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René DESCARTES

L'élan d'une Science Humaine

23 novembre 2006   -    © copyright Thierry TOURNEBISE

« Je suis né, je l’avoue, avec une tournure d’esprit telle, que le plus grand plaisir de l’étude a toujours été pour moi, non pas d’écouter les raisons des autres, mais de les trouver par mes propres moyens » (Règles pour la direction de l’esprit, Règle X, 1999, p.69)  

Sommaire

Introduction

1-Le cartésianisme offense Descartes

-Loin des "ismes"

-Le terrain plus que la tour d'ivoire

2-Le nombre d'avis ne fait pas la vérité

-Loin de la pensée unique

-Les avis différents ont tous un fondement

3-Le bon sens

-Ne pas confondre "sens" et "direction"

-Les avantages de celui qui ne sait pas

4-Le doute comme preuve

-La recherche d'une fondation

-Je doute donc je suis

-Descartes "répond" à Nietzsche

-Réunir Nietzsche et Descartes

5-Liberté, simplicité, non savoir

-Être libre soi-même
-
Confiance, simplicité, originalité
-
Accorder à autrui sa liberté
-Nécessité de la conscience

-Le non savoir
-
Connaissance et reconnaissance du non savoir

6-Méthodes de raisonnement

-Acuité et goût pour ce qui est simple

-Le relatif et l'absolu

-Ni vrai, ni faux, a priori

-L'hypothèse est une nécessaire intuition

-Enchaînements logiques et analogies

-Quand le premier maillon est à la fin de la chaîne

7-En quête d'axiomes

-Trouver les évidences

-Simplisme et tautologie

-Recherche d'axiomes en communication

8-Reproches du dualisme corps/esprit

-Une certitude inattendue

-Pas si dualiste que ça

-Exercice d'ouverture d'esprit

-Ni affirmer ni infirmer

9-En psychologie

-Axiomes en psychologie

-Hypothèses

-Résultats

Bibliographie

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Introduction

Cette publication est d’un type inhabituel sur mon site. D’une part parce que celui-ci comporte généralement plus de psychologie que de philosophie, et d’autre part parce que je n’y ai fait aucune publication comportant autant de citations que dans celle-ci (le plus souvent, il n’y en a même pas du tout).

Alors que certains se sont réjouis de trouver, sur mon site, de tels textes de « première main »  et de « première intention » plutôt qu’un patchwork des idées d’autrui, quelques autres ont été ennuyés par ce manque de références. J’ai été particulièrement heureux de découvrir que René Descartes aurait fait de même que moi, car pour lui il s’agit plus de découvrir que de répéter.

Ce qui me porta récemment vers une lecture plus attentive de ses écrits fut la découverte qu’il fondait plus son approche sur le doute, sur une forme de non savoir, que sur un savoir approfondi de la « théorie des savants ». Cela me le rendit immédiatement très sympathique.

Pourtant, nous disons facilement de quelqu’un qu’il est « cartésien » pour signifier sa rigueur, mais aussi sa faible ouverture d’esprit, sa froideur de raisonnement… pour ne pas dire son mépris envers ceux qui s’égarent… à avoir des intuitions. Or tout cela ne définit ni l’esprit, ni l’approche de René Descartes, car il est, tout au contraire, un homme sensible, ouvert, prêt à penser différemment et n'imposant surtout pas ses idées comme étant les seules valables. En fait, plus quelqu’un cherche à nous convaincre avec des arguments, fussent-ils scientifiquement prouvés, moins il est cartésien. En réalité, la science que nous présente René Descartes est avant tout Humaine, et même très Humaine.

Ce qui caractérise Descartes n’est surtout pas la certitude, mais plutôt la capacité à douter… mais à douter en laissant agir son discernement et son intuition. Descartes parle même de la « lumière naturelle » pour désigner la raison, pour nommer le bon sens.

Il a un profond respect pour la pensée des gens simples au point qu’il écrivit généralement en français, et non en latin comme la plupart des intellectuels de son époque, pour rendre ses textes accessibles aux moins lettrés. Il n’a pas le culte du secret ni de l’élitisme, mais plutôt celui du partage généreux et de la confiance en le bon sens de ceux qui n’ont pas eu l’occasion d’apprendre, mais sont simplement confrontés à la vie.

« Et si j’écris généralement en français, qui est la langue de mon pays, plutôt qu’en latin qui est celle de mes précepteurs, c’est à cause que j’espère que ceux qui ne se servent que de leur raison naturelle toute pure, jugeront mieux de mes opinions, que ceux qui ne croient qu’aux livres anciens » (Le discours de la méthode, 2000, p.112)

Né en 1556 il employa ses 71 années de vie à s’approcher de ce qui lui semble juste, en restant libre des « doctes » influences. Il nous a plus parlé de liberté de la pensée que d’étroitesse d’esprit.

Tout cela m’a donné le goût de vous le faire découvrir par ces quelques lignes. Mais je ne pouvais ici réaliser une telle entreprise qu’avec de nombreuses citations tirées de ses ouvrages, car sa pensée se révèle souvent à l’opposé de ce que lui attribue la « croyance » commune ou même « prétendument scientifique ». Il est en réalité ouvert, sensible au bon sens, proche des gens simples, respectueux des différences de pensées, partisan de l’intuition…etc.

 

1               Le cartésianisme offense Descartes

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1.1     Loin des « ismes »

René Descartes ne propose pas de développer un « isme » de plus. Il ne songe pas à ériger sa pensée en modèle. Il a juste le goût de partager avec nous son cheminement et nous laisse libre du nôtre. Quand il propose « le discours de la méthode », il propose de le découvrir sans le prendre pour modèle. Il nous offre simplement une réflexion qui lui a permis de progresser avec une efficacité qui lui semble satisfaisante, mais n’exclut pas qu’il puisse y avoir d’autres moyens. Il nous en donne l’information sans chercher à nous convaincre :

 « Ainsi, mon dessein n’est pas d’enseigner la méthode que chacun doit suivre pour conduire sa raison, mais seulement de faire voir en quelle sorte j’ai taché de conduire la mienne » (Le discours de la méthode, 2000, p.32).

Puis « Jamais mon dessein ne s’est étendu plus avant que de tâcher à réformer mes propres pensées, et de bâtir dans un fond qui est tout à moi » (ibid, p.45).

Faisant un clin d’œil aux doctes penseurs de son époque,  à ceux qui ont « tout » étudié,  il dit aussi

« Mais lorsqu’on emploie trop de temps à voyager, on devient enfin étranger en son pays ; et lorsqu’on est trop curieux des choses qui se pratiquent aux siècles passés, on demeure ordinairement fort ignorant de celles qui se pratiquent en celui-ci » (ibid, p.35).

1.2     Le terrain plus que la tour d’ivoire

Il invite même à ne pas suivre aveuglément les grands lettrés, estimant qu’il y a plus de vérité dans les raisonnements des gens confrontés directement à la vie :

« Car il me semblait que je pourrai rencontrer beaucoup plus de vérités, dans les raisonnements que chacun fait touchant les affaires qui lui importent, et dont l’évènement le doit punir d’avoir mal jugé, que dans ceux que fait un homme de lettre dans son cabinet, touchant les spéculations qui ne produisent aucun effet, et qui ne lui sont d’autres conséquences, sinon que peut être il en tirera d’autant plus de vanité qu’elles seront plus éloignées du sens commun, à cause qu’il aura du employer d’autant plus d’esprit d’artifice à tâcher de les rendre vraisemblables » (Le discours de la méthode, p.39)

Certes la formulation n’est pas simple, mais c’est le parlé de ce temps. Pour lui, les raisonnements des êtres, confrontés à la vie, et devant assumer les conséquences de leur choix, sont plus riches que ceux d’un érudit dans sa tour d’ivoire, dont les pensées n’induisent aucune conséquences personnelles, si ce n’est la vanité d’avoir mis de la distance avec le sens commun.

Nous remarquons ainsi combien Descartes ne se laisse pas éblouir pas les savants discours et combien il ne prétend pas non plus en produire. Il aime particulièrement le bon sens et affiche une grande prudence envers tout ce qui nous en éloigne. Convaincre n’est surtout pas son propos. La remise en cause qui le préoccupe est plus celle qu’il réalise en lui, que celle qu’il produit chez l’autre, même s’il a à cœur de partager son expérience.

« Mais après que j’eus employé quelques années à étudier ainsi dans le livre du monde,  et à tâcher d’acquérir quelque expérience, j’ai pris un jour résolution d’étudier aussi en moi-même… » (ibid, p.40).

Nous pouvons remarquer qu’il respecte la pensée d’autrui sans pour autant laisser éteindre la sienne

« La science de mes voisins ne borne pas la mienne » (Recherche de la vérité par la lumière naturelle, 1999, p.882)

2               Le nombre d’avis ne fait pas la vérité

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2.1     Loin de la pensée unique

La tendance naturelle est de penser que ce qui est dit ou fait par le plus grand nombre doit bien être vrai ou juste quelque part. Cela est conforté par le fait que l’humain n’aime pas être seul, que souvent il peine à se construire des bases solides qui lui donnent l’assurance nécessaire à un minimum d’affirmation de  soi. Si l’assertivité définit une telle capacité à être dans l’affirmation de soi tout en étant dans le respect d’autrui, ce n’est pas un comportement dominant, alors que c’est pourtant celui qui produit les meilleurs résultats. Nous trouverons plus fréquemment les trois autres comportements que sont le conflit, la manipulation ou la fuite (voir la publication de septembre 2001 sur l’assertivité)

Descartes était certainement dans l’assertivité, car il osait penser différemment sans pour autant chercher à convaincre, sans chercher à détruire la pensée d’autrui. Il doit sans doute cela au fait qu’il a cherché des bases suffisamment stables pour assurer ses fondements et qu’il ne l’a pas fait en brisant ceux des autres. Malgré une pensée quasi révolutionnaire pour son époque (et peut être même pour la notre), il demeure dans le respect d’autrui, ne prétend pas « savoir » et reste ouvert aux nouvelles éventualités. C’est d’ailleurs justement cette ouverture qui lui a permis un tel cheminement.

Concernant le fait que l’humain tend à rejoindre le nombre de ceux qui pensent pareil sur des sujets délicats, il est très clair :

« …la pluralité des voix n’est pas une preuve qui vaille rien pour les vérités un peu mal aisées à découvrir, à cause qu’il est souvent bien plus vraisemblable qu’un homme seul les ait rencontrées que tout un peuple » (Le discours de la méthode, 2000, p.41).

Plus ce qui est à découvrir est subtil, moins il lui semble probable qu’une multitude y ait pensé, et sur ce point la pensée adoptée par un grand nombre ne lui semble aucunement fiable. Il ajoute :

« Il ne servirait à rien de compter les voix pour suivre l’opinion qui compterait le plus d’Autorités : car s’il s’agit d’une question difficile, il est plus croyable qu’un petit nombre ait pu trouver la vérité, plutôt que beaucoup » (2000, p.123) ou dans l’autre édition « Il ne servirait à rien de compter les voix pour suivre l’opinion qui a le plus de partisans : car, s’il s’agit d’une question difficile il est plus sage de croire que sur ce point la vérité n’a pu être découverte que par peu de gens et non par beaucoup. Quand bien même d’ailleurs tous seraient d’accord entre eux. » (Règles pour la direction de l’esprit Règle III, 1999, p.43)

Voyant celui qui adopte sans discernement la pensée que lui enseignent ses maîtres, il se désole que

« …dès l’enfance il a pris pour la raison ce qui ne reposait que sur l’autorité de ses précepteurs… » (Recherche de la vérité par la lumière naturelle 1999, p.898).  Ainsi, pour lui, un enseignement qui impose une pensée n’enseigne pas, mais éteint « la lumière de la raison ».

