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La Gestalt-thérapie

fut une révolution dans les concepts

mai 2009    -    © copyright Thierry TOURNEBISE

   

Je n’avais rien publié, jusqu’à ce jour, sur la Gestalt-thérapie. Or la révolution que cette approche a représenté dans les concepts et les méthodes de psychothérapie méritait un article à soi tout seul. Ainsi que je l’ai déjà fait pour l’approche humaniste d’Abraham Maslow et pour le focusing d’Eugène Gendlin, je vais vous proposer ci-dessous d’en découvrir les nuances… ou de les savourer en les lisant sous un nouveau jour, si vous les connaissez déjà. 

Le mot « Gestalt-thérapie » est très connu aujourd’hui, mais les subtilités des fondements de cette approche le sont généralement beaucoup moins. Le mot « gestaltisme » vient du mot allemand « Gestalt » qui « désigne un arrangement, une configuration, une forme particulière d’organisation des parties constitutives d’un ensemble » (Perls, 2009, p22). Cette notion d’ensemble, de parties et de formes  conduira à reconsidérer le regard porté sur l’individu et la psyché.     

 

Sommaire

1 Origines et développement  
-Née en 1951 
-Source d’autres approches 
-Abandon de l’interprétation 
-Pas d’identité sans environnement 
-Des individus et des contacts 
-Attention, awareness  

2 Ce qu’est une gestalt  
-Ensembles et ce sur quoi on focalise 
-La figure et le fond 
-Formes et dimensions 
-Gestalts inachevées  

3 Approche originale du self

-Pas de topiques 
- Le self et la gestalt 
- Circulation des flux en gestalt 
- Contacts et circulation des flux 
- Tact, empathie et Einfühlung

4 Le cycle d’un contact
-Les étapes du cycle 
-Cycles inachevés
-Validations existentielles en suspend 
- Le contact avec soi-même  

5 Spécificité de l’awarness
-Faire un don d’attention 
-L’expertise du praticien 
-Faire le focus  

6 Créativité et compétences

7 L’action du praticien  
-Ses interventions 
-La fameuse « chaise vide »  

8 Rapport au temps  

-Espace et temps 
-Une psyché ni spatiale ni temporelle  

9
Symptômes et psychopathologie

-Quelle figure se dégage-t-elle ? 
-Le symptôme 
-A propos des résistances

10 Rapport avec le maïeusthésie  
-L’une n’est pas la source de l’autre 
-Analogies – Différences 
-Les pulsions 
-Conclusion

Bibliographie

 

 

 

1   Origines et développement

1.1Née en 1951

Celui qui est à l’origine de cette innovation est Friedrich Perls (dit Fritz Perls) dont la vie  se déroula entre 1893 et 1970. Avec un doctorat en médecine à 27 ans, il se spécialise en neuropsychiatrie. Puis il suit personnellement quatre psychanalyses et devient lui-même psychanalyste.

Dès le début des années 50, sa femme Laura et lui réunissent autour d’eux quelques précieux collaborateurs (le groupe des 7) dont Paul Goodman qui rédigera l’ouvrage fondateur, à partir des intuitions de Perls (Masquelier-Savatier, 2008, p20).

La Gestalt-thérapie, en tant que telle, voit le jour en 1951 (parution du premier livre « Gestalt-thérapie ») quand Perls a 58 ans. Ce livre est publié en Amérique, à New-York, mais l’origine de la Gestalt-thérapie n’est pas américaine. Elle se trouve dans l’esprit de ce médecin juif allemand qui en a commencé l’élaboration en Europe. Pourtant cette approche ne verra son essor qu’en 1968 et Perls ne sera vraiment connu et reconnu qu’à partir de ses 75 ans… mais « Une nouvelle théorie ne peut se répandre que lorsque l’environnement est prêt à l’accueillir » (Ginger 2005, p64).

1.2Source d’autres approches

Ainsi, dès 1969 cette approche influencera quelques fondateurs bien connus qui se réunirent autour de lui : Gregory Batson (fondateur de l’école de Palo Alto),  Alexander Lowen (créateur de l’analyse biodynamique), Eric Bern (fondateur de l’analyse transactionnelle), John Grinder et Richard Bandler (fondateurs de la PNL) [Ginger, 2005, p.63]. 

Chacun d’entre eux développera sa propre méthode qui fera école dans l’approche de l’humain.

1.3Abandon de l’interprétation

Perls se permet de petites colères envers la psychanalyse qu’il connait bien. Sans doute est-ce là l’expression de quelques expériences insatisfaisantes, puisqu’il va jusqu’à dire que, devenu lui-même psychanalyste, il n’était plus qu’un « cadavre calculateur » (Ginger, 2005, p.57).

Il développe ainsi une approche radicalement différente dans laquelle il ne s’agit pas d’analyser, ni d’interpréter, mais d’identifier et de reconnaître. Pour y parvenir, il ne s’intéressera plus alors au « pourquoi » recherché dans l’enfance, mais seulement au « comment » actuel, afin d’offrir une attention toute particulière (awareness) à ce qui se passe ici et maintenant. Si bien qu’au lieu de parler « d’ici et maintenant », il parlera même « d’ici et comment » (now and how). La notion d’attention (awareness) y tient une première place, abandonnant toute idée d’interprétation. Donald Wood Winnicott, psychanalyste, avait déjà pointé les dérives de l’interprétation :

« L’interprétation donnée quand le matériel n’est pas mûr, c’est de l’endoctrinement qui engendre la soumission » (1975, p.104)  « La psychothérapie ne consiste pas à donner des interprétations astucieuses et en finesse ; à tout prendre, ce dont il s’agit, c’est de donner à long terme en retour au patient, ce que le patient apporte » (ibid, p.213).   

1.4Pas d’identité sans environnement

Avec Perls, les notions d’identité et d’existence vont prendre une tournure nouvelle car le positionnement d’un individu n’y dépend pas seulement de « qui il est », mais aussi de « où il est » et de « avec qui il est ».

La psychologie considère généralement un monde intérieur (propre à l’individu) et un monde extérieur (qui lui est étranger). Selon elle, c’est le positionnement de l’individu par rapport à ces deux mondes, qui engendre (ou révèle) différents types de psychopathologies (voir la publication d’avril 2008 « Psychopathologie » à « Symptômes et processus » au paragraphe « Trois types de psychopathologies »).

Perls, de son côté, verra ce phénomène d’une façon toute nouvelle, puisqu’il considérera surtout le contact entre ces deux éléments intérieur et extérieur et énoncera : « on pourrait dire, en un sens, qu’entrer en contact avec l’environnement signifie former une Gestalt » (Perls, 2009, p39) et «  le contact implique la reconnaissance de ce qu’est l’autre ; ce n’est pas une interprétation de l’autre » (ibid, p68).

La notion d’identité prend pour lui un sens nouveau en ce sens où « rien n’existe seul ». « Ce n’est pas l’environnement qui crée l’individu, ni l’individu qui crée l’environnement » (ibid, p.33). Fritz Perls souligne que la psychologie « ne peut étudier aucune structure en soi, car l’étude du fonctionnement humain ne peut se faire qu’en tenant compte du milieu dont il fait partie » (ibid,p.34). Il remet ainsi en cause ici la notion de « topique », de « moi », de « Soi » qu’il définira autrement.

Le fait de fractionner une expérience en une « moitié intérieure » et une « moitié extérieure » (monde intérieur et monde extérieur) semble à Perls une source de confusion en Psy (ibid). Il préfère y voir un ensemble nommé Gestalt où le self de l’individu est plus représenté par cette présence simultanée du monde intérieur et du monde extérieur et est avant tout représenté par la zone de contact qui, comme toute frontière, est en même temps ce qui sépare et ce qui relie.

La caractéristique d’une frontière est de faire partie des deux côtés en même temps sans pour autant n’être ni l’un ni l’autre… nous avons là un concept subtil qu’il n’est pas aisé d’appréhender, car alors on peut se demander d’où vient la source d’attention (awareness) ? Je développerai plus loin la notion de « self », telle que Perls (et les gestaltistes qui suivirent) la développèrent, se différenciant racialement des concepts de Jung ou de Winnicott.

1.5Des individus et des contacts

Chantal Masquelier-Savatier, psychologue Gestalt-thérapeute,  nous parle de l’individu et de cette « frontière contact », entre l’être et le monde, ou entre deux êtres. Elle nous dit de cette frontière qu’« Elle relie et différencie » (2008, p.106). Elle ajoute le caractère spécifique  de ce « contact » comme étant un « entre-deux virtuel, ni dedans, ni dehors, à la fois dedans et dehors » (ibid), ajoutant que le self « ne se révèle pas à l’occasion du contact, il est lui-même le contact en train de se produire » (p.104). «  Le toucher qui contacte et ouvre au monde, en même temps contient et sépare le monde » (p.106).

Ce regard considérant un self qui n’existe pas seul, mais seulement par rapport à un monde où il se trouve, nuance le regard gestaltiste d’une façon subtile qui peut heurter notre conscience habituelle.

Cela nous conduit à gérer des contradictions conceptuelles : comment peut on en même temps avoir une existence propre… et n’exister qu’en fonction de ce qui nous entoure. Là se trouvent des nuances difficilement nommables, où deux énoncés apparemment contradictoires se côtoient en égale « vérité ».

J’ai souvent évoqué dans mes publications cette difficulté à nommer l’existentiel sans en ternir la subtilité. Nous trouvons là des paradoxes dignes de Lao Tseu (V siècles avant JC) parlant « d’image sans contour » : « Grand carré sans angles, grand vase inachevé, grande mélodie silencieuse, grande image sans contours : le TAO est caché et n’a pas de nom, cependant sa vertu soutient et accomplit tout » (Lao Tseu, 2000, 41) 

Peut-être Didier Anzieu, psychanalyste et professeur à Paris X, a-t-il frôlé ce concept en développant l’idée de « moi-peau ». Il nous dit par exemple : « pas de conscience sans un objet qui produit la conscience de cet objet » (Anzieu, Les contenants de pensée, 1993 Dunod, p.18). [Il  parle aussi de « moi » et de « non-moi » (p, 22) mais réduit le « moi » à  un « sac » contenant (p.28)… ce qui nous éloigne particulièrement de la composante existentielle qui nous  intéresse ici].

Cette approche de la conscience est troublante car, encore une fois, nous pouvons nous demander alors « où est la source de l’attention » si rien n’existe en soi. Nous devons ici gérer dans notre réflexion en même temps l’idée qu’un être est source d’attention (awareness) et l’idée que cet être n’existe que grâce à ce sur quoi il porte son attention. J’ai déjà abordé dans ma précédente publication de mars 2009 « De l’espace et du temps » ces notions à la fois ressenties, mais inaccessibles par l’intellect, inabordables par les mots, et qui ne peuvent être évoquées que par de métaphores plus ou moins approximatives.

De façon moins philosophique, est-ce cette existence de soi qui ne se peut qu’en fonction de l’existence de l’autre, qui conduisit  intuitivement  la plume de l’écrivain humoristique et décapant François Cavanna. Certes un peu irrévérencieusement, il dit dans son ouvrage « Les écritures »: « Dieu créa l’homme pour avoir quelqu’un qui lui dise mon Dieu » (Albin Michel,  2002) ! Nous ne verrons dans cet ouvrage aucun propos ni gestaltiste ni psychothérapique mais l’analogie était amusante.

1.6Attention (« awareness ») et révélations

Un point certainement majeur en Gestalt-thérapie est sans doute l’« awareness ». Voici un mot anglais difficilement traduisible qui désigne une certaine lucidité, un éveil, une attention, une ouverture, une sorte de contact ou de « tact psychique », une conscience. Ce mot est habituellement mal traduit par l’idée « d’attention, flottante ».

A l’occasion d’une qualité d’attention (awareness) à l’« ici et comment », qui se manifeste lors de ce contact, il se produit une sorte de révélation.

