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Source de motivation
La passion est souvent recommandée. Elle est souvent vue comme moteur de la vie et de la motivation. Les passions
peuvent être de toutes sortes (pour le cinéma, pour le travail, pour le
sport, pour les collections de timbres...)
Pour ce mois de février, mois de la Saint
Valentin, j’évoquerai naturellement la passion
amoureuse. Néanmoins, de nombreux aspects de celle-ci pourront
aisément être explicites pour d’autres types de passions…
La passion amoureuse a naturellement un côté merveilleux. Elle contient
ce potentiel d’élan qui fait vibrer. Ce type de passion a "un
plus" par rapport aux autres passions car elle pousse deux êtres l’un
vers l’autre avec une fougue qui ne s’encombre pas de la raison.
La passion est aveugle, naturellement.
C’est, à la fois, un inconvénient et un avantage,
comme je vais l’expliquer plus loin.
La passion est sans doute la meilleure chose
"inventée" par l’homme pour amorcer
une sortie de son ego et se libérer des limitations de son intellect.
En effet, ce brin de folie a une valeur libératrice face aux enfermements
intellectuels, trop raisonnables. Mais justement, aussi à cause de cela, elle peut
également causer des destructions douloureuses… hélas rien n’est tout blanc ou tout
noir.
Reprenons au début
Un être humain a bigrement de difficultés à
accepter la différence des autres… Oh ! Certes, nous n’arrêtons
pas d’évoquer le droit à la différence, nous nous offusquons face au
racisme et à l’intolérance. Tout ceci est plus que louable ! Mais qu’en
est-il vraiment ? Sommes nous déjà seulement
capable d’accueillir la différence des êtres qui vivent sous notre
toit ? Oui ? Oui et non ?
Ce sont souvent les êtres que nous aimons le plus
que nous écoutons le moins ! Comment se fait-il ?
Simplement nous pensons tellement bien les connaître que nous ne songeons
même pas à vraiment les écouter. Dès qu’ils commencent à parler, nous
imaginons déjà la suite pour répondre à leur demande (celle que
nous avons imaginée, mais pas forcément
celle qu’ils exprimaient !)
Plus nous croyons connaître l’autre, moins nous savons l’écouter car la
conscience que l’autre est " autre " nous échappe en
permanence.
La différence fait un peu peur non pas parce que nous sommes des monstres,
mais peut être parce que si nous ne sommes pas
"pareils", alors nous nous sentons seuls, en danger,
sans appartenance.
Alors nous compensons cette insuffisance d’existence
personnelle par notre ego qui nous conduit à faussement nous
affirmer et à trop souvent faire de l’ombre à l’autre. Judicieuse
béquille… mais encombrantes conséquences.
Alors la vie est maligne (nous sommes inconsciemment très malins). La passion
vient à notre secours !
Un mal pour un bien
Remarquons curieusement que le mot passion
signifie "douleur".
Voilà une surprise ! Mais en fait, le passionné souffre. ça lui fait
mal ! Il vit une douloureuse alternance d’euphorie (quand l'objet de la
passion est là) et de manque (quand l'objet de la passion n'est pas là).
Avant la passion, l’être humain est égoïste.
Il s’est consolidé en développant des moyens de
"profiter" de la vie sans se soucier des autres. La
personne égoïste ne souhaite de mal à personne (ni de bien d’ailleurs).
Mais elle se moque totalement des conséquences sur autrui
que causeront les avantages qu’elle s’octroie à elle-même. Bien
que ce ne soit pas son projet, cela peut la rendre très
nuisible à son environnement.
Alors la passion vient à point. Celui
qui ne pense qu’à se faire plaisir va ici découvrir quelqu’un
à qui faire plaisir. Mais dans la passion, ce quelqu’un n’est
pas tout à fait quelqu’un ! Il est l’objet
de la passion.
Ce qui caractérise le passionné par rapport à l’égoïste, c’est que
l’égoïste ne pense qu’à lui alors que le
passionné ne pense qu’à l’objet de sa passion. Pour l’environnement,
ça ne change apparemment pas grand chose, car il
reste complètement inconscient des autres. Mais la situation est fort
différente.