« Celui qui est, comme lui, plein d’opinions et embarrassé de cent préjugés, se confie difficilement à la seule lumière naturelle car il a déjà pris l’habitude de céder à l’autorité plutôt que d’ouvrir les oreilles à la seule voix de la raison. » (ibid. p.898)

De nos jours, il ne se serait pas contenté de mettre en garde contre les sectes, mais il aurait aussi dénoncé toute tentative d’éblouir le bon sens avec une science qui nie l’être et sa raison. Il aurait été contrarié qu’au nom de la science on tue l’intuition de ceux qui apprennent et qu’on perde ainsi une richesse nouvelle en plein développement.  

2.2     Les avis différents ont tous un fondement

Pour lui la diversité est une source précieuse et comporte toujours des fondements respectables :

« … la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies et ne considérons pas les mêmes choses » (Le discours de la méthode, 2000, p.29).

Une telle pensée pourrait satisfaire les cognitivistes actuels, s’il n’y avait parmi eux un trop grand nombre qui tente de faire la chasse aux « mauvais processus cognitifs ». En effet, leur projet est souvent de modifier plutôt que de réhabiliter, ces processus intimes et parfaitement fondés, dans la psyché de chacun. Or, une raison reconnue comme pertinente constitue toujours le fondement d’un nouveau départ, alors que la nier ou la rejeter revient à désassembler une base et à laisser le sujet dans le vide. Remplacer ce vide par quelque chose qui n’appartient pas au sujet soigné n’offre qu’une fausse consolidation.

Jerome Bruner (professeur de psychologie,  contemporain de notre époque, cognitiviste) dénonce aussi les discours soi-disant savants, dès qu’ils touchent à ce qui est subtil : 

dès «… qu’on commence à prendre à bras le corps les universaux, les hypothèses et les théories, ces appariements apparaissent pour ce qu’ils sont : bricolés pour l’occasion » (Bruner,1997, p.30).

Comme Descartes, il dénonce le « bricolage intellectuel » cherchant à éblouir par une complexité qui non seulement n’a pas lieu d’être, mais nous éloigne du bon sens populaire (Jerome Bruner nous dirait de la « psychologie populaire »)

3               Le bon sens

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3.1     Ne pas confondre « sens » et « direction »

Face à la différence de modes de pensée, René Descartes avait donc l’intuition des processus cognitifs distincts qui animent les êtres et qui comportent tous un fondement. Malgré la ressemblance, il n’est cependant pas tout à fait dans le sens des cognitivistes qui cherchent, eux, plus à redresser un mauvais mécanisme cognitif qu’à en révéler la justesse. Il est sur le même axe, mais… tout simplement dans le sens opposé. Ne pas prendre en compte cette pertinence des mécanismes de pensée peut conduire à perdre ce qu’il y a de riche, tant en soi que chez autrui. De plus, s’il en résulte qu’on en vient à suivre la pensée préfabriquée de « savants », cela risque de conduire à une impasse.

Comme il est souhaitable de savoir « se diriger » dans la vie, nous nous appliquons de notre mieux à prendre « la bonne direction ». Nous aurions alors avantage à nous rappeler qu’en mathématique le mot « direction » désigne seulement un axe, une droite. Le verbe « se diriger » signifie donc se donner les moyens de « rester sur cet axe », mais il ne dit pas dans quel sens. En effet, sur un axe, il y a deux sens pour se déplacer. Pour être juste, la direction ne suffit pas…Il faut aussi le « bon sens ».

 Le dictionnaire méthodique du français actuel nous dit « chaque direction comprend deux sens opposés » (1986, p.411). D’ailleurs, en latin, directio signifie simplement ligne droite (Le dictionnaire historique de la langue française 2004, p.1093). Connaître la direction ne suffit donc pas à connaître le sens!

Dans quel sens doit donc s’opérer le mouvement sur cette droite ? Un directeur de conscience nous donne donc ainsi la direction… mais à supposer que cette direction soit juste, quel est le sens ? Nous aurions plus besoin d’un « senseur » que d’un « directeur ». Nous prendrons soin de ne pas confondre « senseur »1 (celui qui indique le sens) avec « censeur » (de censor : magistrat romain), celui qui surveille et qui blâme… y compris dans les lycées). Le « senseur » conduit, alors que le « censeur » interdit.

1 – « senseur » est un mot que j’ai « inventé » ici pour désigner celui qui donne le sens (et pas seulement la direction), celui qui garantit le « bon sens ». (Le mot « senseur » est habituellement utilisé avec une autre définition, pour désigner un composant, permettant de détecter ou mesurer, (s’appuyant plutôt sur les significations « sensibilité », « organe des sens »).

3.2     Les avantages de celui qui ne sait pas

Descartes nous offre une illustration de cela dans son ouvrage « La Recherche de la vérité par la lumière naturelle (1999, p.879). Il y propose un dialogue entre Eudoxe (le sage), Epistémon (le lettré) et Poliandre (le simple). Je dis le simple sans consonance péjorative, bien au contraire, car il a surtout l’esprit libre des préjugés.

Parlant d’Epistémon, Eudoxe dit : « Celui qui est, comme lui, plein d’opinions et embarrassé de préjugés, se confie difficilement à la seule lumière naturelle car il a déjà pris l’habitude de céder à l’autorité plutôt que d’ouvrir les oreilles à la seule voix de la raison. » (Recherche de la vérité par la lumière naturelle 1999, p.898) [déjà cité plus haut].

Descartes met ainsi notre attention sur le fait que Poliandre, dans sa simplicité, est avantagé par rapport à Epistémon, qui est encombré par trop de connaissances. Pour Poliandre,

 « …tout cela s’effectue sans logique, sans règles, sans formules d’argumentations, par la seule lumière de la raison et du bon sens, qui est moins exposé aux erreurs, quand il agit seul par lui-même que quand il s’efforce anxieusement d’observer mille règles diverses (ibid, p.896).

Il insinue même ainsi que le savoir peut faire perdre le simple bon sens et éloigner de l’accès à la lumière naturelle de la raison.

Il dénonce un peu l’intellectuel qui se fait passer pour savant alors qu’en fait « il ne pense pas » et ne fait que reprendre la parole d’autrui. Il a une opinion intéressante à propos de ceux qui croient étudier ou enseigner la philosophie :

« et nous ne serons jamais philosophe, si nous avons lu tous les raisonnements de Platon et d’Aristote, et qu’il nous est impossible de porter un jugement ferme sur une question donnée : en effet nous paraîtrons avoir appris non des sciences, mais de l’histoire » (Règles pour la direction de l'esprit, Règle III, 1999, p43)

4               Le doute comme preuve

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4.1     La recherche d’une fondation solide

Il semble souvent que Descartes ait mis le doute avant la pensée comme fondement de sa recherche :

« Donnez moi seulement votre attention ; je vous conduirai plus loin que vous ne pensez. Car à partir de ce doute universel, comme à partir d’un point fixe et immobile,  je me suis proposé de faire dériver la connaissance de Dieu, de vous-même et de toutes les choses qui existent dans le monde » (Recherche de la vérité par la lumière naturelle, 1999, p.890)

Le doute est, pour lui, une sorte de fondation solide. Une vérité incontournable de par son évidence.  Une sorte d’axiome, comme on le dirait en mathématiques. Une chose indiscutable du genre « par deux points il ne passe qu’une droite (en géométrie euclidienne) ». La « lumière naturelle » de la raison le conçoit spontanément sans avoir besoin de le démontrer. C’est juste confirmé par le simple fait que notre attention se porte dessus.

Naturellement il ne prétend pas qu’il ne faille aucune certitude. Mais, il décide de tout remettre en cause jusqu’à ce qu’il trouve ce fondement sur lequel il pourra poser en toute tranquillité la suite de son raisonnement. De proche en proche, il découvre que cette certitude première qu’il cherche est le doute. Cela le conduit même à dire :

« …je sais que je suis et je le sais parce que je doute » (Recherche de la vérité par la lumière naturelle, 1999, p.897) « Je doute donc je suis » (ibid, p.898) et, faisant parler  Eudoxe dans les dialogues de Recherche de la vérité par la lumière naturelle « Donc vous êtes, et vous savez que vous êtes, et cela vous le savez par ce que vous doutez » (ibid, p.892)

4.2     Je doute donc je suis

Paradoxalement, sa certitude première est le doute. Il s’agit là d’un mécanisme de pensée inattendu. Prendre le doute comme certitude pourrait sembler ne conduire nulle part. Il est connu pour son fameux « je pense donc je suis » (cogito ergo sum) alors que son « je doute donc je suis » (dubito ergo sum) est tout aussi important… sinon plus. Baruch de Spinoza (1632-1677) appréciait particulièrement Descartes et dans « Les principes de la philosophie de Descartes » il écrivit directement :

« je doute, je pense, donc je suis » (Spinoza, 1962, p.157).

Puis il poursuivit par

« …par conséquent je suis ne serait pas le premier fondement de toute la connaissance » (ibid). Spinoza nous décrit le cheminement de Descartes : « … il voulait éviter de se tromper, il désirait comprendre clairement beaucoup de choses ; il doutait de tout ce qu’il ne pouvait concevoir clairement ; jusqu’à présent il n’avait affirmé qu’une seule vérité… » (ibid).

Énumérant les différentes difficultés auxquelles Descartes  peut être confronté face aux erreurs, face aux doutes… Spinoza va jusqu’à dire que le fait qu’il se trompe montre qu’il existe, et même :  

« Bien mieux, plus il trouvera de raisons de douter, plus il aura d’arguments pour se convaincre de son existence » (ibid, p.156), puis « Tout ce qui est perçu aussi clairement et distinctement que cette première vérité est vrai ».

4.3     Descartes « répond » à Nietzsche

Un peu comme s’il avait prévu cette contradiction par avance, Descartes répond à la remise en cause que Friedrich Nietzsche (1844-1900) lui fait dans « Par-delà le bien et le mal ». Il le fait simplement en ajustant son « je pense donc je suis » en « je doute donc je suis »

Nietzsche dénonce la nature du « je » dans « je pense donc je suis ». Il affirme (plus qu’il ne doute, car il est souvent assez péremptoire) en s’appuyant néanmoins sur un éclairage supplémentaire de l’entendement (de la lumière naturelle) :

« C’est qu’une pensée ne vient que quand elle veut et non pas quand "je"  veux ; » (Nietzsche, 2000, p.75) … « Ça pense, mais croire que "ça" est l’antique et fameux "je", c’est une pure supposition… » (ibid, p.136).

Il met ici en opposition « moi » qui décide (je) et « ça » qui pousse à agir  ou penser, indépendamment de la volonté. Selon lui, « Je »  ne serait donc qu’une synthèse créée par la pensée, elle-même induite par « ça » qui pense malgré Soi.

Il affirme ainsi que la source est le « ça » et non le « je ». Puis le docteur Georg Groddeck (1866-1934), médecin psychanalyste allemand, lui a repris cette notion du ça, ayant remarqué que ses patients disaient en parlant de leurs pulsions « ça a été plus fort que moi » (Groddeck, 1978, p.47). Freud lui emboîta le pas et rendit cette notion célèbre… et paradoxalement mal connue quand il s’agit de la définir clairement.

C’est justement cela que Descartes souhaitait éviter : le flou auquel on arrive quand on affirme plutôt que de douter, sans avoir recherché la base indiscutable. D’autre part il avait pris soin de préciser, dans sa Lettre à Reneri pour Pollot (1638) :

« Je n’ai jamais dit que toutes nos pensées fussent en notre pouvoir, mais seulement que, s’il y a quelque chose absolument en notre pouvoir, ce sont nos pensées (Discours de la méthode, 2000, p.151)

C’est ici un peu comme s’il répondait « par avance » à Nietzsche.