Si bien que Ginger, dans la préface de l’ouvrage de Perls (2009, p.10), nous rappelle que celui-ci nommait « mini satori » les insights (émergences à la conscience) qui se produisaient à cette occasion.

Ginger ajoute dans son propre ouvrage (2005, p.59) que cette appellation  « mini satori » vient  de l’influence de Paul Weis qui l’initia au zen, et que vers 70 ans il parti même au Japon passer quelques mois dans un monastère zen (p.61)… mais sans trouver l’illumination tant espérée.

C’est l’awarness qui conduit à une nouvelle perception. L’awarness produit une nouvelle conscience de ce qui est « autour de soi » ou de ce qui est « en soi », ainsi que de la façon  dont les deux sont en contact. C’est cela qui produit les changements de positionnement de l’individu.  

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2    Ce qu’est une Gestalt

Le mot « Gestalt » est très connu en psy. Pourtant il n’est pas si sûr qu’il soit clair pour tous ceux qui le connaissent. Nous savons que ce mot allemand désigne « forme », « figure » et que le verbe Gestalten désigne l’idée de « faire ».

De quelle forme, de quelle figure s’agit-il ?

2.1Ensembles, et ce sur quoi on focalise

Georg Cantor (1845-1918), né une cinquantaine d’années avant Perls,  découvre la théorie des ensembles. Peut-être a-t-il influencé la réflexion de Perls ? Car il est question, en Gestalt, d’ensembles d’éléments, sur lesquels se détachent ceux qui, à nos yeux, sont prioritaires (une sorte de sous ensemble perçu en priorité).

Dans chaque expérience de vie, nous sommes confrontés à une multitude d’éléments qui se présentent à nous. Nous les classons sommairement (et inconsciemment) en catégories et, finalement, nous portons spontanément notre attention sur ceux qui appartiennent à la catégorie la plus motivante à nos yeux.

Un gastronome repèrera immédiatement ce qui touche à la gastronomie, un sportif à ce qui touche au sport, un artiste à ce qui touche à l’art, un amoureux à ce qui parle d’amour, un homme d’affaires à ce qui touche les affaires. Ils ne perçoivent pas que cela, mais ils perçoivent cela en priorité, comme figure nette… tout ce qui n’est pas cela n’étant pour chacun d’eux que le fond flou.

2.2La figure et le fond

Nous détachons ainsi spontanément la figure qui nous intéresse, du fond qui nous intéresse moins ou ne nous intéresse pas du tout. Nous ne pourrions tout percevoir à la fois, aussi notre conscience focalise sur ce qui lui est prioritaire. Ce qui lui est prioritaire c’est la figure, ce qui lui est secondaire est le fond.

D’une certaine façon nous ne voyons que ce que nous « choisissons » de voir. Face à une même situation, plusieurs individus ne perçoivent pas la même figure, car ils n’ont pas les mêmes critères pour différencier la figure intéressante du fond négligeable.

Finalement cela revient à une sorte de focalisation qui rend une chose nette par rapport aux autres qui restent floues. Un peu comme en photo, quand jouant sur l’ouverture on ouvre le diaphragme et on obtient la netteté uniquement sur ce sur quoi on a fait la mise au point (faible profondeur de champ). Ce mode est souvent utilisé pour réaliser des portraits.

Nous remarquerons que cette capacité à dégager la figure du fond permet ce qu’on appelle un « regard expert ». Ce regard s’acquière avec une sensibilité accrue par l’expérience.

Par exemple cette personne me disant qu’au Maroc, au début, elle ne voyait pas les maisons qu’on lui montrait sur le coteau, car les murs étaient de même couleur que la terre. Puis elle « apprit » à les discerner. Voilà un exemple de figure et de fond, au début indistincts, où avec une accoutumance et de l’expérience perceptive, une figure (les maisons) se détache clairement. 

L’expert voit quelque chose là où l’autre ne voit rien de spécial. Nous y trouvons l’avantage de mieux voir certains détails, mais aussi l’inconvénient de devenir quasiment aveugles à d’autres. Ainsi certains critiques d’art, experts en leur domaine, seront capables de discerner toutes les erreurs ou qualités techniques d’une œuvre… sans pour autant rien percevoir de sa dimension artistique !

Le propre d’une culture est de faire voir un certain type de figure sur un certain type de fond… et tout le monde voit pareil, passant ainsi à côté de  nuances nouvelles qui lui sont imperceptibles. Seule une personne osant regarder autrement y trouvera des choses nouvelles.

C’est sans doute ce à quoi faisait allusion René Descartes (qui bien sûr ne connaissait pas la Gestalt-thérapie) en nous expliquant que le candide a souvent plus de bon sens que la personne instruite : Dans « Recherche de la vérité par la lumière naturelle » Descartes propose un échange entre un lettré (Epistémon), un sage (Eudoxe) et un candide (Poliandre).  Parlant d’Epistémon (le lettré), Eudoxe (le sage) dit : « Celui qui est, comme lui, plein d’opinions et embarrassé de préjugés, se confie difficilement à la seule lumière naturelle car il a déjà pris l’habitude de céder à l’autorité plutôt que d’ouvrir les oreilles à la seule voix de la raison. » (1999, p.898)

 

2.3Formes et dimensions

Le fait que le mot Gestalt désigne une forme et que le verbe gestalten désigne une action, constitue un bon assemblage pour comprendre la notion de Gestalt en Gestalt-thérapie.

Une Gestalt pourrait être considérée comme une figure complète si nous la voyions en quatre dimensions. Comme nous n’avons pas cette quatrième dimension à notre disposition, nous ne pouvons voir l’intégralité de la forme que parties après parties, successivement, jusqu’à son achèvement. Nous ne pouvons la voir « toute en même temps », même si elle constitue une forme complète à son achèvement. Faute d’une quatrième dimension, pour en voir l’intégralité, nous avons besoin du temps, où nous en percevons le déroulement.

Imaginons que nous soyons dans un monde à deux dimensions (un plan) sur lequel se trouverait une forme géométrique (par exemple un carré). Habitant ce plan, nous ne pourrions voir tous les côtés de ce carré qu’en en faisant le tour… c'est-à-dire en disposant de temps. Si nous y dessinons ce carré, nous devons avoir du temps pour réaliser chaque côté… que nous ne voyons plus, sitôt que nous dessinons le suivant. Pourtant, au bout du compte, une forme est bien achevée (« Flatland », Abbott, 1884). De la même façon, dans notre monde à trois dimensions, si nous voyons un cube, nous ne pouvons voir toutes les faces en même temps. Pour voir toutes ses faces, nous devons en faire le tour… il nous faut du temps. Dans chacun de ces deux cas du carré et du cube, le temps remplace la dimension qui nous manque pour tout voir à la fois. Si nous étions propulsés dans une quatrième dimension, nous verrions toutes les faces du cube en même temps… et même l’intérieur du cube, sans rentrer dedans pour autant (il ne s’agit pas là d’un concept métaphysique. C’est seulement de la géométrie).

Curieusement, dans les NDE (near death expérience ou expérience de mort rapprochée), certaine personnes perçoivent « toute leur vie en même temps », comme si ce qui n’apparaissait que grâce au déroulement temporel, leur était soudain perceptible « tout à la fois ». De plus, ils le perçoivent avec une dimension émotionnelle et une conscience de ce qui est accompli ou non : non seulement ils en voient « tout le tour » en même temps, mais aussi « l’intérieur ».

2.4Gestalts inachevées

Cela nous conduit à l’idée de Gestalt inachevées. Une « forme » qui n’est pas arrivée à son terme, qui ne s’est pas réalisée.

Ceci est un point très important pour les gestaltistes car, selon eux, bien des troubles psychiques viennent de ces Gestalts inachevées. Ce sont des actes ou des ressentis commencés et non terminés.

Nous retrouvons un peu cette idée chez les praticiens en psychocorporel avec le Dr Alexander Lowen (psychothérapeute  américain fondateur de la bioénergie) ou Gerda Boyesen (psychologue et physiothérapeute fondatrice l’Analyse Psycho-Organique).  Nous avons vu que Lowen a travaillé avec Perls et nous devons peut-être à cela ces analogies. Pour Lowen et Pour Boyesen ce sont les cycles émotionnels inachevés qui s’incrustent dans la cuirasse musculaire en attendant leur achèvement.

Ce qui est intéressant aussi bien dans les Gestalts inachevées que dans les cycles émotionnels inachevés, c’est qu’il ne s’agit pas d’éliminer quelque chose, mais d’accomplir enfin ce qui avait été mis sur « pause » et restait de la sorte en suspend.

Cet inaccomplissement a une influence présente sur l’être dont les pulsions s’ajustent en permanence en fonction de « cela qui attend sa réalisation complète ».

La grande révolution est ici qu’il n’y a rien à éliminer ni rien à corriger, mais seulement à accomplir jusqu’à son aboutissement ce qui a été commencé, interrompu, et est resté en attente de réalisation.

Cela rompt radicalement avec les techniques cathartiques (basées sur l’élimination émotionnelle) et sur les techniques correctives (comportementales) visant une correction de son attitude par l’apprentissage. Le fait que l’émotion s’exprime peut ressembler à une élimination, et c’est sans doute cela qui a amené de la confusion. Une émotion qui s’exprime enfin n’est pas vue en Gestalt-thérapie (ni en psychocorporel) comme une élimination, mais comme un accomplissement. C’est une Gestalt qui termine sa réalisation, une « forme » dont le « contour » est enfin bouclé.  

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3   Approche originale du self

Les notions de « self », d’« ego », de « moi », de « ça », de « surmoi » et de « Soi » sont souvent assez confuses (même en psy !). Nous trouvons là des informations contradictoires où le self se mélange avec le moi pour certains et désigne le Soi pour d’autres. Nous trouvons aussi une assimilation du Soi au ça… et diverses délicieuses confusions du genre.

C’est la raison pour laquelle j’y ai consacré une publication en novembre 2005 « ça, moi, surmoi, et Soi ».

Or il se trouve que les Gelstatistes viennent encore un peu compliquer le propos en donnant à ces mots un sens différents.

3.1Pas de topique

Le « ça », le « moi » et le « surmoi » constituent ce qu’on appelle la deuxième topique freudienne. Il s’agit de « lieux psychiques » (topos= lieu) jouant chacun un rôle particulier dans la façon dont un individu aborde le monde.

En psychodynamique freudienne, pour faire simple, le « ça » contient les sources pulsionnelles. Il conduit un individu à dire « "ça" a été plus fort que moi » et c’est la raison pour laquelle le médecin Georg Groddeck (1866-1934), avant Freud, le nomma « le ça ».

De son côté, le « moi » est une façon de mieux profiter du monde qui nous entoure en projetant notre libido dessus afin de mieux nous en « nourrir ». Son rôle consiste à optimiser le profit.

Le « surmoi » prend alors la place d’une prothèse de conscience, en venant réguler les excès de ce « moi » gourmand et calculateur. Mais alors que la conscience nous fait tenir compte de l’autre et le respecter, le surmoi ne fait que nous conduire à respecter des règles aveuglement admises (les psys diront « introjectées », c'est-à-dire « avalées » par l’esprit sans discernement).

Quant au Soi, il fut introduit par Jung pour nommer l’individu en accomplissement. Si l’individu a à devenir qui il est (devenir humain comme nous le dit Abraham Maslow, ou aboutir à l’individuation comme le souligne Karl Jung), on pourrait envisager sa vie, depuis sa venue au monde jusqu’à son accomplissement, comme une gigantesque Gestalt (une « forme » ou une « figure » en accomplissement). Ainsi le manque d’humanité ou d’individuation ferait penser à une gestalt inachevée ! (Je me permets la liberté de ce propos qui n’est pas forcément celui des Gestaltistes).

Quoi qu’il en soit, pour Perls et ses successeurs, ces mots habituellement utilisés prennent un autre sens.

