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La vastitude du "petit "

En thérapie, comment nommer
les « Êtres de Soi » émergeants

Novembre 2022   -    © copyright Thierry TOURNEBISE

 

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Souvent, en thérapie, nous entendons le praticien parler du « petit garçon » ou de la « petite fille » pour désigner celui que nous étions dans l’enfance, émergeant au cours d’une séance. Cette terminologie est souvent mal venue car un Être ne se sent jamais « petit » (ni « grand »), quelle que soit l’étape de sa vie !

Ce choix verbal n’est le plus souvent pas souhaitable car abuser de la terminologie « petit garçon » ou « petite fille » au cours d’une thérapie peut altérer la qualité de celle-ci. Parfois elle est pertinente, la plupart du temps, elle ne l’est pas. Cela vaut aussi pour toutes les étapes de la vie.

Voici quelques lignes pour accompagner les praticiens dans les séances qu’ils proposent à leurs patients. Il n’y a pas de bibliographie sur ce sujet, car il n’est hélas pas spécifiquement abordé. Vous trouverez dans ce texte de nombreuses nuances éclairantes, tant pour les praticiens que pour les patients.

Sommaire

1 En entretien de psychothérapie
- Première étape - Seconde étape - Les enjeux expérientiels

2 Comment nommer celui qu’on était
- Du symptôme vers les éléments qui appellent - Quelques types de propos adaptés - Qu’en est-il du fameux « enfant intérieur » ?

3 Quelques maladresses fréquentes
- Ces Êtres qu’on miniaturise - Des thérapies libres de l’événementiel - Une infinitude hors des mesures

4 La nécessaire décontextualisation
-Des Êtres et des enjeux - Des périodes variées pour des phénomènes invariants – Dialogues pour identifier puis accompagner – Patterns et répétitions – Mémorial – Un guide vers un finalité qui nous attend – Un étalon précieux

5 Le « petit » plus conscient que le « grand »
- La maturité et la conscience – Les interactions atemporelles – La pertinence au cœur de la psyché

Bibliographie
Bibliographie du site

1    En entretien de psychothérapie

1.1    Première étape

En maïeusthésie, une première étape consiste à identifier ce qui appelle la conscience du patient à travers ses symptômes. Des « zones » de Soi s’expriment ainsi en vue de « remédiations » ou de « déploiements ».

Les « remédiations » consistent à réunir ce qui a été clivé à la suite de pertinentes réactions de survie.

Les « déploiements », eux, consistent à devenir qui l’on a à être… un peu comme si un « futur » nous appelait pour être rejoint. Abraham Maslow aimait nous proposer que celui qu’on à être (futur) et celui que nous sommes (présent) sont en fait comme contemporains l’un de l’autre. Il ne s’agit finalement que de déployer ce qui existe déjà.

« Ce que l’on devrait être est pratiquement identique à ce que l’on est au plus profond de soi […] L’être et le devenir sont côte à côte concomitants. » (Maslow, 2006, p.134)

1.2    Seconde étape

Une fois identifiée, cette zone de Soi sera investie en « mettant son attention dessus » et en y accomplissant ce qui est attendu (remédiation ou déploiement).

Nous trouverons fréquemment « celui qu’est le patient » ayant à œuvrer envers « l’un de ceux qu’il a été » (biographique) ou « l’un de ceux dont il est issu » (inter ou trans générationnel). Mais nous pouvons aussi avoir du systémique (le symptôme de l’un ouvre un chemin chez un autre), ou du transpersonnel (hors biographique ou hors lignée, vers des Êtres inconnus).

Le plus souvent, il s’agira de « remédiations » et il y aura :

1/ à accorder une « reconnaissance » à cet Être identifié (être touché par qui il est), c’est-à-dire lui offrir une validation existentielle, puis

2/ lui adresser une « validation de son éprouvé » (valider la nature et la dimension de ce que cet Être a éprouvé lors d’un trauma). Ce n’est pas le trauma que l’on reparcourt (ni reviviscence, ni régression), c’est l’Être qui l’a éprouvé que l’on rencontre.

Parfois il s’agira juste de « déploiement ». Alors il y aura simplement à accomplir cette « reconnaissance », et à attester combien l’on est touché par cet Être de Soi qui avait juste besoin d’être rencontré pour que le patient puisse se laisser aller à le devenir, qu’il se laisse enfin être. C’est presque comme un futur que l’on rejoint et qui est désormais actualisé, ou comme une graine qui attendait de l’eau et de la lumière pour émerger.

1.3    Des enjeux expérientiels

Il s’agit d’enjeux entre des Êtres qui ne peuvent se résumer ni à de l’événementiel, ni à du sensoriel, ni à des représentations ou à des explications intellectuelles.

La dimension expérientielle n’est qu’imparfaitement représentée par des expressions faisant appel à la sensorialité. « Regardez-le », « Ecoutez ce qu’il a à dire », « Que voyez-vous ? », « Qu’entendez-vous ? ». Souvent ces phrases ne fonctionnent pas. Il arrive heureusement que le patient fasse lui-même la transposition, mais parfois il ne le fait pas, et des propos trop en sensorialité bloquent ou freinent le processus. Il s’agit bien de perceptions, mais elles ne sont pas d’ordre sensoriel. Alors « que percevez-vous ? » ou « que se passe-t-il ? » seront souvent plus juste que les formulations « que voyez-vous ? » ou « qu’entendez-vous ? ».

La sensorialité donne accès à la réalité (faits objectivables) que l’on peut mentalement se représenter, alors que l’expérientiel donne accès au Réel* que les outils cognitifs [le mental] se représentent mal ou pas du tout (mais qui sont réellement éprouvés et nécessitent quand-même d’être validés).

*Voir sur ce site la publication d’avril 2018 « La réalité, les vérités, le Réel ».

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2    Comment nommer celui qu’on était

2.1    Du symptôme vers les éléments qui appellent

Quand une personne consulte, elle vient chez le praticien avec une manifestation somatique (corporelle) ou émotionnelle (psychique).

2.1.1    Quand la manifestation est somatique

Quand la manifestation est somatique elle peut être d’origine purement physiologique. En ce cas il revient au médecin de la soigner et non au psychopraticien. Pourtant, certaines manifestations somatiques peuvent être en totalité ou en partie d’origine psychique. En ce cas, le psychopraticien donnera le soin concernant la partie d’origine psychique, mais il vérifiera toujours si le patient a vu un médecin concernant l’aspect physiologique. Nous voyons ici à quel point le soin psychique n’exclut pas le soin corporel, et inversement.