4.4     Réunir Nietzsche et Descartes

Même si Nietzsche est un peu trop péremptoire par rapport à Descartes qui est, lui, empli d’humilité, on pourrait amicalement les rassembler en disant : « Je » doute quand « ça » pense, et donc l’existence de « je » est plus certaine que celle de « ça ». Autrement dit, le « je doute » certifie ainsi l’existence du « je » pour qui le « ça » reste à examiner.

C’est ce dont s’occupe la psychologie : qu’est-ce qui fait qu’il y a des pulsions ou des inhibitions, qu’est-ce qui fait que « ça » pousse ou empêche, en désaccord avec la volonté du « je » ? Pour plus de détails sur ce sujet, voir la publication de novembre 2005 « ça, moi, surmoi et Soi »car le « ça » n’est pas la seule source de pulsions.

Le « ça » est  source de la « pulsion libidinale » (pulsion de survie en maïeusthésie ou pulsions de vie et de mort freudiennes, dans le sens de « énergie ») et le Soi est source de la « pulsion existentielle » (pulsion de vie dans le sens maïeusthésique du terme, c’est à dire dans le sens de « être »)

Aussi curieusement, que cela puisse paraître, le doute devient donc source majeure de la certitude de l’existence de « je ». Mais il ne s’agit pas ici du « je » égotique (énergie et paraître), comme le dénonce Nietzsche, mais du « je » existentiel (vie et être) comme on l’évoque dans psychologie existentielle avec «l'Être là»  ou l'«Être dans le monde» de Rollo May  (dans Inoescu, 2004, p.136) , avec le Soi de Jung (Jung, 1973, p.462),  ou avec le Soi en maïeusthésie (voir publication citée ci-dessus). Nous avons ici un principe extrêmement savoureux permettant à la conscience de prendre appui sur la base la plus inattendue qui soit, de prendre tout simplement appui... sur le doute, pour réaliser une certitude existentielle.

Dans tous les cas, Descartes n’oublie pas que quelques soient les choses découvertes, elles doivent toujours avoir des effets concrets, surtout si elles semblent éloignées de la pensée habituelle :

« On ne doit jamais avancer de propositions si éloignées de la créance commune, si on ne peut en même temps en faire voir quelques effets » (Recherche de la vérité par la lumière naturelle, 1999, p.882)

Donc cette pensée ne prend valeur que dans la mesure où elle trouve application. C’est par exemple le cas en psychologie existentielle, et notamment en maïeusthésie, où elle permet d’aboutir à de réels résultats thérapeutiques. (lire la publication d'avril 2004 « Communication thérapeutique »)

5               Liberté, simplicité et non savoir

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5.1     Être libre soi-même

Descartes reste prudent par rapport aux excès intellectuels et aime particulièrement la liberté. Son projet n’est donc pas de restreindre la pensée de chacun. Tout ce qui interdit une pensée ne trouverait vraiment pas grâce à ses yeux :

« Et particulièrement je mettrai entre tous les excès toutes les promesses par lesquelles on retranche quelque chose à la liberté » (Le discours de la Méthode, 2000, p56)

Sa disposition d’esprit naturelle est de réaliser qu’il y a chez un être des ressources intérieures bien plus précieuses qu’on ne l’imagine habituellement. Dans son époque, comme dans la nôtre, on ne sait généralement raisonner qu’à partir de la pensée d’autrui… il faut dire que cela fait partie de pédagogies maladroites conduisant plus à éteindre la « lumière naturelle » de l’élève qu’à la développer. Souvent la parole du « maître » ne souffre pas contradiction et il n’y a que rarement une considération pour le chemin cognitif de l’élève quand celui-ci aboutit à une nuance nouvelle, trop éloignée de la pensée enseignée. René Descartes a, lui, la chance de ne pas souffrir d’une telle soumission :

« Je suis né, je l’avoue, avec une tournure d’esprit telle, que le plus grand plaisir de l’étude a toujours été pour moi, non pas d’écouter les raisons des autres, mais de les trouver par mes propres moyens » (Règles pour la direction de l’esprit, Règle X, 1999, p.69)

5.2     Confiance, simplicité, originalité

Il parvient à cela avec une confiance intérieure fondée sur un goût pour la simplicité. Il sent spontanément qu’aborder les choses par leur complexité est un leurre et qu’il convient toujours de commencer par ce qui est directement accessible à l’entendement, par ce qui ne nécessite pas une explication venant d’une autorité supérieure :

« …d’abord recueillir sans distinction les vérités qui se présentent d’elles-mêmes… » (Règles pour la direction de l’esprit Règle VI, 1999, p.55)

Il nous avertit alors des révélations inhabituelles auxquelles cela peut conduire car alors,

«…, il nous faut admettre ici, comme plus haut, certaines choses qui ne sont peut être acceptées par tout le monde ; » (Règle pour la direction de l’esprit, règle XII, 1999, p.81)

On peut se demander pourquoi une telle simplicité ne fait pas partie de la culture en générale ? Il se trouve que le problème pour l’humain est que, quand il connaît des choses simples, qui sont pourtant des bases fondamentales, il a l’impression de ne rien connaître. Il va alors vers des choses sophistiquées dans lesquelles il noie sa conscience :

« La plupart des hommes croient ne rien savoir quand ils trouvent à quelque chose une cause tout à fait claire et simple, tandis qu’ils admirent les théories sublimes et profondes des philosophes, quoique le plus souvent elles reposent sur des fondements que personne n’a jamais suffisamment examinés » (Règles pour la direction de l’esprit, Règle X 1999, p.68)

« Le secret de toute la méthode consiste à regarder avec soin en toute chose ce qu’il y a de plus absolu » (Règles pour la direction de l’esprit Règle VI 1999, p.54)

5.3     Accorder à autrui sa liberté

Ce qui est particulièrement généreux chez Descartes est qu’il ne se pose pas lui-même en modèle. Le prosélytisme ne fait pas partie de ses valeurs. Il souhaite juste partager ce qui a fonctionné pour lui, et laisse chacun faire comme il l’entend. Il ne lui semblerait pas convenable de porter atteinte à la liberté de pensée de qui que ce soit et en partageant la sienne, il ne prétend que partager ce qui a fonctionné pour lui sans pour autant nous demander qu’on l’imite :

Dans ses dialogues, il fait dire à Eudoxe (le sage) : « je ne me suis jamais proposé de prescrire à quiconque la méthode à suivre dans la recherche de la vérité, mais seulement d’exposer celle dont je me suis servi » (Recherche de la vérité par la lumière naturelle 1999, p.900)

Dans une attitude mature, il invite à avoir de la considération pour la pensée des anciens, et trouve même qu’avec les ouvrages à notre disposition, nous disposons d'une richesse inestimable. Nous remarquerons qu'il ne propose ni d'influencer, ni de se laisser influencer. L'humoriste Pierre Desproges (1939-1988) "dénonça" de telles personnes portées à influencer la pensée d'autrui en transformant « Je pense donc je suis en « Je pense donc tu suis » (Desproges, 1990). Un trait d'humour qui, en ne changeant, phonétiquement, qu'un seul mot, désigne parfaitement l'indésirable attitude de pouvoir, que dénonce justement Descartes.

René Descartes nous propose d'être ouvert, d'avoir de la considération pour la pensée des anciens... cependant il nous met en garde à propos de la fascination que peuvent susciter leurs ouvrages. Qu’ils soient une richesse est une chose, qu’on s’y enferme en est une autre… il attire notre attention sur le fait qu’ils peuvent même insidieusement polluer la pensée et limiter la réflexion de l’étudiant !

 « Il faut lire les ouvrages anciens parce qu’il y a pour nous un immense avantage à pouvoir utiliser les travaux de tant d’hommes  …Toutefois il est bien à craindre que certaines erreurs, provenant d’une lecture trop assidue de leurs ouvrages, ne s’introduisent complètement en nous, malgré tous nos efforts et toutes nos précautions. » (Règles pour la direction de l’esprit  Règle III 1999, p.42)  

5.4 Nécessité de la conscience

Évidemment, à quoi bon la connaissance s'il n'y a pas de respect, de sensibilité et de conscience? Un siècle avant Descartes, François Rabelais (1494-1553), citant le sage Salomon, nous interpelle sur le fait que la science ne doit pas se passer de conscience: 

(j'ai ajouté entre parenthèses la traduction des mots en vieux français)
« 
Mais, parce que selon le saige (sage) Salomon sapience (sagesse) n'entre point en âme malivole (mauvaise), et science sans conscience n'est que ruine de l'âme, il te convient de servir, aymer et craindre Dieu, et en luy mettre toutes tes pensées et tout ton espoir, et, par foy formée de charité, estre à lui adjoinct en sorte que jamais n'en soys désemparé par péché. » (Pantagruel, chapitre VIII, Rabelais, 1962, p.206)

Mais nous devrions ajouter : à quoi bon le savoir  si on est  inconscient de son non savoir? Quand Rabelais fait dire à Gargantua, s'adressant à son fils Pantagruel...

« Et quand tu cognoistras que tu auras tout le sçavoir par delà les acquis, retourne vers moy, afin que je te voye et donne ma bénédiction devant que mourir » (ibid)

...il l'invite à apprendre de façon "pantagruélique"... jusqu'à une illusion de satiété qui ne fera, hélas, que dissimuler son "non savoir". L'embonpoint intellectuel qui en résultera ne fera néanmoins que masquer les carences persistantes de sa science et surtout... les lacunes de sa psyché. 

Descartes est, lui, partisan de versions beaucoup plus light quand il nous dit de

« ne charger sa mémoire que des plus nécessaires » (Recherche de la vérité par la lumière naturelle, -1999, p.882)

Cela permet à son esprit de "garder la ligne"... mais on peut dire aussi de "garder la direction"... et de ne pas perdre le "bon sens". Comme nous l'avons vu précédemment, il  a même énoncé que, trop lettré, l'esprit se trouve souvent inhibé:

« Celui qui est, comme lui, plein d’opinions et embarrassé de préjugés, se confie difficilement à la seule lumière naturelle car il a déjà pris l’habitude de céder à l’autorité plutôt que d’ouvrir les oreilles à la seule voix de la raison. » (Recherche de la vérité par la lumière naturelle 1999, p.898) [déjà cité plus haut].  

De plus, si Pantagruel en vient à croire qu'il doit "tout savoir" pour être béni de son père, comme on pourrait le dire vulgairement "ça met un peu la pression!"... Cette illustration du XVIe siècle, encore d'actualité aujourd'hui, reflète  parfaitement ce qui nous rend difficile l'acceptation de "ne pas savoir"... alors que c'est pourtant une clé majeure.

5.5     Le non savoir

René Descartes pointe déjà à son époque combien la capacité à ne pas savoir est une difficulté pour l’être humain. Cette notion de non savoir est si importante, qu’avant même de l’avoir lu aussi précisément dans son oeuvre, j’avais éprouvé le besoin d’écrire une  publication intitulée « Le non savoir source de compétences » (avril 2001). Ce non savoir est trop souvent identifié comme une faiblesse alors que c’est un fondement, particulièrement dans tout ce qui touche à la communication et à la psychologie. J’ai été très heureux de découvrir à quel point René Descartes y avait déjà été sensible au XVIe siècle.

« Mais, ayant cru qu’il est indigne d’un homme docte d’avouer qu’il ignore quelque chose, il se sont habitués à embellir leurs fausses raisons, si bien qu’ensuite ils ont fini par se convaincre eux-mêmes, et qu’ils les ont données pour vraies » (Règles pour la direction de l’esprit  Règle II 1999, p.39)

Louis Leprince-Ringuet (1901-2000), physicien et historien des sciences, avait une vision claire de cela. Il disait simplement : « un savant, c’est quelqu’un dont l’ignorance a quelques lacunes » pour dire que celui-ci a plus de non savoir que de savoir… et que c’est probablement ce qui fait sa dynamique de recherche.  