Regardez, quand vous lisez un livre qui vous
intéresse, vous allez vous
aménager des moments pour profiter de votre lecture, mais vous continuerez à
prendre soin de vous, vous n’omettrez pas de manger et de dormir. Il en va
tout autrement si l’ouvrage se met à vous passionner : Vous sauterez
vos repas, vous vous coucherez très tard pour le finir. A ce moment votre
lecture est alors devenue plus importante… même que vous-même ! C’est
ça la passion. Dans la passion amoureuse, c’est aussi cela… mais à la
puissance 1000.
L’égoïste, grâce à cette passion, cesse d’être égoïste. Il n’est toujours pas conscient
des autres, mais au lieu de se vouer à lui-même, il se voue à l’objet de
sa passion. Évidemment ça ne change rien pour les autres autour.
Mais pour lui le changement est d'importance car il cesse d'être tourné vers
lui seul.
Un serre joint à défaut de prise rapide
Quand nous collons deux pièces de bois, il est nécessaire de les
maintenir serrées en attendant que la colle prenne. Pour cela on utilise ce
qu’on appelle un serre joint ! Si on le défait trop tôt… les
pièces se décollent !
La passion joue un peu ce rôle ! Désolé si l’exemple n’est pas
très romantique ! Je ne suis pas le dernier à être sensible à la
poésie, à l’amour et à tout ce qui permet de l’exprimer. Mais là, il y
a une nécessité de vie et de développement de l’être humain qui est
juste au niveau du serre joint.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est
pas l’amour qui fonde un couple. L’amour
n’y est que potentiel. Il y est ressenti comme une promesse à
venir qui donne tout son sens à cette rencontre. Mais au
début il ne s’agit pas d’amour: Il s’agit de besoin de l’autre.
Un besoin de l’autre qui contient une promesse d’absolu. Alors tout
devient consacré à cet "autre" exceptionnel.
Incapable encore de s’ouvrir à la différence
de "l’aimé(e)", ni à la richesse de cette différence,
le besoin
de l’autre joue le rôle d’un serre joint en attendant la prise du ciment
d’amour ! L’amour est une colle d’un type particulier.
Il permet à ceux qui s’aiment (qui ont dépassé le stade amoureux) d’être
unis par une dimension qui les rapproche sans jamais altérer ni leur
liberté, ni leur intégrité, ni leur respect de l’autre. Cela
ressemble sans doute à une sorte de cinquième dimension où le sentiment n’est
plus un lien, mais une profonde ouverture à l’aimé(e).
L’amour n’est
certainement pas un lien, mais plutôt une ouverture,
un respect, un partage, une grande considération et reconnaissance… il s’y
trouve des délices plus grands et plus fulgurants que dans la passion, que ce
soit au niveau de la sensualité, de la communication, du partage. Peut être
dans un autre article je préciserai les différences entre la pulsion,
le désir et l’amour qui sont des éléments très distincts dans
la vie d’un couple, mais tous importants.
La passion, elle, est bel et
bien un lien, un attachement, une dépendance. Les circonstances y
sont vécues dans un fabuleux élan… mais aussi dans une certaine irréalité
qui empêche de s’y trouver vraiment comblé.
Ce lien, parfois, décrié par les amateurs de
liberté, est une incontournable nécessité. En faire l’économie
c’est ne pas trouver la liberté. C’est comme ça que j’ai vu des gens si
"attachés à la liberté" qu’ils n’ont jamais fait
l’expérience d’être libre !
Le fameux "ciment d’amour"
ne semble pas être à prise rapide. Si la
passion disparaît avant que l’amour ne soit à point… alors les pièces
se détachent… et partent chacune de leur côté. C’est ainsi
que certaines personnes expérimentent plusieurs
"collages" infructueux. La difficulté pour la fois
suivante étant qu’il reste toujours des traces de
colle de la tentative précédente…Ce n’est pas ici l’objet
de développer ce sujet, mais je rappellerai juste qu’on
est vraiment libre qu’une fois réconcilié. Ceux qui
finissent une histoire ne pourront en démarrer une autre pleinement que s’ils
sont libres de la précédente… et ils ne seront libres de la précédente que
parfaitement réconciliés. Je ne peux dans le cadre de cet article
développer d’avantage la notion de réconciliation. Pour en savoir plus,
vous pouvez consulter le dossier psychothérapie
de ce site.
