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De la Conscience à l'Un-conscient

paradoxes salutaires de la conscience

octobre 2019   -    © copyright Thierry TOURNEBISE

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Nous avons d’une part l’inconscient, qui est un fondement psychanalytique que nous a légué Sigmund Freud. Sans doute a-t-il ici bien fait progresser l’approche psychologique de l’être humain. Il révéla qu’il y a dans la psyché des zones non accessibles à l’intellect ; nous avons d’autre part la conscience qui joue un rôle majeur, mais qui est bien difficile à définir. Peut-être le Soi de Jung pourrait en être un des aspects.

En fait, cette conscience est également peu accessible à l’intellect et opère à son insu. Nous sommes alors face à une curiosité, car la conscience elle-même n’est pas intellectuellement accessible. Serait-elle alors inconsciente ? Ferait-elle partie de l’inconscient ? Le mot « inconscient », convient-il alors pour désigner ce qui n’est pas accessible à la pensée naturelle ? Curieux paradoxe si « la conscience est inconsciente » ! Elle ne semble pas accessible cognitivement, tout en étant la source de tout… à moins que les notions de « source », de « conscience », d’« inconscient », ne doivent aussi être revisitées.

Sigmund Freud nous a plus apporté sur l’inconscient que sur la conscience. Le coté sensoriel plaisir/déplaisir tient chez lui une grande place. Quand il parle d’inconscient, il évoque une zone trouble, emplie de choses plus ou moins avouables, venant dicter nos comportements à notre insu. De son côté Carl Gustav Jung nous a plus apporté du côté conscience avec la notion du Soi en individuation. Chez lui la dynamique est plus expérientielle que sensorielle.

Dans cette publication, nous allons découvrir que la notion d’inconscient peut recouvrir d’autres choses bien plus nobles. De plus les mots pour désigner ce dont on souhaite rendre compte quand on énonce « conscience » et « inconscient » mériteraient un choix plus affiné.

Sommaire

1 Quête des mots justes
- Un thème subtil – le flou des définitions – La conscience… précisions utiles – de l’intellect à la connaissance… intrications – L’inconscient… discrétion de la Conscience – Distinguer entre Être et Conscience

2 La pensée : du sensoriel au non pensable
- Le sensoriel et la survie – La pensée et la réalité – Le sensoriel et l’évolution vers l’ontique – Les esquisses du non pensable – La Conscience, cognitivement inaccessible

3 La Conscience, discrète source de justesses
- La source et l’origine – États modifiés de conscience – Les pulsions de Vie et de survie – La pertinence – des finalités comme sources

4 L’inconscient : source haut potentiel
-NousNous – Des clivages sans traumas – Mémoire des faits et mémorial existentiel – L’étendue des clivages possibles – La temporalité – La production des symptômes –

5 L’inconscient et l’« Un-conscient »
-L’« Un-conscient » - Conscience : ouverture et anesthésie – Prendre, perdre, avoir… conscience – Une ouverture évolutive – Psyché, Conscience, intellect : déploiements ouvertures, développements – Les états modifiés de conscience

6 L’« Un-conscient » et la psychothérapie
- La Conscience œuvre à notre insu – Accompagnement des processus inconscients – « Un-conscient », Conscience et émerveillement

Bibliographie 
Bibliographie du site

 

 

1.Quête de mots justes

1.1.  Un thème subtil

Je prie le lecteur de bien vouloir m’excuser par avance de la complexité du sujet ici traité. Pourtant, les notions d’inconscient et de conscience tiennent une telle place en psychologie qu’il m’a semblé essentiel d’oser l’aborder avec de nouvelles précisions éclairantes.

Éclairantes ? Cependant, pas si simple ! Les concepts, le vocabulaire, tout y est subtil, même le fait d’aboutir à l’idée d’« Un-conscient ». Bien plus qu’un jeu de mots très tentant (je l’avoue !), il rend compte du lien intime entre la conscience et l’inconscient et des paradoxes auxquels nous sommes confrontés.

Même si le déroulement de ce texte nécessite une attention soutenue, ce qui en résulte est très utile pour les praticiens en psychothérapie, ainsi que pour tous ceux qui mettent en œuvre des accompagnements psychologiques.

1.2.  Le flou des définitions

Les notions évoquées à travers les mots « conscience » et « inconscient » peinent à trouver un chemin sémantique satisfaisant. Le « Dictionnaire usuel de psychologie Bordas », de Norbert Sillamy (1993), nous propose d’emblée quelques remarques intéressantes sur la conscience :

« La conscience est difficile, voire impossible, à définir, car elle est subjectivité »

« Avoir conscience c’est savoir que l’on sent, que l’on existe »

« Jung l’assimile à l’état de veille […] Freud l’assimile à la perception, […] Bergson à l’attention ».

« A la fois le lieu de nos sensations et de nos perceptions, et réalité subjective de celles-ci, elle constitue la matière même de notre vie psychique ».

Le « Dictionnaire de psychologie PUF », de Roland Doron et Françoise Parot (1991), lui, nous fait remarquer qu’en anglais nous disposons de deux termes « awarness » et « counsciousness », et que :

« […] l’homme se connait lui-même dans une vision intérieure […] l’esprit se définit par la conscience, instrument non univoque de la connaissance du monde comme de soi, accessible par l’introspection. »

Vu l’usage du mot « conscience », est-ce quelque chose que l’on a, ou bien ce que l’on est ?

-« Avoir conscience » ;

-« perdre conscience » ;

-« prendre conscience » ;

-ou bien « être une Conscience » ;

-ou être dans un « état modifié de conscience ».

Est-ce une identité (qui l’on est), un état (états modifiés de conscience), une perception (champ de conscience), une situation de veille ou de vigilance (awarness).

Et dans tout cela, l’inconscient est-il seulement une absence de conscience ou plutôt sa mise en sommeil, ou bien est-il un endroit de la conscience, ou bien est-ce plutôt la conscience qui est un endroit de l’inconscient ? Ce que l’on nomme « inconscient » est-il bien ce que l’on croit ?

Nous allons tenter d’affiner ces sens et de gagner en acuité à propos de ce qui nous constitue et de ce que nous sommes psychiquement.

1.3.  La conscience… précisions utiles

Etymologiquement le mot « conscience » vient du latin conscientia lui-même constitué de cum (ensemble) et scientia (où scire signifie « savoir ») c’est à dire « Savoir en commun », « connaissance partagée avec quelqu’un ». A rapprocher du grec sunedêsis (confidence - connivence). *

*Dictionnaire historique de la langue française – Le Robert -Alain Ray 2004

Quand la conscience se tourne vers un objet, le sens premier serait donc « une connaissance de l’objet observé par le sujet observateur, mais en prenant en compte le fait que cette connaissance fait toujours référence au sujet observateur ». Une sorte de lien indéfectible entre le sujet (ce qui observe) et l’objet (ce qui est observé) ne leur permet pas d’être indépendants l’un de l’autre. L’observateur contribue involontairement à ce qu’il observe.

Cette observation est donc ici subjective, car comment objectiver quelque chose qui fait référence à soi-même ? L’idée de conscience serait donc celle d’un savoir partagé, (savoir en commun) mais difficilement objectivable. Nous voyons surtout que cela définit un état partagé avec ce que l’on perçoit. Il s’agit donc d’« un état de CE qui observe », et de « CE qui est observé ». Cela est particulièrement intéressant concernant deux « Sujets » qui se rencontrent.

Le mot latin scientia (science) est construit à partir du latin scire qui pourrait avoir comme origine « trancher », « décider ». La science serait donc un outil qui permet de séparer, distinguer, discerner (analytique). Elle serait alors un outil d’acuité. Elle se rapprocherait ainsi de « l’intellect » du latin intellectus « perception par les sens », et intelleger (discerner, comprendre).

Pourtant, quand nous parlons d’une ouverture de conscience (état communicant), ou de « champ de conscience » (largeur d’esprit, ou son étendue), nous en parlons comme d’un « champ visuel » qui embrasse une certaine largeur, et pas seulement comme quelque chose qui a pour rôle de distinguer. On pourrait ainsi utiliser la métaphore du champ visuel qui est à l’œil ce que la conscience est à l’Être*

*A supposer que le mot « Être » désigne correctement CE qui perçoit ! Quant à l’œil il s’agit pour lui d’une étendue spatiale, alors que pour la conscience c’est un champ existentiel… à supposer aussi que le mot « champ » convienne pour désigner quelque chose qui n’est ni spatial ni temporel ! Un champ peut aussi remplir tout l’espace, tel un champ gravitationnel, ou un champ électrique. Dans les zones expérientielles quasiment indicibles, voire non pensables, nous peinons à trouver les mots qui désignent correctement ce dont on souhaite rendre compte.

« La conscience est, en premier lieu, une fonction d’aperception* et d’orientation compliquée. C’est pourquoi on parle par exemple d’un « champ de conscience » tout comme on parle d’un « champ visuel » » (Jung, 2019, p.24).

*aperception : perception accompagnée de conscience, de prise de conscience, d’une perception distincte identifiée

La question qui se pose finalement, c’est comment désigner « CE qui perçoit » puisque le mot « conscience » désigne plutôt « ce à travers quoi "CE qui perçoit" perçoit ».

Être, Âme, Esprit, Psyché ? bien difficile de trouver un mot pleinement satisfaisant, libre de toute connotation, pour désigner « Ce qui perçoit ». * Peut-être le Soi de Jung ?

*Lire sur ce site les publications d’octobre 2011 « Être et conscience » et de février 2010 « Les mots et les intuitions »

1.4.  De l’intellect à la connaissance… intrications

Donc, selon ces définitions, la conscience embrasserait une certaine vastitude et séparerait les éléments qu’elle embrasse (acuité).

D’un côté l’intellect perçoit grâce aux sens, discerne, distingue.  De l’autre le cognitif qui vient du latin cognoscere (connaissance) semble résulter de ces opérations. Le cognoscere latin a aussi donné « connaître ». Il est constitué de cum (ensemble, en simultané) et noscere (analogue au grec gnose « connaître »). Nous retrouvons bien cette synergie entre CE qui perçoit et CE qui est perçu.

Notre pensée saura-t-elle faire quelque chose de cette intrication de mots et de sens ? Nous percevons bien que nous sommes dans une zone qui a fait couler beaucoup d’encre, sollicité beaucoup de pensées, agité beaucoup de penseurs ! Peut-être est-il présomptueux de s’y atteler et de partir en voyage avec notre attelage ? Peut-être simplement l’humain peine-t-il à penser puis à énoncer un essentiel qui le constitue. D’autant plus qu’ici « ce qui observe » et « ce qui est observé » sont dans une forme de réciprocité. Les mots sauront-ils rendre compte de l’expérientiel que la pensée peine elle-même à appréhender ? Peut-être pouvons-nous prétendre au moins en tirer une esquisse ? Nous retrouvons souvent cette idée d’intrication de « CE qui perçoit » et de « CE qui est perçu » chez plusieurs auteurs :

Par exemple chez Abraham Maslow (psychologie existentielle) :

« Non seulement l’homme est une PARTIE de la nature, et la nature est une part de lui, mais il doit aussi être isomorphe (semblable à elle) afin d’être viable en elle. » (Maslow - 2006, p.367)

ou chez Martin Heidegger (Daseinanalyse) :

« La clarification de l’être-au-monde a montré qu’il n’"y a" pas d’emblée et que jamais non plus n’est donné un sujet dépourvu de tout monde. Et ainsi qu’il n’est en définitive pas davantage un je isolé sans les autres » (1986, p.158).

ou chez Fritz Perls (Gestalt-thérapie) :

« La psychologie, en revanche, ne peut étudier aucune structure en soi, car l’étude du fonctionnement humain ne peut se faire qu’en tenant compte du milieu dont il fait partie » (Perls, 2009, p.34).

ou chez Henri Bergson (philosophe, mathématicien) :

« Une attention à la vie qui serait suffisamment puissante et suffisamment dégagée de tout intérêt pratique, embrasserait ainsi dans un présent indivisé l’histoire passée toute entière de la personne consciente – non pas comme de l’instantané, non pas comme un ensemble de parties simultanées, mais comme du continuellement présent qui serait aussi du continuellement mouvant » (p.169-170, 2006).

ou Pierre Teilhard de Chardin (paléontologue) :

« L’homme ne saurait se voir en dehors de la Vie, ni la Vie en dehors de l’Univers » (Teilhard de Chardin, 1955, p.29).

Pourtant, dans l’usage, l’idée de conscience est plus expérientielle (indicible, non pensable) et celle d’intellect ou de faculté cognitive est plus analytique (séparer en éléments plus simples, comme avec la méthode de Descartes). René Descartes parlait de la « lumière naturelle de l’esprit » pour examiner ces éléments séparés, ainsi rendus accessibles (mais perdant alors leurs enjeux systémiques !).

Nous avons alors déjà une précision émergente :

S’il est difficile de préciser si la conscience est « ce que l’on est » ou simplement « un moyen de perception », nous découvrons déjà que la conscience définit une sorte d’état (état plus ou moins ouvert, plus ou moins lucide, plus ou moins attentionné) et que l’intellect ou le cognitif sont plutôt des outils (outils à penser, à analyser, à séparer, à discerner, à se représenter).

1.5.  L’inconscient… discrétion de la conscience

Étymologiquement, « inconscient » contient le « in » qui indique l’absence de conscience, donc de connaissance partagée. De façon descriptive, l’inconscient serait ce qui n’est pas dans le champ de la conscience. Mais en psychanalyse il s’agit plus précisément d’une instance faisant partie de la première topique freudienne (inconscient, préconscient, conscient).

L’inconscient est habituellement considéré comme le siège de ce qui nous pousse à ce que nous ne souhaitons pas, ou qui produit en nous des inhibitions, des émotions indésirables, des ressentis, des postures, des attitudes, des comportements non souhaités, non décidés… ou même des choses que nous recherchons et qui pourtant ne nous sont pas profitables (comme dans les addictions par exemple).

Le paradoxe est que la conscience semble se trouver au moins en partie dans l’inconscient, comme si elle œuvrait à notre insu.  Comment la conscience pourrait-elle siéger dans l’inconscient ? Peut-être aussi ce que l’on nomme inconscient n’est-il pas ce que l’on croit… peut-être même que le terme inconscient ne le désigne pas correctement. Nous avons donc les aspects sombres de l’inconscient (selon Freud), mais si la conscience, œuvrant à notre insu, est aussi contenue dans cet inconscient… celui-ci comporte aussi une zone « numineuse* » (selon Jung).