Dans le cas somatique, il reste une nuance inattendue où nous distinguerons

1/d’une part une manifestation somatique qui exprime une douleur de la psyché (psychosomatique classique : émotion psychique antérieure, qui a été éprouvée par celui qu’on était, pour lequel le corps joue le rôle de mémorial).

2/ d’autre part une manifestation somatique qui exprime une émotion éprouvée par le corps lui-même, considéré ici comme un Être à part entière (zone émotionnelle du corps, pour laquelle nous n’avons pas de termes pour la désigner, pas même un néologisme). 

Ce qui nous conduit ici à faire une distinction, c’est que la psyché peut s’être sentie paisible alors que le corps peut avoir éprouvé une émotion douloureuse : une peur, un sentiment d’abandon, de danger éprouvé viscéralement, de deuil… etc., pendant que la psyché, elle, s’en est déconnectée et se trouve en paix.

Est-il raisonnable de distinguer entre le vécu du corps et celui de la psyché ? Il ne s’agit pas là d’une adhésion à une théorie ni à une croyance mais d’une observation clinique. Ne pas en tenir compte pourrait engendrer des maladresses.

2.1.2    Quand la manifestation est émotionnelle

Quand la manifestation est émotionnelle, elle peut être d’origine psychique : un vécu éprouvé jadis par la psyché qui en a gardé un impact (et, plus précisément une trace de type « mémorial »). C’est le plus souvent le cas. Mais il n’est pas à exclure que cette émotion reflète un vécu émotionnel du corps, ainsi que nous l’avons abordé dans le paragraphe précédent.

De ce fait le « décodage » n’en est pas toujours aisé et l’on doit simplement suivre ce qui s’exprime avec beaucoup d’acuité et d’humilité afin d’identifier ce qui appelle la conscience à travers cette manifestation. Cette manifestation invite à porter son attention vers cet élément de la psyché ou du corps ayant eu un éprouvé lors d’une zone traumatique (moment ou période). 

Le clivage (pulsion de survie) qui s’est produit ainsi au cœur de la psyché, engendra ensuite une invitation à la remédiation et à l’intégration (pulsion de vie) de cet Être de Soi qui a été mis à l’écart.

2.1.3    Vers un déploiement

Mais il n’est pas à exclure que l’attention du patient soit invitée vers une zone de Soi non clivée, encore non révélée, juste à déployer.

Rappelons-nous qu’une manifestation (symptôme) pointe soit vers une remédiation (reconnecter, réhabiliter), soit vers un déploiement (devenir qui l’on a à être).

2.1.4    Zones de la psyché concernées

Les éléments de la psyché à considérer peuvent se trouver :

-soit dans la biographie du patient (prénatal, enfance, adulte…),

-soit dans son inter ou trans générationnel (vécu éprouvé par un parent ou un aïeul),

-soit dans l’environnement en interaction systémique (dans la lignée ou en dehors),

-soit dans du transpersonnel (vécu hors biographie, hors histoire familiale, hors environnement direct) concernant des zones existentielles de l’humanité (ou autre), du monde en vastitude.

De ce fait, comment nommer l’Être de Soi identifié !?

2.2    Quelques types de propos adaptés

IMPORTANT : aucun propos ne peut être une référence absolue généralisable. Le plus important est la posture, la qualité d’attention, l’émerveillement du praticien : quand c’est l’enfance qui émerge dans la psyché du patient, le praticien s’adresse-t-il à l’Être qu’était le patient dans son enfance, ou bien au « petit » ? S’agit-il de l’Être dans sa dimension potentielle, ou juste de son statut social ou familial du moment ?

En fait, il est censé porter son attention vers l’Être qu’était son patient dans l’enfance. Il en est touché, et il invite le patient à offrir, lui aussi, sa propre attention à celui qu’il était dans cette jeune époque de son existence.

Par commodité de langage il peut occasionnellement être utilisé « petit(e) » ou grand(e) » pour distinguer clairement le patient d’aujourd’hui de celui qu’il était autrefois dans son enfance, mais il convient toujours de considérer celui qu’il était comme un Être à part entière et non comme une « miniature » !

En fait, si la posture est correcte, peu importe les mots utilisés et il serait maladroit de se fixer sur une « verbalisation absolue standardisée ». Tout cela doit systématiquement s’accompagner de spontanéité et de congruence. La verbalisation sera adaptée au contexte, toute en subtilité, en sensibilité, et surtout : en bon sens*.

Ainsi, quand la posture est juste, riche de candeur, des verbalisations maladroites n’impactent pas négativement la séance. En revanche, même avec des mots « parfaits », sans la posture juste, la séance n’aboutira pas.

Je vous propose d’aborder des possibilités de verbalisation en ayant bien conscience de cela. Il n’en demeure pas moins que tout propos tendant à désigner celui qu’était le patient dans son enfance comme étant « miniature » n’est pas souhaitable. Si, en plus, la posture n’est pas juste… la séance en sera hélas négativement impactée.

Les exemples ci-dessous donnent simplement des possibilités verbales, dont il convient de saisir la posture, l’intention, l’attention.

Le praticien n’oubliera pas que s’il invite son patient à porter son attention vers un Être émergeant, le praticien est lui-même déjà en proximité de celui-ci afin que son patient puisse le faire, lui aussi, avec simplicité et spontanéité (voir la publication de septembre 2016 « Emplacement subjectif du praticien »)

2.2.1    Dans le biographique

Voici quelques types de propos adaptés selon le contexte :

À la suite d’une émergence dans la zone prénatale :
« Mettez votre attention sur celui (celle) que vous étiez dans le ventre de la femme qu’était votre mère » (et non « sur le fœtus que vous étiez »)

À la suite d’une émergence dans la période de l’enfance :
« Mettez votre attention sur celui que vous étiez lors de votre enfance ». (et non « sur le petit que vous étiez »).

À la suite d’une émergence se situant dans la vie adulte
« Mettez votre attention sur l’homme (la femme) que vous étiez » ou plus simplement « … sur celui (celle) que vous étiez ».

L’idée est :

1/De rendre distincts celui qu’il est actuellement et celui qu’il était, afin qu’ils puissent se « rencontrer ».

2/De rendre celui qu’il était distinct des faits qui se sont produits, afin qu’il soit « rencontrable ».

