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La psyché accompagnée

les ressentis en psychothérapie

décembre  2021   -    © copyright Thierry TOURNEBISE

 

 

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L’accompagnement psychologique, souvent appelé « psychothérapie », peut prendre appui essentiellement sur trois orientations : soit la correction de dysfonctionnements (psychologie des maladies, ou psychopathologie), soit la mobilisation de ressources (psychologie de la santé), soit l’accompagnement de justesses à l’œuvre (psychologie de la pertinence).

Des personnes qui s’intéressent à la psychothérapie, et qui n’ont jamais vécu de séances, se demandent ce qui peut bien se passer au cours de celles-ci. D’autres, qui en ont l’expérience, ne connaissent pas forcément ces trois orientations.  Cette publication ne prétend aucunement apporter toutes les réponses. Elle propose juste de lever un peu le voile sur cet événement si particulier de l’entretien psy dans le cas spécifique de la psychologie de la pertinence, en utilisant la maïeusthésie. Que se passe-t-il au cours d’une telle séance ? S’agit-il de replonger dans les événements douloureux, ou s’agit-il plutôt de faire des rencontres salutaires ? Le processus est-il éprouvant, ou plutôt juste touchant ? Doit-on y évacuer des émotions pénibles, ou juste en accomplir l’expression qui était restée suspendue ? Ce chemin vers l’apaisement passe-t-il par des instants bouleversants ? etc…

En fait, certes le patient y éprouve des ressentis, et le praticien en éprouve aussi. Tout se joue en interaction. On ne peut pas dire qu’ « en général il se passe ceci ou cela », car il existe de très nombreuses possibilités appartenant à chacun. Généraliser ne serait pas raisonnable. Pourtant, il s’y trouve de la douceur, de la confiance, de l’alliance thérapeutique, de l’humour, de la bienveillance, de l’authenticité (congruence), de profondes subtilités, touchant aussi bien à la sphère personnelle qu’à celle de la famille (transgénérationnel), qu’à celle de l’humanité ou de la nature dans toutes les dimensions et toutes les époques (transpersonnel). De plus le déroulement se passe souvent autour de quatre étapes clairement identifiables

Sommaire

1 Un choix puis une prise de rendez-vous
-Choix de l’approche, choix du praticien – Le rendez-vous

2 La séance de thérapie en maïeusthésie
- Confidentialité, confiance, profondeur – Alliance, partenariat – Ni gravité ni légèreté, humour sans dérision – Pertinence, délicatesse – Des résultats… sans pour autant en attendre !

3 Conseils majeurs de praticiens ou philosophes connus
- Sándor Ferenczi – Sénèque et la complétude- Stanislav Grof – Abraham Maslow – Carl Rogers – Rollo May – Frans Veldman – Sigmund Freud – Carl Jung

4 Nuances fondamentales en maïeusthésie
- Approche par le mémorial plus que par la mémoire – Accompagnement des justesses plutôt que corrections des dysfonctionnements – Simple restauration d’un état communicant – Rejoindre une finalité

5 L’attention du praticien en maïeusthésie
- Une attention consacrée aux Êtres – Panorama sans images et protagonistes en interaction – priorité à l’Être émergeant – Des fondements archétypaux – sensibilité aux pertinences à l’œuvre

6 Ressentis du patient en séance de maïeusthésie
- Symptômes – Ressentis au cours de la séance

7 Ressentis du praticien
- En début de séance – Réjouissance et proximité – Émotionnel, tact psychique et résonnance – Quand le patient montre des « résistances »

8 Les interactions praticien/patient/Êtres émergeants
- Connivence entre le praticien et l’Être émergeant – Aller vers quoi, vers qui, comment ? -  Accompagner les justesses en cours – Les repères dans le guidage non directif

9 Phénomène de réjouissance
- Oser l’ontique – Accroître l’acuité pour différencier les « faits » et les « Êtres » - Réjouissance naturelle – Réjouissance thérapeutique  

10 Différentes séquences d’une séance
- Identification – Moment thérapeutique – Vérification – Honorer le porteur de symptôme - Gratitude

Bibliographie
Bibliographie du site

avec aussi:
Un exemple de séance 
entièrement retranscrite en vidéo
(vidéo de juin 2018)

1    Un choix, puis une prise de rendez-vous

1.1    Choix de l’approche, choix du praticien

Il n’est pas aisé pour un patient d’avoir le discernement lui permettant de choisir ce qui lui convient. De plus il y a tant d’approches différentes que rien que le choix de celle-ci n’est pas une mince affaire. Il n’est pas certain non plus que le prescripteur (soignant ou médecin) qui invite à consulter un psy en ait forcément l’expertise.

Pour faciliter son approche, le patient peut se demander :

-s’agit-il d’un dysfonctionnement à corriger ?
-d’une ressource manquante à mieux mobiliser ?
-d’une pertinence à l’œuvre qui réclame un accomplissement peinant à se réaliser ?