*« Numinosum, terme de Rudolph Otto (dans Le Sacré), formé à partir du latin numen = être surnaturel, pour désigner ce qui est indicible, mystérieux, terrifiant, tout autre, la qualité dont l’homme fait l’expérience immédiate, et qui n’appartient qu’à la divinité » (Jung, 1973, p.458).

Alors si l’inconscient, ou du moins ce que l’on désigne ainsi, avait ses lettres de noblesse insoupçonnées… contenant la source inestimable de la conscience, qui œuvre avec pertinence* à notre insu, cela lui donnerait un nouveau statut, beaucoup plus amical.

*Lire sur ce site la publication de mai 2015  « Psychologie de la pertinence »
ou regarder la
conférence sur ce thème à l’hôpital psychiatrique de Neuchâtel (mai 2018).

1.6.  Distinguer entre « Être » et « conscience »

Il y a le Sujet lui-même. Le Quelqu’un, l’Être, l’Esprit, l’Âme, la Psyché… quel mot choisir ? Nous avons l’esprit (du latin spiritus = souffle) l’âme (du grec anemos = vent) autant que la psyché (du grec psukhê ou pneûma = souffle) ou même en hébreu nèphèsh (respirer)*. Ce que ces mots ont de commun c’est un fluide qui s’écoule ! Nous avons aussi le noos qui pour les grecs est la partie la plus divine de l’âme. Noos ne semble pas comporter de souffle. Noos désigne la tête ou l’intellect, mais chez les grecs l’intellect désigne la divinité (et non le cognitif). Chez Plotin, à l’origine il y a l’Un, qui se divise en intellects (dieux), qui eux-mêmes se divisent en âmes (spirituelles), qui elles-mêmes investissent des corps (matériels). Selon Plotin, de division en division, il y a la nostalgie de l’origine (l’Un) de plus en plus intense, mais aussi de plus en plus floue à mesure de cet éloignement.

*Avec le mot rouaḥ pour « esprit » : l'esprit en tant que rouah/pneuma, l'âme en tant que nèphèsh/psukhê

Dans tout cela comment désigner le Sujet, l’Être, l’observateur, celui qui utilise la conscience pour percevoir, en interaction avec ce qu’il perçoit ?

Même le Soi de Jung semble définir quelque chose de plus vaste que CE qui perçoit. Comme si la perception d’un objet était plus « locale », et le Soi plus « non local ». De ce fait, la conscience serait ce qui permet de cibler (localiser) notre perception. Le Soi de Jung, dans sa vastitude (non local), fait penser à la phrase de Gottfried Wilhem Leibniz (1646-1716) dans « Principe de la nature et de la grâce », quand il propose, parlant de Dieu :

« On a fort bien dit qu’il est comme centre partout ; mais que sa circonférence n’est nulle part, tout lui étant présent immédiatement, sans aucun éloignement de ce centre » (1999, 13-169).

Propos emprunté au cardinal Nicolas de Cues (1401-1464) qui dit dans son traité de La Docte Ignorance

« Si Dieu est infini, Il doit être présent en tout endroit, et, par conséquent tout lieu de l’univers doit aussi en être le centre » (Rivages, 2008). 

Ce que, l’astrophysicien contemporain Trinh Xuan Thuan traduit par

« La fabrique de l’univers a son centre partout et sa circonférence nulle part » (2019, p.163).

Non pas qu’il faille identifier le Soi à Dieu, mais la métaphore est très parlante. La conscience semble être l’outil de perception d’une instance plus vaste, non locale, sans doute non temporelle. Peut-être est-ce proche de ce que Martin Heidegger nomme l’Être (passé présent et futur en même temps).

Si cette instance retrouve son état non local, les perceptions deviennent de type expérientiel (proche de ce qu’éprouvent les personnes en situation de mort imminente), d’un tout autre ordre que les perceptions sensorielles dont la pensée sait rendre compte.  En fait, l’expérientiel est non local, ni spatial ni temporel. Quand la perception se restreint à une moindre dimension et devient locale (situations habituelles), le temps et l’espace permettent de se le représenter et d’en rendre compte. Mais si la conscience s’ouvre, la perception est de moins en moins restreinte. La pensée peut toujours en rendre compte, mais au-delà d’une certaine ouverture la perception devient de type expérientiel et non local. La pensée peine alors à s’en faire une représentation, et l’intellect, qui n’analyse que le sensoriel spatio-temporellement circonscrit, ne sait pas quoi en faire… Il parvient cependant parfois à en donner quelques esquisses à travers des métaphores !  

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2.La pensée : du sensoriel au non pensable

2.1.  Le sensoriel et la survie

Les sens sont originellement (phylogénétiquement) des outils de survie. Depuis les premiers êtres unicellulaires capables de repérer par capteurs sensoriels les endroits où il y a de la lumière afin de les rejoindre et d’y trouver leur ressource, jusqu’aux animaux évolués capables, à partir de ce qu’ils perçoivent, d’élaborer des stratégies pour attraper des proies ou éviter des prédateurs, nous avons une évolution des sens. Les notions de plaisir ou de douleur vont ainsi nous amener, par survie, à privilégier ce qui est source de plaisir et éviter ce qui est source de douleur.

Les douleurs physiques visent à nous protéger, à nous inviter à la vigilance et ainsi à préserver notre intégrité. Quelqu’un qui ne sent plus aucune douleur (insensibilité pathologique) peut se retrouver exposé à des dangers et se blesser sans s’en rendre compte. Même si trop de douleur peut devenir contre-productif, la douleur joue un rôle vital essentiel.

Ce mode, qui assure la survie dans le monde physique, laisse une trace dans celui de la pensée. Là aussi nous aurons tendance à privilégier ce qui est source de plaisir et à rejeter ce qui est source de douleur. Cependant, nous distinguerons d’une part la trace qui est dans la pensée (outil mnémonique), permettant de ne pas être une nouvelle fois exposé au danger, ou de renouveler le plaisir, qui nous met aux aguets ; et d’autre part la trace laissée dans la psyché (zone existentielle) où se trouvent les êtres blessés ou heureux que nous avons été.

La trace qui est dans la pensée permet de ne pas retourner vers un danger déjà rencontré, ou sinon avec les précautions adaptées, alors que la trace laissée dans la psyché permet de préserver notre sécurité et notre intégrité : mise à part des zones blessées (survie) et intégration des zones épanouies (vie), la quête étant la complétude.

De ce fait, dans la psyché aussi, l’inconfort appelle notre attention, mais cette fois-ci en vue de restaurer notre intégrité psychique. Les symptômes éprouvés (expérience psychique non sensorielle, de nature endogène) visent à des remédiations à accomplir, là où des clivages de survie ont eu lieu, mais aussi à réaliser des déploiements là où ils sont à réaliser (devenir qui l’on a à être).

A la différence du plan physiologique, où il convient d’éviter le prédateur ou d’attraper la proie, sur le plan psychique, il convient plutôt d’aller rejoindre ce qui avait été clivé dans la psyché puis de récupérer une ressource (complétude), et de devenir qui l’on a à être (déploiement). Dans tous les cas il s’agit d’accomplir une mise au monde.

Nous noterons que les traces qui sont dans la pensée (zone mnémonique) existent du fait d’une source exogène (le monde extérieur), alors que les traces qui sont dans la psyché (les symptômes éprouvés) existent du fait d’une source endogène (le monde intérieur). La finalité des signaux mnémoniques est la survie dans le monde extérieur, alors que la finalité des signaux psychiques (symptômes) est la paix dans notre monde intérieur.

Cependant ces deux modes se mélangent et nous avons tendance à fuir dans notre psyché ce qui appelle notre attention, faisant une sorte de confusion avec des prédateurs à éviter. Cela a dû contribuer à diaboliser l’inconscient !

2.2.  La pensée et la réalité

Il résulte de la sensorialité une représentation du monde.

La pensée (l’intellect), en se développant, rend compte du sensoriel et permet une représentation du monde. Nous avons tendance à prendre pour réalité objectivable ce que les sens perçoivent. Pourtant, la représentation du monde peut prendre différentes formes en fonction des sens et des moyens mentaux disponibles. Comment un cétacé ou une chauve-souris, qui perçoivent par sonar se représentent-ils le monde ? Difficile à imaginer. Comment une taupe qui perçoit son environnement par le tact et les vibrations telluriques, avec une mémoire de ses chemins de galeries, se représente-elle son environnement ? Là aussi difficile à imaginer.

Mais les différences de représentation sont encore plus subtiles car la représentation du monde n’est pas le monde, même si elle permet d’y naviguer, de s’y protéger ou d’y trouver ses ressources. La fameuse phrase « la carte n’est pas le territoire » prend ici tout son sens, car la représentation du monde au cœur de la psyché n’est pas la monde, mais seulement l’image que l’on s’en est faite. Nous pensons voir le monde tel qu’il est, et être capables de faire clairement la différence entre nos représentations intérieures et la réalité extérieure, mais nous ne voyons le monde que « comme nous nous le représentons », et pas vraiment « comme il est ». Cela ne vient pas d’un défaut personnel, mais du mécanisme de perception.

Si nous prenons le sens visuel, en regardant un objet nous pensons « voir cet objet » de façon objectivable (le voir pour le croire). Pourtant, le mécanisme subtil qui se met en œuvre nous donne moins de certitude qu’il n’y paraît : la lumière émanant de cet objet vient placer une image sur notre rétine, qui envoie des influx nerveux au cerveau, qui communique au mental des données ; le mental va interpréter ces données en fonction de celles déjà rencontrées par le passé, et il va fabriquer une image mentale ; cette image mentale sera aussitôt reprojetée là où se trouve l’objet initialement source (tout cela en une infime fraction de seconde). Finalement, ce que nous voyons, ce n’est pas vraiment l’objet initial, mais l’image mentale que nous en avons fait (liée à nos expériences antérieures) et que nous reprojetons. La « réalité » que nous percevons autour de nous se retrouve ainsi avec une bonne dose de virtualité, de projections personnelles.

Nous savons depuis longtemps qu’il y a d’un côté « notre monde intérieur » et de l’autre « le monde extérieur », mais il apparaît comme une nouveauté que ce monde dit « extérieur » ne soit finalement qu’une projection de notre monde intérieur… et voilà ce que nous prenons pour la réalité ! Qu’il s’agisse de souvenirs ou d’imaginaire, la pensée peut représenter ce que les sens perçoivent ou ont perçu. Cela permet d’avoir accès à des images du monde qui nous aident à nous y repérer.

Notons que dans le cas des hallucinations (là on se repère beaucoup moins bien !), il y a une perception « réelle », mais interprétée en fonction d’éléments qui lui donnent parfois une drôle d’allure. Dans ce cas l’image qui est reprojetée là où se trouve ce qui est perçu est particulièrement éloignée de l’objet initial.

2.3.  Le sensoriel et l’évolution vers l’ontique

A cela s’ajoute, qu’arrivé à l’humain, les enjeux psychiques diffèrent des enjeux de la survie corporelle : il s’y ajoute les besoins de sens (signification, profondeur), de transcendance (quelque chose qui nous dépasse), d’accomplissement (devenir qui l’on a à être), de considération (la sensibilité d’autrui à notre égard), d’amour (le bonheur que l’on suscite chez autrui) etc., qui sont les besoins ontiques (voir publication de juin 2019 « Les besoins »)..

Les outils que sont notre sensorialité et notre pensée se retrouvent alors avec des enjeux d’un nouveau type, pour lesquels ils ne sont encore que très moyennement performants, s’il ne s’y ajoute pas l’intuition et la sensibilité.

Les outils initiaux tentent une représentation « figurative » du monde, mais ils ne savent pas, ou mal, représenter la zone ontique, car nous touchons là une zone non pensable du monde.

Certes, le mental et la sensorialité forment une équipe bien rodée concernant les problématiques de survie et les analyse en termes de plaisir/déplaisir. Nous devons à cette capacité, développée au cours de l’évolution, que nos ancêtres aient pu survivre, avoir une descendance… finalement nous lui devons le fait d’être là. Cela a permis de gérer les problématiques vitales (trouver des ressources et éviter les prédateurs, même au-delà de la préhistoire).

Mais la conscience, émergeant au monde, a d’autres impératifs pour continuer son chemin. Comme nous le propose le paléontologue Pierre Teilhard de Chardin, nous avons la géosphère (zone de l’énergie matérielle), la biosphère (zone de l’énergie vitale, de grouillement cellulaire sur la planète) et il distingue la noosphère (zone ontique de la psyché ou de la conscience, qui au-delà de la notion d’énergie aborde la Vie*) [Teilhard de Chardin, Le phénomène Humain – le Seuil, 1955, p.199].

mai 2016 « Vie et énergie » mettant en exergue les différences entre ces deux aspects trop souvent confondus.

Il va donc plus loin en énonçant que la problématique de l’évolution n’est pas seulement celle de la survie, mais aussi celle de la conscience qui, à travers ces phénomènes évolutifs, se fraye un chemin d’expression qui dépasse les simples problématiques de la géosphère et de la biosphère :

« La présence d’un plus grand que nous-mêmes, en marche au cœur de nous » (Teilhard de Chardin, p196).

 « L’Homme ne progresse qu’en élaborant lentement, d’âge en âge, l’essence de la totalité d’un Univers déposé en lui. » (ibid.,1955, p.199).

« Ce n’est plus un simple champ, si grand soit-il, - c’est la Terre entière qui est requise pour alimenter chacun d’entre -nous. » (ibid., p.273).

« L’Etoffe de l’Univers, en devenant pensante, n’a pas encore achevé son cycle évolutif » (ibid., p.279).

Il nous propose même :

 « La conscience monte à travers les vivants » (ibid., p.195)

Et concernant les nouvelles capacités émergeantes il évoquera la possibilité de

« Résonance au Tout » (ibid, p.296).

ni les sens, ni les images mentales, ni l’intellect, ne peuvent clairement rendre compte, du moins pas de façon figurative.

Nous arrivons dans la zone des intuitions, des esquisses, de la « représentation » de l’indicible et même du non pensable. En effet, il y a des choses éprouvées dont le mental ne sait pas rendre compte avec la moindre représentation, car il fonctionne surtout à partir de la sensorialité.