3.2Le self en Gestalt

Serge Ginger décrivant le « self » du point de vue Gestaltiste parle de « notre mode d’adaptation » à notre environnement (Ginger 2005, p.74).

Nous retrouvons là quelque chose qui se rapprocherait du « moi » classique de la psychodynamique freudienne. Nommer ainsi « self » ce qui ressemble au « moi », induit alors une confusion, en ce sens que ce mot « self » désigne habituellement le « Soi ». Pour simplifier, on pourrait dire que, dans la vision classique,  le « moi » gère le paraître (pour tirer partie de l’environnement ou s’y trouver sans danger) alors que le « Soi » est l’individu en train de se réaliser, de s’accomplir (individuation de l’être). Le moi est quelque chose que l’on a, alors que le Soi est ce qu’on est (actuellement et en devenir).

Pour les Gestaltistes, le self est différent. Il représente et englobe quatre modes dans son fonctionnement. Le mode « ça » (sensations, besoins et pulsions), le mode « personnalité » (image que l’individu se fait de lui-même), le mode « moi » (volonté, autonomie, choix de comportements [conditionnés par le ça et par la personnalité], le mode « moyen » (ni actif ni passif, mais les deux à la fois. Une sorte d’action sur soi-même où l’on est en même temps le sujet agissant et l’objet subissant).

Nous voyons ici que si nous adoptons cette terminologie, nous devons oublier celle que nous connaissions.

Ces différents modes permettent au praticien Gestaltiste de repérer quatre fonctionnements concernant la circulation des flux: la « confluence », l’« introjection », la « projection », la « retroflexion » et la « déflexion ».

3.3Circulation des flux en Gestalt

La confluence consiste en une disparition de la frontière entre soi et l’autre (c’est classiquement ce qu’on appelle un état fusionnel). Ici il n’y a plus de flux différenciés et il ne peut plus rien s’écouler de l’un à l’autre, car, pour que le flux circule, il est nécessaire d’être distincts. Il n’y a pas de « contact » puisque les deux mondes (celui de l’autre et le mien) ne font qu’un. Chantal Masquelier-Savatier  nous dit « Dans la confluence la frontière est abolie » (2008, p.138). Pour une rivière, quand elle rejoint un confluent, leurs flux (écoulement d’eau), se rejoignent et, devenant indifférenciés, ne font plus qu’un.

L’introjection consiste à absorber psychiquement les paroles d’autrui sans les digérer et à les prendre pour des vérités sur lesquelles nous appuierons nos choix. Par exemple celui qui entend que « ceci est bien » ou « ceci est mal » s’y conformera sans réflexion (notons que l’introjection est ce qui génère le surmoi classique, conduisant à respecter des règles, plus qu’à respecter réellement l’autre). C’est un flux venant de l’autre absorbé par soi sans discernement… on devient alors un peu « habité par l’autre ». Chantal Masquelier-Savatier nous dit « dans l’introjection le monde extérieur m’envahit » (ibid)

La projection consiste à attribuer à autrui ce qui, en fait, est en nous. Par exemple, celui qui est impatient, reprochera à l’autre de ne pas savoir attendre (c’est le moi classique qui se défend en attribuant à autrui ses propres défauts, du moins ce qu’il considère en lui être des défauts et n’accepte pas). C’est un flux venant de soi, envoyé vers l’autre, pour lui reprocher ce qu’on ne veut pas voir et supporter en Soi. Chantal Masquelier-Savatier nous dit « Dans la projection j’envahis le monde extérieur » (ibid)

La rétroflexion consiste à retourner en soi ce que nous ne pouvons pas manifester à l’extérieur (c’est classiquement ce qu’on appelle refoulement). C’est un flux qui reste contenu en soi. Chantal Masquelier-Savatier  nous dit « Dans la rétroflexion, j’envahis mon propre monde intérieur. » (ibid). La rétroflexion peut être source de pas mal de somatisations.

La déflexion consiste à exprimer ce qui serait destiné à quelqu’un, non pas à lui, mais à un autre ou dans une autre direction, là où cela comporte moins de risques (c’est classiquement ce qu’on nommerait un déplacement). C’est un flux venant de soi, mais dirigé vers une autre cible que celle à laquelle il est normalement destiné. Ginger (2005, 79) ajoute ce système de flux en élargissant l’idée de « déplacement vers un autre » vers l’idée de « déplacement vers une autre préoccupation dans notre esprit » en lui donnant davantage un sens d’évitement (ibid, p.231). Il s’agit alors d’une sorte de procrastination mentale (Nous sommes en « procrastination » quand, pour éviter de faire une chose que nous ne voulons pas faire, nous nous retrouvons « très occupés » par mille choses qui n’ont rien à voir avec…. On tourne, on vire, on s’agite, mais on ne fait jamais ce qui devrait être fait). Faute de terminer la séquence en cours nous en faisons plein d’autres.

Chacun de ces fonctionnements n’est considéré comme pathologique par les gestaltistes que quand il se manifeste en excès.

Nous avons donc là quatre modes et cinq fonctionnements qui permettent au praticien gestaltiste de mieux percevoir comment se déroule un contact entre le sujet et son environnement. Cela lui permet de détacher du fond la figure représentant le fameux « ici et comment » qui apparait alors avec un relief suffisant pour être identifié et différencié du fond.

En réalité,  tout cela sert surtout à examiner le contact qui se réalise.

3.4Contacts et circulation des flux

Nous avons vu comment l’existence du self dépend de l’existence des contacts. Nul n’existe seul, sans aucun autre. L’existence du Self est ainsi subordonnée à un « non self » qui lui est extérieur. Nous pourrions dire que l’existence de ce type de soi est subordonné à l’existence d’un « non soi ».

Nous avons dû néanmoins constater ce paradoxe que, si le self n’existe qu’avec ce qui l’entoure (il n’a pas d’existence propre), il lui revient quand même de diriger son attention (awareness) vers ces « non soi » qui l’environnent. S’il n’a pas d’existence propre, il a tout de même une existence distincte (sauf dans la confluence) et se retrouve être source d’un flux. La qualité de sa vie au monde dépend de la nature de ce flux, et aussi de la nature des contacts qu’il ouvre ou qu’il ferme (qu’il empêche ou qu’il interrompt) avec ces « non soi » qui l’environnent, permettant ainsi à ce flux de s’écouler ou de ne pas s’écouler.

Nous verrons que cette notion de « non soi » peut être étendue à toutes ces « parts de soi » que le sujet rejette en lui, et avec qui les contacts sont coupés. Nous avons là aussi des sortes de « Gestalts restées en suspend », restées en inaccomplissement.

Avant d’examiner comment les gestaltistes envisagent le déroulement de ces contacts, j’aimerai revenir sur l’idée d’empathie qui, initialement, ne signifiait pas « faire comme si on était l’autre » (le « as if » de Carl Rogers) mais contenait une idée de « contact ».

3.5Tact, empathie et Einfühlung

Initialement, un concept vint de Theodor Lipps (1851-1914) philosophe et psychologue allemand  et de Sandor Ferenczi (1873-1933), médecin psychiatre, psychanalyste hongrois. Ils le nommèrent  en allemand « Einfühlung ». C’est ce mot allemand qui fut plus tard traduit en anglais par « empathy »  puis en français par « empathie ».

Alors que nous connaissons le « as if » (le « comme si ») de Carl Rogers évoquant l’empathie (et la qualité très humaniste de son approche psychothérapique), nous connaissons moins le « Einfülung » de Lipps et Ferenczi. Ce mot désigne un concept de « tact » et de « contact psychique ». D’ailleurs « Fülhen » en allemand signifie « tact psychique », de même que le mot « feeling » en anglais… ou le mot hapsy, en grec, dont Frans Veldman fit « haptonomie » pour nommer son approche si justement basée sur le tact psychique.

Perls nous dit que « le contact a toujours lieu en surface, c’est la surface que le thérapeute doit toujours regarder. » (2009, p.85). Pourtant dans Einffühlun, il y  a « Ein » qui signifie « dedans ». Il s’agit donc de « toucher » ce qui est « dedans » (dedans l’être). En maïeusthésie, nous dirons même encore un peu plus : il ne s’agit pas de « toucher », mais de « se sentir touché » par l’être qui se révèle. C’est ce que fait la validation existentielle dont je parlerai un peu plus loin. Mais ceci n’appartient pas à la Gestalt.

Quoi qu’il en soit, cette notion de tact est essentielle. D’ailleurs en français ne dit-on pas d’une personne attentionnée et délicate qu’elle a du tact.

Le piège est, qu’évoquant la communication ou l’accompagnement psychologique, nous entendons souvent parler de « distance ». Cette recherche de la « bonne distance » (les canadiens disent avec plus de subtilité « de la bonne proximité ») est un peu un leurre car la bonne distance, c’est… quand il n’y en a pas ! C’est quand il y a contact ! D’ailleurs, pour parler de communication ne dit-on pas « contacts humains » ? Gardons-nous de confondre l’absence de distance avec la fusion (ou avec la confluence des Gestaltistes) Nous devrions plus chercher à être distincts qu’à être distants et, étant distincts, à être en contact.

Nous devrions nous rendre à l’évidence que le courant ne passe que s’il y a « contact » (en l’absence de contact, pour passer tout de même le courant doit être en forte surtension… et nous avons alors une décharge soudaine, un éclair, pour ne pas dire la foudre !)

Le tact et le contact permettent au flux de s’écouler naturellement, en douceur (si le contact est insuffisant… il y a surchauffe).

Le contact, c’est l’état communicant (état d’ouverture). L’absence de contact, c’est l’état relationnel (seulement reliés en attendant qu’il y ait contact, en attendant qu’il y ait ouverture). Voir à ce sujet ma publication de septembre 2001 sur la communication « Assertivité ».

Pour les gestaltistes, un contact se réalise en plusieurs étapes.

Serge Ginger en dénombre cinq (p.67). Plus précisément nous dirons que nous avons deux étapes précédant le contact, le contact proprement dit, et deux autres étapes le suivant.

Chantal Masquelier-Savatier, elle, pointe une séquence de contacts se déroulant en quatre phases : le pré-contact où se présentent les sensations, la mise en contact où se produit l’excitation, le plein contact représentant l’accomplissement, le post-contact constitué par l’assimilation.

Les gestaltistes ne sont pas tous d’accord sur le découpage mais on peut aisément convenir qu’il y a ce qui précède et ce qui suit le contact.

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4     Le cycle d’un contact

4.1Les étapes du cycle

Nous retiendrons ici les étapes que Serge Ginger nous propose, car différents gestaltistes amènent des nuances particulières. Dans toute description ou catégorisation (dont se défend pourtant la Gestalt) il y a forcément une difficulté à représenter la réalité, et ceci explique sans doute les variables d’explications.

Nous avons vu que pour dégager une figure signifiante au milieu d’un ensemble qui ne l’est pas (le fond), un être catégorise spontanément pour se rendre les choses intellectuellement accessibles. Les explications en psy n’échappent pas à ce phénomène, et la Gestalt non plus. Aussi nous retiendrons surtout qu’il ya un pré-contact, le contact lui-même et  un post-contact.

Examinons cependant les cinq phases de  Ginger :

-Le précontact

C’est une sorte de « préliminaire », la montée d’un élan, l’émergence d’un besoin conduisant à percevoir  une figure dominante se dégageant sur un fond indifférencié.

-L’engagement

C’est une décision d’ouvrir afin de recevoir le flux venant de ce qui s’est distingué ou d’y envoyer son propre flux.

-Le contact

La réception et l’émission du flux, dégustation de la saveur de vie. Partages des nuances. Réciprocité du flux.

-Le désengagement

Pour qu’il y ait assimilation, il doit d’abord y avoir désengagement. Ginger par « désengagement », sous-entend que nous y sommes pour quelque chose. Pour que ce désengagement se fasse naturellement, il convient qu’il y ait un sentiment d’accomplissement à la fin du contact.