2.2.2    Dans l’intergénérationnel

À la suite de l’émergence des Êtres que sont les parents ou grands-parents

« Mettez votre attention sur l’homme qu’est votre père » ou « sur l’Être qu’est votre père » (et non « votre père » et encore moins « votre papa » car alors le patient régresserait en tant qu’enfant face à son papa).

« Mettez votre attention sur la femme qu’est votre mère » ou « sur l’Être qu’est votre mère » (et non « votre mère » ou encore moins « votre maman », car alors le patient régresserait en tant qu’enfant face sa maman).

Attention, le mot « Être » n’est pas clair pour tout le monde. En ce cas on, peut aussi utiliser « celui qu’était votre père » ou « celle qu’était votre mère ».

Les termes « celui » ou « celle » sont alors prononcés avec une grande douceur afin de ne pas avoir de consonnance péjorative.

Pareillement avec les termes grand-père ou grand-mère.

2.2.3    Dans le transgénérationnel

À la suite de l’émergence d’un aïeul lointain :

« Mettez votre attention sur "celui" (ou "l’homme") qu’était votre arrière-grand-père ("celle""femme" quand c’est l’arrière-grand-mère) » ou « … sur l’Être qu’était votre… ».

Si c’est dans l’enfance de celui-ci ou de celle-ci :

- « Mettez votre attention sur l’enfant qu’était votre arrière-grand-mère (arrière-grand-père) » ou mieux :

- « Mettez votre attention sur l’Être qu’était votre… lors de son enfance » ou :

- « Mettez votre attention sur celui qu’était votre… lors de son enfance »… d’autant plus que cela peut se situer au-delà des arrières grands-parents.

- Il est parfois des endroits très anciens de la lignée qui ne sont alors pas aisés à énoncer. On parlera alors de « celui » (celle) qu’il (elle) était.

2.2.4    Dans le transpersonnel

Dans d’autres zones existentielles, hors biographie et hors inter ou trans générationnel, le mot « Être » sera le plus souvent utilisé :

« Mettez votre attention sur cet (ces) Être(s)… »

On pourra aussi utiliser « Celui » ou « Celle », « Lui » ou « Elle ».

Cela peut concerner un Être dont on ne sait pas qui il est, mais dont on perçoit la présence. Il peut s’agir aussi d’un groupe d’Êtres, d’un peuple, ou un pan de l’humanité (on utilisera alors « Eux » ou « Elles »), ou même « d’Esprits ». Il peut s’agir du patient lui-même dans un ailleurs indéfinissable qu’il peut éprouver comme « avant sa venue au monde », « entre deux vies », « dans une autre vie » ou encore d’autres possibilités inattendues.

Bien sûr de telles situations ne sont absolument pas objectivables, mais si un Être émergeant apparait dans une telle zone, il s’y trouvera accueilli par le praticien de la même façon, et les processus engagés seront les mêmes que pour toute autre situation de l’existence.

2.2.5    Différence entre l’imaginaire et l’expérientiel

Le praticien n’a pas l’option d’œuvrer sur l’imaginaire du patient. L’imaginaire (représentations mentales, imagerie) peut se modifier à volonté, on a la main dessus ! Mais ce n’est pas là que se tient l’espace des phénomènes thérapeutiques.

En thérapie, il ne s’agit pas d’une zone imaginaire (où le patient créerait mentalement une représentation sensorielle facilement modifiable) mais d’une zone expérientielle (rendant compte d’un Réel qui ne passe ni par les sens ni par l’imaginaire, mais qui est profondément perçue et ne se laisse pas modifier au gré de notre volonté).

L’imaginaire est modulable selon le désir du patient, alors que l’expérientiel lui ne l’est pas. Cette zone expérientielle ne se modifie que spontanément, par les validations et reconnaissances réellement accomplies.

C’est sans doute un point assez délicat pour les praticiens qui doivent ici valider des zones purement subjectives concernant le Réel du patient. Il ne s’y trouve pas de supports objectivables, c’est-à-dire pas de réalités dont les sens rendraient compte par des images mentales.

Par exemple :

Le patient retrouve celui qu’il était dans l’enfance. Dans cette zone de l’enfance, son frère lui a volé son Doudou. Certes il y a un événement. Mais l’action ne porte pas dessus : il y un Être qui tient à un objet (Doudou), et l’autre qui le veut et le lui dérobe. Il y a surtout des Êtres en interaction et des ressentis !

Le praticien pourrait être tenté de faire imaginer à son patient que le Doudou est rendu à l’enfant. Mais cela sera sans effet. Il devra plutôt être touché par cet enfant qui se révèle (validation existentielle) puis valider son éprouvé (peur, et manque bouleversant du doudou).

Puis, celui qu’était le patient dans son enfance se retrouvant apaisé par cette proximité et cette validation, le praticien les invite ensemble, en équipe (le patient avec celui qu’il était), à demander à celui qu’était le frère en quoi il était juste pour lui de le dérober. Là aussi c’est une validation existentielle vers celui qu’était le frère (ce dernier est considéré comme un Être à part entière, car on ne piste pas des « méchants »), suivie d’une validation de ce qu’il a éprouvé dans son élan de prendre le doudou.

Tout le monde ayant été existentiellement reconnu puis validé dans son éprouvé, il en résulte un apaisement qui ne peut aucunement se décréter artificiellement, ni être produit par un acte imaginaire : il ne peut que survenir spontanément si l’on a accompli la remédiation attendue (finalité à rejoindre) entre le patient et celui qu’il était dans l’enfance, et même la remédiation avec celui qu’était le frère.

Il s’agit surtout de ne pas confondre une telle approche avec les notions de pardon. Dans le pardon, la victime et l’auteur sont niés dans leurs ressentis et dans leurs raisons… rien n’avance. Ce thème est si subtil que je ne peux ici le développer davantage. Si vous avez besoin de précisions à ce sujet je vous invite à lire ma publication de novembre 2016 « Sans rancune ni pardon ».

2.2.6    Dans un vécu du Corps

Le Corps est aussi un interlocuteur à part entière (voir sur ce site la publication de janvier 2013 « Le corps comme interlocuteur – le grand oublié de la psychothérapie »).

Pour le corps ce sera :

« Mettez votre attention sur Celui qu’est (ou était) votre Corps… »
« Mettez votre attention sur cette zone de votre Corps » (jambe, main, ventre, cœur, sexe, cerveau…, toute partie du corps qui appelle l’attention et qui s’est manifestée à travers le symptôme).