5.6     Connaissance et reconnaissance du non savoir

De telles paroles peuvent être méditées par les « doctes du monde psy » où les raisonnements alambiqués vont bon train… oubliant trop souvent le principal intéressé… le patient, c 'est à dire l’humain qu’ils ont en face d’eux. Comme le dit Jerome Bruner, de tels « doctes » sont plus axés sur des théories « bricolées pour l’occasion » qu’ouverts à l’individu lui-même, qui devrait pourtant, normalement, être au cœur de notre attention.

Michel Schiff, (physicien chercheur au CNRS et psychologue, 1933-2004) dénonce la « mathématisation » du monde psy en quête de mesures, de chiffres, de statistiques et de généralités. Ses propos se rapprochent de ceux de Bruner :

« La psychologie de la personne (qualifiée parfois de psychologie des profondeurs) est un savoir qui fait peur, aussi bien aux chercheurs qu’au public. […] En effet, le psychisme est à la fois l’outil de la recherche et son objet, de sorte que l’implication du chercheur est ici maximale, sauf à éliminer l’objet même de la psychologie, comme le font à mon sens la plupart des chercheurs institutionnels de cette discipline » (Schiff, 1991, p.197)

D’où l’évitement de l’essentiel, et le voile posé sur le non savoir. Hubert Reeves, célèbre astrophysicien, aime à nous rappeler que:

« L’univers nous est inconnu à 95% : nous ignorons ce qui constitue les 70% d’énergie sombre et les 25% de la matière noire » (Reeves, 2006, p57).

Cela nous amène tout naturellement à une interrogation légitime : si 95% du monde physique (matière et énergie) nous est inconnu, qu’en est il alors du monde psychique ?!

L’homme est pourtant, semble-t-il, ainsi fait que quand il ne sait pas, il remplace cette zone d’ignorance par quelque chose qu’il croit savoir. De même que le cerveau masque le point aveugle de la rétine, faisant ainsi croire qu’il n’y a pas de trou dans le champ visuel, il masque aussi les points aveugles de la conscience, laissant croire aux ignorants qu’ils savent « tout ». Il se trouve que ces « points aveugles » là sont gigantesques… et n’empêchent pourtant pas une petite illusion de « tout savoir ».

Or, une des bases fondamentales de la compétence est justement cette acuité permettant de discerner ces zones de non savoir (zones aveugles de la pensée ou de la conscience) qui, loin d’être des vides honteux, sont le fondement majeur de toute réflexion pertinente. En avoir conscience permet de mieux examiner ces lacunes et de découvrir ce qui manquait. Au fond, comme on nous le disait à l’école, il s’agit de ne pas croire connaître l’énoncé avant de le lire complètement. Cela bien sûr ne concerne pas que les problèmes de maths, mais toutes les réflexions de la vie, tout le domaine de la communication, des rapports humains et de la psychologie.

6               Méthodes de raisonnement

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6.1     Acuité et goût pour ce qui est simple

Acceptant de « ne pas savoir » au départ et ayant pris le doute comme fondement premier, puis le simple bon sens, Descartes nous propose une approche dans laquelle il convient, si possible, de ramener les choses complexes à un assemblage d’éléments simples (dont chacun est directement accessible à l’entendement). Distinguer le simple du complexe est donc son point de départ. Or une telle acuité est très inhabituelle, car le complexe attire naturellement notre curiosité alors que ce qui est simple se trouve spontanément souvent dédaigné. Cela n’a pas échappé à Descartes :

« Mais c’est un défaut commun aux mortels que de regarder les choses difficiles comme les plus belles » (Règle pour la direction de l’esprit, règle X, 1999, p.68).

Il nous invite donc à commencer par un commencement pertinent :

« D’abord recueillir sans distinction les vérités qui se présentent d’elles-mêmes » (Règle pour la direction de l’esprit, règle IV, 1999, p.55).

« Le secret de la méthode consiste à regarder avec soin en toutes choses ce qu’il y a de plus absolu » (Règle pour la direction de l’esprit, règle IV, 1999, p.54).

6.2     Le relatif et l’absolu

Cependant, un tel « décorticage » en éléments simples peut poser des problèmes. Le travers d’une telle approche, quand l’intellect s’en empare, est qu’elle est si analytique qu’elle risque de perdre le rapport entre les différentes choses. Une fois qu’on a démonté toutes les pièces du puzzle, sera-t-on en mesure de le réassembler de façon pertinente ? En effet, « le tout n’est pas forcément la somme de ses parties ». Par exemple si nous pouvions avoir séparément toutes les cellules d’un corps humain, il ne suffirait pas de les assembler pour constituer un homme !

Descartes ajoute donc la notion de relatif, de lien entre les éléments, dont on se doit de tenir compte :

Parlant de choses observées, il dit: « … quand nous ne considérons pas leur nature isolément, mais que nous les comparons entre elles, afin que la connaissance des unes découlent de celles des autres, [les choses] peuvent être dites absolues ou relatives » (Règle pour la direction de l’esprit, règle IV, 1999, p.53).

« J’appelle absolu ce qui contient en soi la nature pure et simple dont il est question (ibid, p.53).

 « Le relatif, au contraire, est ce qui participe à cette même nature, ou du moins à quelque chose d’elle, par où il peut être rattaché à l’absolu et en être déduit suivant un certain ordre (ibid, p.53).

« Ces choses relatives s’éloignent d’autant plus des absolues, qu’elles contiennent plus de relations de cette sorte subordonnées les unes aux autres » (ibid, p.53).

« et c’est la nécessité de  les distinguer que nous enseigne cette règle ainsi que l’obligation que d’observer leurs connexions réciproques et leur ordre naturel, de telle façon que, partant de la dernière, nous puissions parvenir à ce qui est le plus absolu en passant par toutes les autres » (ibid, p.54).

Cependant, nous ne trouvons pas ici tout à fait l’idée que « le tout n’est pas la somme de ses parties », même s’il y est tout de même pris en compte la notion de « connexions réciproques », venant donner un sens particulier à l’assemblage des éléments qui ne peut plus alors se réduire à « une somme ».

6.3     Ni vrai, ni faux, a priori

Descartes invite à la prudence de ne pas être dans la précipitation de prendre pour vrai ce qui n’est pas, soit directement accessible à l’entendement, soit démontré. Nous noterons au passage qu’il n’a pas non plus invité à se précipiter pour considérer comme faux ce dont il n’a pas été démontré que c’était faux. Il définit sa méthode en quatre points :

« Le premier est de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle : c'est à dire d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention » (Discours de la méthode, 2000, p.49) Le mot « prévention » signifie ici  « influence fondée sur l’habitude de nos croyances erronées » (note de bas de page dans l’ouvrage).

« Le second, de diviser chacune des difficultés que j’examinerai en autant de parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour les mieux résoudre » (ibid).

« Le troisième, de construire par ordre mes pensées en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusqu’à la connaissance des plus complexes ; et supposant même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent point les uns les autres » (ibid) Ces quelques mot « supposant  même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent point les uns les autres » indiquent qu’il pense à une organisation au delà de la simple succession.

« Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre » (ibid).

6.4     L’hypothèse est une nécessaire intuition

On a trop souvent retenu seulement ces quatre règles, tout en les outrepassant, car trop de gens « doctes » (les soi-disant « cartésiens ») affirment comme étant faux ce qui n’a pas été démontré comme vrai, mais dont la fausseté n’a pas été démontrée non plus.

Pour remédier à un tel intellectualisme tuant la raison, il ajoute l’idée d’intuition et d’imagination :

« Certes l’entendement seul est capable de percevoir la vérité ; mais il doit être aidé cependant par l’imagination, les sens et la mémoire, afin que nous ne laissions de côté aucune de nos facultés » (Règles pour la direction de l’esprit Règle XII, 1999, p.75).

« Toutes les notions que nous composons de cette manière ne nous trompent pas en vérité, pourvus que nous ne les jugions que probables et que jamais nous ne les affirmions comme vraies » (Règles pour la direction de l’esprit Règle XII, 1999, p.85).

René Descartes conçoit bien que la rigueur de raisonnement ne doit surtout pas étriquer l’esprit et que celui-ci doit être capable de naviguer dans les hypothèses les plus folles pourvu qu’on ne prenne pas pour vrai ce qui n’est qu’hypothèse. Cela permet de préserver l’intuition, la créativité et l’exploration de ce à quoi personne n’a jamais pensé. Ainsi, ne suivrons nous pas aveuglément l’enseignement des précepteurs, sans pour autant le dénigrer, et trouverons nous un peu de liberté en disant comme Descartes « la science des autres ne borne pas la mienne ».

Trop souvent ceux qui se réclament de la rigueur cartésienne rejettent a priori ce qui n’a pas été démontré alors que se trouve là un champ de recherche d’une richesse inestimable. La rigueur n’est efficace que si elle est accompagnée d’ouverture d’esprit, de sensibilité, d’intuitions et de respect pour le simple bon sens.

« Mais nous avons dit au même endroit que la simple déduction d’une chose par une autre se fait par intuition » (Règles pour la direction de l’esprit Règle XI, 1999, p.72).

« Tout l’artifice sera de supposer connu ce qui est inconnu, de manière à nous donner un moyen facile et directe de recherche même dans les difficultés les plus embrouillées » (Règles pour la direction de l’esprit Règle XII, 1999, p.112).

Descartes  nous montre bien là qu’une avancée n’est possible que si on accepte de raisonner à partir de données dont on ne sait pas encore si elles sont vraies, mais à condition qu’on sache aussi s’amuser (musarder) dans des directions insoupçonnéEs au départ. Ce qui est intéressant, c’est cette association de la rigueur (n’est pris pour vrai que ce qui est démontré), et de la souplesse (exploration de tous les possibles, même apparemment infondés). Ce deuxième aspect manque à beaucoup de « doctes » chercheurs. Ils sont alors, par rapport à la pensée,  ce qu’un musicien est par rapport à la musique quand il ne fait que l’exécuter au lieu de l’interpréter. La rigueur sans l’interprétation ne donne qu’une exécution (parfois à mort !) et l’interprétation sans la rigueur, quoique plus vivante, peut conduire trop loin de l’œuvre.

6.5     Enchaînements logiques et analogies

Descartes propose d’abord un enchaînement simple:    

« Pour ce qui est des objets, il suffit d’examiner trois choses : d’abord ce qui se présente spontanément, puis comment on connaît une chose par une autre, et enfin quelle déduction on peut faire de chaque chose » (Règles pour la direction de l’esprit Règle XII, 1999, p75) .

Puis, concernant l’enchaînement logique depuis le plus simple vers le plus complexe, il nous propose d’ajouter une dimension « analogique »:

 « Toute connaissance qui ne s’acquière pas par l’intuition simple et pure d’un objet isolé, s’opère par la comparaison de deux ou plusieurs objets entre eux » (ibid. Règle XIV, 1999, p96).

Dans l’esprit de nombreuses personnes, la pensée de Descartes a souvent été réduite à l’aspect « dissection analytique » en plusieurs éléments, alors que la notion  de « familles » d’éléments et d’analogies est aussi pour lui un instrument majeur. Repérer ce qui est commun à des choses différentes lui permet de déduire des  connaissances nouvelles :

« Il faut noter que les comparaisons ne sont dites simples et claires que toutes les fois où la chose recherchée et la chose donnée participent également à une certaine nature ; que toutes les autres comparaisons, au contraire, n’ont besoin de préparation que parce que cette nature commune ne se trouve pas également dans l’une et l’autre chose, mais selon d’autres rapports ou proportions dans lesquelles elle est enveloppée ; et que la principale partie du travail de l’homme ne consiste qu’à réduire ces proportions de façon à voir clairement une égalité entre ce qui est cherché et quelque chose de connu » (ibid. Règle XIV, 1999, p97)… en quelque sorte, trouver le dénominateur commun !

