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Vastitude

La totalité et le détail
remédiation – déploiement - archétypes

Avril 2024  -    © copyright Thierry TOURNEBISE

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4, 5, 5 juin 2024 -  3e COLLOQUE de Maïeusthésie 
sur le thème de la vastitude
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Souvent, pour gagner en clarté il est recommandé de prendre du recul, ou de prendre l’altitude. Le recul permet de percevoir un champ plus vaste, l’altitude aussi. Mais dans les deux cas tout ce qu’on voit devient beaucoup plus petit. C’est le principe en photo d’un grand angle par rapport à un téléobjectif.

Ce qui serait avantageux, serait d’élargir le champ sans perdre les détails essentiels, ou d’avoir des détails essentiels sans rétrécir le champ. Une sorte de « téléobjectif/grand-angle », mais qui serait les deux en même temps, simultanément : un champ plus large contenant néanmoins plus de détails utiles.

Si en optique nous n’avons pas ce genre d’outil, en psychothérapie, nous l’avons : il s’agit d’une posture de « Vastitude ». C’est l’art de ne pas se laisser envahir par les détails et de percevoir les enjeux essentiels, de percevoir les structures fondamentales (archétypales) à l’œuvre. Cela permet d’embrasser le champ des possibles depuis des éléments biographiques récents, jusqu’à des éventualités transpersonnelles, sans oublier ce qui peut se trouver en transgénérationnel. Le champ d’investigation est ainsi aussi vaste que possible. 

Sommaire

1/ Perceptions et représentations
- Un champ de perceptions – Les représentations mentales – La diversité des mondes – Perception au-delà des dimensions – Vastitude ou transcendance ?- L’étendue temporelle  

2/ Histoire de dimensions
-L’imaginaire et l’expérientiel – Recul, altitude, ou autre dimension ? – Décontextualiser, la dynamique archétypale

3/ Notre socle
-Percevoir une structure de pertinence – Le risque du « ce n’est pas pour rien » - De l’archétypal, hors de toutes prédictions – Un « chez-nous d’humanité »

4/ En psychothérapie
-Un exemple de séance avec vastitude – Manque de vastitude 1 : L’événementiel prend trop de place – Manque de vastitude 2 : Le patient présent prend trop de place – Manque de vastitude 3 : Le patient est trop perçu comme un « Tout isolé » - Manque de vastitude 4 : Oubli du transpersonnel – Manque de vastitude 5 : Absence de conscience des enjeux

5/ Pour optimiser l’approche
-Tous les protagonistes sont chaleureusement considérés – S’ouvrir au-delà de la situation évoquée – Considérer la vastitude à l’œuvre – Vastitude - une proximité indéfectible, étendue… 

Bibliographie  
Bibliographie du site

1    Perceptions et représentations

1.1    Un champ de perceptions

Afin de mieux aborder la notion de vastitude, nous allons commencer par clarifier les notions d’espace, de temps et de perception.

Avec nos yeux, nous voyons entre deux limites. Cela constitue le « champ visuel ». Bien sûr, nous pouvons tourner notre tête à droite ou à gauche… cela augmente la quantité d’informations perçues. Le cerveau doit en reconstituer l’ensemble. C’est ce qui fait que le cadrage d’une photo, aussi bon soit-il, ne peut rendre compte de toute la perception d’un paysage, dont l’image mentale est toujours bien plus riche que ce que peut en capter un objectif. Seule la capacité artistique du photographe peut en partie y remédier.

Lorsque nous « percevons », en fait, nous ne le faisons pas directement. Nos organes des sens reçoivent des informations (plus multisensorielles qu’il n’y paraît : visuelles, auditives, kinesthésiques etc…), puis envoient un signal à nos neurones. Ceux-ci, riches d’expériences antérieures, vont interpréter ces signaux et nous fournissent ainsi une image mentale (visuelle, auditive, kinesthésique…). Cette image mentale va donc au-delà de notre champ visuel concernant la vue, et il s’y ajoute même bien d’autres perceptions dont l’ensemble a été synthétisé.

En fait, ce que nous sommes conscient de percevoir, c’est cette image mentale, qui n’est en réalité qu’une représentation du monde qui nous est propre.  Cette représentation est propre à chacun et dépend, d’une part d’où l’on regarde (point de vue extérieur), d’autre part de nos expériences antérieures (point de vue intérieur).

Quoi que limitée par nos organes des sens d’une part, et par nos possibilités cognitives (expériences antérieures disponibles) d’autre part, cet outil de perception du monde nous est très utile.

Cependant, cette représentation du monde ne rend pas compte d’un ensemble encore plus vaste où tout est en interaction.

1.2    Les représentations mentales

Nous fonctionnons avec des images mentales que, petit à petit au cours de notre vie, nous apprenons à constituer à partir des informations que nous donnent nos organes des sens et nos états émotionnels.

Ces représentations sont assujetties à nos expériences précédentes et fluctuent d’un individu à l’autres. Quand plusieurs personnes regardent un verre à boire, tous verront un verre. Ça c’est le point commun. Pourtant, le ressenti et la représentation mentale d’un œnologue ne seront pas les mêmes que celui d’un malade alcoolique en sevrage, ni celui d’un enfant attendant une grenadine, ni d’un industriel en quête de moyens de fabrication de verres aussi économiques que possible, ou encore d’un responsable de la plonge qui y verra une commodité ou une solidité à l’épreuve du nettoyage et des multiples manipulations qu’il devra réaliser.

Nos images mentales dépendent de nos expériences antérieures, et aussi de notre préoccupation du moment. A tel point, que nous pouvons être aveugle à ce qui est en dehors de notre champ de préoccupation… cela s’appelle la « cécité d’inattention » que les psychologues Daniel Simons et Christopher Chabris ont objectivé avec des expériences saisissantes. 

1.3    La diversité des mondes

La façon dont une chauve-souris ou un dauphin perçoivent le monde environnant à partir de leur sonar nous est étrangère, ainsi que celle de la taupe qui se représente son monde souterrain à partir des vibrations du sol.

Nos intuitions intellectuelles ne nous rendent pas compte de ces multiples éventualités. Mais même avec des organes des sens analogues, entre êtres humains, selon nos expériences, nos images mentales diffèrent face à un même objet.

Chacun de nous connait mal la représentation que se fait son voisin quand nous sommes tous deux face à un même objet ou une même situation. Nous observons cela aussi entre deux membres d’une même famille… Par exemple, à l’expérience d’une naissance, celui qui souhaitait un enfant ne perçoit pas la même chose que celui qui n’en voulait pas, celui qui est dans une famille harmonieuse n’éprouve pas la même chose que celui qui est dans une famille violente, celui qui a perdu un enfant expérimente autre chose que celui dont les enfants sont restés en vie.

Les expériences peuvent être très diverses face à une même situation. Chacun aura hélas tendance à penser que la sienne est plus juste ou plus universelle (ou plus originale), que celle des autres. Ces désaccords conduisent ainsi à vouloir convaincre l’autre de la justesse de sa propre vision, tentant de conduire son interlocuteur d’abandonner la sienne. Ainsi, celui des deux qui a le moins d’énergie risque de se soumettre à l’autre. Nous trouvons ici un art de convaincre* qui n’est pas du tout un art de la communication, mais seulement un art de la manipulation (même involontaire, même avec de bonnes intentions).

*Voir la publication de « Le danger de convaincre » (juin 2002)

Être « communicant », c’est « être ouvert à l’autre » et savoir le rencontrer dans ses subtiles représentations et ressentis qui lui sont propres. « Manipuler » c’est « envahir l’autre », souvent à son insu, et le soumettre. La pensée du manipulateur est ainsi censée se substituer à celle de son interlocuteur, qui doit alors abandonner la sienne… et par conséquent abandonner un peu de lui-même.

L’art de convaincre est finalement un peu « l’art de détruire », hélas souvent confondu à tort avec « l’art de transmettre une information ». Cela peut provenir d’une personne mal intentionnée qui cherche un profit au détriment de l’autre, mais cela peut aussi provenir de la part d’une personne bien intentionnée qui tente de « rassurer » en niant ce que l’autre éprouve, le laissant ainsi dans la solitude de ce qu’il ressent, jamais entendu.

1.4    Perception au-delà des dimensions

Nous pouvons envisager un autre mode de perception. Ni télescope, ni microscope, mais une perception des structures analogues entre des choses très différentes. La représentation du monde se fait alors surtout par une sensibilité aux analogies entre des domaines très éloignés les uns des autres.

« […] faire ressortir les lois fondamentales, les principes généraux et les invariants, qui relient et rapprochent les principaux systèmes de la nature. » (De Rosnay, 1975, p.13)

« […] dégager, à partir des invariants, des propriétés et du comportement des systèmes complexes, quelques règles générales destinées à mieux comprendre ces systèmes et à agir sur eux. » (De Rosnay, 1975, p.132)

Joël De Rosnay, docteur es science et écrivain, s’est particulièrement penché sur une telle perception du monde dans son ouvrage « Le macroscope ». Il ne s’agit plus d’explorer l’infiniment grand ou l’infiniment petit, mais plutôt l’infiniment complexe. Plus qu’un regard « analytique », il s’agit d’un regard « analogique » très subtile, avec une perception systémique (donc qui prend en compte un système plus vaste).

« Regarder le monde au macroscope c’est tenter de percevoir, au-delà des détails, les grands principes qui nous relient à l’univers. » (De Rosnay, 1975, p.230)  

Nous ne pouvons que saluer une telle innovation (en 1972 !) dans l’utilisation de nos possibilités cognitives, qui dépasse largement l’observation immédiate et met en œuvre un bon sens profond, largement au-delà de nos perceptions sensorielles.

Il nous invite à avoir un regard plus vaste, mais ni plus haut, ni plus lointain. Il nous invite à considérer ce qui est en interaction dans une structure plus étendue que le détail événementiel :

« […] à replacer tous les éléments principaux dans un système auquel il appartient et à les considérer les uns par rapport aux autres. » (De Rosnay, 1975, p.16)

Il nous sensibilise au fait que tout est relié à tout et que chaque action locale a une conséquence plus vaste :

« Chaque activité se réalisant dans l’écosystème a pour contrepartie une réponse. Chaque interaction, chaque échange, si minime soit-il, représente potentiellement un mécanisme de régulation. » (De Rosnay, 1975, p.32)

Il s’agit donc d’un regard qui s’appuie implicitement sur des structures dynamiques invariantes, des sortes d’archétypes, nous permettant de percevoir les interactions au-delà du détail local. Si Joël De Rosnay évoque cela dans divers systèmes (économique, politique, biologique), nous pouvons aussi avoir ce regard au niveau de la psyché.

Un archétype (type archaïque) est une structure invariante. Sur le plan biologique par exemple la structure du squelette d’un mammifère est archétypale en ce sens où l’on retrouve la même structure, qu’il s’agisse d’un éléphant, d’une girafe, d’un phoque ou d’une chauve-souris. Plus intimement encore, la structure de l’ADN est archétypale dans tout ce qui vit, en ce sens où l’on trouve toujours une spirale tournant à droite, de la bactérie à l’humain et aussi chez les végétaux…  dans tout le règne du vivant.

Trouver des zones archétypales permet d’avoir un point fixe au sein de la diversité. En psychologie ce qui sera archétypal sera constitué d’invariants structurant la diversité. Il s’agit ici de structures dynamiques invariantes (« dynamiques » car incluant des mouvements systématiques). Au-delà du détail événementiel, nous aurons toujours :

-des protagonistes en interaction ;
-une tendance à la complétude, à l’intégration, au déploiement.
-Pour accomplir cela, nous constatons une tendance à la mise à distance de ce qui met en danger (mémoire événementielle des menaces) ;
-une tendance à retrouver et intégrer ce qui a été séparé de Soi (mémorial des Êtres ainsi éloignés) ; donc d’aller vers ce qui réactive le ressenti pour ne pas en perdre la trace (qui s’oppose à la volonté de mise à distance, les deux ayant leur rôle).
-puis une tendance à devenir qui l’on a à être (rejoindre une sorte de finalité existentielle) donc à se déployer.

Identifier des archétypes*, c’est identifier ce qui constitue la vie, alors que pointer des paradigmes, c’est identifier ce qui fonde des théories. Les théories évoluent, elles accompagnent des recherches quand elles sont justes. Mais elles peuvent aussi se révéler fausses quand on change le contexte. Les archétypes, eux, restent des invariants, stables, des sortes de fondements universels.