Chaque partie du Corps peut être considérée comme un Être à part entière, de même que n’importe quel endroit de la psyché.

Ainsi que nous l’avons vu précédemment il peut, soit s’exprimer pour rendre compte d’une blessure de la psyché (ce qu’on appelle couramment « psychosomatique »), soit pour rendre compte de sa propre blessure émotionnelle. On n’a pas de nom pour désigner cela, difficile même de trouver un néologisme ! Chez les grecs, « Psukhê » désignait l’âme animale et « Noos » l’âme spirituelle. Ce n’est hélas pas utilisable pour constituer un nouveau mot. Donc les états émotionnels du corps restent innomés.

Il existe même des situations systémiques* où une remédiation est à accomplir pour le corps d’un autre : par exemple ce patient qui s’est retrouvé impacté en interaction systémique avec une personne de son entourage, greffée du cœur, se disant heureuse de « s’être débarrassée de ce cœur qui ne fonctionnait plus ». Le symptôme de ce patient nous a conduits à accompagner ce cœur méprisé, à valider ses qualités, car il avait permis de tenir jusque-là et ainsi sortir de l’ingratitude à son égard. Le symptôme s’est aussitôt apaisé. Le cœur y a été rencontré comme un Être à part entière.

*Est dit systémique ce qui constitue un système où tout est en interrelation, où une manifestation à un bout du système dépend d’une situation à l’autre bout. Il arrive ainsi que les symptômes chez une personne pointent vers une remédiation ou un déploiement à accomplir chez une autre personne.

2.2.7    Dans le futur

Il peut y avoir des futurs à rejoindre :

« Mettez votre attention sur Celui que vous serez à ce moment-là »

Cet endroit futur de la psyché peut, soit se retrouver accompagné par le patient, soit lui-même être en paix et devenir une ressource pour celui-ci.

2.2.8    Concernant le mot « Être »

Encore une fois, attention : rappelons que le mot « Être » n’est pas juste pour tout le monde. Il peut sembler incongru à quelques personnes qui lui donneront une connotation inconfortable, ou même ne pas avoir de sens pour certains.

2.3    Qu’en est-il du fameux « enfant intérieur » ?

On entend souvent parler de « l’enfant intérieur ». Or ce terme reflète mal ce que l’on cherche à évoquer. Parle-t-on de « l’enfant que nous étions » ? ou de « l’Être que nous étions quand nous étions enfant » ?

Bien sûr chacun de ceux que nous étions nous constituent, y compris enfant. Mais qu’est-ce qui nous constitue ? : notre personnalité et notre corps du moment ? ou celui que nous étions qui avait cette personnalité et cette apparence ?

D’autre part, dans la représentation que nous en avons, nous imaginons souvent que celui que nous étions est une « partie de Soi ». Que chaque « part de Soi antérieure » est contenue dans chacun de ceux que nous sommes ultérieurement... pareillement aux couches multiples de l’oignon ou, plus gracieusement, pareillement aux fameuses poupées russes (Matroska). Il se trouve pourtant que les métaphores ont toujours leurs limites et se retrouvent ainsi très réductrices.

Si l’on veut être plus précis c’est quasiment irreprésentable : chacun de tous ceux que nous avons été n’est pas une « part de Soi », mais un « Être à part entière »… contenant même chacun potentiellement « l’entièreté de Soi » (passée et future) ! De plus, chacun de ceux qu’on a été est à la fois distinct de tous les autres et occupe pourtant l’entièreté de Soi. C’est géométriquement non représentable. Nous sommes ici dans un expérientiel que le cognitif ne peut élaborer en représentation mentale. C’est de l’ordre d’un vécu existentiel éprouvé.

IMPORTANT : Il ne s’agit pas de la pièce égarée d’un puzzle à laquelle on ferait rejoindre sa place assignée. Il s’agit d’un Être de Soi qui, rejoignant la psyché après un temps de clivage, s’y déploie en l’occupant entièrement, sans pour autant n’empiéter sur aucun des autres Êtres de Soi qui constituent aussi cette psyché.

Voilà sans doute pourquoi les énoncés ne sont pas aisés, et les termes utilisés souvent inadaptés. Il y a comme une intuition du Réel qui est en jeu, mais comme ce Réel n’est ni objectivable, ni représentable mentalement, nous avons du mal à le désigner correctement. Il échappe à nos capacités cognitives.

Donc il ne s’agit pas tant de « l’enfant intérieur », mais de celui que nous étions quand nous étions enfant : l’Être intime que nous étions lors de notre enfance.

Comme cet Être disposait de moins d’intellect et de plus de candeur (comme le Poliandre de Descartes). Sa dimension existentielle s’en retrouvait souvent plus disponible que l’adulte que nous sommes devenu. Il avait à la fois une sensibilité ontique plus grande (car moins de préjugés, plus ouvert au subtil), et aussi une plus grande vulnérabilité (car moins de moyens pour faire face). D’où de nombreux endroits de l’enfance où se trouvent des traumas plus ou moins marquants, mais aussi une ressource inestimable.

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3    Quelques maladresses fréquentes

3.1    Ces « Êtres » qu’on miniaturise

Quand un praticien accompagne son patient qui, par exemple, s’appelle Charly et que celui-ci aboutit à l’enfant qu’il était vers 5 ans, il n’est pas rare que le thérapeute lui propose « Mettez votre attention sur le petit Charly », « Prenez le petit Charly dans vos bras », « Demandez au petit Charly ce qu’il souhaiterait qu’on entende » etc…

Petit, petit, petit… celui qu’était Charly dans l’enfance finit par avoir une indigestion de « petit ». « Non ! Pas petit ! …Il y en marre, car en fait : Je SUIS ! ». Il serait en droit de revendiquer un statut qui n’a rien de miniature : il est un Être à part entière, contenant potentiellement l’entièreté de Soi et il n’a rien de « petit ». Il arrive même qu’il ait plus de ressources de conscience que la plupart des adultes… et même plus de ressources de conscience que celui qu’il deviendra, car la construction de sa personnalité ne la masque pas encore. En effet, il est essentiel de distinguer entre « conscience » (atemporelle) et « maturité » (liée à l’âge).

Au fil de nos âges, nous sommes hélas catégorisés dans des stades : « petit » ou « grand », « jeune » ou « adulte », « sénior » ou « vieux ». Si ces stades concernent l’évolution de notre corps et de notre personnalité (maturité, développement), ils ne concernent pas l’Être que nous sommes (conscience, déploiement).