Une judicieuse cécité
Partons du principe que la passion est réciproque. Ce n’est
malheureusement pas forcément vrai. Vous avez sans doute remarqué que les
histoires d’amour de notre littérature sont pleines de ces situations où l’un
aime l’autre qui ne l’aime pas qui lui-même aime un autre qui ne l’aime
pas non plus qui …etc
Mais assez souvent, heureusement, nous trouvons des amoureux
réciproquement amoureux. Dans ce cas ils bénéficient tous deux d’une
judicieuse cécité. Pourquoi judicieuse ? Et bien elle
permet de ne pas voir la différence de l’autre. Ceci est
judicieux car l’amour ne permet pas encore, à ce
stade, d’accueillir cette différence.
Cette cécité va permettre à deux êtres de se
côtoyer de très près, malgré leur faible capacité à
accueillir la différence de l’autre. La situation est à la fois
merveilleuse et cocasse : chacun est aveugle à
la différence de l’autre (différence qu’il ne saurait pas
encore accueillir) et en même temps chacun se cache
un peu à l’autre afin de ne lui montrer que ce qui lui plait
(pour mieux le séduire). Nous avons donc un aveugle qui rencontre une
personne cachée. Il est évident que ça aide
énormément à ne pas être gêné par la différence !
Mais c’est grâce à cela, si tout se passe
bien, que l’ego va se défaire pour continuer à cheminer vers
une plus grande considération de l’autre.
Le détachement de l’ego
A l’intérêt égoïste succède donc la passion. Puis
quand la passion s’atténue
(parfois même elle s’arrête d’un coup), ce qui était caché par la
discrétion de l’un et par la cécité de l’autre apparaît.
A la passion succède alors la désillusion (réveil)! A la
désillusion succède la déprime,
premier niveau de conscience venant après
des niveaux d’inconscience. Notez l’aspect remarquable du mot dé-primer.
Primer c’est mettre en premier, déprimer c’est ne plus mettre en premier.
Cela semble une catastrophe. Il est vrai que ce peut être extrêmement
douloureux ! Cela va de la douleur parfaitement surmontable jusqu’à l’intolérable
conduisant au suicide. C’est donc à prendre très au sérieux. Mais ce qui
semble une catastrophe est en fait un réveil, pour ne pas dire une naissance
de la conscience qui s’ouvre d’abord à soi-même, puis à l’autre.
Cette expérience du vide est une invitation à se combler en découvrant
de façon plus précise la véritable origine de nos vides que jusque là nous
ne faisions que compenser.
C’est une étape majeure au cours de laquelle un individu s’ouvre à
lui-même. S’il est capable de rencontrer et d’accueillir ce qu’il
trouve en lui, il devient ensuite capable de s’ouvrir aux autres et se
retrouve libre de son ego.
L’affirmation de soi est très différente de l’ego. L’affirmation de
soi est l’accueil de soi (c’est à dire de celui que nous sommes, de tous
ceux que nous avons été et de ceux, dont nous sommes issus). L’ego (ce que
l’on paraît) et la personnalité (ce que l’on joue) sont très
différents de ce que l’on est (personna= masque de théâtre).
L’ego et la personnalité ne sont que des béquilles venant compenser le
manque d’être et d’affirmation de soi, comme si ces manques dans notre
structure psychique nous rendaient bancales. La béquille est salutaire, la
déprime aussi. Elle signe le début de l’autonomie. Mais comme après un
plâtre compensant momentanément une fracture, la phase de " rééducation "
peut être longue et douloureuse. Cependant elle promet une délicieuse
autonomie.
Couple, creuset de vie
Un couple est le lieu quasi magique de cette alchimie conduisant un être
humain de l’inconscience de soi et d’autrui vers une conscience de soi et
d’autrui. Comme dans le creuset de l’alchimiste, parfois ça chauffe un
peu !
L’alchimiste n’a pas trouvé la pierre philosophale permettant de
changer le plomb en or. Mais le couple a trouvé comment à partir de l’ego
bâtir l’amour. Il y a certainement autant de différence entre l’ego et l’amour
qu’il en a entre le plomb et l’or ! Et il semble que ça marche. Oh,
certes pas toujours. De nombreux couples sont en souffrance. Mais de
comprendre tout cela pourra un peu les aider.
