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Psy c'est quoi?

P’tit Max et Oncle Luc - Réponses à un enfant

aoutl 2024  -    © copyright Thierry TOURNEBISE

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P’tit Max demande à oncle Luc : « psy c’est quoi ? ». Il lance ainsi à un adulte le défi de le lui expliquer simplement, clairement, sans détails inutiles qui donneraient mal à la tête ! 

Alors, si c’est compréhensible pour un enfant de 5 ans, ce le sera aussi pour tous les grands… et éventuellement pour les adultes… même si leur habitude à tout complexifier s’en trouvera probablement démunie. Finalement, les adultes sont-ils si grands que ça ? L’intellect très performant qu’ils ont développé, grâce à beaucoup de savoir et de réflexions expertes, a parfois du mal à appréhender la simplicité.

Nous ne ferons que parler de la vie, de quelque chose que nous avons tous en nous. Quelque chose que nous connaissons même déjà avant de le savoir. Avant que notre tête ne s’en empare, nous sommes déjà habités par tout ça. Max, en dépit de son jeune âge est curieux du mot « psy ». Ce mot, si inhabituel pour beaucoup d’enfants, a ici une bonne raison de l’avoir interpellé. Cette raison est toute simple : il a entendu sa mère en parler alors qu’elle avait une émotion.

 

Sommaire

1/ Psy c’est quoi ?
- Max du haut de ses 5 ans – Une opportunité

 2/ La réponse
-Oncle Luc ose se lancer – Le soin psy

3/ Juste s’ouvrir à la vie
-S’amuser à rencontrer maman – S’amuser avec les montagnes – Un super petit déjeuner

4/ S’amuser avec un oiseau
-Le cœur familier – D’anniversaire en anniversaire

 5/ Entre le présent et le futur
-Max à venir – Une cueillette fructueuse

 

Bibliographie du site

 

1    Psy c’est quoi ?

1.1    Max du haut de ses 5 ans

Il s’exprime depuis un monde qu’il est le seul à connaître. Du haut de ses 5 ans, Max (Maxime) demande à son oncle Luc (Luciano) : « Psy c’est quoi ? »

Il a entendu ses parents en parler. Le mot l’a surpris et a éveillé sa curiosité. Sa maman et son papa partageaient un repas avec des amis à qui sa mère demanda s’ils connaissaient un bon psy qui serait capable de bien l’accompagner.  C’est l’émotion de sa maman quand elle l’a dit qui a interpellé Max et a éveillé sa curiosité.

Après ils ont dit tout un tas de choses compliquées auxquelles il n’a rien compris, mais peu importe, il a bien ressenti que sa maman était préoccupée.

Quand plus tard il lui a dit : « Tu as l’air triste », celle-ci, pour ne pas l’inquiéter (et aussi parce que ce n’est pas simple à dire en deux mots) lui a simplement répondu : « Non Maxou, tout va bien mon chéri ».

De ce fait, Max (souvent affectueusement appelé « Maxou ») n’est plus trop assuré de ses propres ressentis puisque sa maman lui dit que là où il a eu le sentiment de voir quelque chose, il n’y avait rien.

Voici donc une petite situation très ordinaire où chacun se soucie de l’autre. Il y a de la gentillesse, mais tout reste mystérieux, et on s’y tient en grande discrétion avec son propre monde. Max reste donc sur sa faim, mais il ne se décourage pas et va demander de quoi il s’agit à son oncle Luc.

1.2    Une opportunité

Ses parents avaient invité oncle Luc à un barbecue. Le repas se déroule dans le jardin avec de délicieuses odeurs de grillades. Tout le monde parle beaucoup... ce sont des discussions de grands. Max est heureux dans cette ambiance où tout le monde à l’air content, mais il ne participe pas à la conversation, qui d’ailleurs ne l’intéresse pas du tout. Pendant ce temps il s’occupe au mieux avec une fourmi qui parvient à rejoindre le haut de la table pour y trouver quelques nourritures.

Cependant il se dit qu’il pourra poser sa question à tonton Luc dès qu’un moment propice se présentera. Le contact avec lui est spontané, simple, chaleureux, toujours attentionné. Après le repas ils s’amusent un peu avec un ballon, puis avec un jeu d’adresse. Finalement Luc se pose près de Max et lui dit « J’aime bien quand on s’amuse ensemble ! Et toi, tu aimes bien aussi ? » 

Voilà une magnifique occasion de lui poser la question. Max lui répond et en profite pour lui glisser la question : « Oui, j’aime bien aussi. Dis psy c’est quoi ? »

Ici commence cette aventure de l’explication de la psycho à un enfant de 5 ans. On peut bien oublier les envolée techniques, les citations d’auteurs de référence, les diverses théories venant expliquer ceci ou cela (souvent d’ailleurs sans jamais rien démontrer, ni même rien clarifier). Il va falloir que Luc aille à l’essentiel, qu’il sache parler au cœur plus qu’à la tête. Qu’il trouve des chemins de pensées en harmonie avec les préoccupations de Max, qu’il se soucie plus de l’humanité qui nous habite tous, que des fondements théoriques prétendant expliciter le sujet.  

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2    La réponse

2.1    Oncle Luc ose se lancer

« Comment connais-tu ce mot Max ? »

« J’ai entendu maman dire qu’elle cherchait un psy.  Comme elle semblait triste en en parlant, ça m’a fait bizarre et je me suis dit que ça devait être important. »

« ça t’a touché de la voir triste ? »

« Oui, je lui ai même demandé après si elle était triste. Elle m’a dit que non, alors je ne suis pas sûr ! »

« Tu vois on est souvent très discret sur ce qu’on ressent. Ce n’est pas forcément pour le cacher. Il arrive qu’on ne sache pas comment le dire… parfois aussi on n’est pas toujours certain que l’autre entendra vraiment… c’est-à-dire qu’il entendra avec son cœur. Ou alors on craint que ça lui fasse inutilement du souci. »

« Parce que le cœur peut entendre ? »

« Oui. Quand on n’entend qu’avec les oreilles, ce sont juste les mots qui nous remplissent la tête… et c’est plutôt froid et lourd. Quand on écoute avec le cœur, on comprend mieux ce que l’autre a besoin qu’on entende. Ça fait tout chaud pour chacun des deux et c’est plus léger. »

« Ben si ça fait tout chaud pour les deux, vaudrait mieux toujours faire comme ça ! »

« Tu as raison. Pourtant nous sommes souvent très timides quand il s’agit de parler de ce qu’on ressent. »

« Mais puisque ça fait tout chaud pour tout le monde ? »