En mathématiques, on parlerait de prémisses de la théorie des ensembles dans laquelle il s’agit de repérer quoi est inclus dans quoi, quoi est analogue à quoi, (permettant ainsi de le classer dans un ensemble donné), et quels points communs constituent l’intersection de deux ensembles distincts. Tout peut constituer un ensemble, et tous les ensembles peuvent comporter des intersections, c'est-à-dire des zones communes. Par exemple, une intersection  de l’ensemble « ustensiles de cuisine » et de l’ensemble « Objets de jardinage » peut se trouver dans « les objets qui sont des récipients » dont les verres les bouteilles et les casseroles… d’un côté, et les pots de fleurs, les pulvérisateurs et les doseurs d’engrais… de l’autre. De la propriété des récipients de l’un peuvent se déduire certaines propriétés des récipients de l’autre : ils ont un volume, ce sont des contenants, ils peuvent servir de mesure… etc.

En psychologie, on parlerait de « patterns », c’est à dire ces émotions analogues se trouvant dans des circonstances différentes et faisant liens entre des choses qui n’ont apparemment rien à voir entre elles. Par exemple, imaginons un sujet qui ressent une même sensation de tension, lors d’un déménagement, ou quand il est sur un vélo qu’il vient d’acheter, ou quand à son travail on lui donne une nouvelle tâche… Ces circonstances différentes produisent la même émotion, car elles comportent toutes une analogie avec l’idée de « nouveau ou imprévu » en rapport avec la circonstance basique, quand dans son enfance il a été sujet à des moqueries devant toute la classe alors qu’il n’a pas su répondre à une question traitant d’un sujet qu’on avait pas encore étudié.

Le propre d’un psychothérapie est de permettre de voyager d’éléments similaires en éléments similaires, jusqu’à trouver celui du départ, qui est source du « pattern ». La « sensation commune » est un puissant outil de localisation. Faut il encore avoir cette sensibilité à l’analogie, sans pour autant se laisser aller à des déductions ou interprétations abusives. Donald Wood Winnicott (1897-1971), psychanalyste, disait même de certaines interprétations, qu’elles étaient pareilles à un endoctrinement qu'il conviendrait d'éviter (1975, p.104). Pour mieux cerner cela vous pouvez lire la publication  « communication thérapeutique » et en particulier le chapitre « guidage non directif » (avril 2004).

Descartes insiste sur cet esprit d’analogie avec l’exemple de l’énigme que la Sphinx posa à Œdipe « Quel est l’animal qui a quatre pieds le matin, deux à midi et trois le soir » (Hamilton, p.334, 1997).

« Par exemple, dans l’énigme du Sphinx, il ne faut pas croire que le mot pied désigne uniquement les pieds véritables des animaux, mais il faut voir aussi s’il ne peut pas s’appliquer à d’autres choses, comme cela se passe en réalité pour les mains des enfants et le bâton des vieillards, car les uns et les autres s’en servent comme des pieds pour marcher » (Règles pour la direction de l’esprit Règle XIII, 1999, p.92).

6.6     Quand le premier maillon est à la fin de la chaîne

Il arrive que ce soit la fin qui engendre le début. Nous avons là un concept curieux heurtant la logique. C’est tout simplement le cas quand nous tentons de réaliser un projet. L’objet finalisé attendu, engendre les règles du processus nécessaire à sa réalisation. Comme, en même temps, c’est le début de l’action qui conduit vers la réalisation finale, la fin et le début sont ainsi tellement mêlés qu’on peine à savoir lequel engendre l’autre (un peu comme pour l’œuf et la poule).

Descartes met notre attention sur un exemple d’une telle intrication :

« L’universel est certes plus absolu que le particulier, parce qu’il a une nature plus simple, mais on peut le dire aussi plus relatif, parce que pour exister il dépend des individus » (Règles pour la direction de l'esprit, Règle VI, p.54).

L’universel est donc en même temps absolu et relatif ! Nous penserons ici à la téléonomie (de téléo, but, finalité et de nomos, règle) où la cause et les règles se trouvent dans la finalité, où la source est dans l’aboutissement et non pas dans le départ. Le départ est ainsi initialisé « à distance » par la finalité.

Pour comprendre l’esprit humain, nous pourrions étudier les neurones un par un, puis  leurs rapports entre eux, puis leurs rapports avec le corps… mais serons nous totalement éclairés pour autant ? Si une telle étude apporte son lot de connaissances justes et utiles sur le plan médical, la rencontre et l’écoute de « l’homme entier » nous apportera bien plus au niveau de la connaissance de l’esprit. C’est même ainsi que Descartes était finalement plus conscient de son « âme » (l’humain « finalisé ») que de son corps (par lequel il vint au monde).

On peut ainsi se demander en quoi « ce qu’on est en devenir » conduit la nature de « ce qu’on vit au début de son existence ». Il n’est pas vraiment possible de trancher une telle question, mais les notions de  « pulsion de vie » et de « pulsion de survie » semblent être une telle expression du Soi (voir publication  de novembre 2005 « ça moi surmoi Soi »). Celle-ci, bien sûr, n’écrit pas la vie à l’avance, mais semble en réguler le déroulement au fur et à mesure des accidents qui se présentent, dans le but d’une « individuation » réussie (Jung, 1973, p.457) qui est une sorte de « non-moi » (ibid. p.450), produisant plus d’être que de paraître.

7               En quête d’axiomes

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7.1     Trouver les évidences

Un axiome est une évidence accessible par le simple entendement et qui ne peut être remise en cause par aucune démonstration. Un axiome n’a pas besoin d’être prouvé, ni démontré. Reprenons par exemple, en  géométrie euclidienne, le fait que par deux points il ne passe qu’une droite. Il s’agit là d’une évidence accessible, comme le dirait Descartes, par la simple lumière naturelle (de l’esprit).

Proche de cela, Emmanuel Kant évoque la notion de connaissance a priori:

« Nous entendrons donc par connaissance a priori [….] celles qui interviennent d’une manière absolument indépendante de toute expérience » (Kant, 2006, p.94) donc relative.

Il distingue la connaissance a priori et l’expérience empirique qui, elle, ne peut se produire que a posteriori, c'est-à-dire après l’expérience. Il nomme ces connaissances a priori « connaissances pures » quand rien d’empirique ne s’y trouve mêlé. Naturellement de telles connaissances sont difficiles à trouver car même un axiome ne se comprend que grâce à une expérience antérieure qui permet à l’entendement de l’appréhender.

Mais ce que Emmanuel Kant fait remarquer, c’est qu’une connaissance empirique est toujours limitée par le champ de l’expérience et ne pourra rester vraie en toute circonstance, alors qu’une connaissance a priori ou « connaissance pure » sera universelle :

« l’expérience ne donne jamais à ses jugements une universalité véritable ou rigoureuse, mais seulement une universalité supposée et comparative » (ibid. p.95).

Qu’il s’agisse de « la lumière naturelle » de René Descartes ou de « la raison pure » d’Emmanuel Kant (1724-1804), pouvons nous trouver des axiomes (des sortes de connaissances pures) qui pourraient servir de point de départ dans l’étude de la communication ? Nous le pouvons certainement. Seulement, il s’agit de points si évidents qu’il serait tentant de ne pas y prêter attention, tant nous avons l’habitude d’étudier plutôt des choses complexes. C’est justement ce contre quoi Descartes nous met en garde. Selon lui, il est nécessaire de toujours commencer par ce qui est simple et accessible directement à l’entendement, pour prendre un appui stable.

De ceux qui veulent commencer à réfléchir sur des choses trop complexes sans s"assurer de ces bases Descartes dit :

« Ils sont aussi ridicules qu’un valet, qui serait envoyé quelque part par son maître, et s’empresserait si fort d’obéir, qu’il se mettrait à courir sans avoir encore reçu l’ordre et sans savoir où on lui a commandé d’aller. » (Règles pour la direction de l’esprit Règle XIII -1999, p93) et « il faut se garder de supposer plus de choses et de plus précises qu’il n’en a été données » (ibid).

Il ajoute « Les doctes se servent souvent de précisions si subtiles qu’ils éteignent la lumière naturelle et trouvent des ténèbres même en ce qui est bien connu des gens sans culture… » (ibid, Règle XIV, p.98).

ou « les doctes sont d’habitude assez ingénieux pour trouver le moyen de ne rien voir même en ce qui est évident par soi-même et connu des ignorants » (ibid, Règle XII, p86).

ou encore « chose que confirme encore l’expérience puisqu’on voit bien souvent que ceux qui n’ont jamais donné leur soin à l’étude des lettres, jugent beaucoup plus solidement et clairement sur ce qui se présente à eux, que ceux qui ont toujours fréquenté les écoles » (ibid, Règle IV, p.46).

Il nous invite à rester simple :

« Pour découvrir les vérités, même les plus difficiles, j’estime qu’il suffit, pourvu qu’on soit bien dirigé, de ce qu’on appelle ordinairement le sens commun… » (La recherche de la vérité par la lumière naturelle -1999, p.894).

Afin de montrer la simplicité, la liberté  et le bonheur qu’il éprouve dans ses recherches (qui ne viennent plus, ni du savoir, ni des études), il fait dire à Eudoxe :

« Que diriez vous donc de moi si je vous assure que je n’ai plus de passion pour apprendre aucune chose, et que je suis content du peu de connaissance que j’ai,… Car la science des autres ne borne pas la mienne (La recherche de la vérité par la lumière naturelle -1999, p882) Il ajoute que l’homme est invité à « ne charger sa mémoire que des plus nécessaires » (ibid, p.884) [déjà cité plus haut] et donc à se délester de ce qui est inutile à sa raison.

Il tient le même type de propos dans ses « Règles pour la direction de l’esprit » et nous informe sur sa tournure d’esprit innée :

« Je suis né, je l’avoue, avec une tournure d’esprit telle, que le plus grand plaisir de l’étude a toujours été pour moi, non pas d’écouter les raisons des autres, mais de les trouver par mes propres moyens » (Règles pour la direction de l’esprit, Règle X, 1999, p.69).

7.2     Simplisme et tautologie

Quand les évidences sont trop simples, certains « doctes » parleront de « simplisme ». Quand elles se complexifient ils parleront de « tautologie ». Ils expriment dans les deux cas leur mépris !

[Tautologie : du bas latin tautologia venant du même mot en grec signifiant « redite, proposition identique » construit avec tauto « le même » et logia « théorie » (Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française). Mais ce pourrait être aussi « tauto-logos », c'est-à-dire « redire la même chose », tout en donnant l’illusion de faire une démonstration].

La complexité semble plus séduisante à de nombreux érudits. Ceux-ci préfèreront souvent des langages plus sophistiqués, des idées plus élaborées et des théories dont la complexité est à la mesure de ce qu’elles cherchent à démontrer. Ni plus ni moins, au fond, qu’une sorte de tautologie de haut vol. Cela conduit même certains d’entre entre eux à utiliser un langage inintelligible au plus grand nombre, dissimulant derrière un « écran intellectualiste clinquant », leurs vides de connaissances profondes sur certains sujets. Que de théories enluminent ainsi la surface de l’esprit pour en masquer les lacunes et dérouter le simple bon sens !

Quand bien même l’écran est plus élaboré, plus enluminé, plus ouvragé… il ne s’agit toujours que d’un écran, et face à un tel écran, il est certain que les gens éblouis ne voient plus rien ! Qu’il s’agisse de tautologie ou d’« Enluminologie » (mot inventé ici pour illustrer le propos), dans les deux cas nous sommes autant dans le leurre.

René Descartes nous propose de nous affranchir de ces écrans, résultant de la sophistication intellectuelle des érudits :

« La multiplicité des règles provient souvent de l’ignorance du maître » (Règles pour la direction de l’esprit Règle XVIII, 1999, p.113).