-L’assimilation

C’est l’intégration (et non l’introjection) qui permet de faire sien ce flux reçu, d’en recevoir la richesse et la nourriture pour l’être que nous sommes. Cela représente une source de maturation, ou de cheminement vers une meilleure réalisation de soi.

Mise en parallèle avec les notions de « relation » et de « communication » :

Pour bien comprendre la différence entre « relation » et « communication », je vous invite à lire la publication  de septembre 2001 sur l’assertivité. En maïeusthésie nous pourrions  dire, pour résumer, que dans le relationnel le propos est la figure et l’être n’est que le fond, alors que dans le communicationnel, l’être est la figure et le propos n’est que le fond. Dans le relationnel nous focalisons sur le propos, dans le communicationnel nous focalisons sur l’être. L’un focalise sur l’objet (est objectal et matériel) l’autre focalise sur le sujet (est subjectal et existentiel). La Gestalt ne propose pas cette nuance.

-Je comparerai le pré-contact à une situation purement relationnelle, dans le sens maïeusthésique du terme, c'est-à-dire où on ne distingue pas spécialement l’individu, et où les propos comptent plus que les êtres qui les émettent ou qui les reçoivent. C’est une phase dominée par l’intérêt, où le profit de quelque chose compte plus que la rencontre de quelqu’un.

Cette phase peut, soit nous mettre en « rejet » du fait que la chose exprimée nous déplait ou nous menace, soit nous mettre en « fascination » du fait qu’elle nous plait ou séduit. Dans les deux cas, il risque de ne pas y avoir contact. Le rejet génère de la fermeture, et la fascination aussi (priorisant l’idéalisation), car ce qu’on idéalise on ne le voit pas, on n’en perçoit qu’une image idéalisée.

Cette situation relationnelle devrait ne faire que nous interpeller pour rencontrer l’autre. Elle  vaut à peine plus qu’une sonnerie de téléphone (ou de Skype) nous indiquant qu’un interlocuteur cherche à nous joindre… et nous prendrons soin de ne pas entrer en conversation avec une sonnerie de téléphone ! Même si celle-ci joue un rôle extrêmement important dans le fait de pouvoir nous contacter, elle ne représente en aucun cas le contact lui même.

Nous remarquerons tout de même qu’il est difficile d’entrer en communication sans aucun préalable et que ce « flottement relationnel » constitue un excellent préliminaire à la situation communicationnelle proprement dite. Ce qui est néfaste ce n’est pas de n’être que relationnel, c’est quand nous ne distinguons pas entre ce préalable (relationnel) et le contact (communicationnel) lui-même. Il se trouve qu’aujourd’hui les téléphones ont des sonneries si sophistiquées qu’on peut être amené à préférer écouter la sonnerie que de répondre à l’appel ! C’est un peu le problème avec le relationnel où, quand le propos est très intéressant, on peut manquer de passer à la phase communicationnelle.

-Je comparerai la phase d’engagement au moment où l’on accepte l’appel. C’est juste le temps de décrocher le combiné où de cliquer sur « décrocher ». Phase très brève, mais ô combien indispensable. C’est le moment où l’on souhaite passer de la situation relationnelle à une situation communicante, c’est le moment où l’on répond à l’appel. C’est le moment privilégié de la « connexion ».

-Je comparerai le contact proprement dit à une situation purement communicationnelle, dans le sens maïeusthésique du terme, c'est-à-dire où l’individu compte plus que le propos. Cela permet vraiment au flux de s’écouler d’un individu à l’autre. D’un tel échange il résulte un enrichissement existentiel réciproque et si des informations purement matérielles doivent néanmoins être échangées, ce n’est que dans cette situation qu’elles passent et arrivent à destination sans déformation.

Quand on cherche à persuader ou à convaincre, c’est comme si on tentait de parler à quelqu’un  qui n’a pas décroché son combiné. Même si les informations arrivent jusqu’à son matériel intellectuel (il peut avoir une messagerie !), elles ne font que saturer sa mémoire et produire un bug. L’interlocuteur alors se ferme encore plus et peut même inscrire notre « numéro d’appel » dans la liste noire des « appelants indésirables »… et ne plus jamais nous entendre.

Il convient de ne pas s’adresser à quelqu’un tant qu’il  n’a pas décroché pour recevoir notre appel ! Il convient de ne pas entreprendre l’échange d’un propos important tant qu’on n’est pas en phase de contact.

-Je comparerai la phase de désengagement au moment où l’on raccroche après un appel téléphonique. La question est ici de savoir si nous avons eu le temps de terminer notre échange, notre rencontre… ou si nous avons été interrompus par une défaillance technique, ou si l’un d’entre nous a raccroché prématurément parce que ce qu’il a entendu l’a dérangé… c'est-à-dire ne lui permet plus de rester en situation communicationnelle (en situation d’ouverture).

En fait c’est là que nous trouvons un cycle terminé, accompli… ou inachevé, restant en suspend, un peu comme quand quelqu’un nous raccroche au nez ou quand on a été coupé.

-Je comparerai la phase d’assimilation à ce qui suit un appel téléphonique. Si notre échange s’est accomplit, nous pouvons en savourer les nuances, nous éprouvons une satisfaction d’avoir pu nous contacter et partager, nous pouvons assimiler et déguster toutes les saveurs de vie qui en résultent et en accroître notre richesse intérieure ainsi que notre maturité. Cela suppose une capacité de communication avec soi-même, avec ses propres ressentis, afin de ne manquer aucune saveur de ce qui vient de se passer et qui désormais est venu enrichir notre monde intérieur (nous y reviendrons plus loin avec l’awarness). Naturellement, ce n’est pas le cas quand le contact a été interrompu inopinément, du fait de l’autre, de notre fait, ou du fait d’une circonstance extérieure. Dans ce cas, la frustration qui en résulte nous laisse une sensation de manque, d’inachèvement.

Nous avons ainsi la frustration du contact interrompu, mais nous avons aussi, dans la phase d’engagement, la frustration éprouvée quand notre appel est rejeté avant même qu’il y ait un contact. C’est la douleur ressentie quand l’interlocuteur ne répond jamais à notre sollicitation.

4.2Cycles inachevés

Fritz Perls nous dit que « entrer en contact avec l’environnement signifie former une Gestalt » (2009, p.39) et la problématique d’un individu, ce sont justement ses Gestalts inachevées.

Nous pouvons imaginer que nous avons une quantité innombrable de contacts inachevés. Naturellement ils ne sont pas tous de même importance. Celui qui est interrompu quand il tente de dire à un voisin ou un collègue ce qu’il a vu hier à la télévision n’éprouve pas la même chose que celui qui est interrompu quand il tente de dire à un être aimé un sentiment essentiel, ou quand enfant il tente de faire plaisir à un parent (de provoquer en lui quelque réjouissance) en lui donnant un dessin ou en lui faisant un sourire… et n’obtient aucun résultat.

Cette notion de séquences inachevées, de contacts manqués ou interrompus, ne doit en aucun cas être vue de façon purement mécaniste.

Les interruptions les plus dommageables sont celles qui concernent l’expression de l’être, celles qui correspondent à un flux existentiel que l’on tente d’adresser à un autre. Que ce flux soit un flux d’amour, un flux de colère, un flux de joie ou un flux de douleur, il s’agit de l’expression d’un ressenti. Quand cette expression est impossible ou, si elle est possible mais n’est pas reçue par qui que ce soit, nous avons là la notion de Gestalts inachevées. De cela résultent des souffrances psychiques parfois très profondes.

Je suis toujours profondément touché de voir en consultation à quel point un être se retrouve à exprimer pour la première fois quelque chose, soit qu’il n’a jamais dit à personne, soit qu’il a dit, mais qui n’a jamais vraiment  été entendu par personne. Et même quand ça a été entendu, ça n’a généralement pas été pris en compte dans sa juste dimension.

4.3Validation existentielle en suspend

La notion de Gestalt inachevée ne peut se réduire à une parole interrompue. C’est du moins ce que je dirai d’un point de vue maïeusthésique. L’échange manqué, à considérer ici, est un échange sur le plan existentiel, sur le plan de l’humain, de la reconnaissance.  L’inachèvement qui laisse une trace, c’est l’inachèvement de la reconnaissance de l’être en train d’exprimer son ressenti.

Cette reconnaissance de l’être mériterait un long chapitre. Pourtant, je ne crois pas avoir lu en Gestalt quelque chose qui ressemble à cela, même si nous remarquerons que les gestaltistes mettent un soin tout particulier à ne pas entraver une expression, à accentuer une révélation de soi, à encourager à ne pas passer à côté de soi-même et à ne pas intellectualiser la démarche.

Quand Abraham Maslow parle des besoins ontiques (ceux qui se situent au niveau de l’être, de l’humanité, de l’individu) il précise à quel point une des douleurs psychologiques majeures est une carence à ce niveau. Il semble bien là se rapprocher de cette notion de validation existentielle. Parlant de cette dimension humaine, il dit : « Il s’agit d’une chose que non seulement nous ne connaissons pas, mais que nous avons peur de connaître » (Maslow, 2006. 104). Cela explique sans doute pourquoi nous sommes si timorés à ce sujet, et mal à l’aise face à une expression authentique et ne savons quoi en faire, au lieu simplement de nous en réjouir.

Ce qui est intéressant chez Maslow, c’est qu’il considère que les souffrances psychologiques résultent plus de carences que de chocs… de carences au niveau des besoins. Si nous le lisons plus attentivement, nous remarquerons que la carence dominante est, selon lui, une carence au niveau « ontique », c'est-à-dire au niveau humain, au niveau de l’être.

En fait ce que les gestaltistes nomment « Gestalt inachevée », les maïeusthésistes le nommeraient « reconnaissances inachevées ». Il s’agit d’une validation existentielle non accomplie, restée en suspend. Cela est très important à comprendre, car sans cette validation existentielle une psychothérapie n’aura que peu de résultats et risque de se résumer à de l’archéologie psychique, de l’analyse intellectuelle, de l’élimination purgative de ce qui nous encombre, ou à de la correction d’erreurs… comme s’il était sous entendu que nous étions fondamentalement mauvais, à côté de la plaque, un peu stupide ou n’ayant pas de chance.

La gestalt-thérapie veille à ne tomber dans aucun de ces travers, mais ne fait pas assez ressortir, à mon sens, cette notion de validation existentielle. Je ne doute pas que certains praticiens la mettent en œuvre sans la nommer, mais il serait avantageux de la mettre en exergue tant, sans elle, rien de profond ne peut se faire.

Pour résumer, la validation existentielle, c’est ce qu’on donne à l’autre quand on éprouve une petite réjouissance au moment où il se révèle. Un praticien qui saurait tout faire avec justesse, mais qui manquerait de cela, n’aura que peu de résultats et verra ses thérapies s’étirer interminablement dans le temps.

Pour en savoir plus sur ce point, je vous invite à lire sur ce site ma publication de septembre 2008 « Validation existentielle ».

4.4Le contact avec soi-même

La notion de « self » en Gestalt veut qu’il s’agisse du contact du sujet avec son environnement. Vu ainsi, la notion de contact avec soi-même perd son sens… du moins cela dépend de la façon dont on considère la question.

Pour Chantal Masquelier-Savatier, « Il en ressort que de parler de contact avec soi-même est un abus de langage, puisque le contact implique un objet extérieur » (2008, p.107) On ne peut en même temps être « objet » et « sujet » !

Mais nous préciserons que cela signifie, d’une part qu’on considère l’autre comme un objet (nous voyons là l’influence psychanalytique évoquant « l’objectal»), d’autre part qu’on croit que l’individu est une « unité unifiée », en contact avec un environnement qui lui est étranger. Or un sujet est souvent morcelé, et des parts de lui ne sont pas intégrées (ces parts de soi peuvent, pour lui, devenir une sorte « d’environnement intérieur »).