« Il arrive hélas qu’au lieu d’être entendu avec le cœur ce soit la tête qui s’affole et qui propose plein de conseils envahissants. Or on a plus besoin d’être entendu que d’être conseillé… mais ça, la tête ne le sait pas. Seul le cœur sait s’ouvrir à ce que nous ressentons. »

« Alors la tête, elle est bête ? »

« Tu as presque tout compris. En fait la tête peut être très intelligente pour comprendre les mots, mais pas assez sensible pour entendre le cœur. Ce n’est pas qu’elle soit bête. Elle nous est très utile pour penser, pour parler, pour réfléchir. Mais si elle n’est pas aidée par le cœur, elle manque l’essentiel de ce que l’autre cherche à partager. »

« Alors sans le cœur on ne se comprend pas ? »

« Oui, tout à fait. Sans le cœur, au mieux on comprend les mots et les idées, mais pas ce qui anime l’autre quand il nous les partage. »

« Mais moi je demandais à maman avec le cœur ? »

« D’accord. Regarde bien, quand tu as demandé, si c’est ton cœur qui voulait la rencontrer… ou si c’est ta tête qui voulait savoir ! »

« En fait je voulais savoir ! »

« Super. Tu vois comme tu sais être conscient de ce qui se passe. Ça c’est le début de l’ouverture du cœur. »

« ça veut dire que je suis doué ? »

« Absolument ! »

« Alors tu peux m’expliquer ce qu’est un psy ? »

« Un psy c’est quelqu’un qui écoute avec le cœur ce qu’on ne sait pas entendre dans la vie de tous les jours. Ce qu’on ne sait pas entendre chez les autres, mais souvent aussi… ce qu’on ne sait même pas entendre chez soi. »

« Tu veux dire qu’on ne s’entend pas soi-même ? ».

« Oui »

« Alors il suffirait de se parler plus fort ? ».

« C’est une bonne idée, mais ça ne marche pas comme avec les oreilles. Il n’y a pas à parler plus fort, mais à s’adresser plutôt à notre cœur qu’à notre tête, et à parler plus doux. Parce que la tête, même quand tu cries, elle ne comprend rien. Souvent, elle voudra juste que tu te calmes. Pour ça, elle te fera la leçon et t’expliquera plein de chose… mais elle n’entendra rien. »

« Mais alors comment on fait ? »

« Tu vois, comme souvent on ne s’entend pas soi-même, il y a un truc qui vient nous aider. »

« C’est quoi ce truc ? »

« Si nous ressentons quelque chose d’inhabituel, d’un peu gênant, souvent cela nous conduit à regarder là où se tient ce que nous devons rencontrer. »

« Comme si ça nous appelait ? »

 « Oui. »

« Alors il suffit de répondre. »

« Hélas, ça ne marche pas toujours tout de suite, car nous sommes un peu sourds. Mais la vie est patiente et elle nous le fera ressentir régulièrement, jusqu’à ce qu’on l’entende et qu’on ose le rejoindre. »

« Pourquoi il y a besoin de ça ? C’est ennuyeux si ça revient tout le temps ! »

« Quand un jour on a trop souffert, pour se sentir plus tranquille on met de côté celui qu’on était et qui a souffert. »

« C’est une super idée ça ! »

« Tu as raison, c’est une super idée et ça nous aide beaucoup. ça nous laisse tranquille pour un moment. L’inconvénient c’est que celui qu’on était à ce moment-là nous manque trop… et nous avons besoin d’être entier pour nous sentir en paix. »

« On n’est pas entier ? Mais si celui qu’on était est mauvais, ça ne sert à rien de l’emmener avec soi ? Il vaut mieux ne pas être entier. »

« Sans doute aurais-tu raison si celui qu’on était se trouvait être vraiment mauvais. Or ce n’est pas le cas. Il n’est pas mauvais du tout. Il est toujours inestimable, très touchant. Ce qui est mauvais, c’est juste ce qui s’est passé ou ce qu’on lui a fait, Mais ce n’est jamais lui. Et même si lui il a fait quelque chose de moche, c’est ce qu’il a fait qui est moche, pas lui. »

« Tu veux dire que si je fais un truc moche c’est pas moi qui est moche, c’est juste ce que je fais ? Moi je reste inestimbal ? »

« Inestimable ! »

« Moi je trouve ça plus joli inestimbal. Au fait ça veut dire quoi ? »

« Ça veut dire qu’on ne peut lui attribuer aucune valeur parce qu’il est au-delà des valeurs, il est bien plus grand que ça ! »

« Alors je peux faire n’importe quoi et je resterai inestimbal ? »

« Oui, tu resteras inestimable… mais ta vie deviendra alors plus compliquée car pour chaque chose que tu feras où une personne va souffrir, il y aura des signaux qui s’allumeront sans cesse, jusqu’à ce que tu comprennes, jusqu’à ce que tu aies l’élan de prendre soin de cette personne… et de toi-même. »

Alors Max est partagé. D’un côté il sera toujours inestimable, d’un autre s’il n’est pas entier il ne sera pas vraiment lui-même. Ça fait beaucoup de choses pour Max. Il découvre ici tout un monde, qui en fait n’est que le sien, et celui de chacun. Il comprend un peu ce que veut dire « psy ». Mais ce qui lui fait le plus de souci en réalité, c’est que sa maman ait l’air d’en avoir besoin avec un peu de tristesse dans son regard.

2.2    Le soin psy

Cet échange avec oncle Luc a été très éclairant, mais il reste un mystère concernant la tristesse de maman. Le psy soigne-t-il la tristesse ? Comment fait-il ? Et pourquoi maman aurait-elle de la tristesse qu’il faudrait soigner ? Max laisse cela de côté et sait qu’il aura bien une occasion d’y revenir.

Justement, deux semaines plus tard, ses parents doivent aider des amis à déménager. Dans tout ce remue-ménage de meubles et de cartons ce n’est pas la place de Max. Alors ils demandent à oncle Luc s’il peut le garder toute cette journée, et même le soir car cela risque d’être long. Ils repasseront le chercher le lendemain matin. Max se retrouva seul avec son oncle pendant toute une journée. Il se dit qu’il y aura plein d’occasions de préciser tout ça.

Il passe une partie de la matinée un peu tristement car Luc a pas mal de choses à faire (sans doute des trucs de grands). Max doit se débrouiller à s’occuper jusqu’au déjeuner. Il regarde un peu la télé, puis il choisit de dessiner. Oncle Luc lui donne ce qu’il faut pour accomplir son élan créatif. Max trace sur la feuille une sorte de visage avec une larme, puis un cœur qui semble prendre soin de cette larme. Le dessin est plus que sommaire, mais il y ajoute plein de couleurs, comme si un arc en ciel venait baigner toute la scène. Cela l’occupe jusqu’au déjeuner.