*Voir sur ce site la publication de novembre 2019 « Archétype existentiels – structures dynamiques invariantes »

Cette vision plus en vastitude, permet aussi de constater que nos actions ne sont pas aussi importantes que le suppose notre volonté (cela calme notre ego), mais aussi qu’elles impactent le monde plus que nous ne le croyons (cela nous invite à vivre plus en conscience) :

« Par son action, chaque homme fait passer une partie de lui-même dans l’univers. Il remplit un réservoir où quelque chose s’accumule. » (De Rosnay, 1975, p.253)

« Pourtant c’est l’action créatrice individuelle qui permet de compenser l’écoulement du temps. Car toute œuvre originale est analogue à une réserve de temps : à du temps potentiel. » (De Rosnay, 1975, p.253)

Peut-être retrouvons-nous là la notion « d’in-formation » d’Ervin László. L’information est selon lui « ce qu’on peut déplacer d’un point à un autre », alors que l’in-formation est « ce qui se trouve partout en même temps », à la disposition de tous sans avoir besoin de parcourir de distance, ni de mettre en jeu une énergie. Serait-ce le « réservoir » évoqué par Joël De Rosnay ?

« Mais la cohérence dont il est question ici est plus complexe et remarquable que dans sa forme ordinaire. Elle renvoie en effet à une syntonisation quasi instantanée entre parties et éléments d’un système, que ce système soit un atome, un organisme ou une galaxie. Toutes les parties d’un système offrant cette cohérence se trouvent en corrélation telle, que ce qui arrive à une partie arrive également aux autres parties. » (Laszlo, 2005, p.31)

 « […] cohérence omniprésente par-delà l’espace et le temps » (Ibid., p.33).

« Les particules sont intrinsèquement liées les unes avec les autres. […] Selon le physicien Nick Herbert "l’essence de la non-localité est une action à distance sans intermédiaire… Une interaction non locale relie un lieu à un autre sans traverser l’espace, sans s’altérer, et sans délai". Selon le théoricien quantique Henry Stapp "Ce lien pourrait être la plus grande découverte de la science" » (ibid., p.95-100).

Il semble qu’il en soit ainsi pour la psyché individuelle, mais peut-être aussi au niveau d’une sorte de « conscience » plus vaste, à laquelle chacun contribue.

1.5    Vastitude ou transcendance ?

Cette perception macroscopique des analogies, aussi magnifique soit-elle, ne rend cependant pas compte de tous les possibles ! Ce n’est qu’un premier pas vers cette idée de vastitude.

Nous rencontrons chez l’humain un besoin de transcendance qui va au-delà des analogies. Mais comme nous abordons un domaine qui n’est pas objectivable, y trouverons-nous un élargissement du champ de conscience, ou des illusions ?

Différents besoins ont été identifiés chez nous. Des auteurs comme Abraham Maslow (humaniste, psychologie existentielle), Marshall Rosenberg (CNV -communication non violente), Virginia Henderson (soins infirmiers) ont évoqué cette notion de besoins. La psychologie positive également se penche sur ce sujet.*

*Lire sur ce site la publication de juin 2019 « Les besoins »

Maslow ne nous a jamais parlé de « pyramide des besoins », mais de « hiérarchie des besoins », tout en plaçant les besoins ontiques (existentiels) comme fondamentaux (à la fois la profondeur de base… et le sommet).

« Non seulement il est bon de survivre, mais il est également bon (préféré, choisi, salutaire pour l’organisme) pour la personne de progresser vers une humanité plus complète, vers une réalisation de ses potentialités, vers une joie plus grande, vers la sérénité, vers des expériences paroxystiques, vers la transcendance […]. » (Maslow, 2008, p.120)

Rosenberg évoque les besoins existentiels (sans toutefois clairement hiérarchiser), en y ajoutant le besoin d’intégrité.

La psychologie positive évoque les besoins de reconnaissance, d’autonomie, de proximité sociale, de compétence (mettre en œuvre ce qu’on sait faire) ainsi que le besoin de sens (eudémonisme)… et aussi le besoin de transcendance.

Martin Heidegger évoque ce besoin naturel de projeter son attention vers un « au-delà de soi-même ».  

« Pour la phénoménologie et l’existentialisme, la transcendance désigne tout ce qui est au-delà de la conscience. Heidegger y voit « la structure essentielle du sujet » dont le propre est de se pro-jeter au-delà de lui-même. »

Philosophie magazine : Transcendance : tout savoir | Philosophie magazine (philomag.com)

Ce besoin de transcendance propose l’intuition d’une sorte « d’arrière-monde » (comme le dit Michel Onfray – philosophe en désaccord avec cette idée). Il s’agit de quelque chose qui est hors de notre champ de perception sensoriel. Quelque chose qui contient une sorte « d’essentiel » qui échappe à notre intellect, à nos représentations mentales, à nos possibilités cognitives.

Comme de tels éléments ne sont pas objectivables, quel en est le degré de réalité ? De plus, s’agit-il d’un « arrière-monde » ou d’un « avant monde » ou d’un « au-delà du monde » ou plus simplement « de la nature intime du monde » ?

Les analogies évoquées dans le « Macroscope » de Joël De Rosnay font encore partie de ce qui est objectivable, mais considéré d’un autre point de vue (plus analogique qu’analytique). Dans l’idée de vastitude que nous abordons ici, nous allons à un autre « endroit ».

Nous avons la « réalité » (perçue par nos sens et dont nous nous faisons des représentations mentales), les « vérités » qui résultent de démonstrations nous offrant quelques certitudes (hélas temporaires, car ultérieurement remises en cause par de nouvelles précisions), puis nous avons le « Réel »* qui semble ne pas pouvoir être objectivé, car échappant à notre sensorialité et à nos possibilités de représentations mentales.

*Lire sur ce site la publication d’avril 2018 «  La réalité, les vérités, le Réel »

Dans cette zone du « Réel », se trouvent des expériences hors du commun. Maslow parle d’expériences paroxystiques. Comme de tels vécus éprouvés ne peuvent se penser clairement, ils sont difficiles à évoquer et à partager. Ils sont aussi peu entendables par la plupart des interlocuteurs. Il en résulte ainsi parfois des souffrances psychiques, alors que l’expérience, en elle-même, ne comporte aucune douleur (elle est même parfois lumineuse). Ces expériences exceptionnelles seront souvent tues par ceux qui les éprouvent, soit par crainte d’être jugés (au mieux comme irrationnels, au pire comme malades mentaux*), soit en auto-censure car cela leur semble vraiment trop « déraisonnable » pour être pris en compte. L’art ou la poésie viennent parfois au secours de telles expressions de l’indicible.

*Lire sur ce site la publication d’octobre 2012 « Mieux comprendre la psychose » où l’on trouve de telles expériences paroxystiques qui n’ont finalement rien de pathologique

Certes, il peut en résulter des errances psychiques.  Mais il peut aussi s’y trouver des justesses que notre intellect n’est pas habitué à considérer, qui pourtant reflètent des fondements existentiels majeurs. Bien que ce ne soit pas sa zone de compétence, notre intellect peut tout de même un peu en rendre compte, ne serait-ce que par d’astucieuses métaphores. Trop souvent diabolisé par les amateurs de transcendance, l’intellect mérite pourtant toute notre gratitude, car il peut rendre tout cela quasi partageable.

Il se trouve fréquemment, dans notre vie, des symptômes, des manifestations. Ils pointent le plus souvent vers des zones existentielles qui « attendent » reconnaissance et validation.

La psychothérapie pourra œuvrer pour accompagner ces remédiations en attente d’accomplissement. Elle pourra aborder notre histoire personnelle, mais elle sera aussi parfois conduite à apporter du soin à la zone intergénérationnelle (parents, grands-parents) ou transgénérationnelle (aïeux lointains). En effet, les vécus de nos ascendants, peuvent « laisser des chantiers en cours » où la Vie est attendue… un peu comme des « histoires d’amour en attente d’accomplissement ». Ce ne sont pas des « casseroles » que nous trainons, mais de l’inestimable à accomplir.

L’investigation pourra s’étendre au transpersonnel quand cela émerge naturellement au cours de l’entretien. Ce qui appelle l’attention du patient à travers ses symptômes seront ici :

-des pans de l’humanité (hommes, femmes ou enfants ayant vécu tel type de situation, parfois des peuples entiers) ;
-la nature, des animaux, des terres, ou même des « esprits » ou du moins des « présences » vécues comme telles.

On peut aussi bien trouver cela dans le passé, dans le présent que dans le futur, ou même dans une sorte de « zone atemporelle » (en maïeusthésie nous parlons d’uchrotopie (zone ni spatiale, ni temporelle).

L’intellect en est un peu chahuté, mais il en permet l’expression et le partage, même s’il se sent un peu débordé par cet éloignement de la rationalité. En effet, de telles expériences se vivent ou s’éprouvent plus qu’elle ne se pensent.

1.6    L’étendue temporelle

Donald Woods Winnicott, psychanalyste, disait :

« […] où sommes-nous ? (si nous sommes vraiment quelque part) » (Winnicott, 1971,p.195)

Denis Noble, professeur émérite de cardiologie vasculaire et pionnier dans la biologie des systèmes, nous tient un propos analogue :

« Le ”soi“ n’est pas un objet neuronal » (Denis Noble 2007, p.209). 
« Il est aussi que ”je“ ou ”moi“ ou ”vous“ ne sont pas des entités de même niveau que le cerveau. Ce ne sont pas des objets au sens où le cerveau est un objet. Mes neurones sont des objets, mon cerveau est un objet, mais ”je“ ne se trouve nulle part. Cela ne signifie pas qu’il n’est pas quelque part » (ibid.).

Nous entendons souvent qu’il est souhaitable d’être surtout dans le présent. Il est alors implicitement conseillé de ne pas se trouver à d’autres moments que celui où l’on se trouve. Un des enseignants les plus efficaces à ce sujet est sans doute Thich Nhât Hanh (moine bouddhiste) qui propose de mettre en œuvre une « marche consciente » en goûtant chaque pas... d’aller ainsi par exemple vers un arbre… en imaginant que cet arbre est la fin de notre vie ! Cela encourage vraiment à goûter chaque pas et à ne pas se hâter inutilement.

Pourtant, s’il est important de ne pas éparpiller notre attention au-delà de ce qui est, il est souhaitable aussi de prendre en compte que notre perception de ce qui est dans l’instant est assujettie à ce qu’il y avait avant notre perception, et sans doute à ce qu’il y aura après. Sinon nous ne serions que dans ce qu’on appelle le « présentisme » (la vision de Thich Nhât Hanh n’a rien à voir avec le présentisme).

1.6.1    Présentisme

Dans le présentisme*, il y a perception de l’instant présent et mémoire du passé, mais sans les relier entre eux. De ce fait il n’y a pas de perception de la signification car toute notion de séquence échappe à la conscience.

Présentisme — Wikipédia (wikipedia.org)

Dans son ouvrage « Le temps du monde » (Fayard 2023), le philosophe contemporain Francis Wolff nous donne, page 171, l’exemple du père Bourdin qui, entendant l’horloge sonner trois fois, se demande pourquoi elle sonne « trois fois une heure » ! Il ne relie pas entre elles ces trois sonneries et ne peut interpréter qu’il s’agit de trois heures.

Francis Wolff évoque aussi (p.146-150) que notre capacité à « entendre la musique » vient du fait que nous accédons à une séquence qui fait « sens mélodique » et non à des notes entendues séparément dont il ne se dégagerait aucun sens. Nous pourrions ajouter qu’il en est de même de la lecture d’un texte ou de l’écoute d’un discours : nous ne voyons ou n’entendons pas des mots séparés mais des phrases qui font sens dans leur ensemble. Si nous n’avions que le présent à notre disposition (au sens stricte et ponctuel), nous ne pourrions accéder à la moindre compréhension.

Si le présentisme est un extrême, notre réflexion n’est pas habituée à tenir compte de phénomènes plus vastes que ce qui se passe juste en face de nous. Nous ne sommes pas habitués à en percevoir les liens avec ce qui précède, ce qui suivra (probablement), et ce qui se trouve loin d’ici, mais avec lequel il y a des analogies éclairantes (le macroscope permet d’y remédier).