2.4.  Les esquisses du non pensable

Ce qui est éprouvé, et non représentable mentalement, peut se nommer expérientiel. Il y a le sensoriel (machinerie sensitivo-mentale bien rodée) et il y a l’expérientiel (nouveauté déroutante de l’évolution, de la conscience en émergence). Les deux fonctionnent au cours d’une même existence, mais comme seul le sensoriel peut conduire à des objectivations, bien souvent l’expérientiel est laissé de côté, laissé aux rêveurs ou aux poètes, parfois aux mystiques.

Il y a ainsi une tranche de la vie dont notre intellect ne sait trop quoi faire. Elle peut même passer inaperçue, comme si elle n’existait pas. Or ainsi que nous l’avons évoqué précédemment, nous avons la réalité résultant du sensoriel et des images mentales, puis les vérités résultant des analyses intellectuelles et des démonstrations (régulièrement remises en cause au fur et à mesure des avancées de la science). Mais nous avons aussi le Réel, dont ni les sens ni l’intellect ne savent rendre objectivement compte*.

*Voir sur ce site la publication d’avril 2019 « La réalité, les vérités et le Réel »

Comment est-il possible qu’une chose éprouvée ne puisse trouver de représentation ? Nous sommes assez habitués à considérer que pour certaines choses subtiles il n’y ait pas de mots (l’indicible), mais cela va encore plus loin : là il n’y a même pas de pensées… donc évidemment pas de mots non plus.

Nous connaissons ce phénomène au niveau des expériences de mort imminente : « j’ai vu toute ma vie en même temps », « j’entends ce que va dire l’autre avant qu’il parle car je suis lui tout en étant moi », « je me déplace dans l’espace… non je suis l’espace », « j’avais la connaissance de Tout », …etc.*

*Rapporté par exemple dans « Dead Line » du Dr Jean Pierre Jourdan, 2006, ou dans « Voyage au-delà de mon cerveau » de la neuroanatomiste Jill Bolte Taylor, 2008.

Mais cela ne concerne pas que ce type d’expérience. Tout au long de la vie se trouvent des expériences de l’ordre de l’indicible et du non pensable. Cela commence dans l’enfance : nous y avons des éprouvés que permettent la candeur et qui sont impartageables avec les adultes matures (n’oublions pas la différence entre la maturité liée à l’âge, et la conscience liée à l’ouverture : on peut être ouvert avant d’être mature, ou même mature sans s’être ouvert). Ainsi, dans l’enfance (hors situations de trauma) se vivent des expériences profondes qui ne trouvent pas d’échos de la part des adultes, et dont ceux-ci semblent avoir perdu la trace de l’importance et de la pertinence. L’essayiste Khaled Roumo en rend bien compte dans son livre « L’enfant voyageur » (2016). L’enfant se retrouve souvent acculé par les adultes à donner des arguments « rationnels » qui ne correspondent pas à ses motivations ou à son expérience, mais qui vont apaiser l’adulte qui ne se situe pas au même endroit. Il voulait voir la lune à travers son verre d’eau et l’a renversé au cours de l’expérience. Aux reproches il répondra « j’ai pas fait exprès, j’ai pas fait attention », mais ne parlera pas de son expérience et de son rêve d’étoiles.

Il en est de même pour ses amis invisibles, pour ses peurs, ses joies, ses intuitions, pour ses sensations d’étrangeté, d’une vie ailleurs, sans parler de ceux qui ont une conscience non locale… des éprouvés qui ne rentrent dans aucun des champs proposés par les adultes. Il sera utile de différentier ce qui est « puéril » (enfantin, immature) d’avec ce qui est riche de « candeur », c’est-à-dire de « blancheur » (œuvre de conscience, d’ouverture, de pureté, d’émerveillement).

Comment une chose réelle peut ne pas être représentable mentalement ? Nous devons à Edwin A. Abbott, mathématicien, le conte Flatland où un Être plat, un carré, vivant en deux dimensions (un monde où il n’y a que le nord et le sud, l’est et l’ouest) ne comprend pas ce que lui dit un être tridimensionnel, une sphère : « il y a aussi en haut ». Alors il croit que « en haut » c’est « plus au nord », car il ne peut se le représenter (il ne dispose ni de mots ni de pensées). Perspicace, la sphère finit par le faire sortir du plan. Ainsi placé « au-dessus », il découvre qu’il voit tous les côtés d’une forme géométrique en même temps sans avoir besoin d’en faire le tour, et même l’intérieur sans avoir besoin de l’ouvrir. Cela nous semble évident, mais pas pour lui. Remarquons bien (et c’est le but de ce conte) que nous avons le même problème quand un mathématicien nous explique que si nous regardons un cube depuis une 4e dimension, nous voyons toutes ses faces en même temps et même l’intérieur sans l’ouvrir. Quant au monde subtil, voire spirituel, nous avons pour habitude de dire qu’il est plus élevé et même « en haut »… nous sommes alors un peu comme le carré qui croit que « en haut » c’est plus au nord.

Ceci n’est qu’un exemple pour illustrer que nombre de phénomènes éprouvés ne se représentent pas mentalement (car le mental ne sait pas le faire) et sont pourtant bien réels. De ce fait il est parfois difficile de faire la différence entre ce qu’on appelle l’imaginaire (construction mentale) et l’expérientiel (vécu éprouvé non représentable). Cela se traduira par « j’ai l’impression que… » et nous ne savons pas terminer notre phrase… si bien que nous évitons d’aborder de tels sujets.

Notre seule possibilité est d’en donner des métaphores « C’est un peu comme si… » : « Comme si je savais ce qui va se passer », « Comme si j’étais dans les étoiles », « Comme si je n’étais pas seul », « Comme si tout était possible », « Comme si c’était encore là », « Comme si je savais tout », « Comme si j’étais connecté à toute l’humanité »… etc.

Si certains de ces énoncés peuvent faire partie de rêves, de constructions mentales ou d’immaturité, il arrive souvent que de telles métaphores tentent de rendre compte d’une expérience dont l’intellect ne sait pas accomplir la représentation. Cela se rapproche de ce qu’en psychothérapie on appelle la zone transpersonnelle (Dr Stanislav Grof, psychiatre).

2.5.  La conscience, cognitivement inaccessible

Ainsi, la conscience est là, mais l’intellect ne semble pas pouvoir en rendre clairement compte. Mais alors, que fait-elle ? Si elle produit des choses que nous ne pouvons pas clairement nous représenter, et qu’en plus elle le fait à notre insu, est-ce bien réel ? Quelle différence entre l’imaginaire et l’expérientiel ? En dehors de l’expérientiel quel rôle joue la conscience ? Quel est ce phénomène de notre nature intime qui semble distinct de l’intellect, du cognitif, de l’imaginaire… qui touche une zone du Réel inaccessible à notre pensée (voir la publication d’avril 2018  « La réalité, les vérités, le Réel »).

Imaginer, c’est volontairement se représenter quelque chose. Au contraire de l’imaginaire, l’expérientiel, c’est vivre quelque chose que l’on ne choisit pas, que l’on ne se représente pas forcément, qui simplement « est », comme si cela avait sa vie propre. Une chose sur laquelle notre volonté est peu opérante. Cela ne suffit pas à situer l’expérientiel, mais ça en donne une idée.

Nous voyons qu’ici la volonté n’opère pas, mais qu’elle peut œuvrer en coopération avec des élans qui appellent notre attention. « Je veux » ne fonctionne pas, mais « je veux bien » fonctionne. Elle n’opère pas en termes d’action, mais en termes de délicatesse, d’écoute, de reconnaissance, d’ouverture. Dès qu’il s’y trouve de l’énergie « pour » ou « contre », le charme est rompu.  Cela ne fonctionne plus dès qu’une force intervient, dès que le mode réflexion de l’intellect s’en mêle. Tout se passe comme si la conscience réclamait plus de pertinence, plus de partenariat, plus de lucidité, plus d’éveil. La conscience, outre d’être « ce à travers quoi nous percevons » semble être une zone source de justesse, de pertinence, d’accomplissement de la délicatesse, d’accomplissement de quelque chose qui nous dépasse en termes de « chez-nous d’humanité » à la fois infini mais cosy, dont on ne sait rien mais qui nous est familier, où se côtoient le « semblable de chacun » et « la diversité de tous ».  

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3.La conscience : discrète source de justesses

3.1.  La source et l’origine

La source c’est le premier endroit où l’on voit l’eau, mais l’eau vient de plus loin et concerne la vastitude de tout un écosystème (dont les nuages, le ciel, les océans…).

De même, la conscience est une source, mais ce qui en vient, ce qui en émane, vient de plus loin… vient de la Vie (Noosphère). Ainsi la conscience serait en même temps ce à travers quoi l’on perçoit, mais aussi une source venant remédier à notre « déshydratation existentielle ». Le flux y circulerait de façon écosystémique, globale, réciproque.

Quel est donc ce « flux » s’écoulant de la conscience, dont l’intellect ne sait que faire, mais dont il a la capacité de faire des esquisses suffisantes pour les rendre cognitivement ou intuitivement accessibles, afin que chacun puisse s’en nourrir. 

L’idée de Noosphère de Pierre Teilhard de Chardin est remarquable. Nous y trouvons l’évolution, qui est une émergence de la conscience au monde. Une sorte d’écologie existentielle, une pertinence systémique, des justesses à l’œuvre qui attendent notre accompagnement, mais qui souvent nous déroutent, car notre intellect est encore maladroit pour les appréhender.

Nous inventons alors des espaces de liberté comme les « états modifiés de conscience » pour y accéder et ne pas perdre cette précieuse nourriture qui passe à travers les neurones comme le sable file entre les doigts.

3.2.  État modifié de conscience

Il est sans doute aussi délicat pour l’intellect d’identifier et de se représenter la conscience que pour un astrophysicien d’identifier et de représenter un trou noir. L’objet existe bel et bien, mais il est difficilement accessible aux instruments ordinaires.

Pareillement pour la conscience, en état habituel de l’intellect et de la pensée, elle reste invisible, inconsciente (paradoxe), cognitivement imperceptible.

Alors les « états modifiés de conscience » viennent à notre secours. Cependant qu’est-ce qu’un « état modifié de conscience » ? Tout se passe comme si l’état habituel était un état de moindre conscience et l’état modifié de conscience un état augmenté de conscience. L’hypnose, un des moyens utilisés à cet effet peut œuvrer dans les deux sens : diminuer la conscience et mettre en état de dépendance à des injonctions, ou augmenter la conscience et rendre plus libre des injonctions antérieures. C’est ce que propose l’hypnothérapie humaniste :

« Concrètement, la personne étant dans son état ordinaire de conscience, on lui applique la technique qui permettrait de la sortir d’un état d’hypnose (comme on le ferait à la fin d’une séance d’hypnose).

Le fait de la « réveiller » alors qu’elle est dans son état « normal » provoque très curieusement chez elle une autre sorte de transe : on aurait pu penser qu’il ne se passerait rien, mais on observe la survenue des mêmes « signes de transe » (les indices physiques) qui montrent qu’une personne est en état d’hypnose.

Il y a donc bien un « état modifié de conscience », avec la possibilité de produire tous les phénomènes connus de l’Hypnose, mais grâce à davantage de conscience (et non plus par mise dans l’inconscience). On parle alors d’état de « conscience augmentée »

http://www.hypnose-humaniste.com/lhypnose-humaniste-en-quelques-mots/
Patricia d’Angeli-Lockert Thérapeute d’orientation jungienne, spécialisée en symbologie, enseignante, co-fondatrice de l’Institut Français d’Hypnose Humaniste & Ericksonienne (IFHE)
Olivier Lockert Hypnothérapeute, auteur, Président de l’Institut Français d’Hypnose Humaniste & Ericksonienne (IFHE), Enseignant international en Hypnose, Enseignant certifié en PNL

Il reste néanmoins à voir ce que sont ces injonctions antérieures avec plus de précisions. Certaines peuvent être des moments de soumissions (dont il est juste de se libérer), d’autres sont une manifestation « spécialement pour » un accomplissement pertinent (qu’il convient plus d’accomplir que de résilier).

Il semble que la conscience offre la manifestation des pulsions de Vie et de survie produisant clivages, remédiations, symptômes et déploiement de chacun d’entre nous.

3.3.  Les pulsions de Vie et de survie

Ce qu’on appelle « commandements hypnotiques naturels », dénoncés comme source de bien des inconforts, produisent divers symptômes (manifestations), dont certains rendent la vie bien difficile. Pulsions, inhibitions, états dépressifs, hyperactivité, troubles divers (alimentaire, langage, phobique, maniaque, sexuel, attentionnel, etc.).

Il se trouve que la source de nombre de ces symptômes vient de la psyché elle-même (endogènes), afin de gérer des problématiques de clivages à reconnecter, ou de déploiements à accomplir.

La psyché produit des pulsions naturelles que l’on nomme en maïeusthésie « pulsion de Vie » et « pulsion de survie ». La première invite à accomplir les remédiations (contacts rétablis au niveau des clivages) ou les déploiements (devenir qui l’on a à être), grâce à la production de symptômes les favorisant. La seconde accomplit une préservation de la psyché face à l’insoutenable, en générant des clivages protecteurs et les compensations qui permettent de les compenser, de les rendre supportables. Ces deux pulsions œuvrent en dialogique (comme le diraient Edgar Morin ou André de Peretti), c’est-à-dire en deux forces contraires qui s’étayent l’une l’autre en intelligence, sans jamais se combattre.

Ces deux pulsions antagoniques œuvrent en synergie (et non pas l’une contre l’autre) afin d’optimiser l’émergence de la conscience, de la présence au monde, la complétude, l’intégrité, la contribution de chacun à une totalité qui le dépasse (d’où le transgénérationnel et le transpersonnel). Il sera juste que les praticiens qui proposent des accompagnements en tiennent compte.

Ce que l’on peut nommer maladroitement (mais du mieux que l’on peut) « émergence de la conscience », est en fait la disponibilité d’une ouverture plus étendue, permettant à la psyché de mieux « être au monde », de mieux « y être qui elle est », de « mieux y être avec la vastitude existentielle qui l’environne implicitement ».