Quand ils passent à table, Oncle Luc voit le dessin et lui dit :

« Ce sur quoi nous avons échangé l’autre fois t’a inspiré ? C’est très beau ! »

« Oui, il faut qu’il y ait beaucoup de couleurs pour apaiser le chagrin. »

« Qui a du chagrin ? »

« Maman. Du moins je crois… puisqu’elle veut voir un psy ! »

« Tu sais on ne voit pas toujours un psy parce qu’on a du chagrin. »

« Oui mais maman j’avais l’impression qu’elle en avait ! On va voir un psy aussi pour d’autres raisons ? »

« Oui il y en a plein. Si on a des peurs, si on a besoin de se sentir plus à l’aise dans la vie, si on se sent trop timide, et même parfois on peut se sentir très heureux mais incapable de le partager. »

« Ça fait mal quand on ne peut pas dire qu’on est heureux ? »

« Ça peut aussi arriver. »

« Et le psy sait entendre tout ça ? »

« En tout cas il devrait ! »

« Mais comment il fait ? »

« Ce n’est pas seulement quelque chose qu’il fait, c’est une façon d’être proche du côté inestimable de celui ou de celle qu’il écoute. Même quand les histoires sont horribles, les Êtres qui s’y trouvent sont toujours inestimables. Il les voit, il en est touché, et son émerveillement naturel est alors déjà une source d’apaisement. »

« Et ça suffit ? »

« Bien sûr que non, mais sans cela tout le reste risque de ne rien apporter. »

« Qu’est-ce qu’il faut d’autre ? »

« Tu me demandes beaucoup de précisions. C’est un sujet qui t’intéresse à ce point ? »

« Ben oui. Peut-être je pourrai aider maman si elle est triste ! »

« Tu as raison. Même si parfois tout semble un peu compliqué, il y a quand même des choses simples qui permettent de faire du bien. Même si tu es très jeune, il y a sûrement des choses que tu peux faire. »

« Quoi ? »

« Ce que tu as fait est déjà très bien quand tu lui as demandé ˝Tu es triste !?˝ »

« Mais elle m’a répondu que non ? »

« C’est là où il y a des subtilités. Elle te dit non, alors tu lui fais confiance. Puis comme toi tu sens que oui, tu vérifies avec délicatesse : ˝Tu préfères ne pas en parler ? ˝ Mais pour que cela fonctionne il faut que tu sois prêt à accepter qu’elle te dise encore non, quelle qu’en soit la raison. »

« Alors c’est pas facile. »

« Tu as raison, c’est très délicat. Mais comme ça, tu lui montres que tu l’as vue, sans pour autant ne forcer quoi que ce soit. Cette liberté fait beaucoup de bien. Et puis il arrive même que cela donne confiance et permette de dire ce qu’on a sur le cœur. Tu sais, la liberté on en a beaucoup besoin. »

« Mais les grands, ils sont libres eux ? »

« Sans doute un peu plus que toi parce qu’ils peuvent décider beaucoup de choses… mais ils ne décident pas de ce qu’ils ressentent. Ça s’impose à eux malgré eux. Ça semble embêtant, mais c’est pour mieux diriger leur attention là où ils devraient regarder. »

« Sinon ils ne regardent pas ? »

« Tu vois, ils semblent libres, mais d’une part il ne décident pas de ce qu’’ils ressentent, d’autre pas ils obéissent à plein de règles. »

« C’est qui, qui leur dit d’obéir ? »

« C’est personne et tout le monde. Pour vivre tous ensemble il faut bien quelques règles, même pour les grands… parfois surtout pour les grands ! »

« Parce qu’ils ne sont pas sages ? »

« C’est juste qu’ils ne se rendent pas compte. »

« Je croyais que quand on est grand on fait ce qu’on veut ! Alors il faut l’aider un grand à faire ce qu’il veut ? »

« Pas tout à fait. Ce qu’il veut, c’est être tranquille. Mais ce dont il a besoin c’est d’être entier, qu’il ne lui manque rien de lui-même. Tu te souviens ces petits bouts de soi qu’on laisse sur le chemin quand on a souffert ? On doit un jour aller les rechercher. Ou plutôt on ne va pas les chercher puisque ce sont eux qui nous appellent. Il suffit de se laisser trouver par eux. C’est un peu comme si tu jouais à cache-cache, mais que celui qui est caché faisait tout pour que tu le trouves. »

« Alors il y a un petit bout de maman qui est caché ? »

« Probablement. Il y a en chacun de nous des endroits un peu cachés, même à nos propres yeux, et le jeu de la vie consiste en ce que ces endroits et nous-mêmes sachions nous retrouver pour que rien ne nous manque ».

« La vie est un jeu ? »

« D’une certaine façon oui. La règle c’est de veiller à être complet, qu’il ne manque personne au cœur de soi. En fait ce que nous retrouvons, ce n’est pas vraiment un endroit, c’est celui que nous étions à cet endroit. »

« Alors on peut jouer à le trouver ? »

« En fait, jouer, c’est avoir un espace limité, des règles précises et un but à atteindre. Ici, l’espace est aussi vaste que le monde, notre humanité en est la règle souple et aimante. Ce ne sont pas des buts que nous tentons d’atteindre pour gagner, mais des Êtres inestimables qui nous cherchent et que nous retrouvons pour les rencontrer. Alors il vaut mieux s’y amuser que d’y jouer. S’amuser c’est avancer le museau en l’air et suivre les étoiles qui guident nos pas. »

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3    Juste s’ouvrir à la vie

3.1    S’amuser à rencontrer maman

« Alors je vais m’amuser à rencontrer maman ! »

« Excellente idée. Pour vraiment s’amuser, il faudrait nous laisser trouver par ce qui, en elle, appelle son attention ! »

« Comment je fais ? »

« Commence par penser à elle. »

…Max le fait

« Que se passe-t-il ? »

« Je la vois triste. »

« Dis-lui : ˝Tu es triste !? ˝ »

« Elle tourne la tête. »

« Dis-lui : ˝Tu préfères pas en parler !? ˝ »

« Elle me regarde, me souris et me montre que c’est pas facile. »

« Alors dis-lui simplement : ˝J’entends vraiment que ce n’est pas facile. ˝ »

« Elle me sourit, comme si ça lui faisait du bien. »

« Tu vois, ça reste très discret, mais ça fait déjà du bien. Tu es très doué ! »

Il faut dire qu’oncle Luc a l’habitude de ce genre d’entretien. Il accompagne des gens avec beaucoup de délicatesse. Parmi les approches qu’il a apprises il y a la maïeusthésie. Et c’est ce qu’il vient de mettre en œuvre avec Max pour sa maman. Le défi était de l’adapter à un enfant. Pas seulement pour accompagner un enfant, mais pour aider un enfant à accompagner quelqu’un !  Ici, Max a réalisé cet accompagnement au gré des émergences qui sont apparues en lui. Même s’il ne l’a pas fait dans la réalité, il l’a accompli dans une sorte de « Réel intime » où un profond respect est essentiel… c’est ce qui permet rencontres et apaisements.

