on n’en sache rien (non accessible par le savoir). Cette spontanéité est rendue possible aussi par le fait que le praticien n’interprète pas la situation en termes de psychopathologie, mais en termes de pertinences à l’œuvre, dont il accompagne la réalisation.

Il n’est que le facilitateur d’une chose en cours que la Vie réalise à travers ce symptôme. Si la Vie comporte un côté « sacré » (il n’est pas question ici de religion), le respect de ce « sacré » passe par la spontanéité et non par des protocoles alambiqués qui seraient en quelque sorte sacrilèges (sous entendant par ces précautions la pauvreté de la Vie). Un partenariat tout en humilité, en connivence, en confiance, qui conduit le praticien à avoir un parler simple et franc, tant avec le patient qu’avec les Êtres émergents qui surgissent lors de la séance.

 

Je souhaite de tout cœur que ces quelques lignes aient contribué à une simple rencontre de la Vie et à la délicatesse qui en découle naturellement.  

Thierry TOURNEBISE  

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Bibliographie

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Gruwez, Anne
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Rosenhan, David
Voir dans
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http://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Rosenhan 
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Teilhard de Chardin, Pierre
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Tort, Patrick
-Darwin et le darwinisme –Puf, 2009
-Darwin n’est pas celui qu’on croit- Le cavalier Bleu éditions, 2010
 

Liens

Liens internes au site  
Assertivité  septembre 2001 
Mieux comprendre la psychose octobre 2012
 
Réjouissance thérapeutiques
février 2017  
Être libre du déni
janvier 2018

Liens externes  
Decety Jean

Le Monde 20 février 2014
http://www.cerphi.org/veille/jean-decety-lempathie-une-specificite-humaine-un-article-du-monde-fr/  
Grewer, Anne
Moustique
https://www.moustique.be/20402/10-choses-savoir-sur-anne-gruwez )  

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