3.4.  La pertinence

En s’ouvrant, la conscience permet de mieux discerner la pertinence des phénomènes psychiques à l’œuvre.

Finalement la conscience est-elle la source de tout cela ? Est-ce plutôt la psyché, est-ce la Vie, ou autre chose ? Comment trouver un vocabulaire adapté à ce que nous souhaitons désigner? Nous usons des mots qui semblent une évidence, mais si nous voulons une précision adaptée, il n’est pas si simple d’être juste.

Comme nous l’avons vu, le mot « conscience » désigne aussi bien « une source », « une destination », « une présence existentielle », qu’« une ouverture » permettant de percevoir le monde de façon plus ou moins large, ou plus ou moins bornée.

Quel que soit le vocabulaire choisi, il n’en demeure pas moins que des phénomènes de pertinence semblent à l’œuvre et que ces commandements dits « hypnotiques », qui semblent nous encombrer, jouent un rôle plus bâtisseur que destructeur et qu’il convient de les considérer avec attention avant d’intervenir dessus. Il semble que l’accompagnement des justesses à l’œuvre soit plus efficient que toute forme d’éradication, car il s’agit de pertinences conduisant vers des finalités qui nous attendent.

3.5.  Des finalités comme sources

L’idée de finalité pourrait laisser entendre qu’une sorte de but est pré-écrit et induit nos comportements. Une sorte de téléonomie où la finalité, un futur à réaliser, conduirait le présent, en vue de sa réalisation. C’est à la fois vrai et faux. Vrai car un symptôme existe « spécialement pour » l’accomplissement d’une remédiation ou un déploiement, et faux car rien n’est écrit et tout se joue pas à pas.

Nous sortons d’une idée déterministe où un passé produit un futur, mais nous ne tombons pas dans un inverse où un futur pré-écrit produirait un passé.

Tout s’ajuste vers un accomplissement, de façon systémique, dans une vastitude qui se joue en synergie, et qui n’est pas forcément accessible à la pensée intellectuelle.

« Des corrélations instantanées multidimensionnelles surviennent entre les parties d’un organisme vivant, et même entre divers organismes vivants et milieux de vie. La recherche de pointe dans le domaine de la biologie quantique a découvert que les atomes et les molécules dans l’organisme, et même des organismes entiers et leurs milieux de vie, sont presque aussi liés les uns aux autres que les particules qui proviennent du même état quantique. » (Laszlo - 2016, p.42)

A propos des énigmes cosmologiques, Ervin Laszlo précise qu’il se révèle une cohérence omniprésente par-delà l’espace et le temps (ibid, p.33).

« Mais la cohérence dont il est question ici est plus complexe et remarquable que dans sa forme ordinaire. Elle renvoie en effet à une syntonisation quasi instantanée entre parties et éléments d’un système, que ce système soit un atome, un organisme ou une galaxie. Toutes les parties d’un système offrant cette cohérence se trouvent en corrélation telle, que ce qui arrive à une partie arrive également aux autres parties. » (ibid, p.31)

Dans cette visée, il ne s’agirait pas d’un trauma antérieur produisant un symptôme présent, mais d’une remédiation à accomplir (un futur) dont le symptôme représentait un chemin possible, une invitation, le rappel d’un accomplissement à réaliser… une sorte de « commémoration d’un futur qui attend d’être rejoint ». Ainsi la source de ces symptômes se trouverait plus dans le futur que dans le passé, sans pour autant que ce futur n’écrive notre vie, ou soit déjà écrit. Ces symptômes permettent de préserver un accomplissement en attente de réalisation, concernant notre complétude et notre déploiement.

Si un fait traumatique se produit, il en résulte un auto-clivage protecteur de la psyché. C’est ce clivage (et non l’événement traumatique) qui produit la visée de complétude à restaurer ultérieurement. Le clivage s’opère par survie protectrice, le symptôme visant la remédiation se produit ensuite, et sa source est cette complétude attendue plus que le trauma lui-même.

Ces phénomènes échappent à notre pensée et à notre volonté. Ils semblent l’œuvre de la conscience, agissant à l’insu de notre intellect. Souvent par réflexes, nous avons plus tendance à combattre ces phénomènes qu’à les accompagner, car nous les confondons avec les mécanismes sensoriels de plaisir/déplaisir .

Nous gagnons beaucoup à être plus conscients de la finalité de ces phénomènes. Les praticiens peuvent ainsi œuvrer avec plus d’efficience, et aussi les patients eux-mêmes, y compris en auto thérapie.  

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4. L’inconscient : source haut potentiel

Ces phénomènes qui sont cognitivement invisibles (ou extrêmement discrets), sont pourtant des sources majeures de notre complétude et de notre accomplissement. Ils sont néanmoins accessibles en état modifié de conscience.

4.1.  NousNous

Parmi les phénomènes qui se passent à l’insu de notre pensée, nous avons une zone de « gardiennage », ou plutôt de « garderie » (mot plus délicat) qui prend soin des Êtres de Soi que nous avons clivés. Qu’il s’agisse d’une œuvre de la pulsion de survie, suite à un trauma, ou d’un choix volontaire d’éloigner de notre esprit les éléments existentiels « trop chargés » émotionnellement, ce qui nous heurte ou nous déplaît… rien de Soi n’est en fait perdu, abandonné, effacé. Suite à cela, la pulsion de Vie veille à notre intégrité et opère une garderie en douceur de ce qui a été mis à l’écart, afin que rien d’existentiel ne soit perdu.

La trace des faits, trace événementielle, sert pour la survie (ne pas se laisser abîmer en situations analogues ultérieures), mais surtout la trace des Êtres qui ont vécu ces faits (trace existentielle), sert à ne pas se retrouver définitivement morcelé, explosé, éparpillé, amputé d’un Être de Soi. J’aime nommer cette zone de garderie de la psyché « NousNous », car elle prend soin de tous ces « Nous » (Noos) clivés du Soi. Les symptômes jouent alors ici un rôle de « mémorial » pour n’oublier personne vers cette complétude à accomplir.

Nous pouvons y imaginer comme une assemblée de tous ces « à part de Soi » qui, ne pouvant constituer notre intégrité, restent cependant en attente de retour au cœur de la psyché, au cœur du Soi, afin de lui restituer sa complétude. C’est la pulsion de Vie qui produit cette zone « NousNous » afin que rien du Soi ne se perde et que tout reste disponible pour une intégration ultérieure, quand nous en aurons la capacité.

Dans sa bienveillance la pulsion de Vie produit aussi des symptômes, qui tels des signaux parfaitement ajustés, appellent notre attention en vue de cette réintégration, vers tout ce qu’il lui est ainsi confié en garderie.

4.2.  Des clivages sans trauma

Il importe de comprendre qu’il y a aussi des clivages sans trauma. Plus exactement, lors d’un événement violent, il arrive que la psyché mette certaines de ses zones ressources à l’abri avant même qu’elles ne soient impactées. Nous avons ainsi, dans la zone « NousNous », des ressources mises à l’abri du trauma, clivées, maintenues en sécurité, mais qui n’auront subi aucun impact.

Nous découvrons alors en thérapie par exemple l’enfant qu’on était (dans toute sa candeur et sa potentialité) mis à l’écart lors d’une tempête circonstancielle avant même d’en avoir souffert. Bien sûr il manque à l’adulte que nous sommes devenus. Mais quand nous le retrouvons il n’est aucunement en souffrance et ne l’a jamais été. Il est bien mieux portant que nous-même dans le présent. Il ne s’agit pas alors de valider ses douleurs éprouvées dans leur nature et leur dimension, mais simplement de se laisser émerveiller par ses qualités et de l’accueillir dans ce nouvel instant sécurisé. L’on peut alors de nouveau bénéficier de sa ressource, de sa fraîcheur, de sa candeur et accroître notre complétude.

4.3.  Mémoire des faits et mémorial existentiel

L’on fera la différence entre la mémoire des faits, et le mémorial des Êtres.

La mémoire des faits sert à la survie afin de ne pas être exposé une nouvelle fois au danger. C’est là que se trouvent des réactivations, des réactions involontaires quand une situation analogue (même sans danger) se produit. La technique de l’EMDR (eye movement desensitization and reprocessing), par exemple, s’occupe très bien de cette zone en replaçant la mémoire dans un endroit qui ne l’expose pas à des réactivations émotionnelles inadaptées. Les techniques comportementales (dans les TCC), elles, réalisant une désensibilisation permettent de désactiver ces réactions qui ne sont plus adaptées. Dans cet endroit de la mémoire des faits, il s’agit alors d’une sorte de clivage d’avec certains aspects du monde factuel environnant. Mais il se trouve que cette mémoire des faits est intriquée avec le mémorial des Êtres, car dans les faits, il y a un Être qui a eu un ressenti.

Le mémorial existentiel, lui, sert à ne pas oublier les Êtres de Soi clivés. Il consiste en des symptômes dont la finalité est l’accomplissement des remédiations qui conduisent à la complétude de Soi. C’est ce point qui est particulièrement pris en compte en maïeusthésie. Il se trouve que quand on prend soin de l’Être qui a été clivé (reconnaissance de qui il est par la réjouissance que l’on éprouve à le rencontrer, et validation de ses éprouvés en termes de nature et de dimension de ce qui a été éprouvé), la mémoire des faits cesse aussi d’être impactante en termes réactionnels. Mais il arrive cependant que les deux approches (désensibilisations et remédiations) puissent harmonieusement se compléter.

Dans le cas de ce mémorial des Êtres, il s’agit plutôt d’un clivage dans le monde existentiel, d’avec certains de ceux que l’on a été, de ceux dont on est issu ou autres (transpersonnel). Dans le cas de la mémoire factuelle, il s’agit d’un clivage dans le monde matériel (même si les deux sont quelque peu intriqués).

Dans cette publication, nous parlons plus des symptômes au niveau « mémorial existentiel » qu’au niveau « mémoire des faits ». La « mémoire des faits » concerne l’intellect, le « mémorial des Êtres » concerne la conscience.

Il est intéressant de noter que la psychologie s’est souvent trop occupée des faits et de l’intellect, plutôt que du ressenti, de la conscience et de l’existentiel. Toutefois, quand elle s’est occupée des ressentis (ce qui est souvent le cas) elle est cependant trop souvent restée accrochée aux faits qui les ont produits et aux impacts sur la pensée. L’inconscient abordé, de ce fait, procède plus d’un dysfonctionnement de l’intellect, que d’un processus de la conscience. Cela n’a pas permis de donner à l’inconscient ses lettres de noblesse car il n’a été envisagé que sous l’angle des réactions émotionnelles liées à du factuel. Ici nous proposons d’aller vers l’existentiel, ses pertinences, ses agencements systémiques, voire « hyper systémiques » (avec le transpersonnel). Les symptômes y sont des signes en vue d’accomplir des remédiations ou déploiements, et non plus des indices de dysfonctionnements. Il se trouve qu’abordée sous cet angle la thérapie produit des résultats rapides, profonds et définitifs dans la plupart des consultations qui, en plus, n’ont pas besoin d’être nombreuses.

4.4.  L’étendue des clivages possibles

Le clivage peut concerner des zones de notre existence accessibles à notre mémoire. Pourtant, le fait de se rappeler une circonstance ne signifie pas que l’expérience éprouvée en soit connue. Il se peut même que « ce que nous nous rappelons avoir ressenti » (par la mémoire) ne soit pas « ce que nous avions effectivement expériencé ». Nous découvrons cela quand, au lieu de nous appuyer sur notre mémoire, nous le demandons « en direct » à celui que nous étions, celui-ci devient ainsi une source de première main.

Alors, ayant identifié celui « qui appelle notre conscience à travers un symptôme », nous mettons notre attention sur lui et lui demandons par exemple, chaleureusement, en toute simplicité :

« C’est cela que tu as vécu !? » (évoquant le ressenti éprouvé dans le symptôme). Puis si la réponse est « oui » nous pouvons lui demander « C’était à quel point ? » le but étant la reconnaissance (de l’Être), puis la validation (de l’éprouvé dans sa nature et sa dimension).

Si la signature du symptôme n’est pas assez précise, nous pouvons lui demander « Que s’est-il passé pour toi !? ». Quand nous avons besoin de le savoir il n’y a qu’à le lui demander 

Il s’agit d’un échange simple, en présence, sans protocole, en rencontre directe et naturelle.

Cette source est-elle fiable ? En fait, cela n’est ni objectivable, ni démontrable. Mais il semble qu’en termes d’efficacité et de résultats, cela soit plus efficient que notre mémoire. De toute façon notre mémoire n’est pas une source fiable non plus, car se rappeler quelque chose c’est le reconstruire à la lumière de tout ce qui a été vécu depuis. Il arrive souvent que notre propension à « relativiser » nous laisse croire que cela était bien moins douloureux que ça ne l’était, ou que notre propension à « dramatiser » ou à « trouver des raisons artificielles » nous en fasse faire un calvaire que ça n’était aucunement.

Le contact « direct » nous permet de remédier à cet inconvénient. Comment réalise-t-on ce contact direct ? Nous mettons notre attention sur celui que nous étions et nous le lui demandons simplement comme on le ferait avec un ami avec qui l’on partage un café (certes il s’agit d’une sorte d’état modifié de conscience, mais ainsi que nous l’avons vu, cela peut se faire en toute simplicité).

Il y a aussi des zones de notre vie qui ne sont pas accessibles à notre mémoire (enfance, prénatale, ou même zones de black-out). Elles seront abordées de la même façon, car le symptôme pointe vers elles. Riche de cette perception grâce au symptôme, le patient saisit juste ce qui émerge à sa conscience et y trouve l’interlocuteur (l’Être de Soi) qui appelait en vue de reconnaissance et de validation

Mais notre zone biographique n’est pas la seule zone où se trouvent des Êtres clivés qui appellent notre conscience. Nous trouvons aussi la zone intergénérationnelle (parents, grands-parents) ou transgénérationnelle (aïeux lointains) où se trouvent ceux dont nous sommes issus, avec toute l’étendue de leur existence (depuis leur conception), avec leurs joies et avec leurs peines.

Ces zones inter ou trans générationnelles ne sont pas non plus les seules zones de clivages possibles. Nous trouvons aussi le transpersonnel, concernant des Êtres sans liens avec notre biographie ou notre histoire familiale, ou même des pans entiers de l’humanité, ou des « esprits », « d’autres vies », des expériences « en dehors » de l’existence, ou toute chose a priori surprenante, mais vers lesquelles nous conduisent les symptômes. Nous y opérons de la même façon.