Le « présent » semble plus résulter d’une totalité que de n’être juste que ponctuel. « Être dans le présent » serait donc « être immergé en conscience dans cette vastitude » bien plus que de se limiter à un instant ponctuel.

1.6.2    Perdurantisme

Quasiment à l’opposé du présentisme se trouve ce qu’on appelle le « perdurantisme ». C’est quand on considère chaque Être comme étant constitué de « parts temporelles ». De la même façon que dans l’espace on a des « parts corporelles » (parties de notre corps), dans le temps on a des « parts de Soi ». Celui que nous étions, dans l’enfance, dans l’adolescence, dans chaque étape de notre vie adulte etc…

Cette notion du « même » (ce qui ne change pas, notre identité) et de l’« autre » (ce qui change tout le temps) a pas mal occupé les philosophes. Platon, qui note que ce « même » et cet « autre » ne sont pas toujours amis, ou Héraclite pour qui on ne se baigne jamais deux fois dans la même rivière : elle reste cette rivière, mais ce n’est jamais la même eau. Le philosophe contemporain Francis Wolff fait une dure critique de ce « perdurantisme » (Wolff, 2023, p.105) estimant qu’il n’y a pas plusieurs parties de Soi mais seulement un processus à l’œuvre.

Pourtant, en thérapie, il y a quelque chose qui ressemble à cela. Mais en réalité c’est plutôt différent. D’un côté il ne s’agit pas de « parts de Soi » (car ce ne sont pas des morceaux) mais d’« Êtres de Soi » (il s’agit d’en honorer la dimension existentielle). D’un autre côté, il ne s’agit pas de « juxtaposition d’éléments », mais d’une sorte de continuité et de complétude en cours d’accomplissement, où chaque Être de Soi contient potentiellement l’entièreté de Soi (souvent en attente d’accueil, de considération ou de déploiement). Notre attention peut se porter à un endroit* ou à un autre de notre existence, de même que nous pouvons avoir notre attention vers un endroit ou un autre de notre corps (qui est lui-même aussi un être de Soi méritant considération).

*notez que je dis « endroit » faute de meilleur mot, et qu’ainsi je spatialise le temps

Martin Heidegger aborde quelque chose de ce genre quand il évoque la notion d’Être : l’Être est l’entièreté de tout ce que nous avons été, de ce que nous sommes et de ce que nous serons, auquel il adjoint les notions de Dasein (l’Être-là, l’Être au monde) présent, et l’Etant (sa manière d’être au monde). Voici une façon bien à lui d’évoquer le Soi (qui nous sommes) et le moi (notre stratégie sociale pour être au monde).

« Il appartient au Dasein de devoir devenir lui-même ce qu’il n’est pas encore, c'est-à-dire de l’être » (Heidegger, 1986, p.297).

« Il y a dans le Dasein une non-entièreté constante […] ce qui appartient sans doute à un étant, mais qui lui manque encore […] Rester en attente signifie par conséquent : n’être pas encore réuni à l’ensemble dont on fait partie » (ibid., p.296).

« Le Dasein est toujours déjà "au-delà de soi", non pas qu’il se comporte ainsi envers un étant qu’il n’est pas, mais il l’est comme être tendu vers un pouvoir être qu’il est lui-même » (ibid., p.241).

Avec d’autres subtilités, et plus de clarté, Carl Gustav Jung nous parle du Soi comme une entièreté en attente d’accomplissement, de complétude, à travers l’idée d’individuation :

« Le Soi embrasse non seulement la psyché consciente, mais aussi la psyché inconsciente et constitue de ce fait pour ainsi dire une personnalité plus ample, que nous sommes aussi… » (Jung, 1973, p.462)* 

« Ma conscience est comme un œil qui embrasse en lui les espaces les plus lointains, mais le non-moi psychique est ce qui, de façon non spatiale emplit cet espace. » (ibid., p. 450)*

« Je constate continuellement que le processus d’individuation est confondu avec la prise de conscience du Moi et que par conséquent celui-ci est identifié au Soi, d’où il résulte une désespérante confusion de concepts. Car, dès lors, l’individuation ne serait plus qu’égocentrisme ou auto-érotisme » (Jung, p.457).

Toutes ces notions subtiles sont délicates à aborder et bien des praticiens s’en sont approchés au mieux, peinant parfois à y être clair, car l’intellect, à cet endroit, n’est pas dans son lieu d’excellence !

Abraham Maslow, évoquant ces expériences ontiques (existentielles) nous dit même que nous avons développé une peur de nous en approcher :

 « Il s’agit d’une chose que non seulement nous ne connaissons pas, mais que nous avons peur de connaître » (Maslow, 2006, p.104).

Nous avons ainsi à restaurer une sensibilité intime, libre des croyances mystiques, mais qui ose ces dimensions que l’intellect appréhende difficilement.

Considérer la psyché sous cet angle ne procède pas à proprement parler du perdurantisme, mais d’une conscience qui s’ouvre à un champ plus vaste de Soi, sans pour autant le morceler.

1.6.3    Méta position, différente de l’Héautoscopie (ou autoscopie)

Dans le cheminement temporel, en thérapie, celui que nous sommes considère celui que nous étions. Nous pouvons alors parler de « méta position »*, en ce sens où « celui que nous sommes » se trouve aux cotés de « celui que nous étions » (est en méta positon par rapport à lui).

* Méta : du grec meta, « parmi ; avec ; après ».  Ce préfixe exprime une idée de proximité, de succession ou de changement. Méta position : être en proximité, à côté de son ressenti éprouvé, afin de pouvoir le considérer de « l’extérieur », avec moins d’impact et plus de lucidité, ou aussi à côté de l’un de ceux qu’on a été au cours de sa vie.

En séance, le patient peut ainsi porter son attention sur un de ceux qu’il a été, et lui apporter reconnaissance (dimension existentielle de celui qu’il était) et validation (nature et dimension émotionnelle de ce que celui qu’il était a éprouvé).

Cependant, dans le présent il est impossible d’avoir une telle méta position par rapport à celui que nous sommes. Dans le présent il est possible d’avoir son attention sur ce qu’on éprouve (une douleur, une peur, un mal-être, une joie etc…), mais pas sur celui qu’on est. A partir de ce ressenti ainsi perçu « de l’extérieur » (donc diminuant un peu en pénibilité), un chemin s’ouvre souvent vers un de ceux qu’on a été. Cette manifestation « observée » appelle alors notre attention vers lui, en vue d’une remédiation ou d’un déploiement. La méta position devient alors possible avec celui que nous étions ainsi identifié. Il y a proximité jusqu’au tact, mais jamais confusion, entre celui que nous sommes et celui que nous étions. Celui que nous sommes ne revit jamais la circonstance (pas de régression, ni de reviviscence), mais il accompagne celui que nous étions quand il en a fait l’expérience.

Cette démarche ne doit pas être confondue avec l’héautoscopie (ou aussi autoscopie) qui est le fait de « se voir de l’extérieur », comme étant face à sa propre image, sa propre représentation. Un tel phénomène est souvent plutôt de type hallucinatoire et n’a rien à voir avec ce que je viens d’évoquer à propos de la méta-position.*

*Dans les EMI (expérience de mort imminente) il semble que là il s’agisse vraiment d’une situation où le sujet se perçoit de l’extérieur (faute d’une meilleure façon de le dire). Il s’agit là d’une expérience d’un autre ordre.

1.7    La source du temps dans le futur ?

Dans ma publication d’avril 2009 « De l’espace et du temps » je signalais déjà que, dans notre langue française, le futur est dit « postérieur » et le passé « antérieur ». C’est à dire « un futur derrière » et « un passé devant ». Ainsi, concernant le temps comparé à l’écoulement d’un fleuve que nous contemplerions depuis un pont en nous tournant vers l’aval, l’eau à venir serait derrière, et l’eau passée devant… et pour conclure : tout se passe comme si « la source du temps était dans le futur » (pareillement à la source du fleuve). J’avais énoncé cela, juste comme une sorte de pirouette, en vue d’assouplir la raideur de nos modes de pensée.

Le philosophe Francis Wolff, dans son ouvrage « Le temps du monde », nous fait voyager dans bien des complications intellectuelles concernant le temps. Cependant, page 159, il nous dit :

« Le temps semble venir de l’avenir » (Wolff, 2023, p.159).

La notion de temps a de toute époque préoccupé les philosophes qui ont remué beaucoup d’idées et de concepts à ce sujet. Mais les scientifiques aussi sont fort préoccupés par ce thème. Dans sa conférence que l’on trouve sur YouTube, Etienne Klein* physicien et philosophe de sciences, nous explique que scientifiquement, à ce jour, il n’est pas impossible que le futur existe déjà dans le « présent » (hypothèse dont on ne sait pas démontrer l’impossibilité). Une seule certitude selon lui : notre représentation linéaire du temps est erronée.

*Etienne Klein Le futur existe-t-il déjà dans l’avenir ? vidéo.

Un autre scientifique d’importance nous apporte de belles découvertes sur le temps : Thomas Hertog, collaborateur de Stephen Hawking, astrophysicien.

Dans son ouvrage « L’origine du temps, la dernière théorie de Stephen Hawking » :

« En un sens, l’holographie place la vraie origine du temps dans le futur lointain […] » (Hertog, 2023, p.359).

Il évoque même que, de façon descendante, un regard présent sur le passé peut influencer celui-ci :

« Mais l’observation joue également un rôle en direction du passé. […] un univers quantique et ses observateurs vont de pair […]. » (Hertog, 2023, p.238).

« […] l’histoire, au niveau le plus profond, émerge en remontant le temps. Tout se passe comme si un flux constant d’actes quantiques d’observation déterminait rétroactivement l’issue du Big Bang […]. » (Hertog, 2023, p.284)

« La cosmologie quantique élève le raisonnement à rebours, la faisant passer d’un simple élément rétrospectif de cette histoire à une composante rétroactive qui crée cette histoire. » (Hertog, 2023, p. 286).

Donc, non seulement la source du temps pourrait être dans le futur, mais aussi le regard que le futur porte sur le passé peut influer sur celui-ci.

« L’acte d’observation en théorie quantique influe de manière subtile sur le passé, et même le passé lointain. » (Hertog, 2023, p. 286) [expérience de Wheeler avec des photons qui « changent » leur état initial en fonction d’une décision ultérieure]. » (Hertog, 2023, p.290).

« […] nous pouvons envoyer des signaux qui remontent le temps. » (Hertog, 2023, p.294).

« […] une énorme synthèse qui nous inclut et dans laquelle ce qui se passe aujourd’hui force de manière rétroactive ce qui s’est produit auparavant. » (Hertog, 2023, p. 295).

« […] très profondément, le passé est contingent au présent. » (Hertog, 2023, p. 301). « Cependant, la cosmologie descendante n’est qu’une hypothèse. » (ibid., p.303).

« Nous créons l’univers autant que l’univers nous crée. » (Hertog, 2023, p.310).

Il ne s’agit pas pour autant de sombrer dans une sorte de « chronocentrisme », où gonflant honteusement notre ego, nous nous prendrions pour le centre de l’Univers temporel, riches d’une sorte de pensée magique ! Pourtant, tout cela n’est pas sans rappeler comment en thérapie, celui que nous sommes va prendre soin de celui que nous étions et modifier ainsi l’ensemble de ce qui nous constitue.

Il n’est pas impossible que le regard que l’Homme porte sur le monde et sa propre histoire joue un rôle sur cette histoire elle-même… c’est ce que nous propose Hertog… et même jusqu’au big Bang !  

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2    Histoire de dimensions

2.1    L’imaginaire et l’expérientiel

L‘imaginaire, c’est ce que l’on peut se représenter mentalement. On peut « gérer » cet imaginaire en le modifiant selon nos souhaits et notre créativité. Cela peut d’ailleurs être source d’apaisement et c’est particulièrement utilisé dans bien des approches de relaxation. L’imaginaire ajuste, modèle, fabrique des représentations mentales plus ou moins inspirées de nos représentations sensorielles, mais libérées des contraintes matérielles (y voler dans les airs, du soleil à la place de la pluie, vivre sous l’eau sans problème de respiration…).