Oncle Luc a bien réussi son défi, car Max a suivi cela en toute simplicité, en s’amusant avec la vie, en étant touché par l’Être qu’est sa mère. Quand elle s’est détournée, il a simplement reconnu qu’elle préférait ne pas trop en dire, il a reconnu que ce n’est pas facile, et cela a suffi à lui faire du bien. En fait elle avait besoin d’être rencontrée, mais surtout pas qu’on la force. C’est comme si elle n’attendait que ça.

« C’est curieux, quand je lui ai demandé l’autre jour, elle m’a dit ˝Tout va bien˝. »

« Tu vois ce qui a changé ici, c’est que tu ne cherchais pas à savoir, mais juste à te laisser aller à la rencontrer, à l’entendre, à la reconnaître. Tu l’as reconnue telle qu’elle était. Finalement elle n’a pas dit grand-chose, mais vous vous êtes rencontrés et cela lui a fait du bien. Bravo à toi et merci pour elle. »

« Tu crois que ça va suffire ? »

« Ça je n’en sais rien, mais au moins c’est plus détendu qu’avant et c’est toujours ça. Toi déjà tu n’es plus pareil avec elle. Il se peut que ça lui fasse du bien aussi. Sans doute lui faut-il un peu plus, mais c’est déjà beaucoup ! »

Max en est très ému. Il verse une ou deux larmes car il ne pensait pas qu’il était capable de faire une telle chose. Il sent son cœur tout chaud et ses larmes sont des larmes de bonheur.

Ce moment passé avec Luc est pour lui un grand moment. Ses parents qui ne viennent le chercher que demain matin ne lui manquent pas, car il sent qu’avec tonton Luc il se rapproche encore plus d’eux. Max trouve qu’il a beaucoup de chance. Il s’endort le soir paisiblement avec des rêves plein de douceur où il se révèle capable d’apporter du bonheur à sa maman.

3.2    S’amuser avec les montagnes

Les montagnes, c’est imposant. On ne voit pas ce qu’il y a derrière. C’est très pratique quand on veut le cacher. Mais avec une montagne on peut s’amuser : grimper, faire de la luge, du ski, sauter dans les rochers, cueillir des fleurs, faire des promenades, rencontrer des animaux… Puis ça nous permet de voir de plus haut et plus loin. Tout ce qui permet de mieux voir est très utile, puisque justement c’est le problème : on voit mal, on voit flou.

Alors Max fait des rêves de montagnes. Il imagine toutes sortes d’amusements. L’idée n’y est surtout pas de vaincre un obstacle, mais de s’amuser avec, de le laisser nous raconter ce qui va nous guider sur le chemin de ce qui est beau de l’autre côté de celle-ci.

Se laisser guider ? En fait c’est encore plus simple : c’est plutôt comme si l’eau qui est au sommet tentait de nous rejoindre pour nous abreuver. Pourvu qu’on ne l’entrave pas, elle dévale la pente par des chemins très sinueux, parfaitement inattendus… c’est elle qui vient vers nous. Laissons-nous rencontrer par elle. Laissons-nous émerveiller. Cependant Max pourrait dire : « Oui mais si elle coule de l’autre côté ? »  Ah oui ! Alors il faut y aller quand même...  mais comment ?

3.3    Un super petit déjeuner

Max se réveille de bonne heure, en pleine forme. Tonton Luc est déjà levé depuis un moment. Max lui demande aussitôt :

« On s’occupe encore de maman ? »

Il est insatiable, tout excité par la découverte de cette possibilité. Il ne se sent pas limité par son jeune âge. En effet son oncle s’adresse à lui en le considérant comme un interlocuteur riche d’une humanité naturelle, conscient, ressentant, capable d’appréhender des choses subtiles pourvu qu’on les lui dise de façon accessible. Face à lui, il n’est ni un enfant, ni un grand, il est simplement qui il est… ça, ça lui fait tellement de bien. Il se sent exister ! Et puis il vient de découvrir qu’on peut s’amuser à se rencontrer… alors, pourquoi ne pas continuer ?

« Tu sais, je ne sais pas si on peut faire plus que ce qu’on a fait. C’est déjà beaucoup. Mais si tu es curieux de ça, je peux t’expliquer d’autres choses. »

« Oh oui je veux bien que tu m’expliques d’autres choses ! Tu crois que quand je serai grand je saurai faire ce que tu m’as montré ? »

« Mais tu as montré que tu savais le faire ! Tu as juste à découvrir de nouvelles choses. Années après années tu pourras déployer ta sensibilité, étoffer tes compétences. Tu pourras apprendre beaucoup, mais on peut dès maintenant commencer à regarder ça un peu. »

« Qu’est que je dois savoir ? »

« Nous sommes faits de tous ceux que nous avons été. Par exemple toi, le bébé, le petit garçon d’un an, puis deux, puis trois, puis quatre, te constituent et te permettent d’être pleinement qui tu es. Mais chacun d’eux est déjà qui tu es… sauf qu’il ne le sait pas encore !