L’objectivation de telles choses est bien sûr impossible, mais tel n’est pas le propos. Que l’on contacte la zone biographique, inter ou trans générationnelle ou même transpersonnelle, il s’agit de réalités subjectives à la fois tangibles (tact psychique) et non objectivables (non démontrables intellectuellement). Ces réalités subjectives que l’on contacte ne doivent en aucun cas être réduites à de l’imaginaire car elles sont bien plus. Nous nous devons de leur attribuer le qualificatif de « réalité » en lui adjoignant celui de « subjective » (réalité du sujet). Cela pourrait constituer un nouvel aspect de la phénoménologie.

Ce qui, par contre, est parfaitement objectivable, c’est que quand la zone de la psyché est identifiée et les remédiations accomplies, les symptômes disparaissent, comme s’ils cessaient d’être nécessaires, comme si cette « réalité subjective » faisait partie du Réel*, où une finalité vient d’être rejointe.

*Voir sur ce site la publication d’avril 2019 « La réalité, les vérités et le Réel »

4.5.  La temporalité

En situation habituelle, notre pensée accède à ce qui se passe autour de nous dans le présent, et distingue bien ce qui est présent, passé ou futur. Ceci se fait tout de même avec un grand filtrage de données, en fonction de nos capacités, de nos besoins et de nos centres d’intérêts : ainsi, la cécité d’inattention (zones aveugles hors de nos centres d’intérêt) ne permet pas à notre conscience d’accéder à l’entièreté de ce qui se présente à nos sens, afin de ne pas nous saturer en informations superflues.

Au sein de la psyché, il y a bien plus que le présent au sens habituel du terme. Ce que contacte la conscience n’est pas forcément temporalisé. En état modifié de conscience (en conscience plus lucide), tout se passe « comme si tout était contemporain » et se situait dans un présent qui ne finit pas. Par exemple, même si nous savons que l’enfance a eu lieu dans notre passé, quand nous contactons en thérapie l’enfant que nous étions, tout se passe comme si celui-ci « était là » en conversation avec nous, en attente de notre considération, de notre reconnaissance et de nos validations… ou même de nous offrir sa ressource. Il est aussi, nous l’avons vu, une source de première main pour mieux comprendre ce qu’il a éprouvé (bien mieux que notre mémoire).

Autant l’intellect fonctionne en temporalité (tout y est successif, chronologique, bien situé sur la ligne de temps), autant la conscience se moque de cette temporalité. Elle n’est pas chronologique, ni même chronique (car la notion de durée n’y est pas de même nature). La conscience concerne l’existentiel et non l’événementiel. Bien sûr, cet existentiel peut être relié à un événementiel qui aide parfois à l’identifier (quand on a quitté la maison pour aller à l’école, quand le petit frère est né, quand la grand-mère est morte, ou quand telle ou telle situation bouleversante ou même traumatique s’est produite). Mais se fier aux événements de la vie pour trouver la pépite existentielle qui nous attend est parfois aléatoire. C’est pourquoi le guidage non directif s’appuiera plus sur des analogies de ressentis (patterns) que sur des circonstances particulières (événements).

Cette zone existentielle n’est généralement pas accessible à l’intellect. Sans doute est-ce pour cela qu’on la nomme « inconsciente ». Il s’y trouve une multitude « d’à part de Soi » qui appellent la conscience, afin que le champ de celle-ci le rende accessible à notre pensée. La conscience semble donc œuvrer hors temporalité et concerner l’existentiel plus que l’événementiel.

Ainsi, quand le praticien reformule un ressenti du patient, il le fera en tenant compte de cela. Il va tenter de le décontextualiser pour l’énoncer de la façon la plus expérientielle possible : si le patient dit « j’ai été bouleversé de rater mon examen », le praticien peut poursuivre en demandant « Qu’est-ce qui a été le plus bouleversant pour vous dans le fait de rater cet examen ? » afin de faire préciser le ressenti. Mais si le non-verbal du patient a été suffisamment explicite concernant l’importance de cet examen à ses yeux, le praticien peut directement demander « Rater quelque chose d’essentiel… cela vous est-il arrivé ? Ou bien est-ce la première fois ? Est-ce arrivé à l’un de vos proches ? » afin de situer une éventuelle autre expérience de cette nature… même en intergénérationnel, y compris en transpersonnel. Il peut même demander « Rater quelque chose d’essentiel… cela a-t-il déjà concerné un Être* ? » afin d’englober l’éventualité d’une zone transpersonnelle (libre du temps ou de l’espace).

*si le mot « Être » convient au patient, sinon « cela a-t-il déjà concerné quelqu’un » sera préférable. Toujours utiliser un langage qui est clair pour le patient. 

Ni spatiale ni temporelle, ni topique ni chronique, en maïeusthésie nous dirons que la conscience, comme la psyché, sont uchrotopiques (uchronique : hors temps -  utopique : hors espace).

4.6.  La production de symptômes

Les symptômes sont vus en psychologie et en psychiatrie comme la manifestation de dysfonctionnement :

« Quelle que soit la cause originelle il doit être considéré comme un dysfonctionnement comportemental psychologique ou biologique de l’individu » (DSM - XXXV)

En psychanalyse ils sont vus comme la manifestation d’une chose refoulée.

C’est une option, de les considérer ainsi. Mais le mot symptôme vient du latin « symptoma » ou du grec « sumptôma » qui signifie « coïncidence des signes » et dérive du verbe grec « sumpiptein » : tomber ensemble, survenir en même temps, se rencontrer, et issu de la racine latine « petere » signifiant chercher à atteindre… qui a donné pétition ! (Le Robert - Dictionnaire historique de la langue française)

Plus qu’une erreur ou un dysfonctionnement, il semble que le plus souvent ce qui « tombe en même temps » c’est le ressenti présent (symptôme) identique ou proche du ressenti de l’Être clivé de la psyché. Cet Être est toujours là dans tous nos présents ultérieurs, avec cet éprouvé, en attente d’être rencontré et validé.

La sémiogenèse (production de symptômes) se fait inconsciemment à l’insu de notre volonté, et semble venir de la pulsion de Vie qui, en pure résonance, conduit le sujet présent à éprouver un ressenti analogue à celui de l’Être antérieur clivé. Au point que cela fait de lui un expert de cet éprouvé, ainsi parfaitement équipé pour valider cet Être antérieur dans l’expérience qui fut la sienne.

La plupart du temps, l’expérience montre que le symptôme disparaît aussitôt, quand cette reconnaissance (existentielle) de l’Être antérieur et la validation de son ressenti (émotionnel et corporel ) sont accomplis… et non quand on tente de le calmer, de l’apaiser, ou pire encore de  l’éloigner, de lui « rendre cela qui ne nous appartient pas », de s’en débarrasser ou de l’effacer… (passant outre ce qui nous est implicitement demandé à travers ce symptôme afin de contribuer à la Vie, à la complétude du Soi local [biographique] ou du Soi étendu [transgénérationnel], voire plus vaste encore [transpersonnel]).

Cette résonance entre le passé et le futur se passe comme si le temps n’existait pas, comme si tout était contemporain, comme si la conscience œuvrait en une présence indéfectible se jouant de la temporalité pour s’accomplir, au service de la Vie dans toute sa vastitude.

La conscience produit cela inconsciemment. De ce fait, « l’inconscient » montre ici sa pertinence et son haut potentiel. Il se trouve que le mot « inconscient », avec toute la connotation négative qui l’accompagne habituellement, ne reflète pas cette dimension. Peut-être pourrions-nous le nommer « Un-conscient ». Ainsi nous en gardons la phonétique mais lui rendons honneur dans une expression qui est plus fidèle à sa nature.  

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5.L’inconscient et l’Un-conscient

5.1.  L’« Un-conscient »

Il se trouve donc que la conscience œuvre essentiellement sans l’intervention de notre pensée, ou de notre volonté… c’est-à-dire inconsciemment ! Au niveau des processus, des ressources, des déploiements à accomplir… bien des choses se passent à notre insu. Heureusement, car nous ne serions pas intellectuellement capables de les éco-réguler correctement par notre simple volonté.

Comment désigner cette zone de conscience qui œuvre à notre insu : peut-être « l’Un-conscient » ?

L’Un-conscient, serait « la pertinence qui nous chuchote à l’oreille du cœur »… tel un murmure de la Vie nous permettant d’en accomplir la cohérence. Cette cohérence vue par les physiciens et les astrophysiciens toucherait-elle aussi la psyché ? :

« […] ce qui arrive à une partie arrive également aux autres parties. Dans un nombre croissant de domaines scientifiques, les chercheurs rencontrent cette forme surprenante de cohérence ainsi que la corrélation qui la sous-tend. Ces phénomènes surviennent dans des disciplines aussi variées que la physique quantique, la cosmologie, la biologie évolutive et la recherche sur la conscience. Par ailleur ils semblent signaler une forme et un degré d’unité auparavant insoupçonnés dans la nature » (Ervin Laszlo, 2016, p.31).

De même qu’Ervin Laszlo parle de l’« in-formation » qu’il distingue de l’« information » pour parler de ce qui anime l’univers des physiciens, ici nous pourrions parler de « l’Un-conscient » pour évoquer ce qui anime la psyché.

Cela permettrait, non seulement de ne plus diaboliser cet endroit de notre vie intime, mais aussi d’en signifier le « Chez Nous d’Humanité » s’exprimant à travers nos différences, et où les avancées émergeant à un endroit profitent aux autres endroits du monde, c’est-à-dire en « synergie forte », ainsi que nous le propose l’anthropologue Ruth Benedict (Maslow, 2006, p. 223 à 236). Ervin Laszlo nous présente un propos analogue par un autre biais :

« […] ce qui arrive à une partie arrive également aux autres parties » (Laszlo, 2016, p.30)

« […] cohérence omniprésente par-delà l’espace et le temps » (ibid., p.33)

« Les particules sont intrinsèquement liées les unes avec les autres. […] Selon le physicien Nick Herbert "l’essence de la non-localité est une action à distance sans intermédiaire… Une interaction non locale relie un lieu à un autre sans traverser l’espace, sans s’altérer, et sans délai". Selon le théoricien quantique Henry Stapp "Ce lien pourrait être la plus grande découverte de la science" » (ibid., p.95-100).

Il ajoute qu’il s’agit d’une interaction qui n’exige aucune énergie (p.100)

Nous découvrons pareillement que dans la psyché tout est en « interrelation » (ou plutôt en intrication ou interconnexion) sans qu’une énergie ne soit nécessaire (sauf pour y résister) … et qu’un flux de pertinence attend le « feu vert » de notre volonté (non pas en termes de « je veux », mais en termes de « je veux bien ») pour s’accomplir sans effort.

Il en découle la différence entre l’« énergie » (le « faire », thermodynamique, avec transfert d’énergie) et la Vie (l’« être », plénitude réciproque sans transfert). Ainsi, ce qui s’accomplit chez un sujet profite de façon non-locale aux autres sujets et au monde. Tout se passe alors comme si la Vie ou la conscience visait son accomplissement à travers l’œuvre de chacun (peut-être le colibri de Pierre Rabhi), grâce à un « Chez-Nous d’Humanité » à la fois infini et cosy, dont on ne sait rien mais qui nous est familier, où nos différences n’entravent pas la rencontre du semblable, mais en augmentent la richesse.

L’« Un-conscient » (intrication, plénitude en cours) prime largement sur l’« inconscient » (au sens freudien du terme, zone sombre de la psyché). Les deux phénomènes « mémoire » (des faits et émotions) et « mémorial » (des Êtres de Soi clivés) cohabitent. Cependant, en thérapie, il importe de tenir particulièrement compte du « mémorial ». La pertinence à l’œuvre y permet l’émergence globale (monde) de la conscience, grâce aux actions locales (individuelles) des patients. Une cohérence s’y trouve, qui mérite un accompagnement des justesses, plus qu’une correction des erreurs. Cette cohérence découverte par les scientifiques (dont les astrophysiciens) semble être à l’œuvre depuis l’atome jusqu’aux galaxies, alors pourquoi pas du cœur de la psyché individuelle jusqu’au monde.

Nous pourrions ainsi aller jusqu’à un « Un-conscient collectif » qui œuvrerait pour un monde en synergie où, même à leur insu, les Êtres entre eux, individuellement, s’ajusteraient avec pertinence, de façon systémique, produisant des symptômes sociaux, qui invitent chacun à un cheminement intérieur en vue d’un « mieux-être » global, d’une émergence de la conscience rejoignant sa justesse dans le monde. Il semblerait même que les Hawaïens, avec leur approche Ho’oponopono, aient eu une belle intuition de cela, où il ne s’agit pas d’agir sur le monde, mais grâce au monde, « d’agir en soi », hors de tout pouvoir, dans la gratitude, dans l’émerveillement. Nous trouverons ici dans cet « Un-conscient collectif » de la maïeusthésie une version plus simple que l’inconscient collectif de Jung. Celui de Carl Gustav Jung tend plus vers des analogies anthropologiques de source phylogénétique (évolution de la vie) que vers une structure ontique de la psyché, quand bien même la dimension spirituelle était au cœur de son approche.

De cet « Un-conscient collectif » il émerge tout naturellement l’idée d’« archétypes existentiels » (archétype : type primordial, premier exemplaire, modèle initial, structure fondatrice) qui conduisent les phénomènes psychiques (clivages, remédiations, déploiements, émergences de la conscience) avec de nombreuses pertinences que nous retrouvons systématiquement. Ce sont des processus dynamiques invariants.

De ce fait, le praticien œuvre en non savoir par rapport au vécu personnel de son patient (c’est même ce qui fait sa compétence), mais en même temps, il connaît ces archétypes existentiels (processus dynamiques invariants) qui lui permettent, dans cette sorte de « Chez-Nous d’Humanité », de trouver le plus court chemin vers ce qui est en train de s’accomplir chez son patient. Cette notion « d’archétypes existentiels » fera l’objet d’une prochaine publication car elle mérite qu'un document lui soit dédié.