Antérieurement à la Gestalt, Karl Jaspers (1883-1969) distingue deux sources de la psychopathologie. L’une « exogène » et l’autre « endogène ». Pour lui sont « exogènes » (par rapport à la psyché) non seulement les circonstances extérieures, mais aussi l’état du corps et même celui du cerveau. (Karl Jaspers Psychopathologie générale PUF, les introuvables 2000, p.327). Nous pourrions y ajouter comme sources « exogènes intérieures » ces parts de soi que l’on a mises à l’écart lors d’épisodes douloureux non intégrables. Du coup, c’est la notion de sources endogènes pures qui se trouve compromise.

Nous avons vu plus haut que les gestaltistes ne considèrent pas de topiques. Ils évoquent cependant des « parts de soi ». Néanmoins ils considèrent que ce phénomène n’est ni topique (non spatial) ni chronique (non temporel), puisque pour eux tout est présent, tout est dans l’ici et maintenant, dans lequel ils observent attentivement le « maintenant et comment » (now and how !).

La maïeusthésie étoffe cette notion de « parts de soi » en considérant la psyché comme constituée de trois ensembles d’éléments : celui qu’on est, tous ceux qu’on a été et ceux dont on est issus. Il ne s’y trouve pas non plus de « topiques » puisque la psyché y est considérée aussi comme n’étant ni spatiale ni temporelle (ni topique, ni chronique, ni chronologique). Ces parts de soi, toutes ici et maintenant,  sont reliées dans la psyché en réseau d’analogies (patterns), et non en succession temporelle. Mais ce réseau ne peut être non plus considéré comme spatial car tout y est potentiellement partout en même temps.

Quand Chantal Masquelier-Savatier dit à propos de l’environnement « Toute présence, même silencieuse et invisible, a un impacte » (2008, p164), elle devrait inclure les parts de soi « antérieures » qui sont bien présentes.

Tout ce passe un peu comme si ces parts de soi réclamaient toujours une attention non reçue, une reconnaissance non accomplie. Quand bien même il s’agit de l’enfant que nous avons été, celui-ci est toujours là, en nous, et n’a jamais cessé de l’être depuis tout ce temps… mais nous en sommes coupé, et celui-ci attend cette reconnaissance jamais accordée. Voilà la Gestalt inachevée que ne semble pas évoquer les gestaltistes. Voilà le contact inachevé, interrompu, à réhabiliter, à compléter, à accomplir. N’oublions pas l’origine latine d’une racine du mot symptôme « petere » qui signifie « qui cherche à se faire connaître » (Dictionnaire historique de la langue française - Robert). On pourrait imaginer ici que cette part de soi cherchera à se faire connaître de la conscience tout au long de la vie du sujet à l’aide de symptômes.

L’identification de ce contact inachevé, autant que son accomplissement, se feront grâce à une qualité d’attention (grâce à une attitude attentionnée), grâce à l’awarness.

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5     Spécificité de l’awarness

Nous remarquerons le propos de Perls concernant l’awarness qui consiste finalement à inviter le patient à se tourner vers ce qui lui est accessible de lui-même et non vers ce qu’il ignore. « Contrairement aux théories orthodoxes, qui donnent plus d’importance à ce que le patient ignore de lui-même, nous insistons sur ce qu’il sait, sur ses zones d’awarness, plutôt que sur les aires de méconnaissance de soi »  (2009, p67)

 

Pour Perls, l’awarness se distingue de l’attention. C’est selon lui une « attention vague et floue. Elle est plus diffuse que l’attention et implique la personne toute entière dans une perception sans tension. » (2009, p.29)

Cependant, nous sommes dans une difficulté sémantique. Nous devons surtout distinguer entre l’« intérêt » qui focalise pour comprendre ou résoudre et l’« attention » qui s’ouvre pour rencontrer. Tant de mots sont utilisés sans un réel discernement. L’attention est souple, ouverte et capte l’existentiel, alors que l’intérêt capte les faits, les données et est plus sujet à l’analyse.

Serges Ginger nous dit que l’awarness est une attention flottante à la fois « intellectuelle, émotionnelle et corporelle, concentrée sur le vécu intime et subjectif interne et sur l’environnement externe (perçu subjectivement aussi), cette conscience immédiate du présent dans toutes ses dimensions est recherchée aussi bien dans le zen bouddhiste (Bouddha veut dire l’éveillé ») qu’en Gestalt » (2005, p.196) [je pourrai juste avoir une réserve quand il dit « intellectuelle »].

Nous constatons alors qu’il s’agit de quelque chose de subtil, délicat à nommer, concernant surtout l’être, l’existentiel. Cela concernera autant le praticien envers son patient que ce dernier envers lui-même, encouragé par le praticien.

5.1Faire un don d’attention

L’awarness, c’est aussi la capacité à donner son attention, si nous prenons la peine de définir le mot « attention ». Nous remarquerons qu’habituellement dans la vie nous ne faisons que « prêter attention ». Dans l’awarness, au contraire, nous la donnons. Ce n’est pas un prêt avec intérêt (rappelons nous que nous sommes souvent intéressés dans le relationnel,  car il y s’y trouve un enjeu d’intérêt par rapport à un « objet information »). L’awarness, c’est un don attentionné.

C’est non seulement la capacité à dégager une figure du fond (comme le diraient les gestaltistes), mais c’est surtout la capacité à dégager du fond objectal (d’objets) une expression subjectale (de l’être).

C’est quelque chose que tout le monde peut développer et mettre en œuvre, mais qui est malheureusement trop rare. Nous avons une fâcheuse habitude de regarder les problèmes et non les êtres qui les ont, de nous focaliser sur les objets plus que sur les sujets.

 

5.2L’expertise du praticien

Un des domaines majeurs d’expertise d’un praticien est justement cette capacité d’awarness. Cette capacité à donner son attention, à être attentionné.

Mais sa capacité est aussi de savoir amener son patient à également avoir une telle awareness envers soi-même, envers ce qui se passe en lui, envers ce qui cherche, en lui, à se faire connaître, envers ce qui cherche cette reconnaissance jamais accordée et depuis si longtemps attendue.

Cette capacité dépend du positionnement du praticien. Cette notion de positionnement, j’ai été heureux de voir que Chantal Masquelier-Savatier y consacre un chapitre. Si je ne partage pas vraiment son concept du self (propre à la Gestalt) je ne peux que me réjouir des points sur lesquels elle insiste concernant la posture du thérapeute :

Présence, non-savoir, conscience (où elle différencie l’awarness « être attentionné » du consciousness « reflexion »), champ de conscience (ouverture), une avance pas à pas où l’on sent et ressent, où l’on identifie, où l’on exprime, où l’on accueil, ou l’on soutient (2008, p.181 à 213)

Elle ajoute à cela :

 « C’est pouvoir être ému, touché comme un être humain et en témoigner » (p.203)

C’est « Rejoindre la patient là où il est, dans l’état où il est à cet instant là, pour entrer en résonnance avec lui, sans vouloir le tirer vers le haut   ou vers l’avant » (p.205). En effet le praticien est sensé suivre le patient et non l’inverse.

Elle note que « Le changement apparaît lorsqu’un sujet devient ce qu’il est, non lorsqu’il essaie de devenir ce qu’il n’est pas » (p.220). En effet toute tentative de le changer ou de le faire changer est profondément irrévérencieuse et inefficace.

Elle insiste sur le non savoir concernant le thérapeute :

-Par exemple, face à un malade alcoolique, « S’il fait celui qui comprend, celui qui sait, il se range à une signification commune de l’alcoolisme, de la peur, de l’angoisse […] il ne peut rentrer dans l’expérience particulière et indicible de son patient ». (p.191)

-Parlant du praticien : « Ce dernier cultive l’étonnement et l’incertitude » (p.180).

« Habité par une intention d’aller vers l’autre » (p.183).

-Mais elle précise que « Se laisser surprendre, improviser, apprécier la nouveauté demande un apprentissage » (p.232).

-Elle ajoute la douceur et le bonheur donnés et éprouvés par le praticien.

« Il donne la sécurité nécessaire pour que la personne puisse faire un pas de plus vers la nouveauté. » (p.204)

« La donation de l’éprouvé dans l’ici et maintenant, est un véritable cadeau » (p.230)

« Savourer chaque moment du processus thérapeutique guide l’attitude du thérapeute » (p.232)

-Elle y aoute une non-culpabilisation de qui que ce soit :

« Vivre le déroulement des événements sans chercher le responsable de ce qui arrive oblige à changer de mentalité. » (p.232)

Nous trouvons la des notions bien connues du praticien en maïeusthésie que vous retrouverez en détails dans ma publication de décembre 2007 « Le positionnement du praticien », d’avril 2001 « le non-savoir source de compétence » , de novembre 2004 « ne plus induire de culpabilisation »,

Nous ajouterons à cela une notion de projet : le praticien est sensé avoir pour projet « la rencontre de celui qu’il accompagne » dans le seul but de le « reconnaître ».

Cela est développé en détail dans la publication de septembre 2008 « Validation existentielle ». Même si Chantal Masquelier-Savatier nous propose « La donation de l’éprouvé dans l’ici et maintenant, est un véritable cadeau » (p.230), elle n’insiste pas suffisamment, à mon sens, sur cet état de réjouissance qui, par ailleurs, est un point clé en maïeusthésie.

En fait tout revient à savoir sur quoi nous faisons le focus. Le faisons-nous sur l’être, sur les circonstances, sur des objets, sur des sujets, sur soi, sur les autres, sur les problèmes, sur les justesses en accomplissement, sur les erreurs à corriger ? Ceci est d’une grande importance car cela déterminera quelle figure nette se dégagera du fond flou. Cela déterminera où se dirige notre awareness.

5.3Faire le focus

« Focaliser sur », « faire le focus », c’est porter son attention, faire la mise au point (comme en photo), rendre net. C’est dégager une figure nette sur un fond restant flou.

Nous avons vu l’awarness qui exprime bien cette idée d’« attention que l’on donne », mais qui peut maladroitement être réduit à l’idée « se tourner vers », « observer », « interpréter », « décoder » alors que ce mot est sensé désigner quelque chose de bien pus existentiel.

La notion d’attention a une composante existentielle qui ne peut être escamotée. Avec l’attention, ce n’est pas l’intellect qui observe attentivement, c’est l’individu, le quelqu’un, qui perçoit de tout son être, avec tous ses canaux de sensibilité. L’intellect est intéressé dans une logique de compréhension, de curiosité et de profit, l’être est attentionné dans un projet de rencontre et de reconnaissance. Il ne s’agit pas du tout de la même chose et il importe de clairement les distinguer l’un  de l’autre et de nommer les deux de façon adéquate. Nous remarquerons que souvent, il y a une difficulté à énoncer la différence entre l’ « intérêt » qui émane de l’intellect et l’« attention » qui émane de l’être.

Nous trouvons pourtant quelque chose de ce genre dans le focusing. Le focusing est une approche crée par Eugène Gendlin (un proche de Carl Rogers) où cette notion d’attention au ressenti est particulièrement présente. Nous pourrions dire que ce que Gendlin nomme « focusing » est proche de ce que signifie « awareness » (en ce sens où il s’agit d’y capter l’existentiel).

On dira « focuser » sur un ressenti. Une attention toute particulière y est mise sur ce qui est éprouvé, tant émotionnellement que corporellement. Le focusing est tout particulièrement attentif aux ressentis corporels qu’il nomme « felt sens » (feeling sens), que l’on distinguera des somatisations par leurs nuances plus subtiles (si vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet vraiment très riche je vous invite à lire ma publication de juillet 2007 « Focusing ».

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6     Créativité et compétences

Nous venons de parcourir quelques nuances essentielles de la Gestalt-thérapie. Nous devons cependant ne pas oublier une composante majeure : la créativité. Il serait erroné de croire qu’il suffit de respecter tous les critères de la Gestalt pour faire de la gestalt-thérapie. Le praticien se devra de connaître ces principes, mais aussi d’être créatif. Nous pourrions faire exactement les mêmes remarques en maïeusthésie.