Il peut aussi en résulter de magnifiques créations artistiques. Mais celles-ci, si elles sont privées d’expérientiel, risquent de se retrouver un peu « creuses », sans âmes, sans réelle poésie. L’imaginaire est essentiel à l’art, mais tout seul il ne suffit pas.

L’expérientiel est de nature différente. Il ne se gère pas, ne se construit pas. « IL EST ». On y accomplit des validations, des reconnaissances qui y produisent des changements. Cependant on ne peut le modeler à notre convenance. Cela n’a rien à voir avec notre compétence.

Quand en thérapie celui que nous sommes « rencontre » celui que nous étions, si ce dernier est triste on ne peut le rendre gai. Cependant, on peut valider sa tristesse, et il en résulte pour lui un apaisement. Mais cet apaisement ne peut se « fabriquer ». Il résulte d’une validation (du ressenti) et d’une reconnaissance (de celui qui le ressent).

Dans l’expérientiel il n’y a pas de place pour les croyances ou les mythes qui n’existent que dans l’imaginaire. Cependant, la créativité résulte souvent d’un mix de l’expérientiel et de l’imaginaire, pour parfois offrir des émergences magnifiques.

Il peut aussi en résulter des intuitions : plus ou moins heureuses, elles seront parfois extrêmement fructueuses et ouvriront de nouveaux champs d’investigation. Nous y trouverons des émergences inattendues ouvrant vers des « possibles » auparavant impensables (y compris dans le domaine scientifique).

2.2    Recul, altitude, ou autre dimension ?

« Faut-il prendre du recul ? ». Il est vrai qu’en prenant du recul, cela agrandit le champ de notre perception. Le nez sur une affiche on voit peu de choses, alors qu’à bonne distance, se révèle une image qui fait sens.

Pareillement « Faut-il prendre de l’altitude ?». Il est vrai que vues de dessus apparaissent des structures qui resteraient invisibles sans cela. C’est particulièrement ressenti avec la lecture d’un plan par rapport à une vison depuis le sol.

Mais avec l’altitude, nous perdons la conscience de ce qui est perçu depuis le sol (ce à quoi Google tente de remédier avec des images au sol accessibles depuis le plan). Avec la distance, si nous voyons plus « large », nous perdons aussi en détails. Cependant, quelle que soit la technologie, nous n’avons jamais les deux modes en même temps.

Une approche de ce phénomène a été proposée par Edwin A. Abbott (1838-1926) dans son conte « Flat land [pays plat] » (Abbott,1884 librement disponible en ligne, en PDF). Mathématicien il nous sensibilise avec simplicité à la notion de dimensions supplémentaires.

Flat land : Des créatures qui sont des formes géométriques plates, vivent dans un plan (donc tout est exclusivement en deux dimensions). Le héros en est un Carré (nommé Square) qui a l’intuition qu’il existe « quelque chose d’autre » sans pour autant savoir quoi.  Il rencontre une sphère qui traverse le plan. Il n’apparait aux yeux de Square que le cercle résultant de l’intersection de la sphère avec le plan.

Celle-ci voyant Square et son intuition le prend en affection et lui révèle qu’effectivement il n’existe pas que les quatre points cardinaux, mais qu’il y a aussi « au-dessus ».  Le carré lui répond « au nord ? ». Celle-ci lui dit que ce n’est pas ça, alors le carré tente de clarifier : « plus au nord qu’au nord ? ». La sphère voyant que son interlocuteur n’a ni mots pour énoncer, ni concept pour imaginer, une telle chose… elle choisit de lui faire vivre l’expérience d’être « au-dessus ».

Avec stupéfaction, Square découvre que les formes au sol, dont il devait faire le tour pour voir tous les côtés (cela prenait du temps), lui apparaissent soudainement dans leur intégralité d’un seul coup d’œil instantané. Mieux encore, il perçoit aussi l’intérieur de ces formes sans avoir besoin de les ouvrir et d’y entrer.

Cette expérience d’altitude nous semble naturelle, mais pas pour lui, qui n’avait ni mots, ni imaginaire à ce sujet. Cependant, comme il est très sensible à la diversité des possibles, il dit aussitôt à la sphère : « si j’allais dans une 4e dimension je verrais en toi ? ». Mais celle-ci, gênée, lui nie cette possibilité (alors que c’est totalement vrai).

Astucieuse métaphore du mathématicien. En effet, quand nous plaçons « en haut » la dimension existentielle ou spirituelle, nous sommes aussi maladroits que Square qui pense que « au-dessus » est « plus au nord ». En fait depuis une 4e dimension si nous regardions un cube (dont habituellement il faut faire le tour, ou le mettre en rotation, pour voir toutes les faces), nous verrions toutes ses faces en même temps, et même l’intérieur sans l’ouvrir, ni y rentrer. Cette 4e dimension n’est pas « plus haut qu’en haut », elle est juste d’une autre nature que le « haut ». Ceci n’a rien à voir avec un concept métaphysique, c’est juste de la géométrie.

Quand nous abordons ainsi une approche au-delà des dimensions, parlons-nous de vastitude ou de transcendance ?

Cette perception particulière que ne nous offrent ni nos sens, ni notre imagerie mentale, ressemble étrangement à ce que nous rapportent les personnes ayant vécu une EMI (expérience de mort imminente) nous disant « je voyais toute ma vie en même temps sans écoulement temporel ».

Il se trouve que le médecin Jean-Pierre Jourdan, dans son ouvrage « Dead line » a rapporté de nombreux témoignages d’expériences hors du commun… mais pas si rares que ça dans les cas d’EMI, reflétant ce que décrit A. Edwin Abbott :

« Tous les angles de vue étaient simultanés. […] ″Ce qu’il y a de drôle, c’est qu’on a une vision très élargie des choses. C’était comme si je me trouvais en plusieurs lieux en même temps″ » (ibid., p.419).

« Je faisais partie d’un tout. Tout était clair, très lumineux et c’est un peu comme si on faisait partie du cosmos et qu’on est partout à la fois » (ibid., p.422).

« On est à la fois soi-même et ce qu’on observe. Il y a à la fois la vue et le ressenti, une espèce de contact, de perception intime de la chose qu’on observe » (Jourdan, 2006, p.576).

2.3    Décontextualiser, la dynamique archétypale

Bien des discours, plus ou moins heureux, peuvent découler de ces phénomènes. Si nous revenons à la psychothérapie, cela nous enseigne beaucoup de choses. Il existe une structure archétypale (type archaïque, premier) derrière le détail de ce qui se passe.

Ni altitude, ni recul, ni macroscope, mais conscience de la dynamique archétypale qui met en mouvement les protagonistes dans la situation évoquée par le patient : tendance à la convergence, à la réunion, à la mise à distance en cas de danger, avec un lien suffisant pour ne pas perdre l’existentiel qui a été mis à distance, en vue d’une intégration ultérieure.

Quand un patient évoque une situation de trauma, s’il est très juste de tenir compte de cette situation bouleversante, elle ne doit cependant pas aveugler le praticien qui doit percevoir, au-delà de celle-ci, les Êtres et les enjeux à l’œuvre.

- Mise à distance sécure (survie) des Êtres et des faits (quand il y a trauma) ;

- compensations pour masquer ce qui, de ce fait, manque existentiellement au niveau des Êtres (survie) ;

- « trace mémorielle » pour éviter ultérieurement un fait dangereux analogue (survie) ;

- « trace mémoriale » pour retrouver les Êtres mis à distance (Vie) ;

- tendance à la réintégration existentielle dès que cela sera possible (Vie) ;

- tendance au déploiement existentiel, individuation, devenir qui l’on a à être dans sa complétude (vie).

Ces mouvements naturels sont perçus par le praticien et accompagnés dans leur déroulement. La reconnaissance (des Êtres) et la validation de leurs éprouvés (douleurs, joies, émotions) sont des clés tout au long du cheminement. Chaque reconnaissance et validation ne font qu’accompagner la pertinence déjà à l’œuvre dans la psyché du patient.  

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3    Notre socle

3.1    Percevoir une structure de pertinence

La difficulté est de changer de priorité : s’appuyer sur la pertinence à l’œuvre plus que sur les dysfonctionnements à corriger.

C’est un grand changement culturel. Sigmund Freud disait même (mi en humour, mi sérieusement) qu’il n’y pas de différence entre un psychanalyste, un psychiatre et un exorciste, car tous combattent le mal. Dans une version plus moderne (DSM IV-TR -manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), le monde psychiatrique nous avertit que tout « disorder » (trouble) résulte d’un dysfonctionnement biologique ou mental.

Donc le système de détection du praticien est orienté vers les dysfonctionnements à identifier, en vue de les corriger (par la pharmacologie ou par la psychothérapie). Une cécité d’inattention, risque alors de rendre le praticien aveugle aux pertinences qui habitent la psyché de son patient. Naturellement, il ne s’agit pas non plus, en étant sensible aux pertinences, de devenir aveugle aux dysfonctionnements. Mais il se trouve qu’il y a plus souvent des pertinences que des dysfonctionnements.

Déjà au XVIIIe siècle Le philosophe anglais Thomas Reid (1710-1796) soupçonnait cette pertinence :

« L’appareil de l’esprit humain est une chose aussi curieuse et merveilleuse que l’appareil du corps humain. Et les facultés qu’on y observe ne sont pas moins sagement adaptées à leurs différentes fins que les organes de ce dernier. » (Reid – 2012, p.27)

Plus près de nous, l’aliéniste Philippe Pinel (1745-1826), qui fut l’initiateur de la psychiatrie, insistait sur le fait que les malades mentaux ne sont pas « vides » (contrairement à ce que sous-entend le mot « fou » venant de fol, signifiant « vide »), mais « aliéné », c’est-à-dire « devenus étrangers à eux-mêmes », et que la thérapie consistait surtout à les faire se retrouver, se rassembler.

Encore plus proche de nous, le psychiatre Karl Jaspers, (1883-1969) dans son ouvrage sur la psychopathologie, nous propose d’élargir notre champ d’investigation :

« […] on est vite prêt à constater de la démence là où l’on rencontre de l’irrationnel ; on n’obtient pas de vue d’ensemble de l’infinie richesse de la vie humaine. » (Jaspers, 2000, p37).

« La science n’est pas une simple énumération de faits ; toute recherche véritable est dominée par l’idée d’un ensemble. » (Jaspers, 2000, p.53)

Et surtout il évoque que quelle que soit la situation de souffrance psychique, l’esprit est toujours là :

« Dans la vie psychique malade comme dans la vie saine, l’esprit est présent. » (Jaspers, 2000, p.274)

Il se trouve seulement que chaque humain utilise divers stratagèmes :

« [… l’individu construit autour de lui un mur d’expressions fausses, derrière lequel il se cache, ou avec lequel il se trompe lui-même et les autres. » (Jaspers, 2000, p231)

Ce qu’évoquait aussi le poète philosophe Paul Valéry (1871-1945), cité par le psychiatre contemporain Christophe André dans son ouvrage « Imparfaits, libres et heureux » :

« Les hommes se distinguent par ce qu’ils montrent et se ressemblent par ce qu’ils cachent » (André, 2009, p.13).

Abraham Maslow, lui, avait profondément confiance en cette nature intime que nous gardons si discrète, et qui reste invisible du fait d’une « tradition médico-thérapeutique » :

« […] courant dominé par la tradition médico-thérapeutique d’éradication de la maladie. » (2008, p.68).

Il visait une confiance en ce qui nous constitue :

« Toute croyance qui incite les hommes à se méfier d’eux-mêmes et des autres sans nécessité et à douter sans fondement des possibilités humaines, doit être considérée partiellement responsable des guerres, des rivalités entre les races et des massacres perpétrés au nom de la religion » (Maslow, 2008. p.107).

Il visait un accomplissement de soi chez le patient, bien plus que l’éradication ou la correction de quoi que ce soit :

« Je déteste le modèle médical qu’ils impliquent parce qu’ils présupposent que la personne qui vient consulter est malade, assaillie par la maladie, en quête de guérison. Nous espérons vraiment, bien entendu, que le conseiller sera celui qui pourra favoriser l’accomplissement des individus plutôt que celui qui aidera à guérir d’une maladie » (Maslow, 2006, p.72-73)

3.2    Le risque du « Ce n’est pas pour rien ! »

Quand le praticien a compris cela, il risque parfois d’en abuser de façon très dommageable. Sachant qu’il y a le plus souvent une pertinence, face aux peines du patient, il risque d’avoir des propos du genre « Ce n’est pas pour rien ! », « Il y a un accomplissement sous-jacent à l’œuvre ! ». Cela le conduit d’abord, d’une part à être dans le déni de la souffrance du patient, et d’autre part à jouer à une sorte d’inacceptable divination. Les deux ne sont pas supportables pour le patient de la part d’un praticien… qui devrait vite aller en supervision s’il se trouve qu’il œuvre ainsi !