Nb. Les notions « d’Un-conscient collectif » et « d’archétypes existentiels » sont ici à différencier de « l’inconscient collectif » et des « archétypes » de Jung (pour ceux qui les connaissent). Avec un grand respect pour l’approche junguienne, à laquelle un praticien en maïeusthésie ne peut qu’être sensible du fait de la dimension du Soi, nous aurons néanmoins ici des nuances propres à la maïeusthésie. L’inconscient collectif de Jung est plus axé sur l’histoire de l’humanité (l’antérieur) . L’« Un-conscient collectif » en maïeusthésie est plus une source de pertinence pour  l’accomplissement d’un devenir (l’ultérieur).

5.2.  Conscience : ouverture et anesthésie

Cet « Un-conscient » œuvre donc à notre insu, mais avec pertinence. Notre vie peut en être facilitée quand l’ouverture de conscience nous y rend sensible, tout en étant associée à un état veille (lucidité) suffisant.

Il convient de distinguer d’une part « l’ouverture de conscience » qui, pareille à un champ visuel permet une vision plus ou moins vaste, et d’autre part « l’état de veille ou d’anesthésie » qui, dans cette ouverture perçoit de façon plus ou moins nette ce qui se passe.

Dans notre analogie avec le champ visuel, le champ de conscience plus ou moins ouvert, serait pareil à des œillères, limitant plus ou moins nos possibilités de perception. D’un côté ce champ concernerait la largeur, la vastitude, la possibilité potentielle ; de l’autre veille/anesthésie concernerait l’état des « paupières » ouvertes, fermées, ou mi closes... donc notre capacité à profiter de cette ouverture.

L’ouverture de conscience (champ) est une chose. L’état de veille (« paupières » ouvertes) ou d’anesthésie (« paupières » fermées) en est une autre.

D’un côté une ouverture de conscience qui serait encore restreinte (étroite, bornée) peut bénéficier d’un état veille et d’un intellect performant (cela donne le célèbre « science sans conscience n’est que ruine de l’âme »). D’un autre coté, une ouverture de conscience très vaste peut au contraire se retrouver occultée par un état de veille imparfait, voire anesthésié, donc moins performant. Il n’est pas rare justement que des consciences très ouvertes soient associées à de l’anesthésie, car alors ce qui est perçu est si vaste que le sujet ne sait qu’en faire, se sent débordé. De plus il n’a que peu d’occasions de le partager, car cela ne rentre pas dans les cases que l’intellect social a prévues.

Une conscience ouverte permet d’aborder beaucoup de sujets et les différences y sont bienvenues, alors qu’une conscience plus étroite ne supporte pas ce qui est hors des règles prévues. En étant plus étroite, la pensée y est sécurisée, rangée, bornée, et la nouveauté ou la différence, n’y sont pas bienvenues.

Ainsi un sujet peut avoir une conscience bornée avec cependant une grande performance intellectuelle… de ce fait les discussions y sont aussi élaborées qu’ennuyeuses. A l’inverse, un sujet intellectuellement bien moins performant mais à la conscience ouverte pourra échanger sur bien plus de thèmes et les différences, la créativité ou les nouveautés y seront accueillies comme de belles opportunités… de ce fait les conversations y seront beaucoup plus profondes, plus riches, quand bien même parfois intellectuellement moins ciselées.

Naturellement, si la conscience est ouverte et que, en même temps, l’état de veille et l’intellect sont performants, cela est d’autant plus avantageux que ce que perçoit la conscience n’est pas toujours aisé à mettre en mots. C’est sans doute qu'évoquait René Descartes quand il parlait de la « lumière naturelle de l’esprit », car ici nous pourrons parler de « lucidité » (synonyme de « lumière », c’est-à-dire « d’ouverture », car à cette place le mot « lumière » signifie plus « ouverture » que « éclairage »).

5.3.  Prendre, perdre, avoir… conscience

La conscience. Il paraît qu’on peut la prendre, l’avoir, la perdre.

-Celui qui « prend conscience » réalise, s’ouvre à quelque chose de plus. La vastitude de son champ s’est accrue. Il fait équipe avec l’Un-conscient que son intuition lui permet de contacter. Mais pourquoi avons-nous utilisé le mot « prendre » pour énoncer ce phénomène ? En fait c’est plus quelque chose que l’on reçoit soudainement que quelque chose que l’on prend !

-Celui qui « a conscience de » se rend compte, prend la mesure, bénéficie d’une ouverture permettant à son système cognitif d’accéder, d’avoir une juste estimation de quelque chose. Il permet naturellement à l’Un-conscient d’œuvrer en lui.

-Celui qui « perd conscience » se déconnecte. En fait il ne la perd pas, mais s’anesthésie tout en gardant son ouverture. Il la retrouvera quand il « reprendra conscience », ou « reprendra connaissance » (sortira de son anesthésie). Là encore, l’expression nous le propose comme un choix volontaire : « il reprend conscience », alors que cela ne semble pas en rapport avec notre volonté… On pourrait plutôt dire que le sujet « tombe inconscient » (involontairement), puis « revient en état de veille » (tout aussi involontairement).

Quelle est donc cette chose que l’on peut « prendre », « avoir » ou « perdre », puis « reprendre » ? Si la conscience est une ouverture, elle offre un champ de perception. Mais on parle plus souvent « d’ouverture d’esprit » que « d’ouverture de conscience ». L’esprit et la conscience seraient-ils synonymes ? L’ouverture d’esprit semble plus intrinsèque concernant un individu lui-même (l’esprit étant plus qui il est) et la conscience plus une sorte d’accessoire (puisque c’est un chose qu’il a, à travers laquelle il perçoit). Mais ne dit-on pas aussi « reprendre ses esprits » (on en a même plusieurs ! tous ceux qu’on a été au cours de son existence ?). Pourtant, la conscience semble n’être qu’« un de nos instruments » et l’esprit être davantage « qui l’on est ».

En effet, si l’esprit était quelque chose que l’on a, qui en serait le propriétaire, qui serait celui qui a cet esprit ? Les terminologies sont assez floues. Pourtant nous disons « avoir de l’esprit », souvent pour témoigner d’une capacité d’humour. Dans ce cas, quand nous utilisons le mot « esprit », c’est souvent pour désigner l’intellect, ou le mental (le « mens » des latins) qui est lui aussi un outil. Alors le mot « esprit » (spiritus = souffle) n’est pas utilisé dans son sens initial : ce que l’on est (et non ce que l’on a). Mais ne dit-on pas maladroitement « mon esprit », « mon âme », « mon Soi » etc… alors que chacun de ces mots désigne plus ce que l’on est dans notre nature profonde, plutôt que ce que l’on a : « l’esprit que je suis », « l’âme que je suis », « le Soi que je suis ». D’un autre côté, on peut dire « mon mental », « mon intellect », « ma personnalité », « mon moi », « ma conscience », car là ce sont des instruments dont nous disposons.

L’on reprend « ses esprits » (plusieurs), alors qu’on reprend conscience (une seule). Le mot « esprit » est fluctuant, désignant tantôt une capacité intellectuelle, tantôt une dimension spirituelle (peut-être ce « souffle » transcendant que l’on laisse passer en Soi). Le moins que l’on puisse dire est que les terminologies sont hasardeuses en ce domaine !

Pourtant, indéniablement, l’intellect est un outil de gestion des données reçues par la sensorialité. Il conduit à avoir des pensées structurées et mémorisées (même si pour les grecs, « l’intellect » désignait les dieux). 

La conscience, elle, est un outil de perception expérientielle de la Vie et conduit à une connexion intime et étendue avec le monde, à des intuitions, à une sensibilité (à ne pas confondre avec l’émotivité, qui est un « heureux ratage » (perte de pouvoir nécessaire) de l’intellect ouvrant une brèche vers des possibilités de conscience : symptômes).

L’Être ou le Soi, eux, désignent le sujet lui-même… dans sa nature systémique élargie (transpersonnelle), donc assez difficile à isoler de ce qui l’entoure.

Quant aux mots « âme » (anemos= vent) et « esprit » (spiritus=souffle) ils désigneraient plutôt un flux subtil que l’on peut laisser circuler, grâce à l’ouverture de conscience (flux de Vie [être] à différencier d’un flux d’énergie [faire]).

Il n’est pas certain que toute la lumière soit faite ici sur ces mots et leur usage, mais il importait de les parcourir pour réaliser combien le langage peine à rendre compte de l’existentiel.

5.4.  Une ouverture évolutive

Tout au long de la vie cette ouverture semble s’accroître. Il ne s’agit pas tant d’une capacité intellectuelle qui augmente (sensorielle et mentale), mais d’une vastitude de la capacité expérientielle qui s’élargit. Tout se passe comme si cette ouverture s’étendait sans jamais se rétrécir.

L’intellect « se développe » avec l’éducation et les études (et par entraînement gagne en performance), la conscience, elle, « s’ouvre » avec la vie expériencée, et aucun entraînement ne peut en forcer l’ouverture.

-L’intellect se développe ;
-la conscience s’ouvre ;
-le Soi se déploie.

« Se développer » consiste à ajouter des éléments, « s’ouvrir » permet de bénéficier d’un champ plus vaste, alors que « se déployer » consiste à révéler ce qui était replié, encore invisible en nous, et attendait d’apparaître au monde (comme pour les monades de Liebnitz -Monadologie 1999).

Chaque ouverture supplémentaire met un individu face à des aspects du monde jusque-là invisibles pour lui. Quand ces aspects ne sont pas supportables, il y a non pas la possibilité de rétrécir son « champ », mais de s’anesthésier dans celui-ci. Cette anesthésie peut parfois être totale (perdre connaissance quand c’est trop fort) ou partielle (en cécité d’inattention qui masque partiellement ce qui est perçu, grâce à des priorités focalisant l’attention).

Ce qui n’est pas perçu peut ne pas l’être soit du fait d’une ouverture encore insuffisante, soit d’une distraction occultant une partie de ce qui est dans notre champ de perception. Cette cécité peut être volontaire (distraction, pour ne pas y penser) ou accidentelle (quand quelque chose nous mobilise de façon importante).

L’intellect ne semble pas en mesure de percevoir en même temps tout ce qu’offre la conscience. Il arrive que, en état modifié de conscience, un sujet perçoive expérientiellement (sans passer ni par les sens ni par l’intellect) une vastitude, une cohérence, une systémie globale, bien au-delà de ce qui peut se penser. Ainsi, Jill Bolte Taylor, neuro anatomiste qui fit une expérience hors du commun lors d’un AVC de son cerveau gauche nous rapporte :

« Les instants ne se succédaient plus les uns aux autres mais demeuraient éternellement en suspend […] J’ai renoncé à l’action au profit de l’être […] Je ne me sentais plus isolée ni seule au monde […] Je ne voyais plus en trois dimensions. Rien ne me semblait plus ni proche ni lointain. » (Taylor, 2008, p.86-87).

« Quelle joie de fusionner avec l’univers ! À l’idée de ne plus pouvoir me considérer comme quelqu’un de normal, un frisson m’a toutefois parcourue. Comment concilier mon appartenance à l’espèce humaine avec mon intuition que chacun de nous possède autant de force vitale que le reste du monde. […] Jusque-là je n’étais donc que le pur produit de mon imagination. » (ibid., p.88).

« Je flottais en suspens entre deux dimensions irréconciliables » (ibid., p.91).

L’intellect ne sait pas bien rendre compte d’une telle expérience, mais il peut en tracer une esquisse qui la rend partageable. Cependant pour être sensible à cette esquisse, un minimum d’ouverture est nécessaire, car l’intellect à lui seul ne peut l’appréhender sans l’aide de la conscience. Il se trouve que la conscience peut être plus ou moins disponible et même disposer de différents états, dont « les états modifiés de conscience » pour y accéder (que nous aborderons au paragraphe 5.6).

5.5.  Psyché, conscience, intellect : déploiements, ouvertures, développements

Nous pouvons distinguer la psyché (le Soi) avec ses clivages ou sa complétude et ses déploiements ; la conscience avec son ouverture croissante, sa sensibilité existentielle et expérientielle (distincte du sensoriel), comme une interface subtile entre le Réel et la psyché ; l’intellect, avec son développement continuel, à ne pas confondre avec un déploiement, car il bénéficie d’ajouts de données et de compétences, qui rendent compte des expériences sensorielles et de l’ensemble des données mémorisées, de la réalité factuelle (événements processus, apprentissages etc.).

La conscience dans son état habituel, bénéficie d’une ouverture en lien avec le déploiement de la psyché. Ce déploiement du Soi se poursuit toute la vie durant. Contrairement à l’intellect (outil à penser), au moi (personnalité) et au corps (matérialité), qui se développent puis déclinent avec l’âge au niveau de leurs facultés… le Soi et la conscience poursuivent leur accroissement d’amplitude jusqu’au bout de la vie : le Soi poursuit son déploiement et la conscience continue à élargir son champ.

Quand au cours de l’existence il se passe un événement majeur (séparations, ruptures, accidents, maladies graves, imprévus majeurs, deuils, etc.) la conscience est sollicitée dans un nouveau champ et s’ouvre soudainement dans une zone auparavant inconnue. L’intellect en savait parfois l’existence, mais cela n’avait pas de réalité.

L’intellect donne une représentation de la réalité (événements, faits) alors que la conscience contacte le Réel (éprouvé, souvent indicible, parfois non pensable). Si par exemple l’on sait qu’il arrive que l’on meure prématurément, si cela arrive à un proche, ce qui est éprouvé n’a rien à voir avec ce qui était su. C’est toute la différence entre la réalité (événementiel que l’on sait) et le Réel (expérientiel que l’on éprouve).

Ce qui est éprouvé ou expériencé est même parfois tellement invraisemblable et inattendu que nous observons une dénégation (nous ne percevons même pas ce qui est trop inattendu - réalité non perçue), ou un déni (perçu, mais inacceptable - réalité rejetée, activement niée, occultée). L’intégration se fera en plusieurs étapes bien observées par Elisabeth Kübler Ross (dénégation, révolte, marchandage, dépression, acceptation) qu’elle énonce, pas seulement comme des étapes de fin de vie, mais comme de étapes naturelles de la vie à chaque fois qu’on est face à « trop d’un coup ».

Hors de ces situations exceptionnelles, la vie est tout naturellement parsemée d’étapes où la conscience se retrouve avec une expérience indicible :

-Le bébé qui passe du ventre maternel avec une présence de sa mère en continue, à un lieu où il a faim, chaud, froid, sommeil, une présence de parents par alternance… etc.