Tu vois quand nous éprouvons trop de souffrance ou de chagrin, il arrive qu’on mette de côté celui qu’on est, dont la peine est trop forte. Alors après on vit sans lui, et on est plus fragile, moins stable. Il nous manque. »

« Pourquoi ça manque puisqu’il y a de la peine ? C’est mieux de ne pas l’emmener ! »

« Ah oui, ça te semble toujours bizarre. C’est mieux sur le moment car on ne sait pas quoi en faire. Tu sais pourquoi on ne sait pas quoi en faire ? »

« Non. »

« Parce que on ne voit pas la différence entre celui qu’on est et ce qui se passe. Rappelle-toi : celui qu’on est, il est toujours inestimable, inestimbal comme tu disais. C’est seulement ce qui se passe qui est moche, jamais celui qu’on est. Mais au moment où ça arrive nous ne savons pas le voir. Alors on met tout ce bazar de côté et on se dit qu’on verra plus tard. »

« Ça veut dire qu’on voit rien ? Alors il suffirait d’ouvrir les yeux ! »

« Oui tu as raison, c’est malin. Mais justement on ne sait pas le faire. Même quand on ouvre les yeux, si on souffre, on voit flou, on mélange tout et on rejette au loin ce gros paquet où il y a de la douleur. »

« Alors si on voit flou il faudrait mettre des lunettes ! »

« Oui c’est exactement ça. Ces lunettes passent par le regard d’un autre qui nous pose des questions et sait nous inviter à distinguer entre ce qui est inestimable et ce qui est horrible. »

« Si on parle avec un autre ça permet de voir mieux ? »

« Oui, mais seulement s’il nous entend vraiment et s’il perçoit cette différence entre l’inestimable et l’horrible. Puis aussi s’il sait nous inviter à regarder vers ce qu’il y a de plus beau en nous. Pour que ça fonctionne, il faut que cela le touche profondément. S’il sait en être proche, on saura y aller. »

« Il faut qu’il y soit pour qu’on y aille ? »

« Oui. S’il nous demande seulement d’y aller, on n’osera pas. Alors que s’il y est déjà et nous demande de le rejoindre, ce sera plus facile, nous oserons plus car ça fera moins peur. Peut-être même ça nous en donnera l’envie.

Si un copain te demande d’aller vers un endroit inquiétant, ça peut faire peur. Mais s’il y est déjà avec tranquillité, tu sauras mieux oser y aller. Puis, si quand t’y es tu découvres de la beauté, c’est une belle récompense. »

« Il y a de la beauté là où on a eu mal ? »

« Tu as raison. Ça surprend. On ne s’en doutait pas et c’est pour ça qu’on n’y va pas spontanément. D’un côté il y a notre tête, qui associe tout ce qui était là quand ça s’est passé à une chose qu’il faut éviter à tout prix… là elle mélange tout ; et d’un autre côté il y a notre cœur qui nous invite à y retourner, car il garde l’intuition de ce qui est inestimable en nous... c’est à dire « nous ». Notre tête assure notre sécurité, mais notre cœur assure qu’on pourra redevenir entier. »

« Alors la tête nous protège et notre cœur aussi ? »

« Oui, tu vois c’est bien fait. Les deux nous protègent, mais pas de la même façon.  La tête évite qu’on aille vers la même difficulté en nous faisant fuir tout ce qui y ressemble, alors que le cœur nous y fait régulièrement retourner pour qu’on n’oublie pas qu’il s’y trouve un petit bout de soi sans lequel nous resterions fragile. Nous avons besoin des deux. »

« Ça nous aide vraiment ? Parce qu’ils font l’inverse ! »

« Oui ils font l’inverse. Tant qu’on n’a pas récupéré ce petit bout de soi qui nous manque, nous avons ces deux élans qui nous portent en même temps à éviter et à aller rechercher.

Tu as raison c’est un peu troublant. Nous avons simultanément ce besoin de sécurité et ce besoin de nous retrouver entièrement. Tant qu’on ne s’est pas retrouvé, tant qu’on voit flou, nous avons besoin des deux. Puis quand on revoit net, qu’on distingue l’horrible de l’inestimable nous n’avons plus besoin ni de l’un ni de l’autre, car nous nous sommes retrouvés. Nous sommes alors plus libres de ces réactions de peur que nous ne comprenons pas, ou de ces attirances toutes aussi bizarres. »

« Ça se fait tout seul ? »

« Oui ça se fait tout seul. Comme si la Vie veillait sur nous pour ne pas qu’on se blesse et aussi pour ne pas qu’on se perde.  Une sorte de bienveillance, telle une maman qui veille sur son enfant, même quand il ne comprend pas tout. »

« Tu veux dire que la Vie veille sur nous comme maman veille sur moi et qu’elle nous aime ? »

« On peut dire ça comme ça. Ça ressemble beaucoup. Comme si la Vie avait de la tendresse pour nous et veillait sans cesse pour nous protéger. Mais de l’amour et de la vigilance, il lui en faut beaucoup, car il se passe bien des choses difficiles au cours d’une existence. Puis aussi, nous ne sommes pas toujours gentils avec elle. Parfois même nous la maudissons tant elle semble compliquée. »

« Modiçon ça veut-dire quoi ? »

« Ça veut dire qu’on la déteste, car nous ne voyons pas tout ce soin qu’elle a pour nous. Il faut dire que certaines existences sont beaucoup plus difficiles que d’autres. Même tellement terribles que l’inestimable ne s’y perçoit plus du tout. Il y est quand même ! Mais il disparaît derrière une montagne de blessures et on ne voit plus que ça. »

« Une montagne ça fait beaucoup ! Alors il faut apprendre à voir à travers la montagne ? »

« Oui. Les yeux ne voient que la montagne. Le cœur, lui, voit à travers la montagne. Mais quand on a très mal, il n’y a plus que les yeux qui voient et c’est naturel d’être aveugle à l’inestimable, à l’inestimbal comme tu dis. On fait ce qu’on peut et on remet à plus tard le regard du cœur.

J’aime bien parler de tout ça avec toi car ça a vraiment l’air de beaucoup t’intéresser, et surtout c’est comme si je sentais ton cœur s’animer en le découvrant. Un peu comme si je te parlais de quelque chose que tu connaissais déjà, mais tu ne le savais pas. »

Max se sent tellement heureux de ces découvertes. Un peu comme si le monde s’offrait à lui avec de nouvelles perspectives. Et puis cette idée qu’il n’a fait que découvrir ce qu’il savait déjà lui fait beaucoup de bien. Bien sûr il y a accédé grâce à tonton Luc, mais celui-ci n’a fait que le conduire à révéler des choses dont il avait déjà confusément la sensation, en les rendant plus claires. Max est vraiment émerveillé qu’on puisse faire tout ça.

De son côté Luc n’en revient pas d’avoir pu mettre la psycho en lumière pour un enfant de cinq ans seulement. Cela s’est fait naturellement, comme un échange de conscience à conscience. Il aurait pu chercher à jouer… il a préféré s’amuser, s’amuser avec la Vie comme si, là, il se sentait un peu à la maison, dans quelque chose de familier.  

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4    S’amuser avec un oiseau

4.1    Le cœur familier

Cela fait tout drôle à Max de sentir familier ce qu’il ne savait pas. Comme si tout ça parlait en lui, qu’il l’entendait au-delà des mots… que souvent d’ailleurs il ne comprend pas.