L’accès à des bases axiomatiques peut sembler ne faire que lister des évidences qui ne servent à rien, pendant que de grandes théories font des envolées intellectuelles éblouissantes. Mais cette simplicité n’a rien, ni de simpliste, ni de tautologique. En réalité, la question est de savoir où cela nous conduit concrètement et si cela nous permet réellement d’avancer dans la compréhension de ce qu’on cherche.

Nous suivrons ainsi ce que propose Descartes (phrases déjà citées plus haut) :

« D’abord recueillir sans distinction les vérités qui se présentent d’elles-mêmes » (Règle pour la direction de l’esprit, Règle IV, 1999, p.55).

« Le secret de la méthode consiste à regarder avec soin en toutes choses ce qu’il y a de plus absolu » (ibid, 1999, p.54).

En étant vigilant sur le fait que:

« …c’est un défaut commun aux mortels que de regarder les choses difficiles comme les plus belles » (Ibid, Règle X, 1999, p.68).

Vous avez certainement vous-mêmes remarqué que ce que nous ignorons bénéficie à nos yeux d’une « aura » que nous n’accordons pas à ce que nous savons déjà. A nos yeux, celui qui sait ce que nous ignorons, semble posséder des connaissances précieuses, alors que les nôtres nous sembleront banales, du fait que nous les maîtrisons. Or les nôtres peuvent produire le même effet sur celui qui les ignore…

En fait, ce qui importe, c’est seulement de repérer les connaissances qui peuvent servir de fondements utiles à une compréhension, menant vers des résultats, dont l’expérience certifie la justesse.

7.3     Recherche d’axiomes en communication

Le thème de la communication étant un élément majeur de mon site, je vous propose de nous amuser à y lister des évidences utiles et fondamentales. Il s’agira ici de pointer une série d’axiomes pouvant servir ensuite de base stable à une réflexion plus approfondie:

-Sur le discernement et l’existence de l’individu

1er axiome en communication : Quand deux individus échangent des informations, nous avons d’une part les individus, et d’autre part ce qu’ils échangent. Nous avons donc d’une part des êtres (les individus) et d’autre part des choses (ce qu’ils échangent). Cette évidence peut paraître trop simple, mais elle constitue une base fondamentale de réflexion pour mieux connaître la communication, conduisant même, comme nous le verrons plus loin, à remettre en cause l’affirmation de l’école de Palo Alto selon laquelle « on ne peut pas ne pas communiquer ».

2e axiome en communication : pour que notre interlocuteur nous comprenne, il faut d’abord qu’il existe. Ici l’affirmation semble une évidence dérisoire. Pourtant elle remet en cause le côté sacro-saint de l’information et le fait qu’on serait communicant, simplement en prenant soin de celle-ci.

3e axiome en communication : Pour que notre interlocuteur sache que nous nous adressons à lui, nous devons d’abord exister nous-même. Il s’agit simplement du corollaire indispensable à l’axiome 2.  Si nous manquons d’affirmation de soi ou si notre attention est attirée par tellement de soucis que nous ne savons pas être présent à notre interlocuteur, ce manque de présence (ou d’existence de soi dans le présent) peut conduire notre interlocuteur à ne pas voir qu’on s’adresse à lui.

-Sur la transcription d’une idée en info et inversement

4e axiome en communication : une information peut ne pas refléter ce qu’on veut dire. Il pose le problème de la transcription (expliquée ci-après).

5e axiome en communication : La façon dont une information est comprise par l’interlocuteur peut ne pas refléter ce qu’elle signifie. Nous avons là le corollaire de l’axiome 4.

Le problème de la transcription est le suivant : imaginez quelqu’un ne connaissant que le français, dispose seulement d’un texte en allemand. Il a cependant un traducteur allemand/anglais qui lui permet d’avoir une version en anglais. Mais ne parlant pas anglais non plus, il a néanmoins ensuite la chance de bénéficier aussi d’un traducteur anglais/français lui permettant d’aboutir à une version française qui lui soit intelligible. Le texte final en français sera certainement bien éloigné de sa version initiale allemande.

Dans la communication, pour partager ce que nous avons à l’esprit, cela doit être « converti » en langage (par exemple symboles verbaux) qui, entendu par l’interlocuteur, amènera celui-ci à transcrire ces symboles verbaux en pensées dans son esprit. Ce qu’il considère à l’arrivée est toujours plus ou moins différent de ce qui a été émis au départ. Être communicant, c’est être capable de réduire le plus possible cette différence (mais il y en a toujours au moins un peu, et cela il faut le savoir !)

-Sur l’intention et le mode « énergie »

6e axiome en communication : il y a des informations imposées. Cas où l’émetteur ne se préoccupe pas de ce que souhaite le récepteur. Ici l’information est envoyée avec force ou manipulation contre la volonté du récepteur. Ici, hélas, l’information compte plus que l’individu. A cause d'un manque de discernement au niveau de l'axiome 1.

7e  axiome en communication : Il y a des informations subies. Cas où le récepteur ne peut échapper à une information imposée. Corollaire de l’axiome 6.

-Sur l’intention et le mode « ouverture »

8e axiome en communication : Il y a des informations proposées. Avec le droit de ne pas en vouloir, grâce au discernement évoqué dans l’axiome 1.

9e  axiome en communication : Il y a des informations accueillies. Grâce au discernement de l’axiome 1, le récepteur est ici capable d’entendre le message réel (au-delà des transcriptions) et privilégie l’individu émetteur par rapport à l’information qu’il émet.

-Psychologie et sources inconscientes (pulsions de vie et de survie)

10e axiome en communication : il y a des informations inconscientes et  involontaires. Celles-ci engendrent des problèmes aux niveaux des axiomes 2, 3, 4, 5, 6, 7, même avec une grande capacité intellectuelle et même quand l’axiome 1 est bien compris sur le plan existentiel.

On en déduit la règle suivante: le fait qu’il y ait de l’information n’implique, ni qu’elle reflète la pensée de l’émetteur, ni qu’elle soit comprise par le récepteur, ni qu’il y ait une ouverture d’esprit entre les deux. « Information » n’implique donc pas « communication » si on entend « être communicant » comme signifiant « être ouvert ». 

A partir de ces axiomes

La simple « lumière naturelle de l’esprit » nous conduit ainsi à remettre en cause des affirmations de spécialistes (cela aurait plu à Descartes !) :

Quand la PNL pose comme axiome « on ne peut pas ne pas communiquer », ce n’est pas un axiome, mais la reprise de ce qu’énonce l’école de Palos Alto qui, elle-même, donne là une affirmation qui n’a rien d’axiomatique. Il s’agit déjà là d’un assemblage de données trop complexe, qu’on peut aisément contredire en remontant plus à la source.

On y voit clairement qu’une précision manque : on y croit qu’il suffit qu’il y ait de l’information pour qu’il y ait de la communication…. Or rien n’est moins sûr, sauf si on décide que « information » et « communication » sont synonymes.

En effet il y a toujours de l’information (ne serait-ce que non verbale), mais cela n’implique pas que ceux qui échangent communiquent. Nous pouvons donc avoir un respect de la valeur (relative) de l’affirmation de la PNL ou de l’école de Palo Alto, qui se révèle néanmoins erronée quand elle est énoncée comme absolue. En effet cette affirmation n’est fausse (dans l’absolu) que par manque de précision des données initiales. Elle ne résulte pas d’une erreur cognitive (d’enchaînement logique), mais seulement d’un positionnement initial différent. Comme le disait Descartes :

« … la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies et ne considérons pas les mêmes choses » (Discours de la méthode, 2000, p.29) [déjà cité plus haut].

8               Reproche du dualisme corps-esprit

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8.1     Une certitude inattendue

Un des reproches souvent fait à Descartes est le fait d’avoir distingué le corps et l’esprit et d’avoir ainsi figé la pensée dans un énoncé dualiste qui ne serait qu’une croyance douteuse.

Pourtant, considérer cela comme une idée dualiste vient sans doute du fait qu’on n’a pas regardé d’assez près sa démarche : il dit par exemple être plus certain de l’existence de lui-même que de celle de son corps. Au premier abord cela semble étonnant, surtout venant de quelqu’un qui propose une réflexion, d’une part rigoureuse, et d’autre part s’appuyant sur le bon sens. L’inverse nous paraîtrait, au premier abord, plus logique : l’existence corporelle ne serait-elle pas plus assurée que celle de l’esprit ?

Pour commencer, Descartes constate deux aspects de lui-même, non par esprit dualiste, mais simplement parce qu’il découvre que l’un est plus certain que l’autre. Curieusement, en suivant la rigueur de sa démarche, il en arrive à pointer, contre toute attente, que l’existence de lui, en tant qu’esprit, en tant que « je », en tant qu’âme, est plus certaine que son existence corporelle.

« Puis examinant avec attention ce que j’étais, et voyant que je pouvais feindre que je n’avais aucun corps, et qu’il n’y avait aucun monde, ni aucun lieu où je fusse ; mais que je ne pouvais pas feindre pour cela, que je n’étais point ; et qu’au contraire, de cela même que je pensais à douter de la vérité des autres choses, il suivait très évidemment et très certainement que j’étais » (Le discours de la méthode 2000, p66).

«  je connus là que j’étais une substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser, et qui, pour être, n’a besoin d’aucun lieu, ni ne dépend d’aucune chose matérielle. En sorte que ce moi, c'est à dire l’âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps ; et même qu’elle est plus aisée à connaître que lui, et qu’encore qu’il ne fût point, elle ne laisserait pas d’être tout ce qu’elle est » (ibid, p.67).

« …j’ai autrefois appris de quelques personnes qui avaient les bras et les jambes coupées, qu’il leur semblait encore quelquefois sentir de la douleur dans la partie qui leur avait été coupée ; ce qui me donnait sujet à penser, que je ne pouvais aussi être assuré d’avoir mal à quelqu’un de mes membres quoique je sentisse en lui de la douleur » (Méditation sixième, 1999, p.322).

« je n’ai jamais rien cru sentir étant éveillé, que je ne puisse sentir quand je dors ; et comme je ne crois pas que les choses qu’il me semble que je sens en dormant procèdent de quelques objets hors de moi, je ne vois pas pourquoi je devrais avoir cette créance touchant celles qu’il me semble que je sens en étant éveillé » (Méditations VI, 1999, p.323).

…S’il avait pu rejoindre notre époque, Descartes se serait amusé du film Matrix !

Lui succédant, Spinoza (1632-1677) poursuit le propos de Descartes (1596-1650) avec une intéressante réflexion :

« Il se remet en mémoire toutes les pensées qu’il a eues autrefois sur lui-même : que son âme était un corps subtil semblable au vent, au feu ou à l’éther, répartie dans les parties plus épaisses du corps ; que son corps lui était plus connu que son âme et qu’il en avait une perception plus claire et plus distincte. Or tout cela semble en contradiction manifeste avec ce qu’il vient de comprendre : car il pouvait douter de son corps mais non de son essence en tant qu’il pensait. » (Spinoza, De la philosophie de Descartes, 1962, p.157)

8.2     Pas si dualiste que ça

Descartes ne sépare pourtant pas totalement les deux aspects spirituels et corporels et imagine implicitement qu’ils puissent se présenter en même temps :

 « Les natures simples ne peuvent être que spirituelles ou corporelles, ou présenter à la fois l’un et l’autre caractère » (Règles pour la direction de l’esprit,,Règle IX, 1999, p.66).

« Nous disons deuxièmement que les choses, qui par rapport à notre entendement sont dites simples, sont ou purement spirituelles, ou purement matérielles, ou mixtes » (ibid, Règle XII, 1999, p.81).