3.3    De l’archétypal, hors de toutes prédictions

La notion d’archétypes existentiels (structure dynamique invariantes), ne doit en aucun cas conduire à des postures prédictives du praticien.

Cependant, cette sensibilité à la pertinence, qui transforme le « détecteur de dysfonctionnements » en « détecteur d’étoiles » est d’une utilité remarquable. Quand le praticien est sensible aux structures de pertinences, il ne se perd pas dans les détails de l’histoire du patient et accède à des éléments qui nous concernent tous.

Comme le disait Carl Rogers :

« Ce qui est le plus personnel est aussi ce qu’il y a de plus général. » (Rogers, 2005, p.22)

Abraham Maslow nous proposait :

« Être capable de voir l’universel dans et à travers le particulier et l’éternel dans et à travers le temporel et le momentané » (Maslow, 2006, p.137).

« En un mot ils se ressemblent en étant simultanément très différents les uns des autres (Maslow, 2008, p.237),

« Plus un besoin est élevé, plus il appartient en propre à l’espèce humaine » (p.114).

« Non seulement l’homme est une PARTIE de la nature, et la nature est une part de lui, mais il doit aussi être isomorphe (semblable à elle) afin d’être viable en elle. » (Maslow - 2006, p.367)

Carl Gustav Jung nous proposait une vastitude de l’inconscient qui nous concerne tous :

« La mentalité primitive exprime la structure fondamentale de l’esprit, ce niveau psychologique qui correspond en nous à l’inconscient collectif, ce niveau sous-jacent qui est le même chez-nous » (Le Quellec*, 2013, p103 -cite Jung).

*Même si Le Quellec est un fervent (voire violent) critique de Jung, il a néanmoins le mérite de le citer avec précision

Et enfin, Abraham Maslow nous invite à oser une posture face à un ensemble plus vaste :

« Dépasser les dichotomies pour aller vers un ensemble d’ordre supérieur » (2006, p.302).

Et à ne pas substituer nos croyances à la réalité :

« Il est dangereux de voir dans le monde ce que nous y avons mis au lieu de ce qui s’y trouve réellement » nous dit-il (Maslow, 2006 p.353).

La dimension archétypale est sous- jacente dans le propos du chercheur paléontologue Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) :

« L’Homme ne progresse qu’en élaborant lentement, d’âge en âge, l’essence de la totalité d’un Univers déposé en lui. » (Teilhard de Chardin 1955, p.199).

3.4    Un « chez-nous d’humanité »

Nous voilà donc arrivés à un élément important pour le praticien. Bien que nous soyons tous différents et ayons à accomplir notre individuation, nous sommes pétris d’une même humanité qui se caractérise par quelques paradoxes :

-Un endroit d’humanité dont nous ne savons rien, mais qui nous est familier.

-Son immensité est telle qu’il semble infini. C’est pourtant une sorte de « chez-nous » très cosy.

-On y habite tous ensemble, sans pour autant n’empiéter chez personne, ni que personne n’empiète chez nous.

-une zone existentielle éprouvée au plus profond de Soi, mais que nos sens ne peuvent percevoir et que notre intellect ne sait se représenter.

J’ai choisi de nommer un tel endroit : le « Chez nous d’humanité ».

C’est ce qui fait que ce que ressent le patient, le praticien y est sensible. Il n’est pas affecté par les circonstances que celui-ci a traversées (zone événementielle), il est touché par l’Être humain qu’il était quand il les a traversées (zone existentielle).

Pour un praticien, c’est là que se tiennent toutes les « commandes » pour réaliser un accompagnement de qualité.  

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4    En psychothérapie

Désormais riches de toutes ces considérations, nous commençons peut-être à entrevoir ce que cela peut ajouter à la qualité d’une séance avec un psychopraticien. Pour cela, commençons par une séance qui se déroule normalement avec ce qu’il faut de vastitude chez l’accompagnant. Nous verrons ensuite où risquent de se trouver les failles.

Naturellement, il est impossible d’envisager toutes les possibilités, tant d’efficience que de maladresses, mais avec cet exemple nous pourrons nous approcher concrètement de cette notion de vastitude en situation concrète de thérapie.

4.1    Exemple de séance avec vastitude

Nous aborderons ici une séance idéale, qui se déroule en toute simplicité et aboutit après différentes phases :

Symptôme :

Une personne souffrant d’une phobie consulte un praticien. Elle lui raconte comment sa peur surgit à chaque fois qu’elle se trouve face à trop de monde.

Séance :

Le praticien lui demande de décrire le type de ressenti éprouvé à cette occasion. C’est une bonne idée, car ce qui est éprouvé sera probablement un meilleur guide que ce qui se passe sur le plan événementiel. Le patient répond qu’il a l’étrange sentiment qu’on va lui sauter dessus, quand bien même raisonnablement il sait que cela ne va pas se passer.

Le praticien poursuit astucieusement en lui demandant s’il y a longtemps qu’il éprouve cela. La réponse étant positive, il lui propose : « Mettez votre attention sur celui que vous étiez il y a longtemps ! ». C’est aussi une bonne idée car « celui qu’il était il y a longtemps » est une « datation »* plus efficace que la recherche d’une circonstance.

*En fait la recherche est plus structurelle que temporelle (elle est uchrotopique)

Portant son attention ainsi, le patient perçoit que celui qu’il était il y a longtemps a vécu une situation à 6 ans, où à l’occasion de jeux, plusieurs enfants lui avaient sauté dessus avec violence et que cela l’avait choqué, il s’était retrouvé pris de panique.

Il semble ici que la zone de trauma ait été trouvée, et c’est tout à fait possible.

Le praticien l’invite à valider la panique de l’enfant, à s’adresser directement à lui : « Tu es tellement paniqué ! » (reformulation pleinement reconnaissante).

Il le fait. Alors l’enfant qu’il était lui sourit et s’apaise un peu. Mais le patient témoigne qu’il lui semble qu’il éprouvait déjà cela avant cet événement de l’enfance, auquel, de ce fait, il était particulièrement sensible, mais sans trop savoir d’où cela peut provenir.

Alors le praticien lui demande : « Ce ressenti [qu’on lui saute dessus] a-t-il déjà été éprouvé auparavant ? ». Il répond qu’il a le sentiment que oui, mais que rien ne s’est passé qui puisse expliquer cela. Rien ne lui vient à l’esprit. Pourtant le patient ressent toujours ce malaise. Le praticien lui propose « Cela est-il déjà arrivé à un autre ? » (Il est toujours intéressant de vérifier si un tiers a éprouvé un ressenti de ce type. Ici, il s’agit plus d’une information qui éventuellement émerge que d’une enquête !

Le patient réalise que oui : son père, lors d’une manifestation populaire dans la rue, s’est retrouvé avec tout le monde amassé contre lui, à la suite de la chute accidentelle de plusieurs personnes. Il a étouffé, cru mourir, et en en a gardé une douloureuse sensation souvent évoquée au cours de sa vie. L’histoire est connue dans la famille, mais celui qu’était le père, et qui l’a vécue, n’a jamais été ni rencontré (pas reçu d’attention), ni validé dans son ressenti (ni entendu au niveau de l’éprouvé qui fut le sien).

Alors le praticien procède avec ce père comme pour l’enfant précédemment : « Mettez votre attention sur lui [celui qu’était le père] au moment où cela lui arrive. Vous ne pouvez changer le fait que cela lui arrive, mais vous pouvez faire en sorte que, quand ça lui arrive, il ne soit plus seul. Osez être à ses côté, et dites-lui ’’Tu éprouves vraiment une grande peur’’, tout en étant à l’écoute s’il y a d’autres choses qu’il aurait besoin qu’on entende » … et ce père ajoute « je sens que je vais mourir ». Le praticien s’adresse au patient et propose avec une grande douceur : « Dites-lui [chaleureusement] ’’C’est à ce point !?’’ ».

Le bonheur que l’on a à le retrouver, le rencontrer, l’entendre, le valider est source d’apaisement pour ce père qui reçoit cette bienveillance tranquille et, de ce fait, il est enfin entendu à un endroit qu’il n’avait jamais su partager avec cette profondeur et cette exactitude.

Celui qu’était le père s’apaise d’être enfin rencontré, puis entendu et validé dans son ressenti. Le praticien vérifie alors comment se sent le patient : « Comment vous sentez-vous ? ». Il se sent mieux. Puis il vérifie l’état du symptôme initial : « Si vous vous retrouvez face à du monde, comment est désormais la sensation que vous éprouviez : identique, moins forte, plus forte, ou d’un autre nature ? » (QCM - question à choix multiples)

Le patient répond : « C’est moins fort, mais j’éprouve encore une sorte de détresse indéfinissable. »

Le praticien propose au patient : « Mettez votre attention sur cette détresse indéfinissable* – Qu’est-ce qui vous vient ? »

*L’attention sur le ressenti éprouvé peut ouvrir un autre chemin.

« Je vois une foule menacée » répond-il (sans que cela ne semble rappeler un événement vécu par le père ou par l’enfant de 6 ans). Le praticien propose « Mettez votre attention sur les Êtres de cette foule menacée ». Le patient le fait et le praticien poursuit par « Dites- leur ’’vous avez tellement peur !’’ », car il semble que ce soient « les Êtres de cette foule » qui sont concernés. Il se trouve ici que ces Êtres sont vus en priorité par rapport au drame qu’ils traversent (dont on ne connait même pas la nature). Cela leur redonne existence. Le patient dit spontanément qu’ils se sentent plus apaisés. En effet, ils ne disparaissent plus derrière l’horreur des faits et retrouvent leur humanité en étant perçus dans leur dimension existentielle, en première place.

Le praticien revérifie : « Si vous vous retrouvez face à du monde, comment est la sensation que vous éprouviez ? : identique, moins forte, plus forte, ou d’un autre nature ? ». Cette fois-ci le patient répond : « je me sens dégagé d’un poids ».

Le praticien propose au patient : « Est-ce correcte pour vous si on arrête la séance ici ? », car c’est un point signifiant.

La suite de sa vie montrera que le patient n’a plus sa phobie. Bien sûr, ce mieux être en fin de séance ne permet en aucun cas de prédire cela. C’est juste qu’un apaisement significatif s’est produit. Cela justifiait la fin de la séance. La vérification permet seulement cela, et en aucun cas une prédiction sur l’état à venir… la suite, le patient la découvrira en la vivant.  D’où l’intérêt que le praticien soit informé de cette suite, (éventuellement par simple email), car cela ne justifie pas forcément une autre consultation « juste pour dire que ça va bien ».

Maintenant, reprenons cette séance avec les écueils que peut rencontrer le praticien s’il manque de vastitude dans sa perception.

4.2    Manque de vastitude 1 :
L’évènementiel prend trop de place

Quand le patient évoque sa phobie et en arrive à cette circonstance à l’âge de 6 ans, l’événementiel prend trop de place si le praticien reste anormalement à cet endroit, alors qu’autre chose émerge. S’il reste un ressenti inconfortable chez l’enfant, comme c’est le cas dans l’exemple, il considèrera à tort que cela vient du fait que l’enfant n’a pas tout partagé. Il continuera à investiguer cette zone de la psyché, pour y trouver une autre zone traumatique.

Bien sûr, il est possible qu’autre chose se soit passé pour l’enfant et que celui-ci mérite d’y être rencontré. Mais ici le praticien considère surtout le « fait » », et pas assez « l’Être » qui a vécu ce fait. Ses questions tentent surtout de mieux découvrir et comprendre ce qui s’est passé (tombe presque dans l’enquête). Il ne tente pas suffisamment de rencontrer celui a vécu tout cela.