Après ce magnifique petit déjeuner, ses parents reviennent le chercher, un peu exténués par ce déménagement, mais heureux d’avoir aidé leurs amis. Comme arrivant d’un autre monde, ils demandent à Max : « Tu as passé de bons moments avec tonton Luc ? ». Ils le demandent sincèrement, mais Max se sent en difficulté de tout raconter, alors ils se contente de répondre « Oui c’était super ! ».

Même Luc ne sait pas trop comment rapporter ce qu’ils ont vécu. Il dit simplement « Max est très sensible à plein de choses. Nous avons eu beaucoup de plaisir à échanger ensemble sur plein de sujets importants et sur la vie ».  

Ses parents sont un peu surpris, car à l’habitude, Max est souvent dans ses rêves et participe peu aux conversations. Il pense plus à s’amuser qu’à discuter.

Alors la vie reprend son cours, et au détour d’un câlin, Max demande à sa maman : « Tu as trouvé ton psy ? ». Elle n’en revient pas de ces paroles dans la bouche de son fils de cinq ans.

« Tu t’intéresses aux psys ? » répond-elle étonnée.

« Non, je m’intéresse à toi ! »

Sa maman laisse échapper une larme tant Max semble sincère.

« C’est quelqu’un qui t’écoute avec le cœur et qui t’aide à mieux voir à travers la montagne ! »

« Pourquoi la montagne ? »

« Parce que des fois il y a une montagne entre nous et ce qu’il y a de plus inestimbal en nous. »

« Inestimbal ? »

« Oui, je crois que ce n’est pas tout à fait ce mot, mais c’est très important. »

« Inestimable ? »

« Oui c’est ça. Et c’est caché derrière une montagne. Alors on a besoin de quelqu’un qui nous aide à voir l’inestimbal à travers sa montagne »

« C’est joli ça ! »

« Oui parce que ce qu’il y a derrière la montagne, c’est beau ! »

Les yeux de sa maman sont lumineux, comme envahis par une vague d’amour dont une goutte s’échappe sur sa joue… venant attester à quel point elle est touchée par cette attention de son fils. Le petit Maxou semble soudain bien grand… tellement grand que soudain c’est sa maman qui se sent petite. Pas petite en taille ou en intelligence, mais c’est un peu comme si elle pouvait blottir son âme au cœur de son fils… et ça, déjà, ça lui fait beaucoup de bien.

« En fait, tu as raison je suis un peu triste. Ce que tu me dis me touche profondément. »

« Alors si tu vas voir un psy tu vas voir ce qui est beau derrière la montagne ? »

« Je n’avais jamais pensé que c’était si beau derrière cette montagne ! C’est très doux quand tu en parles. Ça me donne envie d’y aller voir. Merci mon chéri. C’est vraiment très beau tout ce que tu me dis. Ça me fait beaucoup de bien et je me sens déjà moins triste. »

Max est tout fier d’avoir pu contribuer à cela. Effectivement il avait l’élan de la rencontrer et non de savoir… ça change tout ! En fait cela n’a pas été si compliqué, il lui a suffi d’avoir une autre intention et ça s’est fait tout seul. En plus il a tellement senti combien sa maman était touchée et ça… ça l’a rempli pour longtemps d’un grand bonheur.

C’était simple car il n’a fait qu’aller là où tout lui est familier : le cœur. Son élan de la rencontrer était comme une évidence. C’était bien plus important que de savoir quoi que ce soit.

Et puis le fait d’avoir cette connaissance que derrière la montagne c’est beau était essentiel. C’est comme s’il lui disait quelque chose qu’elle connaissait déjà mais ne savait pas encore… alors elle l’a reconnu et cela l’a profondément touchée. D’autant plus qu’en le lui disant il y était, et cela rendait plus facile pour sa maman de le rejoindre. C’était tellement simple pour lui d’être là où c’est beau, même sans savoir ce que c’est !

Maxou n’est pas un psy, mais il a accompli quelque chose que bien des psys ne savent pas encore faire… peut-être y arriveront-ils quand ils seront grands ?

4.2    D’anniversaires en anniversaires

Max restera heureux de ce qu’il a vécu ce jour-là. Sa maman aussi y repense souvent. Tout a commencé quand il avait cinq ans, grâce aux lumières de l’oncle Luciano. Un an après il fêta ses six ans. Encore douze mois et ce furent enfin ses sept ans. Solennellement tout le monde lui dit que c’est « l’âge de raison ».

Il ne sait pas s’il est raisonnable, mais il pense plus et se pose plein de questions. Cela l’éloigne hélas un peu de la candeur qui lui donnait accès à ce qui est beau. Ça devient un mélange de pensées, de ressentis et de réflexions logiques. Il lui faudra ensuite pas mal d’années pour récupérer la candeur initiale.

Mais comme Luc le lui avait dit, la tête n’est pas ennemie du cœur. Elle est très utile pour mettre en mots ce qu’on ressent, afin de mieux le mettre en conscience et de le partager… mais ce n’est pas la tête qui ressent. Lors d’un nouvel échange avec oncle Luc, Max lui dit :

« Et si on creusait un tunnel sous la montagne ? »

Il avait vu un reportage sur les tunneliers et ça lui avait donné des idées. Alors Oncle Luc lui répond :

« On peut envisager ça. Mais ça fait beaucoup de cailloux à déplacer, ça demande beaucoup d’énergie et ça peut durer très longtemps ! Quand on y va avec la tête c’est ce qui se passe. On décortique, on analyse, on interprète, on imagine un tas de choses. On tente de creuser des tunnels. Alors qu’en fait il y a des raccourcis. »

« Ah bon ? Lesquels ? »

« Avec la tête il faut bouger beaucoup de cailloux. Il y en a vraiment trop. Avec le cœur, si on est attentionné et émerveillé, si on choisit de placer notre attention vers les Êtres plutôt que vers les choses, c’est un peu comme si un grand oiseau plein de douceur nous prenait avec lui, et avec ses ailes de tendresse nous emmenait directement de l’autre côté de cette montagne. »

« Ça doit donner le vertige ! »

« Tu as raison, c’est vertigineux. Mais c’est aussi très doux, car il nous transporte en respectant nos peurs. Tant que nous avons peur de ce qu’il y a de l’autre côté, c’est-à-dire tant que nous sommes plus tournés vers les choses que vers les Êtres et que nous le faisons avec notre tête, ce magnifique oiseau ne nous y emmène pas vraiment. Il ne fait que progressivement nous en approcher pour tester si notre cœur s’ouvre et si notre attention est bien dans la rencontre des Êtres… juste pour rencontrer et non pour savoir… tu te rappelles ? »