-L’enfant qui passe à l’adolescence, qui n’est plus un enfant mais pas encore un adulte, avec en plus un corps dont le changement radical (taille, aspect) n’est pas toujours facile à intégrer, avec en plus l’émergence de la sexualité (étape génitale). Que peut-il en partager ? Que peut-il même s’en représenter en pensée ? Le sujet est bien délicat à aborder et même à conceptualiser, car ce n’est pas la zone de compétence de l’intellect.

-L’adulte en milieu de vie qui perçoit que la vie a besoin de sens et pas seulement d’avoir ou de réussite. Si on lui a bien montré les processus de compétence en vue de personnalité affirmée, de succès, d’avoir, de carrière… rien n’a été révélé en termes de sens et de conscience. En milieu de vie se trouve une crise qui appelle vers le sens, sans qu’aucun modèle n’en ait proposé l’esquisse. Souvent à ce stade il ne s’agit alors que d’intuitions amenant une sorte de frustration mal identifiable : frustration du besoin de sens.

-Le sénior en milieu de sa deuxième étape de vie. Les petits enfants arrivent, les parents vieillissent ou même meurent. Tout cela était su par l’intellect, mais le panorama qui se présente est assez inattendu, et ce qui est expérientiellement éprouvé reste difficile à verbaliser ou même à penser distinctement, et donc aussi à partager clairement.

Ces moments de crise sont des moments naturels de crise d’accroissement de la conscience, où celle-ci est sollicitée en termes d’ouverture. Mais on ne sait qu’en faire car rien ne nous éduque culturellement (du moins chez nous) à ces étapes. Alors chacun s’en débrouille au mieux, riche de ses intuitions, parfois avec de la poésie, ou de la spiritualité, ou de la philosophie, ou de la psychologie… ou tout simplement avec son propre bon sens.

5.6.  Les états modifiés de conscience

Hors de ces étapes, il y a des états modifiés de conscience. Rappelez-vous ce qui est dit en hypnothérapie, cité en début d’article :

« Concrètement, la personne étant dans son état ordinaire de conscience, on lui applique la technique qui permettrait de la sortir d’un état d’hypnose (comme on le ferait à la fin d’une séance d’hypnose).

Le fait de la « réveiller » alors qu’elle est dans son état « normal » provoque très curieusement chez elle une autre sorte de transe : on aurait pu penser qu’il ne se passerait rien, mais on observe la survenue des mêmes « signes de transe » (les indices physiques) qui montrent qu’une personne est en état d’hypnose.

Il y a donc bien un « état modifié de conscience », avec la possibilité de produire tous les phénomènes connus de l’Hypnose, mais grâce à davantage de conscience (et non plus par mise dans l’inconscience). On parle alors d’état de « conscience augmentée »

L’hypnose joue donc non pas sur un « ensommeillement », mais sur une conscience augmentée. Ce qu’il convient de savoir c’est que cet état augmenté est à portée de coeur et ne nécessite pas beaucoup d’effort.

René Descartes, infatigable chercheur, mal connu à cet endroit-là, avait énoncé plusieurs de ces phénomènes, approchés grâce à sa propre sensibilité et son propre bon sens, sans s’appuyer sur des recherches antérieures, car il avait décidé d’étudier en lui-même et non plus de suivre les précepteurs :

-Sentiment d’être
« Puis examinant avec attention ce que j’étais, et voyant que je pouvais feindre que je n’avais aucun corps, et qu’il n’y avait aucun monde, ni aucun lieu où je fusse ; mais que je ne pouvais pas feindre pour cela, que je n’étais point ; et qu’au contraire, de cela même que je pensais à douter de la vérité des autres choses, il suivait très évidemment et très certainement que j’étais » (Le discours de la méthode 2000, p66).

-Sentiment de penser
(bien que l’on soit en droit de se demander si « être » et « penser » sont la même chose, l’un procédant de l’intellect et l’autre du Soi. Mais comme dans tous les énoncés métaphoriques il reste des zones floues).
« je connus là que j’étais une substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser, et qui, pour être, n’a besoin d’aucun lieu, ni ne dépend d’aucune chose matérielle. En sorte que ce moi, c'est à dire l’âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps ; et même qu’elle est plus aisée à connaître que lui, et qu’encore qu’il ne fût point, elle ne laisserait pas d’être tout ce qu’elle est » (ibid, p.67).

-La sensorialité mise en doute
« …j’ai autrefois appris de quelques personnes qui avaient les bras et les jambes coupées, qu’il leur semblait encore quelquefois sentir de la douleur dans la partie qui leur avait été coupée ; ce qui me donnait sujet à penser, que je ne pouvais aussi être assuré d’avoir mal à quelqu’un de mes membres quoique je sentisse en lui de la douleur » (Méditation sixième, 1999, p.322).

-Où est la réalité ?
« je n’ai jamais rien cru sentir étant éveillé, que je ne puisse sentir quand je dors ; et comme je ne crois pas que les choses qu’il me semble que je sens en dormant procèdent de quelques objets hors de moi, je ne vois pas pourquoi je devrais avoir cette créance touchant celles qu’il me semble que je sens en étant éveillé » (Méditation sixième, 1999, p.323).

L’intellect n’est pas très performant pour rendre compte de telles choses, mais nous remarquons que Descartes (dont se recommandent pourtant les esprits bornés qui ne l’ont pas lu) a flirté avec celles-ci. Bien des philosophes et penseurs continuent à décrier Descartes sans avoir pris la mesure de son ouverture et de sa sensibilité.

Avoir une telle sensibilité, c’est se démarquer de la pensée commune et parfois se retrouver en peine dans sa vie sociale, par manque d’interlocuteurs « parlant la même langue ».

René Descartes parle souvent de la « Lumière de l’esprit ». Il a même écrit cet ouvrage peu connu « Recherche de la vérité par la lumière naturelle » (1999), où il met en scène un sage, un lettré, et un candide. Il y montre que le lettré a perdu son bon sens, n’a plus sa lumière de l’esprit disponible, contrairement au candide.

La « lumière de l’esprit » est « l’ouverture de l’esprit », c’est-à-dire « la conscience ». Le mot « lumière » est synonyme d’ouverture, telle une fenêtre dans un mur, ou le centre d’un tube (que l’on appelle « la lumière du tube »). On pourrait dire que la conscience est alors une sorte de « lumière » (passage) entre la psyché locale et la Vie dans sa vastitude (zone ontique, Noosphère), un passage de nature expérientielle.

Celui-ci est différent du passage que nous offrent les sens qui, lui, crée juste un canal entre le corps et le monde physique (zone physique et sociale de la géosphère et de la biosphère). Un passage de nature sensorielle.

Ouvrir son champ de conscience est-il compatible avec la vie sociale ? Oui car on y est plus sensible à autrui… et non, car autrui n’entend pas cette ouverture, voire parfois la rejette. Abraham Maslow a remarqué combien il n’est pas évident d’oser socialement une telle conscience, car selon lui, ces personnes sensibles et ouvertes, ontiques :

« …marquent un désintérêt pour les conversations de salon, les échanges de banalités, les mondanités ou autres formes de relations sociales ; ils peuvent alors s’exprimer ou se comporter de manière déroutante, choquante, insultante ou blessante. […] Ils ne sont pas à l’abri de la culpabilité, de l’anxiété, de la tristesse, de l’autopunition, de la lutte intérieure et du conflit. Le fait qu’il ne s’agisse pas de phénomènes névrotiques est peu pris en compte par la majorité de nos contemporains (y compris les psychologues), qui ont donc tendance à les considérer comme des individus psychiquement malades » (Maslow 2008, p234).

De façon plus simple, sans passer par l’intellect, les états modifiés de conscience conduisent à un expérientiel immédiat, (sans intermédiaire, sans média) car ils ne passent pas par la pensée, ni par la réflexion, pourvu qu’ils ne soient pas décriés par l’éducation.

Une sorte de contact direct grâce à la conscience qui devient alors la première interface avec le Réel. Libre des restrictions de l’intellect (qui veut tout objectiver car il gère le monde des objets), nous nous ouvrons alors à une expérience hors du commun (ouverture au monde des Sujets), plus proche du Réel (expérientielle) que de la réalité (sensorielle). Expérience quasiment tangible (touchable existentiellement), et profondément libératrice.

Ce qui est ainsi contacté, en thérapie, peut être biographique, inter ou trans générationnel ou même transpersonnel. L’état de la psyché bénéficie alors d’être rencontré grâce à une ouverture de conscience accrue. Les clivages y sont remédiés (contacts rétablis) grâce aux reconnaissances qui y sont offertes (plénitude) et aux vécus jadis éprouvés qui y sont validés dans leur nature et leur dimension (de éprouvés ainsi attestés ). Les déploiements disponibles (rejoindre qui l’on a à être) y sont accomplis (le Soi s’y révèle dans la nature subtile de son accomplissement).

On pourrait même dire qu’un tel état modifié de conscience est à la base des effets thérapeutiques… pourvu qu’on en fasse bon usage !  

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6.L’Un-conscient et la psychothérapie

6.1.  La conscience œuvre à notre insu

L’intellect permet de rendre compte de la réalité à travers le sensoriel ; les traces laissées dans la mémoire produisent des symptômes (manifestations) gérant la survie avec ses problématiques plaisir/douleur afin de favoriser l’un et d’éviter l’autre ; il se retrouve alors dans des états variables de réactivité et de « veille/sommeil ».

La conscience, elle, permet de toucher le Réel à travers l’expérientiel, où chaque symptôme est un mémorial visant une complétude à venir de la psyché ou du Soi. La mémoire gère la trace des événements (agréables ou dangereux), le mémorial gère la trace des Êtres clivés, en attente de participer à la complétude.

La psyché ou le Soi se trouvent donc dans des états variables de « veille/sommeil » (lucidité/anesthésie de l’intellect), et bénéficient d’une conscience avec une « ouverture croissante » (champ). Cet état de veille, associé à une ouverture suffisante, conduit à une lucidité plus fine et plus vaste. Les « états modifiés de conscience » permettent de bénéficier de cette ouverture et de passer outre les anesthésies partielles... peut-être même d’anticiper des ouvertures non encore réalisées.

Chez les grecs il y a les « Intellects » (ce mot désignait les dieux). Selon Plotin ceux-ci sont issus de l’Un qui, dit-il, n’existe pas car sa nature n’est pas d’exister… mais qui est la source unique de Tout (monisme). Il en est, toujours selon lui, pareil de l’âme :

« Celle-ci ne comporte aucune étendue, pas même par la pensée ; elle n'a pas besoin d'être en un lieu, elle n'est contenue dans aucun autre être, ni en partie ni en totalité » […] Sans avoir d'étendue, l'âme est présente dans toute étendue ; elle est dans un lieu, et elle n'est cependant pas dans ce lieu » (Plotin, 4, IV, 2 - I)*.

Et dans les *ENNEADES : 4e Ennéade LIVRE II (traité 4 dans l’ordre chronologique) : COMMENT L'ÂME TIENT LE MILIEU ENTRE L'ESSENCE INDIVISIBLE ET L'ESSENCE DIVISIBLE chapitre I (lien) Traité 4, Ennéade IV, livre 2, chapitre I. Voir dans la bibliographie pour le processus de citations de l’œuvre de Plotin.

Toujours selon Plotin, concernant ces éléments dont l’âme fait partie, il y a un indicible lien entre le Tout et les éléments :

 « Chaque partie est un tout et reste un tout sans que la totalité soit amoindrie. » (traité 8, IV-9 [10] ; 2003, p.49)

De nos jours l’intellect désigne plutôt l’outil cognitif, l’outil à penser, et c’est plutôt le mot « conscience » qui a pris le relais pour désigner laïquement quelque chose de plus profond, plus subtil… la part « divine » de l’individu. L’intellect est de nos jours plutôt « côté science » (réalité) et la conscience plutôt du « côté humaniste, profond » (Réel).

L’intellect, très utile dans la réflexion et les constructions mentales, permet d’élaborer un langage, des idées, de réaliser un partage avec autrui... mais en revanche il limite le champ d’investigation. La conscience, elle, permet d’accéder au non pensable, à l’indicible, mais il est souvent difficile d’en rendre compte clairement, de l’énoncer de façon intelligible pour l’intellect, et de le partager clairement avec autrui.

La conscience comme champ (ouverture disponible) est une chose, mais il semble que le mot conscience définisse aussi une forme de sensibilité existentielle (« être touché par les Êtres », « avoir une conscience », ou même « être empathique »). L’on se sent alors concerné par autrui et cela conduit une vie plus généreuse, hors jugements, avec compréhension. John Stuart Mill, philosophe anglais que je ne me lasse pas de citer, nous donne une idée de ce que permet la conscience, même s’il met le modeste mot « utile » (son ouvrage se nomme « Utilitarisme ») pour désigner ce qu’elle permet dans une vastitude systémique :

« Est utile tout ce qui donne le bonheur sans nuire à tout ce qui vit. […] cet idéal n’est pas le plus grand bonheur de l’agent lui-même, mais la plus grande somme de bonheur totalisé […] une existence aussi exempte que possible de douleurs, aussi riche que possible de jouissances, envisagées du double point de vue de la quantité et de la qualité. […] Une existence telle qu’on vient de la décrire pourrait être assurée dans la plus large mesure possible, à tous les hommes ; et point seulement à eux, mais autant que la nature des choses le comporte, à tous les êtres sentant de la création ». (Mill, 1988, p.57 -58)

La conscience ne s’ouvre pas simplement par un acte de volonté. Elle résulte plutôt d’expériences, de sensibilité en évolution, de découvertes soudaines, d’intuitions, d’interactions multiples. A travers elle, œuvre la Vie (la Noosphère de Pierre Teilhard de Chardin, à distinguer de la biosphère et de la géosphère). Selon lui quelque chose de subtile émerge au monde à travers l’évolution (il est paléontologue) et chacun de nous y participe (« Le phénomène humain » 1995, p.199, déjà cité au chapitre 2.3 : Noosphère = monde de la psyché (Vie) ; la biosphère = monde du grouillement cellulaire sur la planète (énergie vitale) ; la géosphère = monde minéral, énergie physique).