Reprenons le moment où le praticien demande au patient de demander à l’enfant qu’il était :

 « Ce ressenti [qu’on lui saute dessus] a-t-il déjà été éprouvé auparavant ? ». Il répond que oui, mais que rien ne s’est passé qui puisse expliquer cela. Rien ne lui vient à l’esprit. Pourtant le patient ressent toujours ce malaise.

Le praticien qui manque de vastitude, par le fait qu’il se centre sur cette circonstance à l’âge de 6 ans, proposera par exemple :

- « S’est-il passé autre chose ? »
- « Demandez à cet enfant ’’autre chose t’a choqué’’ ? ».

Ils risquent ainsi de rester trop longuement à cet endroit, alors que l’attention est attirée ailleurs. Ce que le patient ne peut percevoir, du fait de l’insistance du praticien envers l’enfant de 6 ans, ou à propos d’autres faits traumatiques supposés à cet endroit. Le praticien devrait repartir du ressenti plutôt que d’interroger l’histoire.

4.3    Manque de vastitude 2 :
Le patient présent prend trop de place

Quand le patient partage son ressenti de phobie, le praticien est vraiment touché (et non affecté) par cette présence de l’Être qu’est le patient et du partage d’un ressenti si intime. Il en validera pleinement la nature et la dimension. Pourtant, même si le patient évoque l’enfant qu’il était à 6 ans, le praticien lui demandera :

« Comment vous sentez-vous par rapport à cet enfant ? » (cela est juste)

Il demandera aussi au patient :

« Comment vous sentez-vous après l’avoir rencontré ? » (cela est juste aussi)

… mais il omettra de valider le ressenti de l’enfant qu’il était, restant focalisé sur son patient dans le présent, qui souffre aujourd’hui de sa phobie. Il ne pensera pas non plus à : « demandez à celui que vous étiez à 6 ans…’’comment te sens-tu ?’’ ».

S’il a compris que la validation dans la nature et la dimension est essentielle, hélas il ne l’applique pas envers cet enfant de 6 ans évoqué. Il ne la fait pleinement qu’avec le patient en séance.

Même s’il lui permet de s’approcher de cet enfant qu’il était, le praticien reste en proximité du patient, et n’en a quasiment aucune auprès de l’enfant (alors qu’en fait c’est lui qui appelle).

Même s’il arrive au transgénérationnel avec le père, ce sera le vécu du patient par rapport à ce père qui sera d’actualité, et non l’Être qu’était ce père qui sera entendu (pareillement avec lui face aux Êtres de la foule, si toutefois il arrive jusque-là).

En fait le moins qu’on puisse attendre d’un praticien c’est qu’il soit en proximité de son patient (incontournable tact psychique). Mais même quand le praticien sait être proche du patient, s’il ne sait pas être proche des Êtres émergeants au cours de la séance, celle-ci tournera en rond pendant longtemps sans sentiment d’aboutissement.

4.4    Manque le vastitude 3 : 
Le patient est trop perçu comme un « tout isolé »

Le praticien ici saura être proche de celui qu’est le patient, ainsi que de l’enfant qu’il était. Mais il n’offrira aucune présence au-delà de celui-ci.

Ici, seule la vie du patient est considérée dans l’ensemble de sa biographie. Quand le père apparaît au cours de la séance, celui-ci restera un peu « à part ». Il n’y aura pas de proximité avec celui-ci. Le ressenti de l’enfant par rapport à ce père souffrant sera entendu, mais le vécu de l’Être qu’est le père ne le sera pas pleinement.

Il manquera une dimension dans l’entretien, qui finalement se résume ici à l’entièreté de la biographie du patient. Il n’y a pas de prise en compte intime des Êtres qui émergent et qui gravitent autour de celui-ci, dont le symptôme du patient pointait pourtant vers eux.

Bien que sa quête soit ici, avec justesse, plus existentielle que factuelle, là aussi le praticien s’éternisera en investigations sans réel aboutissement.

Bien sûr le patient trouvera un bien-être à être entendu avec bienveillance par le praticien (c’est le moins que l’on puisse espérer de celui-ci), mais il n’y aura pas de modification de son symptôme initial qui continuera « d’appeler » à un endroit où l’on ne va pas.

Le risque est tout de même, qu’insistant sur la vie du patient sans succès, le praticien éprouve une impatience et en vienne implicitement à « reprocher » à celui-ci d’être « trop dans la tête », « trop dans l’intellect », « pas suffisamment dans la rencontre de ce qui émerge ». Si cela se produit il y a de la part du praticien une grande maladresse dommageable pour celui ou celle qu’il accompagne.

Le praticien est censé rester ouvert à toutes les éventualités, y compris celles qui n’entrent dans aucune théorie préalable dont il dispose.

« Il est dangereux de voir dans le monde ce que nous y avons mis au lieu de ce qui s’y trouve réellement » (Maslow, 2006 p.353)

4.5    Manque de vastitude 4 :
Oublie du transpersonnel

Il se peut aussi que le praticien prenne en compte la biographie du patient (et donc aussi le vécu de l’enfant qu’il était), ainsi que de l’intergénérationnel (où se trouve le vécu de l’Être qu’était le père de cet enfant). Il peut se trouver dans une belle proximité avec les deux protagonistes qui se sont ainsi présentés, tout en étant aussi bien proche du patient présent.

Mais, alors qu’il n’y a pas de mieux être tangible chez les protagonistes, le praticien insiste dans cette zone intergénérationnelle. Il vérifie par exemple s’il faut considérer l’Être qu’était la mère, ou un quelconque aïeul dans le transgénérationnel. Ils tournent en boucle, tentant de trouver celui ou celle qui appelle la conscience.

Comme précédemment, le fait d’être entendu avec bienveillance fait du bien au patient. Néanmoins il se sent plus ou moins emmené « là où la théorie dit qu’il pourrait y avoir quelque chose », alors que « cela » appelle vers un ailleurs ! Mais lequel ?

Si le praticien osait proposer de mettre l’attention sur le ressenti, et demander ce qui vient à l’esprit, sans a priori… il aboutirait à une émergence inattendue, telle que celle qui surgit dans l’exemple décrit ci-dessus.

« Je vois une foule menacée »

Le nouveau protagoniste se trouve être « cette foule d’Êtres » dont on ne sait ni qui c’est, ni quand c’est, ni où c’est. Mais ce n’est pas important quand le praticien se sent concerné par les Êtres de cette foule qui semblent devoir être « rencontrés », « entendus », « validés ».

Nous sommes ici dans la zone transpersonnelle. Ni dans la biographie, ni dans l’intergénérationnel (parent, grands-parents), ni dans le transgénérationnel (aïeux lointains). Il ne s’agit pas d’une enquête pour savoir « quoi, qui, où quand » …mais juste de la reconnaissance des Êtres émergeants et de la validation de leurs éprouvés. Et cela ne se peut que si le praticien accepte la proximité avec eux, se sent touché, et invite le patient à accomplir cette reconnaissance et cette validation à leur égard. Il n’y a rien à objectiver, mais juste à accomplir cette rencontre (d’ailleurs inobjectivable, juste éprouvée). Il y a juste à considérer ce qui se passe phénoménologiquement.

4.6    Manque de vastitude 5 :
Absence de conscience des enjeux

Il se peut aussi que le praticien envisage toutes ces possibilités chez le patient : l’enfant qu’il était, l’Être qu’était son père, les Êtres de cette foule. Mais que cependant, il n’aborde cela que de façon technique et pas suffisamment en conscience de l’humanité des enjeux, ni vraiment des Êtres en présence.

En fait, il s’y trouve certes l’ensemble d’une vie, au sein d’une existence plus vaste, mais aussi et surtout des Êtres ayant eu un vécu, nécessitant une proximité existentielle du praticien avec eux en vue d’un accomplissement :

Enjeux : Le patient présent ressent ce qu’il ressent afin que les Êtres de cette foule soient enfin vus en tant qu’Êtres (avec réjouissance existentielle), et validés dans le ressenti qui fut le leur (nature et dimension de ce ressenti).

C’est un peu comme si se jouait une « histoire d’amour » entre « le patient présent » et « les Êtres de cette foule », qui sommeillent dans un coin de la psyché, attendant d’avoir enfin une place d’honneur au cœur de celle-ci.  En effet, après la remédiation, ils pourront s’y déployer et en assurer la complétude. La proximité existentielle du praticien avec ces Êtres émergeants facilite grandement celle du patient.

Cette « communauté pleinement vivante » au cœur de la psyché, constituée d’Êtres qui se cherchent, qui appellent, qui se déploient, fut plus ou moins évoquée par plusieurs auteurs que j’ai déjà cités précédemment, et qu’il est utile de rappeler une seconde fois :

Maslow avec l’universel et le particulier, au-delà du temporel :

« En un mot ils se ressemblent en étant simultanément très différents les uns des autres (Maslow, 2008, p.237) - « Non seulement l’homme est une PARTIE de la nature, et la nature est une part de lui, mais il doit aussi être isomorphe (semblable à elle) afin d’être viable en elle. » (Maslow - 2006, p.367) - « Être capable de voir l’universel dans et à travers le particulier et l’éternel dans et à travers le temporel et le momentané » (Maslow, 2006, p.137).

Jung avec cette notion du Soi :

« Le Soi embrasse non seulement la psyché consciente, mais aussi la psyché inconsciente et constitue de ce fait pour ainsi dire une personnalité plus ample, que nous sommes aussi… » (Jung, 1973, p.462)*. - « Ma conscience est comme un œil qui embrasse en lui les espaces les plus lointains, mais le non-moi psychique est ce qui, de façon non spatiale emplit cet espace. » (ibid., p. 450).

Ou encore de Teilhard de Chardin avec ce qui nous constitue :

« L’Homme ne progresse qu’en élaborant lentement, d’âge en âge, l’essence de la totalité d’un Univers déposé en lui. » (Teilhard de Chardin 1955, p.199).

En fait le praticien est face à une sorte de « panorama sans image » (peu importent les événement factuels) où œuvrent des protagonistes, (ici l’enfant de 6 ans, le père, et les Êtres qui constituent la foule) en vue de complétude ou d’individuation, de remédiation ou de déploiement. Le praticien découvre que souvent le patient est constitué aussi par un « plus vaste que Soi », sans pour autant que ce ne soit systématique.

Un tel regard conduit alors spontanément le praticien à ne pas oublier d’honorer le porteur de symptômes. En effet celui-ci a éprouvé une inconfortable sensation afin qu’on n’oublie pas une zone de la psyché qui appelle la conscience (y compris dans le transpersonnel).

Ce que ce porteur de symptôme a vécu a contribué à une noble tâche, mais cela lui a été très difficile… d’autant plus pénible dans un monde où l’environnement tend à vouloir effacer les signaux d’appel (les symptômes). Le praticien qui n’a pas conscience des enjeux présents au cœur de cette vastitude risque d’omettre cette importance du « porteur de symptôme ».

« Selon ce point de vue, toute tentative pour dissimuler ou soulager des symptômes devrait être considérée non seulement comme une fuite devant le problème, mais encore comme une interférence avec les tendances spontanées à la résolution de l’organisme » (Grof, 1996, p.389)

« L’apparition de symptômes ne représente donc pas seulement un problème, mais également une opportunité thérapeutique ; cette découverte constitue la base de la plupart des thérapies expérientielles. » (Grof, 2010, p.87).

« Le thérapeute et le client doivent avoir une plus grande confiance en la sagesse de l’organisme du patient qu’en leur propre jugement intellectuel. L’expérience sera d’une nature curative s’ils supportent la découverte naturelle du processus et s’ils coopèrent intelligemment avec lui […]. » (Grof- 1996, p.397)

*Stanislav Grof : médecin psychiatre (né en 1931), auteur de la thérapie transpersonnelle et de l’approche holotropique.

Il y a souvent confusion entre deux phénomènes très différents déjà mentionnés précédemment :

 -La mémoire, source de réactions d’évitement. La mémoire tend à garder une trace des faits du trauma, afin de se préserver d’une nouvelle exposition à un tel danger (par détection d’analogies sommaires).

-Le mémorial, source de répétitions, où le patient tend à retourner vers ce qui est pour lui source d’inconfort. Le mémorial tend à garder une trace des Êtres qui ont été meurtris, afin qu’ils soient enfin rencontrés (restaurés existentiellement) et validés dans leurs ressentis éprouvé (nature et dimension de ces ressentis).