« Oh oui ! Avec maman, quand je voulais savoir, elle me disait qu’il n’y a rien. Puis quand je voulais la rencontrer elle m’a dit plein de choses et ça lui a fait du bien. C’est comme si l’oiseau avait commencé à nous emmener de l’autre côté de la montagne ! »

« C’est exactement ça. Bien sûr, l’oiseau c’est juste une image pour te dire qu’il y a des raccourcis du cœur, alors qu’il y a des labyrinthes de la tête. Et la montagne est aussi une image pour montrer à quel point ce qu’on ne sait pas encore rencontrer, nous sommes astucieux pour le mettre très loin de nous. »

« Oui, mais comme ça nous manque, comme de ce fait on n’est pas entier, malgré nous, nous faisons tout pour le retrouver, puis pour l’aimer ! »

« Max, tu as bien compris comment ça fonctionne. C’est impressionnant. Plus tard, si cela t’intéresse, tu pourrais faire un bon psy ! »

« Pourquoi pas maintenant puisque j’ai su entendre maman et que ça lui a fait du bien ? »

« C’est vrai que tu as réalisé quelque chose de très beau. Tu es vraiment riche de cette expérience. Elle fait partie de toi maintenant. Il y a encore beaucoup d’autre choses à savoir mais avec ça c’est un fait que tu disposes de l’essentiel. Cet essentiel manque à bien des praticiens qui savent pourtant beaucoup de choses. »  

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5    Entre le présent et le futur

5.1    Max à venir

Max a maintenant sept ans. Il va à l’école, puis il ira au collège, puis au lycée, probablement à l’université, puis il aura une profession. Sera-t-il psy ? Pourquoi pas, mais il y a plein d’autres métiers où il est utile de savoir entendre et rencontrer. Et puis tout ça, ce n’est pas seulement utile dans un métier ! Ça l’est aussi dans le couple, la famille, avec les enfants, les amis… etc.

Probablement Max rencontrera une femme si tel est son élan. Souhaitons-lui en tout cas d’être en amour avec quelqu’un. Il aura probablement des enfants. Il pourra alors leur expliquer tout ça… etc. Une modeste contribution au monde dont chacun s’occupe humblement, juste d’un petit bout.

Parfois il y aura même des « montagnes » entre le présent et le futur, il s’y trouvera aussi un « oiseau bienveillant » prêt à le rapprocher de ce qui attend d’être rejoint. Bien sûr, « montagnes » et « oiseau » ne sont que des métaphores pour souligner le fait que parfois, comme pour la plupart d’entre nous, il puisse craindre de rejoindre son futur.

Notre vie nous invite ainsi sans cesse à nous enrichir de nouveautés, où nous ne faisons que découvrir sous forme de savoir ce que nous connaissons déjà dans notre cœur.

Oncle Luc se retrouve une nouvelle fois en discussion avec Max à ce sujet. Mais là, la nuance est vraiment plus délicate :

 « Tu apprends plein de choses à l’école. Tu vas vers une vie de grand. Celle-ci attend un peu que tu la rejoignes ! »

Max n’y relève que la notion de « grand » :

« C’est bizarre que tu parles de ˝vie de grand˝… car je ne me sens pas petit. »

« C’est vrai, qui tu es n’est pas petit. Celui que tu es ne l’a jamais été. Et c’est toujours comme ça que je me suis adressé à toi. Pourtant, ton corps grandit et ta tête sait de plus en plus de choses. »

« Si ma tête sait plus de choses est-ce que ça ne va pas gêner mon cœur ? »

« Ça peut arriver. Mais comme je te l’ai déjà dit, la tête n’est pas ennemie du cœur. Elle permet de penser et de partager beaucoup de choses. C’est grâce à elle que tu as pu parler à ta maman en lui montrant que tu souhaitais la rencontrer plutôt que de savoir de quoi il s’agit.

Si tu sais plus de choses avec ta tête, tu peux offrir plus de possibilités à ton cœur pour se tourner vers la Vie, tant envers toi qu’envers les autres. »

« Tant mieux si ce n’est pas gênant de savoir, car j’aime bien comprendre. Je me sens curieux de plein de choses, mais moi je veux continuer à savoir aimer. »

« Tu remarques que ta vie se déroule jour après jour et qu’à chaque fois… tu deviens un peu plus celui que tu as à être. »

Cette fois-ci il repère qu’il y a un truc bizarre avec le futur :

« Je comprends rien à ce que tu dis ? »

« Oui ce n’est pas facile à dire, ni à comprendre. Le futur n’existe pas vraiment et deviendra ce qu’on en fait. Pourtant il existe aussi un peu quand-même et on le rejoint pas à pas.

Ce qui se développe au niveau de la tête reste imprévu et dépend de ce qu’on fait.

Mais celui que tu es au niveau de ton cœur y est déjà, et attend juste que tu lui donnes sa place. »

« Ah bon ? Celui que je serai attend que je lui donne sa place ? »

« C’est comme si le futur attendait que tu le rejoignes. Le temps qui vient est fait pour qu’on le rejoigne… mais nous sommes souvent timides et parfois n’osons pas nous en approcher, ni vraiment le rencontrer. »

« Moi je veux bien le rencontrer ! »

« Super que tu veuilles bien. C’est surtout une affaire de cœur. C’est comme pour le passé, avec la ˝montagne˝ qui cache ce qu’on ne sait pas encore accueillir. Notre futur aussi parfois semble derrière une Montagne que l’on croit infranchissable… mais là aussi le cœur voit à travers la montagne et ˝l’oiseau bienveillant˝ peut nous transporter d’instant en instant. Comme s’il nous emmenait vers des endroits qui existent déjà, avec lesquels nous pouvons être amis. »

« Être amis avec celui qu’on sera ? »

« Oui, de même qu’on peut être ami avec ceux que nous étions, nous pouvons être ami avec ceux que nous serons. Nous sommes ainsi plus complets ! »

« Alors si on est encore plus complet, ça nous rend plus fort face au monde ? »

« C’est vrai. Nous sommes alors plus en confiance et plus stables. Mais la force n’a rien à voir là-dedans. Il ne s’agit pas de force, mais de tranquillité. Nous sommes ainsi bien moins vulnérables aux coups de vent. Les tempêtes émotionnelles ne nous projetteront plus à terre.

Nous distinguons mieux entre les Êtres et les choses.  Nous voyons moins flou, alors nous sommes moins fous !

