Répéter sans cesse que c'est à cause d'eux que nous avons des
problèmes, c'est nier notre propre capacité à prendre notre vie en main...
c'est louper sa propre individualisation, c'est rester un pantin geignard qui
n'est personne. Il ne faut pas confondre le fait de prendre soin de
l'enfant douloureux qu'on a été et entretenir de la rancœur envers les
parents.
Il n'y a pas que les caricatures. Chacun pense que
pour lui c'est fait, mais pas pour les autres. En réalité, de
nombreuses personnes se retrouvent comme des enfants quand elles vont rendre
visite à leurs parents. Cela ne dépend pas de leur volonté. C'est que le
processus d'individualisation n'est pas accomplit.
Plusieurs invitations à
l'individualisation:
La naissance:
Après 9 mois, individualisation forcée... sous peine d'un dangereux
terme dépassé! Ceci consiste tout de même à quitter un monde,
généralement, de plénitude continuelle. Il ne s'y trouve pas de manque.
Dès la naissance c'est l'expérience nouvelle de l'alternance de la
plénitude et du manque! Reste, pour compenser cela, une fusion psychologique
avec la mère jusque vers 5 ou 7 ans.
Vers 5 ou 7 ans: Se
trouvant un peu à l'étroit dans la fusion maternelle l'enfant s'éloigne
de celle-ci pour fusionner avec la famille
élargie. Le père, les frères
et sœurs prennent le relais en offrant une "couveuse" plus
vaste (familiale). C'est l'âge de "maman pousse
toi un peu". C'est douloureux pour la mère qui s'appuie
souvent, elle aussi, sur cette fusion pour compenser quelques-uns de ses manques.
L'adolescence:
La fusion familiale est à son tour trop étroite et l'enfant s'éloigne
de l'ensemble de sa famille pour rallier les copains (nouvelle couveuse)... et surtout entrer
dans la vie amoureuse. Celle-ci permet l'éloignement des parents avec une
compensation acceptable qui conduit au couple.
Le
couple: A ce stade une nouvelle fusion vient en principe
remplacer les anciennes. La nouvelle couveuse devient le conjoint et
permet de continuer avec un relatif confort sa route vers la maturité.
C'est la couveuse conjugale où chacun des deux couve l'autre dans son
immaturité. L'étape passionnelle est rarement une phase de maturité.
C'est cependant une exceptionnelle invitation à la rencontre d'un autre,
qui nous fera grandir par sa différence quand nous en prendrons
conscience dans la phase suivante.
Le milieu de vie:
Entre 40 et 50 ans, une nouvelle individualisation est proposée. Un
moment de crise aussi troublé que l'adolescence où on a ses propres
enfants adolescents et ses parents âgés... C'est une phase
d'interrogation où les valeurs de la vie évoluent vers un
"plus". Mais ce "plus" n'étant pas immédiatement
visible cette phase est souvent accompagnée de déprime.
Ce n'est plus l'état ancien... et pas encore l'état nouveau. Si tout se
passe bien c'est le passage à l'âge adulte
individualisé. Si ça se
passe mal, on se raccroche entre autres à la vie professionnelle qui vient
à son tour compenser l'immaturité. Mais dans cette couveuse
professionnelle, si la gestation est plus longue... elle a aussi un
terme...
La
retraite:
Le terme, ce n'est plus 9 mois mais 60 ans! Quand il n'y a pas
eu maturation, cette phase est comme une expulsion, non pas du milieu
utérin, mais du milieu professionnel. Si ce dernier était utilisé comme
une couveuse la surprise qui en résulte est tout aussi étonnante. Là
où on pensait que l'on serait bien il y a finalement le sentiment de ne
plus exister. Alors, diverses occupations viendront compenser la douleur de
celui qui résiste encore à l'individualisation. Vient alors parfois la
maison de retraite.
La maison de
retraite: C'est la réduction au minimum de toutes les
compensations habituelles. Ce pourrait être salutaire si c'était bien
accompagné. En l'absence de centres d'intérêt, c'est l'occasion d'une
grande qualité d'attention pour se
réapproprier les parts manquantes de sa vie (compléter les parts
restées manquantes dans le puzzle)
C'est le
moment de devenir entier, individualisé, ouvert à celui qu'on est,
à tous ceux qu'on a été et à ceux dont on est issu.
Mais mal accompagné ceci conduit par contre à
l'ultime refuge que constitue la démence. Quand ni l'attention ni les
fuites sont possibles reste la possibilité de se "débrancher". Afin
d'éviter cela, une grande qualité d'accompagnement est souhaitable pour les
personnes âgées qui n'ont pas (ou insuffisamment)
réalisé cette individualisation. A ce titre il est particulièrement
important de former
le personnel de maison de retraite.
Pour d'autres information lire
sur ce site l'article de mai 2001: Personnes
âgées -Autonomie, Dépendance, Santé mentale-