 Boris Cyrulnik, proche de la corporalité en tant que neuropsychiatre et proche de l’analyse des comportements humains et animaux, en tant qu’éthologue, nous dit :

« Descartes accusé de dualisme, a lancé une passerelle en arrimant l’âme sans substance à la bitte de l’épiphyse, en plein milieu du cerveau » (Cyrulnik, 2006, p.12).

Telle un bateau arrimé au port, l’âme se retrouvait alors arrimée à un point d’ancrage cérébral. Selon Cyrulnik, Descartes nous proposait ainsi déjà un lien corps/cerveau et ouvrirait la porte à « l’homme tout corporel »… et j’ajouterai, pourquoi pas, d’une façon plus extrême à « L’homme neuronal » de Jean-Pierre Changeux (Neurobiologiste).  

Nous remarquerons cependant que toute considération prétendant tout nous dire sur l’âme ou sur le corps, et proposant des affirmations définitives, ne peut être que pure spéculation. Il ne s’agit pas en effet d’affirmer, mais plutôt de rester ouvert. Et quand on est ouvert, il y a des choses qui nous restent inconnues, si nous avons l’humilité de le reconnaître.

Bien que Descartes dise effectivement …

« il est certain que ce moi, c'est-à-dire mon âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement et véritablement distincte de mon corps et qu’elle peut être ou exister sans lui » (Méditations VI, 1999, p.324).

…il affiche une grande prudence dans La sixième méditation, que Boris Cyrulnik aurait pu également citer :

« La nature m’enseigne aussi par ces sentiments de douleur, de faim, de soif, etc., que je ne suis pas seulement logé dans mon corps, ainsi qu’un pilote en son navire, mais, outre cela, que je lui suis conjoint très étroitement et tellement confondu et mêlé, que je compose comme un seul tout avec lui » (Méditations VI, 1999, p.326).

Il n’est finalement pas spécialement dualiste, il tente simplement d’être sensible à ce qu’il observe.

Il ajoute « … l’âme est réellement et substantiellement unie au corps, non par sa situation et sa disposition […] mais qu’elle est unie au corps par une véritable union, telle que tous l’admettent, quoi que personne n’explique quelle est cette union, ce que vous n’êtes pas tenu non plus de faire » (Discours de la Lettre à Régius, 2000, p.177).

Nous remarquerons même que Descartes, parlant d’âme, parle souvent de « substance »

8.3     Exercices d’ouverture d’esprit

Nous avons un bon exercice d’ouverture d’esprit avec les  phénomènes NDE (near death expérience, ou expérience proche de la mort). Au fond, la question n’est pas de savoir si c’est vrai ou pas : c’est de toute façon « vrai » pour ceux qui l’ont vécu et ils peinent tellement à être entendus à cause d’une rationalité de principe (donc ni cartésienne, ni scientifique).

Cela conduit de nombreuses personnes à taire une telle expérience pourtant si intimement importante à leurs yeux... et de nombreux praticiens en viennent à dire, sans qu’ils sachent que cela est en rapport avec leur propre fermeture d’esprit, que très peu de gens, parmi leurs patients, leur racontent de telles choses ! En fait ce sont surtout les patients qui ne s’adressent pas à ceux qui sont trop fermés pour entendre des choses si précieuses et si subtiles. Alors quand ceux qui sont fermés en déduisent que cette information est rare, ils occultent le fait que cette rareté est plus de leur fait à eux, que de celui de leurs patients. Voilà comment naissent de « fausses vraies preuves ».

En réalité, comme nous ne savons rien à ce sujet, nous nous devrions au moins d’écouter ceux qui ont vécu une telle expérience. Toute attitude de dénigrement ferait ici honte à Descartes.

Par exemple, un patient sous anesthésie a perçu tous les moments de l’intervention, avec une possibilité de « zoomer » à tout instant vers n’importe quel détail. Là on peut penser que ce n’est que ce qu’il dit ou croit avoir vécu… mais quand d’une part ce qu’il rapporte est juste et que d’autre part, dans ce qu’il rapporte, il révèle de minuscules inscriptions figurant sous la table d’opération, ignorées même du chirurgien…

Plus étonnamment encore, un homme resté deux semaines dans le coma se réveille avec la sensation absolument réelle qu’il vient de quitter cinq années d’une vie, dans laquelle il était avec une femme qui accouchât de leur enfant cinq ans plus tôt. Il avait même été « présent » à cet accouchement survenu dans cette « autre vie » qui s’était écoulée pendant ces cinq années, pourtant contenues dans le court laps de temps des quinze jours de comas.  A son réveil, ses premiers mots sont « où est mon enfant ? » Or il n’a dans sa vie réelle, ni cette femme, ni cet enfant. Il en vient alors à dire que le plus dur, en revenant à lui fut, cette sensation de devoir faire le deuil de cette compagne et de cet enfant, qui sont pour lui d’une réalité absolue. Il vit en fait son réveil comme une « mort » à ces cinq années de vie et doit faire face au violent déni de son entourage, qui bien que voulant sincèrement l’aider, ne semble pas délicat à ce sujet.

Je ne  cite pas ces deux exemples qui heurtent la rationalité pour y apporter des explications, ni comme des preuves de quoi que ce soit. Je les utilise seulement pour insister sur le fait qu’il ne s’agit ni d’ y croire, ni de ne pas y croire, mais d’appuyer sur le fait que quand on ne sait pas, on n’affirme pas… on reste juste ouvert.

Or c’est là qu’il y a souvent problème : nombre de « doctes » prétendent affirmer « la vérité » (la leur). Il leur manque le doute et l’ouverture. Paradoxalement il s’agit souvent de membres du monde scientifique qui pourtant se considèrent issus du cartésianisme. Leur parole n’est pourtant, sur ce sujet, pas plus fiable que celle qu’ils contredisent. Cela est d’autant plus étonnant que le monde scientifique s’est pourtant progressivement habitué à d’étranges découvertes :

En 1909, Einstein démontre que la lumière est à la fois onde et corpuscule. Voilà un phénomène curieux où une chose comme la lumière est en même temps une particule (photon) et une onde immatérielle. Une sorte de nouveau dualisme !

Plus tard, les physiciens Alain Aspect (Orsay 1982) ainsi que Nicolas Gisin (Genève 1997) ont expérimentés le phénomène de « non séparabilité » nommé aussi « paradoxe EPR » (Einstein Podolski Rosen) : il s’agit d’une corrélation quantique insensible à l’espace ou au temps. Dans l’EPR,  deux particules ayant été en contact, quand on modifie l’une, cela produit instantanément une modification sur l’autre, quelle que soit la distance qui les sépare. Cette modification (corrélation) se passe instantanément et non à la vitesse de la lumière. Tout se passe « comme si » l’information prenait un autre chemin… mais lequel ? (si toutefois il s’agit d’un chemin !)

Les mathématiciens et les physiciens ne sont pas en mal de parler de dimensions supérieures. Cela fait partie de leurs calculs habituels.

Ces découvertes, parmi bien d’autres, devraient continuer à ouvrir l’esprit et sensibiliser au fait que les certitudes ne sont jamais acquises. Trouver encore aujourd’hui des « scientifiques » s’acharnant à nier des choses sous prétextes qu’elles ne sont pas encore démontrées, est donc bien plus inacceptable que du temps de Descartes. Chercher des explications alambiquées pour justifier de tels dénis l’est encore bien plus. Cela semblerait appartenir au passé obscurantiste dans lequel Galileo Galilei (Galilée) ne put faire valoir en 1633 (4 ans avant le Discours de la méthode) que la terre tourne autour du soleil. Cela est encore d’actualité aujourd’hui, quoique d’une façon différente. A l’adresse de tels esprits fermés, l’ouvrage Flatland (1884) est un modèle du genre.

Quoiqu’il ne soit pas un scientifique, Edwinn A. Abbott, aurait (surtout pour cela) certainement plu à Descartes. Sa réflexion de bon sens, sur les dimensions supérieures, l’aurait profondément touché, car il l’aborde malicieusement avec « la lumière naturelle » (de l’esprit).

Nous en trouvons l’exposé dans son ouvrage Flat land 1884 (Libre de doits, gratuitement disponible sur Internet à http://www.ebooksgratuits.com ). Il y ouvre l’esprit au concept de dimensions supérieures avec une fable géométrique dans laquelle il est question d’individus qui vivent à Pointland (monde à zéro dimension), à Lineland (monde à une dimension), à Flatland (monde à deux dimensions où vit le héros du livre) ou à Spaceland (monde à trois dimensions d’où vient un curieux visiteur). Il évoque même l’idée de mondes à plus de trois dimensions. Une intéressante réflexion sur ce qui est difficilement accessible à notre conscience et pratiquement impossible à partager avec ceux qui n’en ont pas l’intuition.

8.4     Ni affirmer ni infirmer

L’homme est-il « âme » ou « corps » ou « les deux en même temps », ou même « d’une autre nature » ? Y a-t-il dualisme ? Ce dualisme était-il tant que ça un fondement de la pensée de Descartes ?

En fait, il a surtout constaté qu’il était plus aisé d’être certain de l’existence de son âme que de celle de son corps. Ce raisonnement est surprenant mais montre vraiment à quel point il s’agit d’être libre de l’a priori.

Dans tous ces domaines, le problème ne vient en aucun cas des idées énoncées par chacun (quelles qu’elles soient), mais du fait que certains prétendent savoir mieux que les autres, comme s’ils avaient eu un accès à une sorte de vérité absolue. Le pire est que de nombreux esprits, soi-disant scientifiques, proposent (ou même imposent) de telles affirmations, là où ils ne savent rien, c'est à dire dans la négation d’une réalité non corporelle, dans un a priori qui n’a pas plus été démontré que son contraire. Ceci n’a pas été le cas de Descartes… et c’est pourtant ce que certains lui reprochent en manifestant leur désaccord sur le dualisme.

Or il a simplement proposé l’état de ses recherches tout en laissant le champ ouvert à d’autres réflexions. Ceux qui lui font ce reproche ne sont que ceux qui ont fermés leur réflexion. Descartes n’a jamais invité personne à fermer sa propre réflexion… bien au contraire toute la substance de sa méthode est de garder l’esprit ouvert, le bon sens en éveil et être prêt à tout remettre en cause, si nécessaire, à chaque instant, mais en gardant intuition et sensibilité.

Ce dont on n’a prouvé, ni l’existence, ni la non existence, ne peut être pris ni pour vrai ni pour faux, mais peut faire partie des hypothèses, de l’intuition servant à la recherche. La base évidente est de ne pas prendre une hypothèse pour une certitude… c’est élémentaire… mais comme nous en averti Descartes : ce qui est élémentaire échappe souvent aux esprits les plus « doctes » !

Une chose qui n’a pas été démontrée doit toujours rester dans le domaine de l’intuition et inspirer de fructueuses pistes. Riche de cette considération, l’imagination doit pouvoir s’exprimer sans risque de nous égarer, et enrichir notre pensée et notre recherche, aussi rigoureuse soit-elle. Ceux qui, sans démonstration réelle, critiquent le dualisme, manquent de cette rigueur. Ils devraient uniquement affirmer que leur intuition est différente, mais ne surtout pas l’établir en vérité démontrée. Ils amènent simplement un autre type d’hypothèse de recherche qui n’est insupportable que quand cette hypothèse est énoncée comme étant une certitude.

9               En psychologie

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Pour terminer, nous utiliserons tout cela pour aborder les phénomènes de la psyché, (abondamment traité dans mon site). Nous avons déjà listé quelques axiomes en communication. Recherchons en maintenant quelques uns en psychologie.

9.1     Axiomes en psychologie

Comme c’était le cas plus haut pour la communication, les axiomes ci-dessous ne sont pas  des références tirées d’autres ouvrages, mais des éléments directement observés par l’auteur, ou par quiconque porte son attention sur le sujet.