« Tout au fond de lui-même, le monde vivant est constitué par de la conscience revêtue de chair et d’os. De la Biosphère à l’Espèce, tout n’est donc qu’une immense ramification de psychisme se cherchant à travers des formes (Teilhard de Chardin, 1995, p.165).

Si l’on peut définir la conscience comme un champ plus ou moins ouvert… comment définir sur qui ou sur quoi elle est ouverte : elle est une interface entre Nous et Qui ? Ou Nous et Quoi ?

Il semble bien qu’une profondeur nous échappe, d’une part que la science doive s’en méfier pour rester capable d’objectiver et de produire ce qu’elle produit, et d’autre part que nos intuitions doivent continuer à nous « chuchoter discrètement à l’oreille du cœur » pour que nous n’en soyons pas limités, mais aussi que notre intellect ne se rebiffe pas trop, ne se sente pas en danger. L’intellect et la conscience sont censés se respecter mutuellement, car ils forment une équipe.

Cela fait que ce qui œuvre en nous semble efficient, pertinent, systémiquement ajusté… bien que notre intellect n’ait accès à ces processus, dont on peut dire qu’ils sont pour la plupart « inconscients ».

Si la conscience, en plus d’être une ouverture, est aussi source de ces processus, elle réalise tout cela à l’insu de notre intellect. Il se trouve que la plupart des processus pertinents qui se déroulent au cœur de notre psyché le font sans nous demander notre avis : la pulsion de survie opère des clivages protecteurs et des compensations presque confortables, et la pulsion de Vie conserve tout ce qui a été clivé, puis génère des symptômes quand il se produit un fléchissement de l’énergie, pour le retrouver plus aisément. Elle est en permanence garante de notre complétude, de notre intégrité… tout cela sans que nous ayons à le penser ou à le vouloir.

La conscience œuvre donc inconsciemment, ou du moins nous pourrions dire « hors de notre volonté cognitive ». Cependant il arrive que certains de nos souhaits intimes, souvent inaccessibles à notre pensée consciente, infléchissent ces processus. Il ne s’agit pas ici de pensée magique, mais d’une disposition particulière que nous adoptons sans nous en rendre compte. Le principe même de la psychothérapie est d’avoir accès à ces phénomènes plus ou moins conscients, et de les accompagner plutôt que de les combattre.

6.2.  Accompagner ces processus inconscients

Ou bien accompagner ces processus de l’Un-conscient ! Dans la psychothérapie, les processus à l’œuvre dans la psyché jouent à un niveau qui ne concerne que peu l’intellect (il ne s’agit pas d’analyser mais de rencontrer). En ayant accès à ces processus, le praticien peut les accompagner.

Ce ne sont plus les principes sensoriels plaisir/déplaisir (propres à la survie dans la biosphère) qui jouent alors, mais ceux d’un élan vers la complétude et vers le déploiement (propres à la Noosphère avec la Vie, les émergences, la pertinence, les accomplissements, la systémie). Les principes de plaisir/déplaisir et de réalité (survie physiologique essentiellement, mais aussi psychologique au niveau des compensations, de la personnalité, de l’environnement) sont des éléments habituels de la psychologie qui ont aussi leur importance, mais la zone ontique (Noosphère, conscience, Soi, psyché) touche un tout autre domaine. Le praticien qui œuvre surtout d’un point de vue intellectuel aura de ce fait bien des difficultés à y accompagner son patient.

La conscience est une disposition naturelle du Soi qui se déploie toute la vie durant. En attendant un niveau suffisant, le surmoi vient en compenser le manque ou l’étroitesse. Telle une prothèse de conscience, il remplace par des règles (éducatives, sociales, introjectées) ce que le sujet ne perçoit pas encore naturellement. Quand la conscience est d’une ouverture suffisante, le surmoi peut discrètement s’effacer… il n’y en a plus besoin.

Nous avons donc le ça (zone purement pulsionnelle qui ne réfléchit pas dans sa quête de profit), le moi (zone stratégique de l’intellect, de la personnalité, qui analyse en vue de performances vers ce profit), le surmoi (zone compensatrice du manque de conscience, sorte de prothèse permettant une vie sociale acceptable), et le Soi (zone de Vie en déploiement, Noosphère, sensibilité existentielle). Puis nous avons ce qu’on appelle la conscience (que nous abordons depuis quelques pages !), mais aussi le conscient (ce qui est cognitivement accessible) et l’inconscient (ce qui est cognitivement inaccessible).

« …, des penseurs humanistes ont défendu l’idée d’une conscience intrinsèque au-delà du surmoi… » (Maslow 2006, p.373).

Nous avons pour habitude d’imaginer dans l’inconscient des choses plus ou moins sordides refoulées. Nous commencerons par remarquer que « refoulé » ne signifie pas « enfoui », mais « qui ressort » (si vous avez un doute, parlez-en à un plombier, concernant un tuyau d’évacuation qui refoule !). C’est donc un curieux choix de mot, mais qui finalement contient une vérité : il y a tendance à l’émergence (refoulement) de ce qui a été enfoui (on dira plutôt en maïeusthésie « clivé », séparé du Soi).

Ce qui refoule est ce qui émerge, ressort, voire jaillit. La pulsion de Vie produit des symptômes qui ont trop souvent été interprétés uniquement comme des indicateurs de dysfonctionnements, alors que la Vie à l’œuvre tend, grâce à eux, vers une émergence et une complétude… pourvu qu’on n’entrave pas son processus (le symptôme serait « refoulement » dans le sens « émergence »). Ce qu’on nomme habituellement « inconscient » contient donc des zones de Vie, des processus, des blocages, des ressources… on y a mis tant de choses ! En fait c’est un peu tout ce qui échappe à l’intellect, au cognitif, mais qui conduit avec justesse notre vie à l’insu de notre pensée.

Histoire de ne pas envisager trop d’aspects pathos, considérons par exemple simplement le fait de faire du vélo qui met en œuvre une mémoire procédurale sans avoir à y penser, tout autant que la marche, l’écriture, la lecture etc. Cela œuvre aussi inconsciemment tout en étant parfaitement à notre service, sans rien comporter de malsain.

6.3.  « Un-conscient », Conscience et émerveillement

L’Un-conscient réalise à notre insu de multiples pertinences conduisant à une cohérence plus vaste que le confort local.

L’« Un-conscient » (le Soi en complétude accomplie ou potentielle) se déguiserait en « inconscient » pour œuvrer en toute tranquillité sans subir les affres de notre ego (personnalité), de notre outil sensoriel de survie physique (plaisir/déplaisir), afin de permettre à « l’expérientiel » de se manifester et d’accomplir :

-Les remédiations des zones clivées (du biographique au transpersonnel)

-L’ouverture aux Ressources non déployées

-L’émergence des intuitions

-La contribution à une cohérence globale de la Vie (systémique)

Sans doute n’avons-nous pas assez de sagesse et de capacité d’émerveillement pour que cela se fasse consciemment. Si notre volonté et notre ego avaient un pouvoir à ce niveau, bien des corrections erronées viendraient perturber ces justesses à l’œuvre, cette cohérence globale en marche à travers l’évolution... et il y aurait danger.

L’inconscient est en fait une zone discrète de la conscience permettant au Soi d’œuvrer avec pertinence, libre de contraintes égotiques.

De ce fait il porte le nom inadapté « d’inconscient » et nous préfèrerons le nommer « l’Un-conscient », afin de garder ensemble les notions de discrétion et de source de pertinence.

Nous distinguerons la maturité (être adulte) et la conscience (être ouvert). Il arrive qu’un enfant ait plus de conscience qu’un adulte, car chez ce dernier tout ce monde de l’intuition a souvent été anesthésié par l’éducation, et cette conscience initiale se retrouve souvent moins disponible avec la maturité (elle a été anesthésiée).

« Nous en arrivons à ce paradoxe que nos instincts humains, du moins ce qu’il en reste, sont si faibles qu’ils doivent être protégés contre la culture, contre l’éducation, contre l’apprentissage – en un mot contre le risque d’être étouffés par l’environnement. » (Maslow -2008, p119)

Le défi de la Vie est que cette conscience reste disponible avec la maturité, permettant un déploiement du Soi plus efficient tant pour nous-même que pour autrui.

Cette « capacité d’émerveillement face à la Vie à l’œuvre » est essentielle à conserver et à accroître quand vient la maturité. Des scientifiques ont même remarqué (pourtant leur zone de compétence est surtout l’intellect) que les explications et les démonstrations vraies sont généralement simples et belles (Einstein), et que le scientifique doit être capable d’émerveillement pour être un bon chercheur :

« L’univers possède un ordre global et indivisible. […] Chaque partie porte en elle la totalité, et chaque partie dépend de tout le reste. » (Trinh Xuan Thuan- 2019, p.404, 407).

« Le mathématicien Henri Poincaré va encore plus loin. Selon lui le sens de l’émerveillement devant la beauté du monde n’est pas seulement le moteur de l’activité scientifique, il est celui de la vie : "Le scientifique n’étudie pas la nature pour un but utilitaire. Il l’étudie parce qu’il y trouve du plaisir ; et il y trouve du plaisir parce que la nature est belle." » (ibid., p.400)

« La beauté est la conformité des parties les unes avec les autres et avec le tout » (ibid., p.397).

S’il en est ainsi de la science face à la nature, combien plus il devrait en être pour le psychiatre, le psychologue, le psychanalyste ou le psychopraticien face à la psyché… face à la Vie, face à la dimension ontique. Il est essentiel qu’ils soient aussi des révélateurs de la beauté de la nature, qui ne se laissent pas emmener à l’excès dans la recherche d’erreurs ou de dysfonctionnements, de laideurs cachées, ou de monstruosités intimes. Il s’agit ainsi de se libérer d’une sorte de néo-obscurantisme, afin d’accompagner les patients avec plus de grâce.

Dans la psyché, comme dans le cosmos des astrophysiciens, tout est en corrélation. Chacun de ceux que nous avons été contient l’entièreté de Soi. Le monde se trouve en chacun, et chacun participe au monde, bien au-delà de son action locale. Voilà un endroit où la sensibilité à la beauté de la Vie est essentielle, voilà un endroit où la conscience peut s’ouvrir au service de la Vie, où l’Un-conscient peut œuvrer sous le regard lumineux du cœur, sans avoir à se faire aussi discret, au côté de l’intellect qui devient son partenaire pourvoyeur d’esquisses partageables.

Thierry TOURNEBISE  

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Bibliographie  

Abbott, Edwin
-
Flatland   Flatland  -Edition du groupe « Ebook libres et gratuits » -1884
disponible en pdf  à
http://www.ebooksgratuits.com  
http://www.ebooksgratuits.com/pdf/abbot_flatland.pdf  

De Cues, Nicolas
-La Docte Ignorance -Rivages 2008

Descartes, René
-
Le discours de la méthode – Flammarion, Paris 2000.
-
Descartes, Œuvres Lettres - Règles pour la direction de l’espritLa recherche de la vérité par la lumière naturelle – Méditations – Discours de la méthode « Bibliothèque de la Pléiade » Gallimard – Lonrai, 1999  

Bergson, Henri
-La pensée et le mouvant – PUF, 2006

Bolte Taylor, Jill
-Voyage au-delà de mon cerveau, (JC Lattès, J’ai lu, 2008)

Grof, Stanislav
-Psychologie transpersonnelle – Edition du Rocher J’ai lu 1996

Heidegger, Martin
-Être et temps – Gallimard 1986

Jourdan, Jean-Pierre
-Deadline, dernière limite – Pocket Les 3 Orangers, 2006

Jung, Carl Gustav
-La structure de l’âme – L’Esprit du Temps, 2019

Laszlo, Ervin
-Science et champ Akashique – Ariane 2016

Leibniz, Gottfried Wilhelm
 -Principes de la nature et de la grâce – Flammarion, 1999 
-Monadologie – 
Flammarion, 1999

Maslow Abraham
-Être humain - Eyrolles, 2006
-Devenir le meilleur de soi-même – Eyrolles, 2008

Perls, Fritz
-Manuel de Gestalt-thérapie - ESF, 2003

Plotin
-Traités 7-21 – GF Flammarion, 2003
Traductions sous la direction de Luc Brisson et J.F Pradeau - GF Flammarion 2002-2010
Traduction de l’œuvre de Plotin présentée en 9 tomes, en gardant la présentation des 54 traités dans l’ordre chronologique de Plotin.

-Les Ennéades*. 
Traduction française : M.-N. Bouillet - Librairie de L.Hachette et Cie -1859 (en trois livres) 
table des matières  http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/plotin/table.htm

*œuvre de Plotin comportant 54 « Traités » qui furent rassemblés par son disciple Porphyre dans un ordre remanié. Il les a compilés en 6 Ennéades de 9 traités (ou « livres ») chacune (d’où le nom « Ennéades » : 9). C’est ce document que M.-N. Bouillet a traduit et publié en 1859. Les 6 Ennéades y sont présentées en 3 tomes. Dans cette édition les numéros des Ennéades sont en chiffres arabes (ex : 4e), le traité (ou « livre ») en chiffres romains (ex : livre III) le chapitre dans le traité en chiffres romains (ex : VIII). Le texte intégral de ces Ennéades est disponible en ligne. On peut y retrouver les citations en les recherchant dans le texte original par « copier/coller » afin de les situer dans leur contexte.

Teilhard de Chardin, Pierre
-Le phénomène Humain- Edition du Seuil, 1955

Trinh Xuan Thuan
-Vertige du cosmos – Flammarion, 2019

Roumo, Khaled
-L’enfant voyageur – Editions Erick Bonnier, 2016

Zajde Nathalie- Nathan, Tobie
-Psychothérapie démocratique – Odile jacob 2012

Dictionnaires

Dictionnaire historique de la langue française
– Le Robert - Alain Ray, 2004

Dictionnaire usuel de psychologie
Bordas - Norbert Sillamy,1993

Dictionnaire de psychologie
PUF – Roland Doron et Françoise Parot, 1991

Liens

Liens internes  

Psychologie positive avril 2012 

La réalité, les vérités et le Réel avril 2018 
Être et conscience octobre 2011 
Les mots et les intuitions  février 2010
Psychologie de la pertinence mai 2015 
conférence sur ce thème à l’hôpital psychiatrique de Neuchâtel mai 2018
Vie et énergie  mai 2016

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