Même René Descartes nous proposait que l’imagination et la créativité doivent aider la raison : « Certes l’entendement seul est capable de percevoir la vérité ; mais il doit être aidé cependant par l’imagination, les sens et la mémoire, afin que nous ne laissions de côté aucune de nos facultés » (Règles pour la direction de l’esprit Règle XII, 1999, p.75).

Abraham Maslow nous indique aussi que la vie est plus importante que la théorie : « J’ai appris plus en me mariant qu’en passant mon doctorat » (2006, p.195) ou « Bien plus important pour moi a été le fait d’avoir un enfant. Notre premier enfant a changé le psychologue que j’étais. Il m’a fait voir le béhaviorisme, dont j’étais si enthousiaste, tellement stupide que je ne pouvais plus le supporter » (2006, p.194)

Toutes ces remarques nous conduisent à réaliser que les théories ne font pas tout et qu’il convient de garder sa  fluidité de pensée, sa créativité, son bon sens etc….

Un praticien se devra d’être ouvert aux intuitions, de se laisser guider par la personne qu’il accompagne. Il se devra de ne pas manquer ce qui surgit de nouveau sous prétexte que ce n’est pas ce qui est « prévu par la théorie ».

Perls nous dit « l’homme ne peut se transcender qu’en étant fidèle à sa nature véritable » (2009, p.62). Il est donc essentiel de ne pas s’éloigner de ce qu’on est vraiment.

Chantal Masquelier-Savatier ajoute que le Gestalt thérapeute « cultive l’émerveillement et l’incertitude » (2008, p.180). Nous ne pouvons qu’être touchés par cette sensibilité à une sorte de réjouissance face à ce qui surgit, par cette capacité à ne pas savoir par avance.

Christophe André, médecin psychiatre et psychothérapeute, nous propose dans son ouvrage « Les états d’âme », une expérience intéressante :

Des volontaires sont invités à jouer à un jeu vidéo dans lequel il s’agit d’aider une souris à parcourir un labyrinthe. Les participants sont répartis en deux moitiés qui n’ont pas le même projet : Pour la moitié des participants, le but est d’aider la souris à échapper à un prédateur, pour l’autre moitié, il s’agit de l’aider à trouver un délicieux bout de fromage. L’intérêt, en fait, se trouve dans la suite de ce jeu un peu insignifiant : les expérimentateurs font passer à tout le monde un test de créativité. Ce test révèle que ceux qui ont aidé la souris à fuir le prédateur sont 50% moins créatifs que les autres. (2009, p57). En serait-il de même pour les praticiens qui cherchent à libérer des turpitudes de l’inconscient par rapport à ceux qui cherchent à en faire émerger les richesses ? Voilà une réflexion qui mériterait un travail de recherche expérimentale.

Cela nous conduit à une action du praticien qui ne peut se résumer à des compétences techniques, mais doit comporter une attitude et un positionnement  justes.

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7     L’action du praticien

7.1Ses interventions

En gestalt-thérapie, le praticien peut être actif, et inviter le  patient à être attentif à ses ressentis, à dire une parole, mettre en œuvre une action. Il peut même, rompant ainsi avec la pratique orthodoxe de la psychanalyse, partager son propre ressenti avec le patient. Ne voyons pas là un contretransfert où une attitude déplacée. Il s’agit de comprendre que la Gestalt c’est une affaire de contact et que ce qui est ressenti de chaque côté de ce contact a de l’importance. Le praticien fait partie de la gestalt du moment thérapeutique et ses ressentis ont de l’importance dans ce qui se déroule.

Naturellement tout cela est empli de subtilité et ce que le praticien se permet d’énoncer, de révéler, ou de demander ne peut avoir de sens que s’il a bien intégré la notion d’awarness, s’il est capable de dire « pour le patient » et non pour se soulager lui-même, ou pour être intéressant. Tout cela n’a de sens que si son positionnement, évoqué ci dessus, est juste.

7.2La fameuse chaise vide

Sans passer en revue toutes les actions possibles, nous noterons celle qui a rendu la gestalt-thérapie célèbre : la chaise vide !

La patient est assis sur une chaise et se place face à une autre chaise qui, elle, est vide et sur laquelle il imaginera les interlocuteurs concernés par les situations qui le préoccupent, ou celles qu’il a déjà « localisées » dans sa vie grâce à son awareness. Perls aimait faire cela en public et obtenait des résultats qui mobilisaient particulièrement les personnes présentes. Il rendait ainsi présente la situation antérieure pour en capter les ressentis actuels.

Le point important de cette pratique imaginée par Perls est de permettre au sujet d’expérimenter les flux dans tous les sens. Si par exemple un monsieur a un problème avec ses parents, il  parlera carrément à son père qu’il imaginera sur la chaise vide en face de lui. Puis il prendra la place de ce père et dira ce qu’il imagine que ce père peut alors répondre à son fils venant de lui dire ça… et ainsi de suite. Il ne manquera pas de faire de même en s’adressant à sa mère imaginée sur la chaise vide d’en face, puis prendra la place de sa mère et dira (en son nom) ce qu’elle pourrait exprimer à son mari ou à son fils…etc. (mais nous trouvons là une sorte de « as if » ou « comme si » déguisé).

Il ne s’agit pas là de savoir la vérité de ce que dirait le père ou la mère, mais de fluidifier la circulation des flux et de sortir de l’étroitesse de son petit point de vue. Une façon d’élargir les possibilités du champ de conscience.

Il est à noter que les rêves seront traités de la même façon et ne seront pas interprétés. Il s’agira d’y prendre le positionnement de chaque être s’y trouvant.

Dans un rêve le patient peut même être invité à prendre la position de certains objets. Si par exemple il, s’est vu monter un escalier dans ce rêve, il importera autant de nommer les ressentis de celui qui monte sur l’escalier, que ceux de l’escalier sur lequel on monte. Ne voyez là aucun animisme envers ces objets, mais seulement l’occasion d’exprimer des points de vue symboliques permettant d’aller plus loin dans des ressentis, d’être plus ouverts au monde en sortant de l’étroitesse de son propre point de vue.

Nous ne manquerons cependant pas de remarquer que l’entourage de Perls finit par nommer cette fameuse chaise vide une « hot chair ». S’il n’y avait là que le sens mot à mot signifiant « chaise chaude » ça ne vaudrait même pas la peine d’être mentionné. Il se trouve que « hot chair » signifie en argot « chaise électrique ». La chaise vide est alors assimilée à une sorte d’exécution, dans le sens létal du terme.

Peut-être cela n’est il pas étranger à la direction choisie par Perls : « Nous ne demandons pas à nos patients de revivre leurs problèmes et leurs traumatismes qu’ils ont eus jadis, mais de revivre leurs problèmes et leurs traumatismes dans l’ici et maintenant, c'est-à-dire de refaire l’expérience dans le présent de leur histoire inachevée ». (Perls 2009, p.74) 

Si Perls a parfaitement identifié qu’il ne peut s’agir que du présent (j’y reviendrai un peu plus loin) il choisit néanmoins de faire « revivre les problèmes » dans ce présent. Certes, il ne retourne pas dans le problème passé et tout se joue dans l’ici et maintenant (et surtout dans l’ici et comment !). Nous pouvons noter la différence qu’il y a entre « tenter de revivre un problème » et « faire rencontrer et reconnaître quelqu’un » (qu’il s’agisse de celui qu’on a été ou d’un de nos proches). Il y a là en gestalt une précision qui me semble insuffisante concernant ce que fait le praticien, et surtout concernant la nature de son projet.

Cette notion dans le projet du praticien est très importante. Si celui-ci vise (avec son awareness ou son attention) un problème, il ne fait alors que rencontrer un problème. S’il se tourne vers un être, à ce moment là il rencontre un être. Si alors le praticien (qui, nous l’avons vu en gestalt-thérapie intervient) invite son patient à mettre son attention, son awareness, vers un problème ancien à revivre dans le présent…, nous risquons de manquer l’être et de ne trouver que le problème.

Nous remarquons avec les propos de Masquelier-Savatier sur le positionnement du praticien que tout est bien plus subtil que cela, mais nous avons là un point de confusion possible qui a sans doute conduit les gens à parler de « chaise électrique » là où il s’agit, en fait, d’un lieu de rencontre et de reconnaissance, même s’il s’y exprime des colères (qui étaient juste en attente d’être reconnues).

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8      Rapport au temps

8.1Espace et temps

Nous constatons, à l’évidence, que toute la vie d’un être est influencée par ce qu’elle a été autrefois, ainsi que par ce qui est maintenant. Cela donne à la psychologie une ambigüité pour littéralement « conjuguer » le passé au présent.

Doit-on retourner dans son histoire, aller vers son avenir, habiter son présent, revivre des traumas anciens, les revisiter… ? Qu’est-ce que le passé, qu’est-ce que le futur, qu’est-ce que le présent ? Nous pressentons que bien des auteurs ont des raisons de préconiser une voie ou une autre, mais la notion de psyché et de temps est quelque chose de délicat et souvent mal compris.

Freud a considéré l’espace psychique en parlant de topique, et le temps en remontant dans l’histoire du patient, tout en s’appuyant, dans sa cure analytique, sur le transfert envers le thérapeute se manifestant dans le présent (bien présent) de la thérapie.

Jung a parlé d’un Soi en accomplissement, comme s’il préexistait et « conduisait » le devenir.

Maslow évoque un humain en train de devenir humain, victime de carence qu’il tente sans cesse de combler. Il devient ainsi ce qu’il a à être.

Perls ne veut entendre parler que de présent où les choses doivent se vivre en plein awareness afin de conscientiser ce qui s’y passe (quand bien même on y rejoue des scènes anciennes).

Gendlin, avec le focusing, est particulièrement attentif aux ressentis actuels et corporels, mais acceptera de « rencontrer » des parts antérieures de soi.

…etc.

8.2Une psyché ni spatiale ni temporelle

Tout se passe comme si la psyché était en même temps antérieure et présente. Nous trouvons dans le présent les sentis (vécus) d’autrefois (comme nous l’a si aimablement rapporté Proust qui était fasciné par ce phénomène), mais nous avons aussi le souvenir d’autrefois (qui eux ne sont que des  images mentales, de la simple mémoire, et non, comme le disait Proust, une sorte de « déflagration entre la passé et le présent »).

Nous avons ainsi une psyché qui n’est, ni symboliquement spatiale comme pour Freud, ni objectivement spatiale, de façon physiologique, comme nous le propose Denis Noble, dans son ouvrage « La musique de la vie – la biologie au-delà du génome ». Il met en titre de chapitre « Le ”soi“ n’est pas un objet neuronal » (2007, p.209). Puis il développe aussitôt : « Il est aussi que ”je“ ou ”moi“ ou ”vous“ ne sont pas des entités de même niveau que le cerveau. Ce ne sont pas des objets au sens ou le cerveau est un objet. Mes neurones sont des objets, mon cerveau est un objet, mais ”je“ ne se trouve nulle part. Cela ne signifie pas qu’il n’est pas quelque part ». Ces propos sous la plume d’un tel professeur de physiologie cardiovasculaire et chercheur en génétique systémique sont très pertinents.

J’en viens personnellement à la conclusion que la psyché n’est pas topique. Il est incohérent d’en parler spatialement. Il peut être judicieux de parler de « part » de la psyché, mais pas de « lieux ». Elle n’est ni là bas ni ici, ni au dessus ni au dessous,  ni à droite ni à gauche. Pourtant, comment pouvons nous avoir des « parts » et que ce ne soit pas spatial ?