L’Être que nous sommes est notre « identité » (étymologiquement : « ce qui reste identique »). Il est toujours « qui nous sommes » tout au long de notre vie et la notion de taille ne le concerne pas. Dans tout échange il reste l’interlocuteur essentiel. En thérapie cela est d’autant plus vrai.

Platon distinguait « le Même » et « l’Autre », le Même étant celui qui ne change pas (le Soi, l’Être, l’identité) et l’Autre qui est celui qui change tout le temps (vieillissement du corps et développement de la personnalité, construction du moi, croissance et déclin).

Le Soi (qui nous sommes) se déploie et manifeste de plus en plus sa nature qui n’a jamais cessé d’être. Le moi (ce que nous paraissons, notre personnalité), lui, se développe au cours de nos expériences, tel un instrument nous permettant de faire face au monde.

« Se déployer » revient à « se révéler », alors que « se développer » revient à ajouter quelque chose. Quelle que soit l’étape de vie, l’interlocuteur reste le « Sujet », le « Quelqu’un », le « Soi ».  Qui nous sommes n’est pas le moi ! Qui nous sommes reste le Soi, quand bien même le moi vient souvent en masquer les qualités.

Le « moi » suit la logique du développement : croissance, maturité, dépérissement (monde des choses). Le « Soi », lui, est en déploiement permanent jusqu’au bout de la vie (monde existentiel).

Dire « le petit » à propos d’un de ceux que nous avons été dans l’enfance est quasiment toujours inapproprié car nous ne devrions nous adresser, ni à sa dimension corporelle, ni à sa personnalité, mais à « celui qu’il était », indépendamment des époques. Le corps et la personnalité sont marqués par le temps. Le Soi, lui, ne l’est pas. Cela ne veut pas dire que le praticien ne tient pas compte des époques de vie concernées. Cela veut dire que pour le praticien, l’interlocuteur à qui il s’adresse est clairement défini : le Soi. Karl Jaspers, psychiatre et philosophe (1883-1969), considérait dans sa psychopathologie que le malade mental est toujours pleinement un Être :

« Dans la vie psychique malade comme dans la vie saine, l’esprit est présent » (Karl Jaspers - Psychopathologie générale PUF, les introuvables 2000, p.274).

Ce principe peut s’étendre à toutes les zones de notre existence, où nous sommes toujours un Être, et où cela fait de celui-ci l’interlocuteur privilégié du praticien.

3.2    Des thérapies libres de l’événementiel

Il n’est pas rare que l’on réduise un Être aux événements qu’il a rencontrés. Il n’est pas rare aussi qu’en psychothérapie, l’histoire prenne trop de place. Sándor Ferenczi (psychanalyste contemporain de Freud) avait bien remarqué que « raconter inlassablement son histoire en thérapie » n’était pas salutaire, voire dangereux, car à faire cela, on s’inflige de nouvelles blessures à chaque nouvelle évocation (régression ou reviviscence indésirables).

Raconter l’histoire vécue est une chose, rencontrer celui que nous étions, et qui a vécu cette histoire, en est une autre. Dans le premier cas on s’expose à une réitération des blessures, dans le second à un apaisement.

D’autre part, qui veut « fouiller l’histoire » n’en a pas fini ! Il y a une multitude (quasi-infinité) de circonstances à égrainer. Même si certains moments de la vie sont des entrées intéressantes pour aboutir à une réhabilitation, le plus simple est le chemin direct, partant des ressentis éprouvés (symptômes) nous conduisant presque directement là où notre attention et notre délicatesse sont attendues : là où se trouve celui que nous étions.

Partir des circonstances, de l’événementiel, revient à chercher une aiguille dans une meule de foin… et quand la meule touche à l’infinitude, ou a la taille de l’univers !... Mieux vaut une autre approche : partir des ressentis éprouvés.

La vastitude de l’événementiel et du monde physique risquent de nous perdre si nous oublions qu’il s’agit plutôt de l’existentiel. Notre dimension par rapport à ce monde physique qui nous entoure est si dérisoire…

3.3    Une infinitude, hors des mesures

Si l’on considère la taille de l’Être Humain par rapport à celle de la Planète Terre où il se trouve… il y est invisible !

Si l’on considère la taille de la Planète Terre par rapport à celle du Système Solaire elle y est ridiculement petite.

Si l’on considère la taille du Système Solaire par rapport à celle de notre Galaxie on n’y voit même pas notre Soleil.

Si l’on considère la taille de notre Galaxie par rapport au Super Amas Laniakea… celle-ci y est invisible, perdue dans des sortes de « rivières de galaxies » étudiées par l’astrophysicienne Hélène Courtois*.

Quant au gigantesque Super Amas Laniakea, il est minuscule et invisible dans la totalité de l’Univers qui mesurerait 25 milliards d’année-lumière.**

*Laniakea, le superamas de galaxies dans lequel gravite la Voie lactée | National Geographic

** Ainsi, la dimension de l’Univers vieux de 13 milliards d’années est telle, que la lumière ne peut aller d’un bout à l’autre de celui-ci (âge : 13 milliards d’année-lumière ; distance entre ses extrémités : 25 milliards d’année- lumière).

Si l’on veut parler de taille, on se perd « un peu » dans le vertige !

Celle de l’humain dans cette immensité est physiquement particulièrement dérisoire. Pourtant au cœur de chacun de nous se situe une infinitude d’une autre nature, qu’il est souhaitable de ne pas manquer, et qui n’a rien à envier à l’Univers. Les mesures n’y sont pas en termes de centimètres, de mètres, ou d’année-lumière, mais en termes d’infinitudes.

Si le corps a une taille mesurable, la psyché, elle, est hors du champ des mesures et des dimensions. Ni « finie », ni « pas finie », elle est « infinie », en continuel déploiement, et attend délicatement notre attention.

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4    La nécessaire décontextualisation

4.1    Des Êtres et des enjeux

Loin des années-lumière, revenons à notre humble psyché et à notre « infinitude ordinaire ». Prenons soins de ne plus parler de « petit » ou de « grand », mais de « celui que nous sommes » dans ce moment de l’existence abordé en thérapie.

Cela commence par un regard différent, plus tourné vers des scènes décontextualisées et des protagonistes en interaction, que vers des événements ponctuels où se débattent d’infimes personnages sociaux ou familiaux.