Les enjeux sont même encore plus nobles. Très souvent un couple vit une
aventure systémique. C’est à dire que les problèmes de l’un sont
exactement ceux qu’il faut pour aider l’autre à prendre conscience des
siens (et inversement). Quand je dis "problèmes", je
veux dire "les manques qui nous habitent" : toutes
ces parts de celui que nous sommes, de tous ceux que nous avons étés et de
ceux dont nous sommes issus qui n’ont encore pu trouver leur place dans
notre structure psychique. Le couple est le lieu d’exception où cela peut s’accomplire.
Cela lui confère un aspect précieux où, curieusement, ce qui nous gène
le plus chez l’autre est souvent la raison spéciale pour laquelle on a
été inconsciemment vers lui plutôt que vers un autre. Ce que l’on
reproche le plus, est souvent inconsciemment ce dont on est le plus demandeur ! Naturellement le couple n’est pas le seul lieu de l’existence
où se produit cette maturation. D’autre situations comme les réussites et
les échecs professionnels, l’aboutissement plus ou moins heureux de projets
(maison, voiture, activité sportive…etc), appartenance à un club….
Toutes ces circonstances aident dans ce même sens.
Mais le couple reste un lieu privilégié car très intime. Il s’y joue
des enjeux subtils d’ouverture à l’autre, de découverte de soi.
Après la passion… l’amour
Un couple commence donc son histoire par la passion. Celle-ci a fait
couler tellement d’encre (aussi hélas parfois un peu de sang).
Le piège est de croire que quand la passion diminue ou s’arrête, le
couple est fini. En réalité ce n’est pas là qu’il finit, c’est là qu’il
commence. C’est là que le mot Amour prend tout son sens : Passer d’un
besoin de l’autre à une ouverture à l’autre.
Certains évoquent à tort, pour décrire cette mutation des sentiments,
une sorte de passage d’un feu vivifiant vers une tendresse lénifiante. C’est
sans doute qu’ils n’ont jamais franchi le cap.
Dans la passion le vécu est imaginaire et ne comble
jamais. S’il semble
vivifiant ce n’est qu’en comparaison de notre torpeur.
Dans l’amour le vécu est dans une réalité jusqu’au plus profond de
soi et apporte un sentiment de plénitude. On n’y connaît plus le manque.
La rencontre y est au delà de tout ce que peut s’imaginer un passionné.
Il s’agit alors d’une vie emplie d’ouverture à l’autre,
de respect, de liberté mais aussi de sensualité. Une sensualité ouverte à
la vie (par la vue, le toucher, le goût, l’ouie…), une sensualité
évidemment aussi dans la sexualité. Cette sexualité ne s’y vit plus dans
le besoin de l’autre. Les trois composantes "désir, pulsion et
amour" y trouvent leur équilibre pour offrir au couple s’aimant
ce qu’il y a de plus grand à vivre.
Passer de la passion à l'amour, c'est passer de
l'imaginaire à la réalité. C'est passer
de la magie d'un feu d'artifice à la véritable fête qui le suit.
La fin du feu d'artifice ne marque pas la fin de la fête mais son début.
La passion
est comme une flamme qui nous attire en nous
faisant croire que rien n'existe autour. Elle se vit dans l'imaginaire, mais
elle est un fabuleux moteur vers la suite. Dans cette suite, la flamme de
départ peut sembler dérisoire car l'amour
, lui, est plutôt comme une étoile donnant naissance à des planètes.
Il s'y trouve un monde habité où la véritable rencontre peut s'accomplir.
Cette rencontre se vit dans la réalité et fait du quotidien une
fête grandiose... si grandiose qu'elle en est illimitée.
La passion n'est ni mieux ni moins bien que l'amour.
Ce sont des étapes différentes toutes deux
importantes, dont l'une prépare l'arrivée de l'autre.
S'enfermer dans la première nous
prive de la seconde.
Vouloir directement la seconde ne
fait que nous en éloigner.
Thierry TOURNEBISE
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