La tendresse que nous avons pour le monde et pour nous-même ne vient pas d’une qualité nouvelle, mais de celui que nous sommes déjà et qui se révèle enfin ! »

« Alors si j’y arrive, je serai plus solide ? Même quand je croise des gens méchants ? »

« Plus solide ? Ce n’est pas vraiment ça. Seulement moins vulnérable, plus stable, plus lucide. Ces Êtres méchants, comme tu dis, n’ont pas trouvé d’autre moyen d’expression de leur présence. S’ils sentent que tu les vois vraiment ils auront moins besoin de leur méchanceté pour se sentir exister. »

« Il suffit de les voir vraiment, et ils deviennent gentils ? »

« C’est un peu ça. Mais le problème c’est qu’en leur présence, nous voyons encore plus flou et savons mal distinguer entre les Êtres qu’ils sont, et ce qu’ils font. Alors ils ont besoin d’être encore plus méchants pour qu’on les voit.

En fait nous faisons pour le mieux, mais nous restons très humbles et ne savons jamais à l’avance si nous serons capables de le faire. Heureusement, à chaque fois que quelqu’un sait voir un tel Être… alors il contribue à un peu plus de paix dans le monde. »

« J’aimerais apporter un peu cette paix dans le monde. Mais c’est vrai que je me sens plus souvent énervé envers les méchants, que capable de distinguer entre qui ils sont et ce qu’ils font. »

« Ça, c’est ainsi pour beaucoup de gens et ça nous permet de ne pas nous sentir supérieur. Ça nous aide à rester humbles et ça favorise notre ouverture de cœur future. »

« Même si je suis très en colère ? »

« C’est une super occasion pour commencer par accueillir en toi ce qui a envie de méchanceté envers l’autre. Il faut bien commencer l’entraînement quelque part ! Avec soi-même, c’est un bon début. »

5.2    Une cueillette fructueuse

Nous sommes un peu comme un cueilleur confiant qui visite son propre jardin. Il est rempli de ce « chez-soi » qui nous constitue (passé, présent et futur). Il n’est pas un « cultivateur de la tête » qui sème et qui récolte (trop souvent en monoculture), il est comme un « paysan du cœur » qui sait voir les fruits que lui offre l’écosystème de son propre pays. Ce pays ? Une sorte de « chez-nous d’humanité » qui attend qu’on ose s’y déployer.

« Si je ne sais pas par où commencer je peux commencer par chez moi, mon propre pays ? »

« Si tu commences par là où tu te trouves, c’est un bon départ. »

« Et après ? »

« La question est de savoir ce que tu te sens capable d’accueillir en te respectant profondément, car on ne peut forcer cela. Ça ne fonctionne que si c’est authentique et naturel. Donc tu commences par quelque chose de facilement accessible. Et là, tu fais ton premier pas ! »

« C’est là qu’on trouve ˝l’oiseau˝ ? »

« Bien vu. C’est un peu ça. En avançant ainsi, ˝l’oiseau˝ vient nous chercher et nous emmène directement là où nous sommes attendus, dans notre passé, dans notre futur, ou n’importe où dans le monde ou dans le temps (ça fait grand).

Si notre cœur est prêt à s’y ouvrir il nous y emmène instantanément pour enrichir notre présent. Si nous ne sommes pas encore prêts, il nous amène à des étapes où nous pourrons apprendre à nous ouvrir, à notre rythme. »

- « Si notre cœur n’est pas prêt, il y a des étapes ? »

« Oui, pourvu qu’on soit dans le respect, dans la confiance, qu’on s’occupe surtout des pas qui nous sont possibles, tout se fait progressivement. Curieusement, plus on se respecte, plus ça se fait rapidement sans pour autant nous bousculer. »

« Le chemin n’est pas forcément long alors ? »

« En fait nous sommes en chemin toute notre vie ! Il nous appartient juste de ne pas manquer ce qu’il y a derrière les ˝montagnes˝ quand elles se présentent. A chaque fois qu’il y en a une, c’est qu’il y a derrière un peu de soi, un peu de beau à rencontrer. ˝L’oiseau˝ nous permet de le faire rapidement.

Il est probable qu’un peu plus loin il y en ait d’autres. Si nous évitons continuellement ces montagnes, heureusement elles ont la bonne idée de se présenter à nouveau. Mais si nous ne rencontrons jamais ce qu’il y a derrière, nous risquons d’arriver au bout de notre vie… terriblement vide de cette beauté qu’il y a en soi et autour de soi. Alors ça fait trop pour tout récupérer d’un coup.

Mais peut-être y-a-t-il un moment de grâce que nous ignorons ? »

« Alors c’est ça la vie ! C’est comme ça qu’on devient qui on a à être, qu’on est complet et qu’il ne manque rien ? Il y a des ˝montagnes˝ qui nous protègent et un ˝oiseau˝ qui nous emmène, mais seulement si on est prêt ? »

« Oui c’est plutôt bien fait. Le plus délicat n’est pas que ça se fasse, mais plutôt de ne pas empêcher que ça se fasse !

Or il y a beaucoup de bulldozers pour tenter de raser les montagnes, beaucoup de stratégies pour faire disparaître ce qu’il y a derrière, et même beaucoup d’armes pour supprimer en plein vol cet oiseau qui semble nous emmener vers ce que nous tentons d’éviter ! »

« Mais ça c’est idiot !!! »

« Ceux qui le font pensent sincèrement avec leur tête que c’est juste. Ils ont certainement besoin, plus que quiconque, d’être rencontrés avec le cœur afin de voir moins flou... et d’être moins fous. »

Max se sent riche de quelque chose d’indéfinissable.  Proche de ses parents, en connivence avec oncle Luciano, en confiance avec sa vie qui se dessine harmonieusement vers qui il a à être… qu’il va rejoindre le cœur léger.

Sans doute avons-nous oublié qu’à cinq ans un Être soit si riche de sensibilité et de bon sens. Cela fut pourtant ainsi pour nous, dans notre passé ! Mais tout cela est tellement loin que nous n’imaginons pas qu’à cinq ans, ni même à sept ans, ou encore plus tard dans la vie adulte... iI soit tellement fructueux pour quelqu’un d’être rencontré de conscience à conscience ! Quand cela se produit, ses ressources peuvent alors se révéler, et sa contribution au monde en devenir splendide.

Grâce à sa candeur, Max peut, déjà tout « petit », nous rappeler une compétence que nous avons trop souvent oubliée : l’émerveillement.

Thierry TOURNEBISE

 

Max (Maxime)
Maman qui cherche un psy
Luc (Luciano) son oncle  

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