Nous pourrions être tentés de croire que si elles ne sont pas réparties spatialement, ces parts de la psyché le sont de façon temporelle. Les parts de nous-mêmes seraient alors réparties tout au long de notre histoire, qu’il conviendrait de revisiter pour mieux nous rencontrer. Or il se trouve que la psyché ne semble pas non plus temporelle. Elle est « comme si tout était présent ». Pourtant, les parts antérieures de soi s’y trouvent !

La psyché ne semble concernée ni par l’espace ni par le temps. Concernant le temps, elle n’est ni chronique (ce n’est pas de l’histoire), ni chronologique (l’ordre d’émergence n’est pas forcément lié au séquençage historique).

Je l’ai déjà évoqué de nombreuse fois en maïeusthésie, nous trouvons trois ensembles d’éléments venant constituer la psyché : celui que nous sommes, tous ceux que nous avons été depuis que nous existons, puis tous ceux dont nous sommes issus. Ces parts d’être ne sont pas temporelles, mais pas spatiales non plus. Tout est là, parfaitement distincte, mais sans pour autant être réparti spatialement ou temporellement. Par exemple, cet enfant que nous avons été n’a jamais cessé « d’être avec nous » depuis qu’il existe. Pareillement pour celui que fut l’un de nos parents ou grand parents, ou celui que nous fûmes à n’importe quelle moment de notre vie. Tout se passe « comme si » ces parts de soi cohabitaient (plus ou moins bien) « dans » « quelque chose » qui ne peut se nommer ni en terme de temps ni en terme d’espace.

Notre difficulté est justement de nommer ce qui n’est ni spatial ni temporel sans utiliser de langage spatiotemporel. On dit souvent qu’on « va vers » l’enfant qu’on été, qu’on « retourne dans son histoire », qu’on « localise » dans sa psyché la part de soi qui demande notre attention. « Aller vers », « retourner dans le temps », « localiser »… tous ces termes ne sont affranchis ni de l’espace ni du temps et nomment tant bien que mal quelque chose qui échappe au langage, comme le disait si bien Lao Tseu (Tao Te King) pour le « carré sans angle » ou « l’image sans contours » ou comme nous le dit Abbott avec sa fable du carré habitant dans un plan (Flatland) se faisant raconter par une sphère ce qu’est la troisième dimension. Ce que la sphère nomme être « en haut », le carré ne sait le nommer que comme étant « au nord » dans son plan et n’a aucune idée de ce que peut être ce « en haut » ! Il est dans la totale impossibilité de le nommer ou de le concevoir.

J’ai rédigé ma précédente publication d’avril 2009 « De l’espace et du temps » justement pour se défaire de quelques raideurs intellectuelles à propos de ces notions. Il ne s’agit pas d’y énoncer des vérités, mais de savoir ne plus être collés à une seule possibilité de figure sur une seule possibilité de fond.

Ce petit exercice me semble important en psychothérapie. Il est aussi essentiel dans le domaine de la psychopathologie.

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9   Les symptômes et la psychopathologie

9.1Quelle figure se dégage-t-elle ?

Quelle figure se dégage sur le fond flou ? Voilà ce que peut se demander le praticien en psychothérapie quand il considère la psychopathologie. Quels éléments le praticien va-t-il prioriser pour discerner ce qui l’aidera à accompagner son patient ?

Nous remarquerons que la nosographie du DSM (classement actuel des psychopathologies) ne parle plus de névroses mais de "troubles" (disorder en américain). Nous ne parlons plus de « névrose obsessionnelle », mais de « trouble obsessionnel ». Le but est ainsi de laisser ouverte la possibilité d’une étiologie (une cause) tant physique que psychique dans chaque psychopathologie constatée et de ne pas s’enfermer dans un décodage systématiquement psychologique de l’étiologie du trouble.

Or l’athéorisme ainsi souhaité est hélas un peu entaché par le fait de parler de « trouble » ou de « disorder ». En effet cette terminologie détermine chez le praticien un décodage bien spécifique qui le conduit à dégager un certain type de figure dans son observation : il voit un trouble.

Ce qui est ainsi fâcheux, c’est de partir d’un a priori de « trouble » concernant quelque chose à travers lequel le patient tente d’éclaircir sa psyché, ou de parler de « disorder » face à quelque chose que  le patient utilise pour retrouver son intégrité. Quand c’est le cas, un tel a priori risque de lui faire manquer ce que son patient accomplit de noble à travers cette manifestation nommée « psychopathologie ».

Nous avons vu que la tendance de l’intellect est de « classer » pour dégager plus facilement une figure claire sur un fond obscur. Mais cela n’est pas sans inconvénient, car qui dit « classer », dit aussi « créer des a priori réducteurs ». Ainsi Donald Wood Winnicott nous rappelle sa tristesse de s’être laissé enfermé dans les classifications nosographiques : « Je suis consterné quand je pense aux changements profonds que j’ai empêchés ou retardés chez des patients appartenant à une certaine catégorie nosographique par mon besoin personnel d’interpréter. […] C’est le patient et le patient seul qui détient les réponses » (Winnicott, 1971, p.163).

9.2Le symptôme

Le mot symptôme a un lien avec la racine latine « petere » signifiant « qui cherche  se faire connaître ».

Chantal Masquelier-Savatier nous dit avec justesse : « Il ne s’agit pas d’éradiquer le symptôme mais de le prendre en compte comme une création ». (2008, p223)

Perls préfère parler du « déficit d’être » du patient comme source de son trouble plutôt que ce qui s’est passé et qu’il a oublié. (2009, p68). Il ajoute que « Les phrases prononcées par le patient sont toujours un indice pour aller plus loin et poser d’autres questions, peut être plus spécifiques » (p88). Perls a bien pointé qu’il s’agit de réintégration de parties de soi : « Pour obtenir chez le névrosé, la réintégration des parties dissociées de lui-même, nous devons mobiliser toute la responsabilité qu’il est prêt à assumer. » (p.88) et mettre en œuvre la thérapie « en faisant faire au patient l’expérience du symptôme. »(p.89). Il nous dit ainsi que la part intégrée va s’occuper de la part non intégrée.

Ginger nous précise la spécificité du symptôme en gestalt : « En gestalt le symptôme est considéré comme un "appel" spécifique de la personne : c’est le langage qu’elle a "choisi" […] le symptôme, notamment corporel, sera ainsi souvent considéré comme une porte d’entrée… » (2005, p29). En ce qui me concerne je dirai même, avec plus de précision, que c’est un appel de la part non intégrée qui demande à la conscience si elle peut lui donner enfin sa place (il s’agit là d’un type de pulsion de vie que je décrirai un peu plus loin).

Perls, Masquelier et Ginger sont d’accord sur ce point : le symptôme est un allié par lequel un être accomplit quelque chose d’important. Privilégiant l’idée de construction de l’être, d’accomplissement du Soi, Ginger nous dit même que la psychothérapie consiste en : « le maintien et le développement de ce bien-être et non la "guérison", la "réparation" de quelques trouble que ce soit » (2005, p20)

 

Loin de considérer les symptômes comme forcément des psychopathologies, Perls ajoute même : « certaines perturbations provenant des coulisses de notre existence interfèrent avec notre vie présente et nous empêchent de disposer de toutes nos ressources. Elles se mettent en avant pour qu’on s’occupe d’elles » (2009, p.69)

9.3A propos des résistances

Chantal Masquelier-Savatier nous fait remarquer que parler de résistances est un « terme ambigüe, car il sous entend un frein ou un obstacle, alors qu’il s’agit de modalités d’ajustement à la frontière contact » (2008, p.126). La résistance (du moins ce qu’on nomme habituellement ainsi) indique surtout un chemin d’accès plus juste en thérapie.

Non seulement je partage le point de vue de Masquelier-Savatier, mais je dirai même que la façon dont un patient résiste n’est en aucun cas un obstacle mais une indication de vers où nous devons aller. Le fait de décoder la résistance comme une sorte de « mur à franchir » ou de « blocage à lâcher » est une profonde erreur venant du fait qu’on choisi l’apriori de trouble. La résistance est une indication du juste chemin et non un blocage. Au même titre que le symptôme est une manifestation faisant partie du guidage. J’aurai d’ailleurs préféré que le DSM, pour être totalement athéorique, utilise le mot « manifestation » en place du mot « trouble » ou « disorder ». Cela aurait permit de dégager sur le « fond » une « figure » moins étroite.

J’aime cette remarque de Perls : « Parler de soi c’est résister, c’est s’empêcher de faire l’expérience de soi » (2009,p 76). Il fait ainsi clairement la différence entre « se raconter » et « se rencontrer ».

Nous serons sensibles aux propos de Jung et Rogers attirant notre attention sur le fait que des résistances persistantes ne viennent pas du patient mais de la piètre pratique du praticien :

-Karl Jung nous précise que les résistances sont l’indicateur d’une pratique inappropriée : « Dans la littérature il est tellement souvent question de résistances du malade que cela pourrait donner à penser qu’on tente de lui imposer des directives, alors que c’est en lui que de façon naturelle, doivent croître les forces de guérisons » (Jung, 1973, p.157).

-Carl Rogers y ajoute une remarque analogue : « …la résistance à la thérapie et au thérapeute n’est ni une phase inévitable, ni une phase désirable de la psychothérapie, mais elle naît avant tout des piètres techniques de l’aidant dans le maniement des problèmes et des sentiments du client. » (Rogers,1996, p.155).

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10      Rapports avec la maïeusthésie

10.1           L’une n’est pas la source de l’autre

Il y a des proximités entre la Gestalt-thérapie et la maïeusthésie. Il ne faut pas pour autant en conclure un lien de parenté entre elles. La maïeusthésie ne vient pas de la gestalt et n’est en aucun cas une sorte de gestalt-thérapie modifiée.

 Le lien de parenté des deux approches, ce sont les patients, qui ont conduit à des originalités d’action et de positionnement, parce que les praticiens se sont donnés le droit de rester créatifs et surtout de se laisser guider par les personnes qu’ils accompagnent.

Le praticien en maïeusthésie ne peut avoir que de la sympathie pour la gestalt-thérapie, mais celle-ci n’est pas sa pratique. Les protocoles y sont différents, les conceptions du Soi également. Les types d’action ne sont pas les mêmes, la notion de séquences inachevées ne portent pas exactement sur les mêmes choses. Les regards au sujet des pulsions sont très différents …etc.

Pourtant, il se trouve que les patriciens s’ajustant à leurs patients et s’autorisant à rester créatifs, se retrouvent dans des zones analogues de non savoir, de réjouissance, d’interventions etc.

Nous pouvons dégager quelques zones d’analogies et quelques zones de différences majeures.

10.2           Analogies

Nous remarquerons le positionnement des gestaltistes par rapport aux Symptômes. Ils ne les considèrent pas comme des pathologies, mais comme « une création permettant une expression ». Nous avons là une belle analogie avec l’approche maïeusthésique pour laquelle les symptômes sont en fait la manifestation, d’une « part de l’être » qui appelle la « conscience » pour que celle-ci lui donne sa juste place.

En ce sens nous sommes proches de Ginger quand il dit : « En gestalt le symptôme est considéré comme un "appel" spécifique de la personne : c’est le langage qu’elle a "choisi" »  « le symptôme, notamment corporel, sera ainsi souvent considéré comme une porte d’entrée… » (2005, p29). Mais en maïeusthésie nous préciserons « une part de la personne s’adresse à la personne » (ou au thérapeute pour que celui-ci les aide à se réunir).

L’absence de considérations « topiques » ou « chroniques » ou « chronologiques » est également une proximité entre les deux approches. Nous y trouvons un regard sur le présent où tout se trouve. Bien que les deux approches prennent en compte ce qui s’est passé autrefois, seul ce qui est ressenti, là, maintenant, compte.

Nous y trouvons aussi une notion de parts de soi, même si elles ne sont pas considérées de la même façon dans les deux approches, ainsi que de transgénérationnel, même s’il n’est pas nommé ainsi en Gestalt. L’analogie tient surtout dans la préoccupation qu’on a en Gestalt de la circulation des flux entre ces parts, de leur accomplissement ou de leur interruption.