-Base

1er axiome en psychologie :  Il y a  d’une part l’individu, et d’autre part deux éléments : 1-le monde qui lui est extérieur (le « réel » objectif), et 2-le monde qui lui est intérieur (l’imaginaire subjectif).

2e axiome en psychologie :  l’individu vivant une circonstance n’est pas cette circonstance. Il en découle naturellement que l’horreur de la circonstance n’entame pas la valeur de celui qui l'a vécue, quand on est capable de distinguer la circonstance d’une part, et l’individu de l’autre.

-Interactions

3e axiome en psychologie : Le monde objectif, qui est extérieur à l’individu, dépend des autres, mais il peut être influencé par lui.

4e axiome en psychologie : Le monde subjectif, qui est intérieur à l’individu, dépend essentiellement de celui-ci, mais peut être influencé par les autres.

-Perceptions

Nous avons, sur les perceptions, une intéressante remarque de Descartes:

« Mais cela ne trompera pas l’entendement du sage, car, tout en jugeant que l’image reçue de l’imagination  a été vraiment gravée, il n’affirmera cependant jamais que cette image est venue, toute entière et sans altération, de la réalité extérieure aux sens et des sens à l’imagination, à moins de l’avoir su d’abord par quelque autre moyen » (Règles pour la direction de l’esprit Règle XII, 1999, p.85).

5e axiome en psychologie : Nous ne percevons pas le monde tel qu’il est mais tel que nous nous le représentons. Selon notre expérience de vie, les représentations subjectives, d’une même chose objective, peuvent varier jusqu’à l’opposé.

6e axiome en psychologie : Cette représentation du monde dépend d’une part de ce qui nous entoure et d’autre part de qui est déjà en nous, puis de ce que nous en faisons. L’image mentale résulte d'un tel assemblage. Cela constitue l’expérience.

7e axiome en psychologie : La représentation intérieure subjective du monde extérieur objectif, est subordonnée à la préexistence d’un monde subjectif, nécessaire pour construire cette représentation. Une telle représentation ne peut exister sans s’appuyer sur une expérience antérieure initiale. On peut se demander « quel en est le point de départ ? »  Note : Nous pointons ici ce qui fait la difficulté d’avoir des évidences « a priori » selon la définition de Kant, c'est-à-dire qui ne dépendent pas d’une expérience antérieure.

8e axiome en psychologie : L’imaginaire subjectif d’un individu peut lui paraître plus réel que le « réel » objectif  (c’est même le cas de certains rêves). Un individu peut croire que sa perception subjective du réel, est vraiment le réel objectif.
Déduction : Nous trouvons cela exacerbé dans deux cas de figure opposés :  
I- Chez les personnes « équilibrées » matérialistes qui croient que leurs perceptions sont la réalité (le voir pour le croire).  
II- chez les personnes « déséquilibrées » psychotiques qui croient que leurs hallucinations sont la réalité.

-Réactions

9e axiome en psychologie : Nous sommes portés à vouloir éloigner de nous les souvenirs d’expériences déplaisantes.

10e axiome en psychologie : l’individu éloignant en lui ce qui a souffert se trouve alors intérieurement fractionné.

11e axiome en psychologie : Des émotions se produisent indépendamment de notre volonté.

12e axiome en psychologie : Nous allons parfois involontairement vers ce que nous ne souhaitons pas.

9.2     Hypothèses

Pour construire  des hypothèses nous pouvons même nous appuyer sur cette remarque de Descartes, déjà citée plus haut :

« Tout l’artifice sera de supposer connu ce qui est inconnu, de manière à nous donner un moyen facile et direct de recherche même dans les difficultés les plus embrouillées » (Règles pour la direction de l’esprit Règle XII, 1999, p.112).

1ère hypothèse :  Tout se passe comme si il y avait 1-« celui qu’on est », 2-« tous ceux qu’on  a été » 3-« tous ceux dont on est issu ». Les fractionnements peuvent concerner ces différents éléments. L’éventualité est que ces différents éléments constituent le Soi en quête d’individuation, en quête de restaurer son intégrité.

2e hypothèse : A l’éloignement de ce qui a été désagréable semble succéder la recherche de ce qui, en soi, a vécu cela. Ainsi un individu peut tendre à aller vers ce qui réactivera d’anciennes blessures, comme s’il le faisait de façon pulsionnelle. Probablement une pulsion de vie (au sens existentiel maïeusthésique du Soi et non au sens libidinal freudien du ça ou du moi) tendant à « réassembler » ce qui, en lui, a été fracturé. (voir publication de novembre 2005 sur ça moi surmoi, Soi).

3e hypothèse : Accompagnant cette pulsion de vie, une thérapie peut viser à s’occuper des fractionnements qui sont des sortes de « fractures de l’âme », que le praticien se doit 1-de localiser, 2-de réduire, 3-de ressouder par médiation intérieure. Descartes a énoncé quelques propos qui peuvent être utiles à la localisation de ces fractures par la recherche de « patterns » (c 'est à dire d’éléments comportant une émotion analogue) :

« …toute connaissance qui ne s’acquière pas par l’intuition simple et pure d’un objet isolé, s’acquière par la comparaison de deux ou plusieurs objets isolés » (Règles pour la direction de l’esprit Règle XIV, 1999, p.96) « …à voir une égalité entre ce qui est cherché et quelque chose de connu » (ibid Règle XIV, 1999, p.97).

Il a aussi émis une intéressante remarque sur ce qu’est une vraie question, pouvant être utilisé dans ce que j’appelle le guidage non directif :

« Dans toute question il y a quelque chose d’inconnu, car autrement la recherche serait inutile » (ibid Règle XII, 1999, p.90).

4e hypothèse : Cette médiation intérieure peut se résumer au rétablissement de la communication subjective entre le Soi présent et le Soi antérieur qui a vécu l’expérience. Cela n’est possible que quand on a su clairement différencier d’une part la circonstance vécue et d’autre part celui qui l’a vécue (axiome 2).

5e hypothèse : Tout se passe comme si le Soi présent et le Soi antérieur n’avaient jamais cessés d’être contigus (mais avec une fracture entre eux). « Celui qu’on a été » n’a jamais cessé d’être avec nous depuis cette époque antérieure. L’époque antérieure est dans le passé, mais ce n’est pas elle que nous recherchons. Ce que nous recherchons est cette part du Soi qui s’y trouvait et qui n’a jamais cessé d’être avec nous depuis tout ce temps. Il n’y a donc pas vraiment de « retours dans le passé », mais plutôt une ouverture à Soi.

Cela remet en cause les notions de retour, de régression, d’élimination cathartique de ce qui serait mauvais en soi… etc. Cela est un des thèmes majeurs abordés en détail dans mon prochain ouvrage dont l’édition est prévue en 2007

9.3     Résultats

Tous ces axiomes et surtout toutes ces hypothèses ne prennent valeur que dans la mesure où ils débouchent sur une aide effective.

Le fonctionnement et les résultats d’une telle approche sont décrits dans ma publication « communication thérapeutique » ainsi que dans mes ouvrages « Chaleureuse rencontre avec soi-même » (1996) et « L’écoute thérapeutique » (2001,2005).

Vous en trouverez aussi des éléments dans d’autres de mes publications « Dépression et suicide » (juin 2001) «  Aider le malade alcoolique » (mars 2003), « Humanisation de la fin de vie » (avril 2003) « Anorexie » (juillet 2006) (et bien d’autres à choisir dans la « liste des publications ».

 Je ne me suis pas appuyé sur la pensée de René Descartes pour élaborer l’approche maïeusthésique, mais lisant ses écrits, a posteriori, j’y ai reconnu une façon de penser qui m’a profondément touché, car je l’avais souvent mise en œuvre sans le savoir. J’ai été aussi très affecté qu’on ait si souvent présenté René Descartes comme étant la source d’esprits rigoureux… mais bornés, alors que c’est tout le contraire (concernant le fait d’être borné).

C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai rédigé les lignes de cette présente publication, comme un clin d’œil à un ami du XVIe siècle. Il y a là comme une curieuse sensation de se sentir ami d’un être qu’on n’a pas connu mais dont on est si touché qu’il ait osé tant de nuances et de subtilités, dans une époque plutôt obscurantiste (il faut la replacer dans son contexte). La spiritualité autant que la science se devraient de ne jamais être obscurantistes. Pourtant, à l’obscurantisme religieux de son époque a hélas succédé un étonnant et paradoxal « obscurantisme scientifique » qui, se réclamant du cartésianisme, a pourtant fait l’impasse sur l’intuition, la sensibilité, la lumière naturelle… pour les remplacer par des échafaudages intellectuels proches d’une sorte de tour de Babel moderne, coupant l’homme de lui-même (il ne comprend plus son langage intérieur)..

Naturellement cela n’est pas le cas de tous les scientifiques. Il est seulement regrettable que nombre d’entre eux, sous prétexte de rigueur, aient abouti à des limitations ou fermetures préjudiciables à leurs recherches.  L’appauvrissement en est tel que « Le pape de la physique Wolfgang Pauli, avait d’ailleurs coutume de dire d’articles corrects mais sans âmes qu’il n’étaient même pas faux, tant il est vrai qu’une erreur inspirée peut être féconde. Il est même admissible, en physique, de prendre des libertés avec la rigueur mathématique s’il s’agit de promouvoir une direction de recherche et non d’en interdire une » (cité dans, Bogdanov, 2004, p.345).

Il est heureusement possible d’associer toutes ces découvertes modernes à la lumière naturelle de l’esprit de Descartes, où à la raison pure de Kant, pour ne pas perdre le discernement, l’intuition et la confiance, qui, associés à la rigueur, mais aussi à la souplesse, nous permettrons de continuels progrès sans rien perdre d’humanité, de profondeur et de sensibilité. Nous sommes ainsi invités à ne pas nous détourner de ce potentiel qui est en chacun de nous.

Thierry TOURNEBISE

 

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Bibliographie

Bruner, Jerome
Car la culture donne forme à l’esprit – Georg Eshel - Genève, 1997

Bogdanov, Igor et Grichka
-Avant le big-bang  - Grasset, 2004

Cyrulnik, Boris
De chair et d’esprit –Odile Jacob, Paris 2006

Descartes, René
-
Le discours de la méthode – Flammarion, Paris 2000.
-
Descartes, Œuvres Lettres - Règles pour la direction de l’espritLa recherche de la vérité par la lumière naturelle – Méditations – Discours de la méthode  « Bibliothèque de la Pléiade » Gallimard – Lonrai, 1999  

Desproges, Pierre
Fonds de tiroirs _ Le Seuil 1990

Groddeck, Georg
-
Le ça, le moi, le surmoi - Tchou, 1978

Hamilton, Edith
La Mythologie – Marabout, Alleur (Belgique) 1997 

Ionescu Serban
14 approches de la psychopathologie -, Nathan, 2004

Jung, Carl Gustav
-
Ma vie, souvenirs rêves et pensées- Gallimard Folio, 1973

Kant, Emmanuel
-Critique de la raison pure – Flammarion, 2006

Nietzsche, Friedrich
-Par-delà le bien et le mal – Le livre de Poche, 2000  

Rabelais, François
Oeuvres  complètes - Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Bruges1962

Reeves Hubert
-A la découverte de l’univers invisible - Science et avenir, n°716, Octobre 2006

Schiff Michel
-Bulletin de psychologie n°400  - mars avril 1991

Spinoza, Baruch
-Œuvres complètes – « Bibliothèque de la pléiade », Gallimard – Etampes, 1962

Winnicott, Donald Wood
 -Jeu et réalité - Folio Gallimard 197

Dictionnaires

-Dictionnaire méthodique du français actuel - Le Robert 1986

-Dictionnaire historique de la langue française - Le Robert 2004