Pour y accéder, il importe de s’appuyer sur les ressentis éprouvés et de comprendre la notion d’archétypes existentiels :

Les archétypes existentiels

« Archétype » signifie étymologiquement « type archaïque », c’est-à-dire modèle initial, très ancien. Les archétypes existentiels* sont des « structures dynamiques inconscientes ». « Structures » car c’est toujours constitué de la même façon. « Dynamiques » car en mouvements permanents. « Inconsciente » car œuvrant à notre insu.

*Disponible sur ce site, la publication de novembre 2019  «  Archétypes existentiels »

Il s’agit des mouvements de clivages par sécurité, de compensations pour pouvoir attendre en dépit du manque ainsi engendré, de remédiation pour retrouver sa complétude… ainsi que de déploiements pour devenir qui l’on a à être. Il s’agit donc d’être sensible à ces phénomènes, indépendamment du détail des faits (sans les ignorer pour autant).

Présence expérientielle

En maïeusthésie quand le patient aborde un fait de son existence, il ne le revit pas. Il ne fait ni reviviscence, ni régression. Il va juste se rapprocher de celui qu’il était et valider l’éprouvé qui fut le sien, lui offrant sa présence et sa reconnaissance.

Le patient se retrouve en proximité de celui qu’il fut, sans revivre lui-même la circonstance. Il s’y trouve en présence expérientielle et non en présence sensorielle. S’il peut s’en sentir bouleversé, c’est plus par l’effet d’une retrouvaille avec soi-même tant attendue, que par une nouvelle expérience de l’ancienne douleur. Celui qu’il était s’en ressent immédiatement apaisé car il n’est plus seul. Il bénéficie enfin de « reconnaissance » (il n'est plus identifié à l’événement, aussi horrible que soit cet événement). Son éprouvé est enfin validé dans sa nature (ce qu’il a ressenti) et dans sa dimension (à quel point).

ll ne s’agit jamais d’une sorte de voyage dans le temps événementiel, mais d’une proximité existentielle atemporelle.

Il peut arriver que le patient n’ait même pas à mentionner l’événement, car ce qui est libérateur c’est la rencontre qu’il accomplit, et non la narration des faits.

Protagonistes en interaction et panorama sans images

Loin des détails factuels, les protagonistes identifiés au cours de la thérapie se retrouvent ainsi en mouvement les uns par rapport aux autres. Cela se déroule dans une sorte de panorama sans image (les différentes scènes de la vie n’en sont que des répliques). Il se joue ainsi une sorte de « chorégraphie » sur la musique de la vie !

Nous avons alors ici un accompagnement décontextualisé* où priment ces enjeux archétypaux en cours.

Disponible sur ce site, la publication d’avril 2020 « Décontextualiser »

Bien sûr les événements ne sont, ni niés, ni négligés, mais ils ne sont pas en première place. Ce n’est jamais l’événement que l’on reparcourt, mais celui qui s’y trouvait que l’on accompagne dans le vécu qu’il a éprouvé. Nous y sommes simplement inspirés par ces mouvements naturels de la Vie en accomplissement.

4.2    Des périodes variées pour des phénomènes invariants

Biographiques

Partant du symptôme initial (ressenti), il se peut que le patient aboutisse à une entrée qui se situe à un moment de sa propre existence (depuis la conception jusqu’à ce jour).

Inter ou trans générationnels

Il se peut qu’il aboutisse rapidement à une entrée qui le conduise au vécu éprouvé par l’un de ses parents, grands-parents ou aïeul lointain.

Transpersonnels (libre de toutes croyances)

Il se peut aussi qu’il aboutisse à un « endroit » (qui n’est pas un lieu) qui ne soit ni dans sa biographie, ni dans son générationnel : un Être inconnu, des pans entiers de l’Humanité, la Nature, des « Esprits » etc...

Dans tous les cas, les Êtres émergeants sont accompagnés de la même façon, avec confiance. Les situations diffèrent, mais les enjeux sont toujours de même nature.

4.3    Dialogue pour identifier, puis accompagner

Point de départ

A partir du symptôme, comment identifier la zone de la psyché concernée ? D’abord faire préciser la nature du ressenti éprouvé dans le symptôme. Si par exemple il s’agit de peur, d’inquiétude ou même de phobie :

- « Vous avez peur !? » 
(Reformulation pour valider chaleureusement la nature du sentiment éprouvé, qui ne sera jamais ni banalisé, ni dramatisé)*

*Pour qu’une reformulation soit vraiment une reformulation, il ne s’agit pas d’un simple reflet ou d’une répétition. Le praticien ne reformule pas ce qui est dit, mais ce qui est exprimé. Il s’agit pour lui d’avoir un non-verbal spontanément chaleureux, exprimant qu’il est touché par cette révélation. Il est touché (par la rencontre), mais absolument pas affecté (par les faits). La reformulation vient plus du cœur que de la tête et ne peut artificiellement être jouée, et encore moins surjouée. Il s’agit toujours verbalement d’une affirmation, et non-verbalement d’une très légère interrogation, laissant au patient la liberté de tout réajustement.

- « Oui »

- « Cette peur, quelle est son importance ? : légère, importante, plus que ça ? » (Question à choix multiple pour pouvoir valider sa dimension)

- « Plus que ça »

Accès vers ce qui appelle la conscience du patient

-« Il vous est déjà arrivé d’éprouver ce "plus que ça" dans votre vie !? »  
(Question fermée, pour identifier s’il y a un autre moment de l’existence concerné par ce ressenti, éventuellement le premier. La question fermée permet à la réponse d’émerger sans passer par l’intellect.)

*Si la réponse est
- « oui »
(ce qui est toujours le cas quand le ressenti identifié et précisé est juste)

Le praticien peut continuer par

- « Mettez votre attention sur celui (celle) que vous étiez à ce moment-là »

*Si le patient répond par exemple :
-« il y a longtemps »

Le praticien peut continuer par

- « Mettez votre attention sur celui (celle) que vous étiez il y a longtemps »

(Ce degré de précision est suffisant pour que le patient se retrouve exactement là où sa conscience était appelée, depuis son symptôme initial de peur… jusqu’à ce « lieu » de la psyché.)

Début du moment thérapeutique

-« La dimension de ce qu’il éprouve est de même nature que ce que vous ressentez (dans le symptôme) ?! »
(reformulation)

- « Oui »

« Montrez-lui votre ressenti initial, et demandez-lui "C’est ça que tu ressens ? " » (formulation directe, où l’on se sert du ressenti symptomatique initial comme d’un « étalon de mesure » pour valider l’éprouvé de l’Être identifié).