Dans les deux approches nous trouvons des interventions du praticien qui n’hésite pas à proposer une attention, une précision, une action. Il ose intervenir. Il garde sa créativité et sa sensibilité. Dans les deux, le but est de faire amplifier le ressenti afin de pointer ce qui se passe avec plus de précision.

L’awarness tient dans les deux une place majeure, emplie de subtilités, même si en maïeusthésie nous parlerons plus d’attention, dans le sens « attentionné ». Nous trouvons une façon commune de s’en servir illustrée par le propos de Perls : « Il s’agit de se concentrer sur sa douleur et non de s’en débarrasser » (Perls 2009 p78).

Quand Perls écrit « Un néophyte en gestalt-thérapie est souvent surpris de voir à quel point la réponse vient rapidement, clairement et facilement, comme si le patient avait attendu désespérément l’occasion de s’exprimer » (Perls, 2009, p.89), il énonce quelque chose que nous trouverons aussi en maïeusthésie. Nous pouvons même y trouver des moments thérapeutiques ultras courts, et pourtant extrêmement profonds.

Serge Ginger dénonce que « "Pas cher = pas bon", "pas long = pas profond" demeurent des mythes tenaces » (2005, p43). Les praticiens en maïeusthésie ne peuvent que partager son point de vue.

Ils partagent aussi les propos suivants de Perls : « Les "pourquoi" appellent des réponses toutes prêtes ou défensives, elles ne suscitent que des rationalisations ou des excuses […] Le même reproche ne peut sûrement pas être fait au "comment" car celui-ci enquête sur la structure de l’événement » (2009, p 86). Mais le praticien en maïeusthésie notera tout de même que  Perls parle  «  d’enquête » et non de « rencontre ».

10.3           Différences

Les gestaltistes mettent l’accent sur le profond respect de l’individu. Pourtant ils ne pointent pas cette considération délicate et subtile dans laquelle on éprouve la réjouissance de la rencontre, de la « naissance », de la manifestation.

La notion de « validation existentielle » positionne la maïeusthésie d’une façon spécifique. Mais nous ne manquerons pas de pointer la sensibilité de praticien dont témoigne Chantal Masquelier-Savatier  quand elle précise à propos du thérapeute : « Ce dernier cultive l’étonnement et l’incertitude » (2008, p180). « Habité par une intention d’aller vers l’autre » (p183). Sa qualité « C’est pouvoir être ému, touché comme un être humain et en témoigner » (p203) et « Il donne la sécurité nécessaire pour que la personne puisse faire un pas de plus vers la nouveauté. » (p204)

La différence profonde en maïeusthésie est qu’on va vers l’autre qui est là, mais aussi vers celui qu’il fut et qui s’exprime à travers le symptôme. Nous éprouvons cette réjouissance (validation existentielle) face à cette part de l’être émergeante qui n’a jamais cessé d’être là depuis tout ce temps mais n’était, jusqu’alors, que cachée, discrète, invisible, jamais reconnue par personne.

Le gestaltiste et le maïeusthésiste considèrent tous deux la circulation des flux, mais le maïeusthésiste crée vraiment le canal permettant l’écoulement de ce flux en remplacement du « lien » qui était là, juste en attente de cette réalisation. Les « cordons liens », juste là pour ne pas se perdre faute de s’être rencontrés, y deviennent des « canaux  de communication » afin d’enfin se rencontrer.

Le maïeusthésiste considère plus l’individualité qui aura son existence « propre » et pas seulement celle qui se manifeste dans la zone de contact. S’il est indéniable que nous n’existons pas sans les autres, et que selon qui nous rencontrons nous ne nous sentirons, ni ne nous comporterons pas de la même façon, le maïeusthésiste y considèrera tout de même plus d’individualité, plus d’individuation, plus de pertinence et de réalisation systémique de ce Soi que nous sommes sensés être (être qui nous sommes). En ce sens le praticien en maïeusthésie se sentira plus proche de Jung et de sa conception du Soi, que de la Gestalt et de son idée du self.

Mais cette différence (pourtant fondamentale) ne crée pas de conflits entre les deux approches, car chacune d’elle semble aborder la « réalité » psychique sous un angle différent ayant tous deux un indéniable rapport avec une certaine réalité psychique difficile à définir. N’oublions pas que nous nommons ici l’ineffable et que, comme pour Lao Tseu avec le Tao, l’énoncé y est forcément empli de contradictions où des contraires sont vrais en même temps.

Le guidage non directif est aussi une spécificité de la maïeusthésie. Même si Perls signifie qu’en posant des questions justes (on évite les « pourquoi » et on privilégie les « comment ») le patient s’exprime rapidement en profondeur, le guidage non directif de la maïeusthésie apporte des précisions tant sur le plan technique que sur le plan existentiel, qui lui sont vraiment propres.

Quant à la pratique de la « hot chair » (qui n’est en aucun cas la seule action de la Gestalt-thérapie) la maïeusthésie s’y prend différemment. Le praticien en maïeusthésie invite seulement son patient à porter son attention (ouvrir le canal) vers cette part de soi qui s’exprime en lui grâce au symptôme, à percevoir ce que cette part exprime, et à seulement lui signifier une reconnaissance de ce qu’elle exprime, ou de ce qu’elle ressent. Cela se fait sans « mise en scène », juste en « regard intérieur », dans une sorte de « psychodrame imaginaire » qui est en fait bien plus qu’un psychodrame et bien plus que de l’imaginaire.

Il est étonnant de constater à quel point l’apaisement est immédiat suite à cette reconnaissance. Pour le praticien en maïeusthésie, point n’est besoin de « jeux de rôles » pour concrétiser cette action. Elle ne s’y passe que de façon psychique et « imaginaire » (mais beaucoup plus subtil que ça) et cependant, avec un grand sentiment de réalité intérieure, vécue comme une rencontre quasi palpable de l’être avec cette part de soi, ou ce proche, révélés par le symptôme. L’attention sur le corporel, le somatique ou l’émotionnel y tiennent une grande place, tant pour identifier la part de soi grâce au guidage non directif que pour « l’écoute » et la « rencontre » qui s’y produisent ensuite.

10.4           Les Pulsions

Je ne parlerai pas des pulsions du point de vue de la Gestalt-Thérapie qui se résument un peu au « ça ». Tout en faisant partie des psychothérapies humanistes (prise en compte de l’individu), plutôt phénoménologiques (on s’y préoccupe de la réalité présente ressentie par le patient), la Gestalt-thérapie ne considère que le « ça » pulsionnel et le « moi » à travers les contacts, tout en ne donnant qu’une place ambigüe au Soi en réalisation.

La maïeusthésie propose un regard très précis et assez innovant au niveau des pulsions, en considérant d’une part des pulsions venant du « ça » basée sur l’énergie et d’autre part des pulsions venant du Soi basées sur la « vie ». Elle se distingue ainsi de l’approche très différente de la psychodynamique freudienne, tout en proposant une synthèse de ce qui est phénoménologiquement observé. Pour mieux comprendre ces articulations du « ça », du « moi », du « surmoi » et du « Soi », vous pouvez lire ma publication de novembre 2005 sur ce sujet.

Pour expliciter cela, la maïeusthésie distingue d’abord la notion d’énergie (« ergos »=faire, travail) de la notion de vie (« vita »=ensemble d’une existence, être). L’un détermine « le faire et l’avoir », l’autre « l’être et l’existentiel ».

La pulsion de vie (venant du Soi) assemble la psyché en lui donnant son intégrité. La pulsion de survie (venant du ça) sépare les parts encore inintégrables, pour préserver le reste, déjà intégré. La pulsion de survie permet une résilience temporaire en attendant la réalisation de la concilience salutaire et mature (voir à ce sujet la publication de novembre 2003 « Résilience »).

Les pulsions ont chacune deux rôles (extrait de la définition de la maïeusthésie) :

Pulsion de vie (assurant le développement du Soi) :

-Intégrer. La pulsion de Vie permet d’assurer la cohésion des différentes parts de Soi au fur et à mesure de l’existence… mais elle va aussi chercher à intégrer les parts de Soi laissées antérieurement en suspend, en produisant les « symptômes psy » permettant d’y accéder de nouveau.

-Conserver. La pulsion de Vie permet de garder (assurer la « garderie ») les parts de Soi que la pulsion de survie rejette, afin de pouvoir les retrouver ultérieurement. A cet effet elle les place dans l’inconscient, qui devient pour elles une délicate « nounou ».

Pulsion de survie (assurant l’existence du moi):

-Séparer. La pulsion de survie permet de mettre à l’écart les parts de Soi ayant trop souffert pour être intégrées spontanément.

-Compenser. La pulsion de survie permet de masquer les vides laissés, là où se trouve « la place » des parts de Soi qui ont été « éloignées ».

10.5           Conclusion

Nous avons pu, dans cette publication, parcourir quelques savoureux éléments de la Gestalt-Thérapie. Nous ne pouvons que nous sentir reconnaissant envers Fritz Perls d’avoir su oser une telle différence par rapport à ce qui était institutionnel à son époque… ainsi qu’à Serge Ginger de l’avoir poursuivi jusqu’à nos jours… ainsi qu’à de nombreux autres praticiens comme Chantal Manasquier-Savatier de s’être donné la peine de partager par écrit leur expérience. Nous ne pouvons reprocher à Perls d’avoir suivi un chemin de traverse sans avoir exploré en finesse ce qui existait, car avant d’en arriver là il fut  docteur en médecine, neuro psy, réalisa quatre psychanalyses, devint lui-même psychanalyste.

Je suis aussi touché en le lisant qu’en lisant Abraham Maslow qui a, lui aussi, après s’être immergé dans l’institutionnel de son doctorat en psychologie, su faire émerger des nuances profondément innovantes sans se laisser « introjecter » par des croyances indigestes, dont sont parfois victimes ceux qui ont « trop bien appris » (René Descartes avait, déjà à son époque, dénoncé ce risque pour celui qui apprend de perdre son bon sens, de perdre la « lumière de la raison » [1999, p.898]).

Je me sens en amitié avec ces personnes et j’ai eu plaisir à vous les faire rencontrer, comme si je vous présentais des amis, bien que mon approche soit différente de la leur.

Thierry TOURNEBISE

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Bibliographie

Abbott, Edwinn A
Flatland 1884 http://www.ebooksgratuits.com ).

André, Christophe
-Etats d’âme – Odile Jacob, 2009

Descartes, René
-
Descartes, Œuvres Lettres – La recherche de la vérité par la lumière naturelle –« Bibliothèque de la Pléiade » Gallimard – Lonrai, 1999  

Ginger, Serge
-La Gestalt, l’art du contact
  - Marabout, 2005

Jaspers, Karl
-Psychopathologie générale – PUF, 2000

Lao Tseu
-Tao Te King - Editions Dervy, 2000

Masquelier-Savatier, Chantal  
-Comprendre et pratiquer la
Gestalt-thérapie -

Noble, Denis  
La musique de la vie – la biologie au-delà du génome - Seuil 2007

Perls, Fritz  
-Manuel de Gestalt-thérapie
– ESF 2009

 Winnicott, Donald Wood
 -Jeu et réalité - Folio Gallimard-1975

Biographie de Friedrich Perls
http://www.le-dp.com/biographies/bioPerls.html

Publications citées dans cet article et présentes sur ce site

Le non-savoir source de compétence avril 2001
Assertivité
septembre 2001 
 Résilience novembre 2003
Validation existentielle
septembre 2008 
Ne plus induire de culpabilisation
novembre 2004 
ç
a, moi, surmoi, et Soi
  novembre 2005 
Le positionnement du praticien
décembre 2007 
Focusing  juillet 2007 
Psychopathologie
avril 2008
Abraham Maslow
octobre 2008

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