Tous ces phénomènes ne doivent en aucun cas n’être considérés que sur un plan théorique d’où, à distance, le praticien ferait techniquement faire ceci ou cela au patient. 

Le praticien est censé être en proximité existentielle de ces Êtres émergents. C’est cette proximité existentielle qui les rend fréquentables aux yeux du patient. Alors celui-ci accomplit volontiers les remédiations ou déploiement attendus au cœur de lui-même.

Il s’y trouve ainsi une sorte de « résonance » accompagnant spontanément l’accomplissement de la Vie qui cherche à être au monde, guidée par les manifestations initiales (les symptômes).  

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5    Pour optimiser l’approche

5.1    Tous les protagonistes sont chaleureusement considérés

Il est évident qu’une approche de thérapie, ne peut se résumer à des considérations techniques concernant la structure de la psyché, les questions, les validations ou l’empathie envers le patient. Si une chaleureuse proximité envers la personne accompagnée est une évidence incontournable, celle-ci ne suffit pas non plus.

Tout cela va bien au-delà d’une simple technique ! Toute posture de distances (même de « juste distance » ou de « juste proximité ») est à proscrire. Rappelons-nous que le terme « empathie », vient de l’allemand « Einfühlung »* qui signifie « tact psychique ». Or la moindre distance supprime ce tact.

*Que nous devons à Theodor Lipps et à Sándor Ferenczi

Une confusion est souvent présente entre l’Être qui a vécu un fait et le fait lui-même. Le tact psychique est avec l’Être, alors que la distance ne concerne que les faits, les circonstances, les problèmes. Nous trouvons hélas souvent l’inverse : un examen attentif du problème pour y remédier, et une distance avec l’Être et son émotion, afin de ne pas tomber dans l’affect. Or cela produit hélas le contraire de l’effet attendu : l’attention sur les faits produit de l’affect chez le praticien (surtout quand ceux-ci sont horribles) et la distance d’avec l’Être qu’est le patient (si minime soit-elle) prive de tout émerveillement. La charge d’affect est alors à son maximum et l’effet thérapeutique quasi inexistant. Tout cela, en plus, au prix d’une pénibilité pour le praticien, qui épuise son énergie et se charge de gravité inutilement ! Il se trouve que :

- d’un côté nous sommes naturellement touchés par les Êtres (ce qui nous nourrit existentiellement) : nous n’avons pas à apprendre cela, car ça se fait tout seul si on ne l’empêche pas. C’est dans notre nature.

- d’un autre côté nous sommes naturellement affectés par les faits dramatiques qui, eux, nous amènent des régressions ou des reviviscences, des réactions de sécurité.

Cet affect, dont tout le monde du soin a vu qu’il perturbe le déroulé d’une séance, a induit cette sacralisation de la « bonne distance ». Or il se trouve que cet affect vient justement d’une distance avec le patient et d’une proximité avec les faits, qu’on n’arrête pas d’investiguer soigneusement afin de l’en libérer.

Comment a-t-on pu ignorer de privilégier les Êtres !? Il ne s’agit pas d’une simple gentillesse à avoir, mais d’une « délicatesse concernée », où le praticien est touché par la Vie qui s’exprime et qui attend qu’on la trouve grâce à cette expression (par les symptômes). Un tel tact psychique avec l’Être qu’est son patient est incontournable, mais ce tact psychique va bien au-delà du patient dans sa présence actuelle : il s’adresse à l’entièreté de qui il est, à l’entièreté de sa psyché, et même à l’entièreté de la Vie qui se joue à travers lui et ce qui s’exprime en lui.

Cela concerne tous les protagonistes qui sont en mouvement au cœur de ce « panorama sans image ».

Dans l’exemple évoqué au début de ce texte, le praticien se sent proche de son, patient, de l’enfant de 6 ans qui émerge, puis de l’Être qu’est le père, puis des Êtres qui constituent cette foule. Tout cela dans une sorte de présence simultanée, « hors du temps ». Plus qu’un événement à considérer à chaque étape, le praticien y perçoit « une scène sans détail historique » (panorama sans image), mais où se trouvent des Êtres en attente d’être rencontrés dans leur dimension existentielle, et validés dans le ressenti qui fut le leur.

On trouve, dans la psyché du patient, des mouvements systématiques. Des structures dynamiques invariantes (archétypes) que je rappelle encore ici avec quelques nuances :

-une distance réactionnelle pour se protéger des événements analogues à la source du trauma (trace des événements dans la mémoire) ;
-une distance existentielle d’avec les Êtres blessés au cours de ces événements, faute d’avoir une acuité suffisante pour les différencier des circonstances dramatiques (confusion) ; 
-des répétitions (inconsciemment recherchées) pour garder malgré tout une trace de ces Êtres évincés (mémorial existentiel), sans lesquels il n’y aurait ni complétude ni individuation. Nous trouverons là les fameux « patterns » identifiés en psychologie, où une même émotion se réitère tout au long de la vie.

Ces répétitions émotionnelles servent à baliser le chemin qui conduit vers ces Êtres qui attendent d’être rencontrés et validés, un peu comme si ceux-ci nous adressaient en permanence des signaux pour ne pas qu’on les ignore. En fait, ce sont eux qui nous cherchent (en nous appelant), bien plus que nous qui avons à les trouver. De ce fait le praticien est plus quelqu’un qui se laisse porter vers eux, que quelqu’un qui cherche fébrilement « de qui il s’agit », et encore moins « de quoi il s’agit ». Et il ose cette proximité, car une proximité existentielle n’affecte jamais, elle est une source nourrissante et délicatement touchante.

5.2    S’ouvrir au-delà de la situation évoquée

Comme nous venons de le voir, ce ne sont pas les situations qui priment.  Celles-ci ne sont pas ignorées, mais elles n’occupent pas le premier plan. Ce qui importe, ce sont ces mouvements au cœur de la psyché, faisant en sorte que le patient se laisse interpeler par « ce » qui, en lui, appelle sa conscience. Il s’agit ici de « ce » qui, en lui, cherche à se rejoindre ou à se déployer au plus profond de Soi. Et « ce » qui appelle, ce sont des Êtres en interaction systémique pour accomplir ces remédiations ou déploiements.

Le praticien qui laisse trop de place aux faits, risque de manquer cela. La piste événementielle est peu ou pas du tout fructueuse. Celle des ressentis est, au contraire, très directe et aboutit rapidement. D’autant plus que la (ou les) situation(s) évoquée(s) par le patient (les évènements où il a été bouleversé face à des personnes) n’est souvent qu’un prétexte à ce ressenti qui, lui, pointe exactement là où il faut.

L’entrée se fait souvent à travers un fait, plus ou moins important. Dans l’exemple mentionné ici, c’est par la phobie du patient (manifestation actuelle), par le ressenti qu’il éprouve face à « trop de monde ». La « signature » qui va être utile, c’est davantage ce ressenti que l’événement lui-même (trop de monde).

Ce qu’il éprouve en pareille situation sera le meilleur guide possible. Ce qui s’y passe sur le plan événementiel reste secondaire.

Par contre, la façon dont sont reliées toutes les situations provoquant un tel ressenti a une certaine importance : elles sont reliées par un ressenti analogue qui mérite d’être décrit avec précision, car c’est là que se trouvent les clés du cheminement. Dans une sorte d’hypersystémie (tout est relié), ce ressenti conduit exactement « là où la conscience est appelée ». Il s’agit de la conscience du patient, mais aussi de celle du praticien, qui se trouvent ainsi « mandatés » pour rendre compte d’un vécu, parfois même de l’humanité, à cet endroit.

Dans la douceur d’une rencontre exceptionnelle, ce n’est pas simplement le patient, ou celui qu’il était, qui bénéficient de la rencontre, mais toute une humanité en marche vers l’accomplissement d’elle-même ! Une humanité dont le praticien autant que le patient font partie. Cela fait peut sembler être beaucoup, et il est vrai que je pousse le propos un peu loin. Mais je le fais volontairement, afin que tout praticien ne se borne pas au local, sans pour autant tomber ni dans une sorte de pensée magique, ni dans un quelconque ésotérisme.

Tout est relié, nous sommes dans une sorte « d’Hypersystémie » prenant en compte toute une vie (biographie), des générations (inter ou trans générationnel), des pans entiers de l’Humanité, ou même toute l’Humanité, ou encore tout le Vivant dans son ensemble (transpersonnel). Où que conduise l’entretien, le praticien se trouve prêt à y aller, depuis le présent, jusqu’à la nuit des temps ou jusqu’au bout du temps, sans a priori d’aucune sorte, sans quête ni de fantastique, ni de rationalité. Il va simplement juste là où cela se trouve, là où le ressenti conduit, jusqu’à être touché par la vie qui se manifeste, que ce soit juste dans le présent, ou dans un passé, ou dans un futur lointain.

Libre de tout « préconçu » ou de tout « prêt à penser » il s’ouvre simplement à « ce qui est » (quasiment en phénoménologue existentiel), avec toute la souplesse et la délicatesse requises, sans jamais oublier le patient présent et sans chercher à le faire entrer dans quelque théorie que ce soit. Il se laisse enseigner par son patient des choses qu’il ne soupçonnait même pas. Ce que confirme particulièrement le psychiatre Henri Grivois, qui a consacré sa carrière aux psychotiques (il a même créé les premières urgences psychiatriques à Paris Hôtel Dieu) :

« Avec le patient, on est là pour s’apprendre mutuellement quelque chose. » (Grivois, 2007, p.59) - « Pour cela, mes maîtres ont été tous mes patients auprès desquels j’ai souffert, mais que j’ai estimés, admirés, aimés. » (Grivois, 2012, p.235).

Et il conclut son ouvrage par :

« De tous ceux à qui je dois d’avoir saisi l’expérience rapportée ici, les patients occupent la première place. » (Grivois, 2012, p. 239).

Il évoque même que cela s’accomplit grâce une sensibilité à la vastitude

« L’homme qui devient fou révèle, par sa folie même, une part essentielle de la vérité sur l’homme » (Grivois, 2007, p.119). - « Il faut admettre sans réserve que la folie naissante, vraie différence, coexiste avec ce qu’il y a de plus humain dans l’être humain » (1995, p.21).

Sans oublier une pointe d’émerveillement

« Devant eux je reste comme la première fois, aussi stupéfait, aussi émerveillé sinon ébloui. » (1995, p.23).

Tout en étant constamment sensible à la cohérence sous-jacente

« Au total, patient et praticien doivent éviter de glisser ensemble sur les sentiers faciles de la maladie, l’un restant dedans, l’autre la contemplant du dehors. » (2001, p.150).

« Ce que je tente d’emblée avec les patients est en gros de saisir, avant tout délire, une cohérence […] on admet que ce hiatus entre nous ne masque pas un chaos mais une cohérence. » (2007, p.164-165).

Ses propos sont très réconfortants pour tout praticien qui découvre cette vastitude, et y ose sa propre sensibilité, en connivence avec ses patients. Il s’agit pleinement de la psychologie de la pertinence !

5.3    Considérer la vastitude à l’œuvre

Quand le praticien reçoit un patient, il accorde à celui-ci toute son humanité. Il se sent concerné par le vécu de l’Être qu’il est, qui ne doit jamais passer au second plan, et surtout pas au non d’une quelconque théorie.

Il a confiance en la justesse de ce qui s’accomplit en lui (pertinence) sans jamais pour autant tomber dans le « si ça arrive, ce n’est pas pour rien ! » qui serait un propos « monstrueux » niant la peine éprouvée par le patient. Le praticien se gardera de propos évoquant de présupposés traumas de l’enfance (psycho classique), d’éventuels vécus des ascendants (transgénérationnel), ou de contribution à l’Humanité (transpersonnel), ou venant d’éventuelles vies antérieures (une des possibilités du transpersonnel).

La posture est délicate : car ni rationaliste, ni illuminée, mais « ouverte à tous les possibles », sans ne rien oublier du présent.

Bien que très proche de son patient, le praticien est sensible à la vastitude de cette humanité à l’œuvre à travers celui-ci. Il sera tout aussi proche des protagonistes qui vont émerger au cours de l’entretien.  Pas de fautifs à condamner ou à éliminer, pas de cibles à détruire, mais une cohérence globale à l’œuvre à accompagner.