Conclusion du moment thérapeutique (vérification)

Vérifier alors
-« Comment se sent-il ? »
s’il se sent mieux poursuivre par :

-« Comment vous sentez-vous ? »
si lui aussi se sent mieux poursuivre par :

-« Comment est la peur que vous éprouviez tout à l’heure ? » Si le symptôme initial a disparu la séance est terminée. Si la réponse ne vient pas aisément : « Est-il différent ?... ou inchangé ? » Et s’il est différent : « il est différent comment ? : Plus fort, plus faible, d’une autre nature ? ». Il peut en résulter un nouveau cheminement.

Bien sûr ce déroulement est simplifié, mais il reflète bien l’état d’esprit dans lequel se déroule une séance comprenant une identification avec un minimum de contextualisation. Il n’y est question ni d’âge, ni d’époque précise, quand bien même cela se situait par exemple dans l’enfance.

Il peut aussi s’y trouver un tiers qui a fait peur intentionnellement. Le praticien peut alors inviter le patient à former une équipe (lui, avec celui qu’il vient de retrouver) et inviter cette équipe à questionner celui qui cherche à faire peur :

-« Mettez ensemble votre attention vers lui, et demandez-lui : "Que souhaites-tu ? Tu aimes bien faire peur !? Y a-t-il quelque chose que tu aimerais qu’on entende ? " »
(Le plus souvent, celui qui cherchait à faire peur a juste un éprouvé qu’il aurait besoin qu’on entende. Aussitôt validé il cesse d’être effrayant… et même s’apaise aussi).

Dans une telle situation nous ne savons pas vraiment ni qui, ni vraiment quand, ni vraiment où. Pourtant cela suffit pour aboutir… et même bien mieux qu’en ressassant des histoires, qui deviennent des alibis dans lesquels praticiens et patients s’embrouillent bien trop longtemps pour rien… voire en ajoutant des blessures supplémentaires, comme le dit si bien Sándor Ferenczi.

Naturellement cela n’exclut pas qu’en thérapie des circonstances de vie soient abordées, mais en toile de fond, il y aura toujours chez le praticien la conscience de cette dimension atemporelle.

4.4    Patterns et répétitions

Entre le symptôme présent et l’Être initial qui a vécu cet éprouvé, se trouve un chemin balisé d’une multitude de ressentis analogues. Ces ressentis, en répétition multiple, s’appellent des « patterns » (« patron de couture » en anglais, ou modèle architectural répétitif). Une sorte de modèle émotionnel qui resurgit à chaque situation qui le permet. Telles des perles enfilées sur le fil de la vie, il peut y en avoir une multitude.

Bien que ces ressentis soient encombrants (et justifient la consultation) ils n’en sont pas moins une sorte de guide conduisant à la zone de Soi en attente de remédiation.

Tel le petit poucet qui semait des cailloux pour retrouver sa route, le patient, au cours de sa vie a semé des éprouvés émotionnels analogues pour ne pas perdre la trace de celui que sa psyché a dû cliver pour ne pas en être envahie (chaque répétition est une réactivation du mémorial).

Le praticien n’a plus qu’à suivre ce chemin… sans jamais chercher ce qui se cache derrière, mais plutôt en s’ouvrant à ce qui appelle grâce à cela.

4.5    Mémorial

Pour bien utiliser ces signaux le praticien devra différencier « mémoire » et « mémorial »

La « mémoire » garde une trace des faits pour éviter de s’exposer à une nouvelle édition dangereuse de ceux-ci (de type « chat échaudé craint l’eau froide »).

Le « mémorial » garde une trace des Êtres, après clivage, afin de ne pas perdre la possibilité de les retrouver et de prendre soin de notre complétude.

Si de nombreuses thérapies visent à désactiver le phénomène « mémoire » afin de de se libérer des réactions émotionnelles intempestives, la maïeusthésie, elle, va plutôt jouer sur le phénomène « mémorial » pour accomplir les remédiations restées en suspens (il se trouve que cela désactive souvent aussi la mémoire traumatique grâce à une nouvelle lucidité).

4.6    Un guide vers une finalité qui nous attend

Il ne s’agit pas d’un but à atteindre pour satisfaire notre volonté, mais juste d’une finalité à rejoindre, là où un Être de Soi attend d’être retrouvé et réhabilité.

Tout se passe comme si cet endroit de Soi, resté à l’écart, appelait la conscience avec des signaux (symptômes) afin qu’on le retrouve et qu’on en prenne soin. Sans cesse il se « tend vers nous » et nous avons plus à nous y ouvrir qu’à le chercher.

Il convient cependant de bien comprendre que le soin attendu est la reconnaissance (joie de le retrouver) et la validation (de son vécu éprouvé)… et non des tentatives d’apaisement qui reviendraient à un déni de ce qui a été vécu (et donc ne qui fonctionneraient pas).

4.7    Un étalon précieux

Le symptôme initial, comme nous l’avons vu, peut parfois être utilisé comme « étalon » permettant de valider la mesure de l’éprouvé originel.

Sans que ce soit systématique, l’Être de Soi identifié a souvent eu un vécu analogue à la nature de ce qui est éprouvé dans le symptôme. Ainsi, ce dernier permet une validation précise en demandant à l’Être de Soi identifié « C’est cela que tu as éprouvé !? ». Souvent cela représente une étape majeure de la thérapie avec une grande sensation d’apaisement.

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5    Le « petit » plus conscient que « le grand »

5.1    La maturité et la conscience

Prenons soin de distinguer entre « maturité » et « conscience ».

La maturité s’acquière avec l’âge. On est plus mûr à 40 ans qu’à 10 ans ! Elle consiste en un développement du corps et de la personnalité (qui suivent la courbe entropique de toute chose : développement, maturité, dépérissement).

La conscience, elle, est indépendante du temps. Elle se déploie sans cesse, sans dépérissement. Elle n’est pas sujette à l’entropie. Il est difficile d’en identifier l’origine car un enfant peut avoir une conscience plus ouverte, plus avancée qu’un adulte.

Cela ne signifie en rien que l’adulte en question mériterait le moindre jugement négatif, car sa conscience est aussi en chemin et attend d’être rencontrée. Mais comprendre qu’un enfant encore immature peut avoir plus de conscience qu’un adulte mature est essentiel. Il arrive que des enfants ayant cette conscience souffrent de se retrouver dans un environnement d’adultes où ils ne peuvent jamais l’évoquer… jusqu’à devoir parfois y renoncer.