La Vie à l’œuvre en vue de validations, de reconnaissance, d’accomplissement, de déploiement. Comme si le « Soi » œuvrait au-delà du local, en une contribution à un équilibre systémique, tel un « psycho-écosystème » où tout est important.

A travers le vécu de son patient, le praticien prend aussi soin de la Vie qui s’exprime à travers lui. Le champ où œuvre le praticien ne se limite pas à l’espace de son cabinet, ni à la biographie de son patient (sans pour autant négliger celle-ci).

Il s’agit alors d’un délicat équilibre entre l’ouverture (infinie) d’un champ existentiel, et le vécu actuel (limité mais bien présent) du patient et du praticien.

Ce déroulement s’accomplit dans un champ atemporel et aspatial (uchrotopique) dans lequel la flèche du temps importe peu. Il semble que le regard porté avec attention envers les protagonistes émergeants soit essentiel en termes d’accueil, de reconnaissance, de validations. Ce qui s’y accomplit, s’y accomplit sans mise en œuvre de la moindre énergie, ni pour, ni contre qui que ce soit.

Il s’agit donc d’un regard plus étendu sur les enjeux à l’œuvre chez le patient. Sans jamais tomber, ni dans la rationalité, ni dans le fantastique le praticien prendra juste en compte ce qui est, sans qu’aucune pensée préfabriquée ne vienne limiter sa perception.

5.4    Vastitude

Le mot « vastité » (du latin impérial vastitas) signifie « grandeur démesurée » (donc hors de ce qui est mesurable). C’est le sens retenu depuis le XVIe siècle, qui a cours encore aujourd’hui, et que l’on retiendra pour « vastitude ».

Mais avant cela, le latin vastitas signifiait aussi « dévastation d’un lieu » car « vastus » se rapporte à « vide, ravagé dépeuplé, désolé, qui s’étend au loin, immense ». On retrouve ce sens dans le mot « dévasté ».

*Dictionnaire historique de la langue française Robert Alain Rey.

Il se trouve donc que l’idée de vastitude associe plus ou moins cette idée d’étendue immense et celle de vide. Mais ici, le vide est un vide de choses laissant place à un plein existentiel (grâce à cet espace offert au déploiement). Peut-être la fameuse « vacuité » du Bouddhisme.  D’où ce panorama sans image (sans choses), mais avec des protagonistes en interaction (avec de Êtres) selon des processus archétypaux (archétypes existentiels, structures dynamiques invariantes).

La vastitude évoque ainsi une dimension inaccessible par la sensorialité ou par l’intellect (qui n’y trouvent que du vide), mais que l’on peut « toucher » expérientiellement (comme un plein existentiel, quasiment tangible). Seule la conscience est en mesure de s’y déployer et de l’appréhender. Il s’agit d’une perception au-delà de la sensorialité (car ce qui est perçu par les sens n’est que mentalement objectivable) ou au-delà des croyances (car celles-ci, souvent, sécurisent artificiellement grâce à un appui imaginaire)*.  

*Bien sûr, l’objectivation est très utile (elle a permis de nombreuses découvertes scientifiques), et ce qui sécurise, même artificiellement, l’est aussi (apaisement temporaire). Cependant, la vastitude est d’une autre nature, plus fondamentale.  Elle constitue un socle existentiel indéfectible.  

Il s’agit d’une perception expérientielle du « Réel ». La vastitude, c’est ce « chez-nous d’humanité » à la fois discret, et pourtant incluant « Tout ». C’est le « lieu » du déploiement, c’est notre socle commun, c’est le « lieu » de notre communauté expérientielle, que l’on en soit conscient ou non. C’est le « lieu » de la « considération » (co-siderus : étoiles en constellation), du tact psychique (Einfühlung ou empathie), de la pertinence, du respect, de la délicatesse, de la générosité, et de l’émerveillement (charis).

S’ouvrir à la vastitude ne consiste surtout pas à envahir un nouvel espace, mais à s’y déployer pour mieux accompagner le déploiement de chacun et de tous dans sa propre justesse… donc de « s’y co-déployer en résonance et en harmonie ».

Actuellement, la maïeusthésie voit naître une fédération (merci à tous ceux qui œuvrent pour son émergence). Celle-ci consistera à réunir des compétences, à accompagner ce co-déploiement en résonance et en harmonie. Cette fédération sera une structure délicate et respectueuse au service de tous les praticiens, de tous les formateurs, mais aussi des stagiaires et des patients. Il s’agira de se fédérer, non pour se replier entre nous au sein d’une structure, mais pour se réunir afin de mieux s’ouvrir, tout en respect et en considération.

5.5    Une proximité indéfectible, étendue…

Être proche du patient est bien-sûr une évidence pour tout praticien qui a saisi la notion de tact psychique. Mais cette proximité va bien au-delà du patient présent dans le cabinet.

Le praticien est aussi proche de tous ceux que le patient a été au cours de son existence (qu’ils les connaissent ou non, il en est systématiquement proche par avance). Pareillement dans la zone transgénérationnelle ou transpersonnelle, il est particulièrement proche de ceux qui appellent la conscience à travers les symptômes. Il en est proche par avance et pas seulement quand ceux-ci se sont manifestés explicitement. Il s’agit d’une posture initiale systématique. Le praticien est censé être proche de la Vie et profondément concerné par les Êtres qui y interagissent.

Il ne s’agit pas d’une importance théorique que l’intellect donnerait à quelques principes préalables. Les constructions intellectuelles préfabriquées, autant que les pseudo ouvertures « spirituogélatineuses » ne sont d’aucune aide, ni pour le praticien, ni pour le patient. Ce qui est attendu, c’est une simple ouverture confiante envers ce qui émerge. Il ne s’agit pas ici de « jouer avec un imaginaire modelable à souhait », mais de s’ouvrir à un Réel qui attend une attention authentique pour s’accomplir dans sa justesse.

Comme le dit le psychiatre Henri Grivois, le praticien accepte de se laisser enseigner par son patient. Bien évidemment, le praticien a des connaissances et des compétences, mais celles-ci se laissent modeler par ce que le patient lui présente de son existence, ce qu’il lui présente de « la Vie » qui se déploie à travers lui (et pas seulement de « sa vie »). La rigidité n’est pas de mise, les élucubrations fantastiques inconsistantes non plus.

En vastitude, cette attention accordée à l’existence, accompagne la vie au-delà du local. Qu’il s’agisse :

-de l’« in-formation » d’Ervin László, qui propose une information disponible partout sans mise en œuvre d’énergie, ouverte à tous ; 

-de l’attention sur de début de l’Univers de Stephen Hawking et Thomas Hertog qui de façon quantique et atemporelle joue sur celui-ci ;

-d’une quatrième dimension explicitée par Edwin A. Abbott, qui témoigne mathématiquement d’une possible perception différente du Réel grâce à une dimension supplémentaire.

-de la modestie du psychiatre Henri Grivois qui se laisse humblement enseigner par son patient.

Tous ces auteurs contribuent à un tel regard en vastitude, grâce à quelques mots sur cette possibilité qui rend nos intuitions plus consistantes.

J’ai écrit ce texte, et proposé ces références concernant le temps et l’espace, la réalité et le Réel, l’imaginaire et l’expérientiel, pour permettre aux praticiens d’œuvrer plus en vastitude, plus libres de toutes pensées préfabriquées. Tels des chercheurs œuvrant avec cœur, ils se laissent trouver par la Vie qui attend patiemment qu’on lui accorde une délicate et respectueuse attention.

Cette Vie se manifeste autant en les praticiens que chez leurs patients, dans une sorte d’éco-systémie. Ce « psycho-écosystème existentiel » souffre trop souvent de l’étroitesse d’un regard juste théorisé, ne considérant que l’extérieur sans s’y inclure ou sans l’identifier aussi en Soi (ainsi que l’avait si bien pointé Abraham Maslow). Le praticien accompagne son patient, autant qu’il s’accompagne ainsi lui-même, autant qu’il apporte à la Vie en accomplissement une humble et délicate attention venant faciliter un processus naturel déjà à l’œuvre… en modeste contribution.  

          Thierry TOURNEBISE

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Bibliographie  

A.   Abbott, Edwin
-
Flatland -Edition du groupe « Ebook libres et gratuits » -1884
disponible en pdf à 
http://www.ebooksgratuits.com  
http://www.ebooksgratuits.com/pdf/abbot_flatland.pdf    

André, Christophe
-Imparfaits, libres et heureux - Odile Jacob 2009

De Rosnay, Joël
-Le macroscope, vers une vision globale – Le Seuil Point 1975

Heidegger, Martin
-Être et temps – Gallimard 1986

Hertog, Thomas
-L’origine du temps ; la dernière théorie de Stephen Hawking- Odile Jacob, 2023

Grivois, Henri
-Grandeur de la folie –Robert Laffont 2012
-Parler avec les fous - Les empêcheurs de penser en rond 2007
-Tu ne seras pas schizophrène – Les empêcheurs de penser en rond 2001
-Le fou et le mouvement du monde – Grasset 1995

Grof, Stanislav
-Psychologie transpersonnelle - Éditions du Rocher, J'AI LU 1996
-Nouvelles perspectives en psychiatrie, psychologie, psychothérapie – Editions Alphée, 2010

Jung, Carl Gustav
-
Ma viesouvenirs rêves et pensées- Gallimard Folio, 1973

Lao Tseu
-Tao Te King – Editions Devri, 2000

László, Ervin
-Sciences et champ Akashique tome 1 -Ariane, 2005

Leibniz, Gottfried Wilhelm
-Monadologie – Flammarion, 1999

Maslow, Abraham
-Etre humain - Eyrolles, 2006
-Devenir le meilleur de soi-même – Eyrolles, 2008

Noble, Denis
-La musique de la vie. La biologie au-delà du génome –Seuil, 2007

Plotin
-Traités 7-21 – GF Flammarion, 2003
Traductions sous la direction de Luc Brisson et J.F Pradeau - GF Flammarion 2002-2010
Traduction de l’œuvre de Plotin présentée en 9 tomes, en gardant la présentation des 54 traités dans l’ordre chronologique de Plotin.

-Les Ennéades*. 
Traduction française : M.-N. Bouillet - Librairie de L.Hachette et Cie -1859 (en trois livres) 
table des matières  http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/plotin/table.htm

*œuvre de Plotin comportant 54 « Traités » qui furent rassemblés par son disciple Porphyre dans un ordre remanié. Il les a compilés en 6 Ennéades de 9 traités (ou « livres ») chacune (d’où le nom « Ennéades » : 9). C’est ce document que M.-N. Bouillet a traduit et publié en 1859. Les 6 Ennéades y sont présentées en 3 tomes. Dans cette édition les numéros des Ennéades sont en chiffres arabes (ex : 4e), le traité (ou « livre ») en chiffres romains (ex : livre III) le chapitre dans le traité en chiffres romains (ex : VIII). Le texte intégral de ces Ennéades est disponible en ligne. On peut y retrouver les citations en les recherchant dans le texte original par « copier/coller » afin de les situer dans leur contexte.  

Reid, Thomas
-Recherches sur l’entendement humain d’après les principes du sens commun (1746) -Editions Vrin 2012

Rogers, Carl Ransom
-Le développement de la personne – InterEditions-Dunod 2005

Tournebise, Thierry
-L’écoute thérapeutique – ESF, 2001

Trinh Xuan Thuan
-Le monde s’est-il créé tout seul ? –Albin Michel 2008
-La mélodie secrète – et l’homme créa l’univers- Gallimard, folio essais, 1991

Winnicott, Donald Woods
-Jeu et réalité - Folio Gallimard 1975 

Wolff, Francis
- Le temps du monde – Librairie Arthème Fayard 2023  

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Liens internes

Le danger de convaincre juin 2002  
De l’espace et du temps
avril 2009
Mieux comprendre la psychose  octobre 2012
La réalité, les vérités, le Réel » avril 2018   
Les besoins
juin 2019  
« Les archétypes existentiels – structures dynamique invariantes »
(nov 2019)  
Mémoire et mémorial
novembre 2020

 

Liens externes

Etienne Klein
Le futur existe-t-il déjà dans l’avenir ? vidéo.  

Philosophie magazine :
Transcendance : tout savoir | Philosophie magazine (philomag.com)

Présentisme — Wikipédia (wikipedia.org)

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