Savoir d’où vient cette conscience reste bien mystérieux (hasard, nature, « vies antérieures », connexions subtiles… toutes les hypothèses sont possibles, et peu objectivables). Il se trouve juste qu’il en est ainsi et qu’il serait dommageable de ne pas en tenir compte.

Il y a des situations de thérapie où il ne s’agit pas tant de s’occuper d’un trauma, mais plutôt d’une conscience présente depuis toujours, qui n’a jamais eu l’opportunité de se déployer faute d’endroit approprié, pareillement à une graine qui a manqué d’eau et de lumière. Or, grâce à l’attention accordée, c’est cette « eau » et cette « lumière » qu’amène la thérapie pour ouvrir vers un possible déploiement de ce qui se retenait de vivre.

Il arrive ainsi que l’Être identifié, bien que ce soit un enfant, se révèle être une ressource majeure pour l’adulte qui le retrouve, et même pour ceux qui l’entourent.

5.2    Les interactions atemporelles

Les interactions entre « le patient présent avec son symptôme » et « celui qu’il était qui attend d’être rejoint » sont comme en contemporanéité. Le temps ne joue pas dans cette affaire.  Celui qu’il était n’a jamais cessé d’être là depuis tout ce temps… juste « un peu à côté », envoyant régulièrement des signaux.

Pour « celui qu’il était » avec « ceux qui l’entouraient à l’époque », et « celui qu’il est » avec « ceux qui l’entourent aujourd’hui » il en est de même. Tous ces protagonistes jouent sur un même terrain une sorte de « danse de la vie » vers une possibilité de plus de conscience et de complétude.

Tout cela n’est impacté ni par le lieu (espace : topos) ni par le moment (temps : khronós). Le phénomène existant hors des lieux est bien réel, mais U-topique. Le phénomène existant hors de la temporalité est bien réel, mais U-chronique. En maïeusthésie, nous dirons qu’il est Uchrotopique !

5.3    La pertinence au cœur de la psyché

« Des Êtres et des rencontres », « des justesses et des pertinences au cœur de la psyché ». Conscience, considération, validations, réhabilitations, déploiement… tels sont les enjeux, sur le plan individuel, familial, humain, et pourquoi pas planétaire.

Chacun joue pour lui-même, mais aussi pour plus vaste que lui. Le praticien accompagne ces mouvements naturels vers leur accomplissement.

C’est pourquoi nous pouvons parler de « Psychologie de la pertinence » : une psychologie prenant en compte les multiples interactions entre soi et tous ceux qu’on a été, tous ceux dont on est issu, et tout le monde environnant, sans oublier, ni le futur, ni le corps, dans leur dimension existentielle et émotionnelle, et même transpersonnelle.

C’est sans doute aussi pour cela qu’on parle souvent de « l’enfant intérieur » qui n’est autre que l’Être intérieur « hors d’âge » cheminant vers cette complétude et cette vastitude (chacun à son rythme, selon sa nature).

La notion « d’enfant intérieur » est réductrice car cette nature profonde qu’on évoque ainsi mériterait plus l’appellation d’« Être intérieur ».

Mais encore… si, comme le dit le philosophe Plotin, l’âme n’est pas dans le corps mais « autour du corps »… sans pour autant trop savoir ce que nous évoquons, ne devrions-nous pas tenter de parler d’« Être intimement enveloppant » (autour et non pas dedans), d’« Existence intime enveloppante, environnante », de « Conscience que nous habitons », de « Milieu de conscience qui nous entoure, dans lequel nous baignons ». René Descartes, disait que l’âme n’a pas d’étendue, pas même en pensée. Certes, il n’est pas simple de mettre des mots qui fassent suffisamment sens, sans pour autant nous égarer dans des parfums spirituo-philosophiques un peu perchés !

Pour rester simple, nous parlerons juste d’« Être intérieur » que nous ne nommerons pas « enfant intérieur ». Nous prendrons bien soin, en évoquant cet Être dans son enfance, de ne pas le miniaturiser en parlant du « petit » ou de « la petite ». Le praticien évoquera plutôt « celui qu’il (celle qu’elle) était lors de cette époque de sa vie » (contenant déjà potentiellement l’entièreté de Soi).

 

Thierry TOURNEBISE

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Bibliographie

Descartes, René
Descartes, Œuvres Lettres – La recherche de la vérité par la lumière naturelle – « Bibliothèque de la Pléiade » Gallimard – Lonrai, 1999  

Jaspers, Karl
-Psychopathologie générale -PUF Bibliothèque des introuvables, Paris 2000

Maslow, Abraham
-Être humain - Eyrolles, 2006

 

J’aurais pu aussi citer quelques auteurs, dont chacun a une forme de proximité avec notre propos :

Charles Darwin : naturaliste et paléontologue.
Selon lui, arrivé à l’homme, la coopération l’emporte sur la concurrence en termes d’efficacité pour la survie.
Cela fonctionne aussi au cœur de la psyché !

-La filiation de l’homme – Honoré Champion Editeur 2013  

Déni Noble, généticien.
Selon lui : musique de la vie et biologie au-delà du génome.
Notre corp et notre psychologie sont profondément intriqués.
-La musique de la vie. La biologie au-delà du génome –Seuil, 200

Sénèque, philosophe.
Car il promeut l’entièreté de la vie comme source essentielle de sa durée.
-La brièveté de la vie – GF Flammarion 2005

Pierre Teilhard de Chardin, paléontologue.
Selon lui l’évolution des espèces est la conscience en émergence.
Sa notion de Noosphère parle bien de la vie au-delà du « bios », décontextualisée.
-Le phénomène Humain- Edition du Seuil, 1955

Klein Etienne, Physicien, philosophe des sciences,
Il nous explique comment, selon la science, on ne peut déterminer si oui ou non le futur existe déjà (forme de contemporanéité).
Le futur existe-t-il déjà dans l’avenir ? vidéo.

Liens

Liens internes

Le corps comme interlocuteur – le grand oublié de la psychothérapie janvier 2013
Emplacement subjectif du praticien  septembre 2016

Sans rancune ni pardon » novembre 2016
La réalité, les vérités, le Réel d’avril 2018

Archétypes existentiels  novembre 2019 

Décontextualiser avril 2020

Liens externes

Courtois Hélène, astrophysicienne - les rivières de galaxies
Laniakea, le superamas de galaxies dans lequel gravite la Voie lactée | National Geographic

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