Il se trouve que ces questions ne sont pas anodines, car il n’est pas rare que la notion de dysfonctionnement (notion culturellement la plus courante) soit généralisée, alors qu’il s’agit le plus souvent de ressources à mobiliser ou de pertinences à accompagner.

Ce qui est certain, comme le choix n’est pas aisé, c’est que l’impression dès le premier entretient doit être déterminante ! S’il y a un sentiment d’injustesse, il est plus raisonnable de ne pas poursuivre et de se mettre en quête d’une autre approche. Non pas que celle choisie soit mauvaise, mais sans doute ne convient-elle pas dans ce cas ou pour ce patient.

Quand le patient a choisi l’approche, il est aussi nécessaire de choisir le praticien. Là aussi, l’impression dès le premier entretien est déterminante. S’il ne se sent pas à l’aise avec ce praticien, inutile de poursuivre (celui-ci est sans doute compétent, il a sans doute reçu la bonne formation, mais sa façon de la mettre en œuvre ne convient pas au patient). Dans ce cas il s’agit d’en chercher un autre, avec lequel il sentira cette juste correspondance en accomplissement.

Seul inconvénient : c’est que si on choisit de consulter, c’est justement qu’on ne se sent pas bien ! Il est alors plutôt difficile, voire nocif (et aussi coûteux en temps et en argent), de multiplier les tentatives infructueuses. D’où l’idée d’un bon repérage préalable : lectures, conseils, amis qui connaissent etc., sans oublier ses propres intuitions.

1.2    Le rendez-vous

Dès le premier contact au téléphone, le patient qui prend rendez-vous a déjà une précieuse impression. Il doit aussitôt se sentir entendu, compris, respecté dans ce qu’il éprouve, dans ce qu’il demande. Dès ce premier contact téléphonique il éprouvera un sentiment de justesse, de bienveillance, de prise en compte de ce qui le préoccupe.

Bien sûr, cela est très court et n’est en aucun cas un début de psychothérapie. Une grande part de ce qui se passe se joue essentiellement en implicite, en paralangage, en intonations, au cours de ces une ou deux petites minutes passées au téléphone. « Petites », mais importantes. Celles-ci ne sont pas la psychothérapie, mais curieusement, elles en font en fait déjà partie, et donnent le ton pour ce qui se passera lors de l’entretien : elles engendrent une prédisposition.

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2    La séance de psychothérapie en maïeusthésie

Je ne peux décrire ce qui se passe dans des séances d’autres types de thérapie (psychocorporel, psychanalyse [freudienne ou junguienne ou lacanienne], gestalt-thérapie, PNL, psychodrame, holotropique, constellations familiales, sophrologie, EMDR, etc.). Il appartiendra aux praticiens de ces approches d’apporter les renseignements souhaités par les patients. Je ne peux ici évoquer que ce qui concerne la maïeusthésie dont j’ai l’expertise (même si bien des éléments se retrouveront aussi dans d’autres approches).

2.1    Confidentialité, confiance, profondeur

Après la prise de rendez-vous, voici le moment de l’entretien. Il y aura toujours l’assurance d’une parfaite confidentialité* de ce qui est partagé dans le cadre du cabinet. Cela vaut pour tout type d’approche. Cette assurance permet d’aborder en tout sécurité les situations le plus intimes, au moment qui semble le plus juste pour le patient. Bien sûr la confidentialité ne suffit pas pour apporter pleinement cette sécurité.

*Sauf en cas de nécessité, et toujours avec l’accord du patient (exception faite des situations juridiques où un signalement est imposé par la loi... et par l’éthique. Mais en ce cas la situation mérite tout de même une extrême délicatesse, car au-delà des sanctions il y a la réinsertion et la sécurisation à long terme).

En maïeusthésie, on ne trouve pas de longue approche d’anamnèse pour identifier quoi que ce soit et envisager un projet de thérapie. L’entretien débute dès le premier instant, dès les premiers mots, et se poursuit naturellement dans la direction émergeante. Il y a toujours l’assurance qu’aucun jugement ne sera porté envers qui que ce soit (soi-même ou ceux dont le patient se plaint), mais que chacun des ressentis de tout Être sera entendu et respecté à sa juste mesure. Nous n’y trouverons aucune incitation, ni à la colère, ni au pardon, mais une juste libération de la rancune et une pleine validation de ce qui été éprouvé, ainsi que des raisons de chacun.

Les questions du praticien porteront plus sur les ressentis que sur les faits, et le cheminement gagnera ainsi rapidement en profondeur. Par exemple ce ne sera pas : « Que s’est-il passé ? », mais plutôt « Quand cela s’est passé comment l’avez-vous vécu ? ». Ce ne sera pas non plus « C’était qui ? » mais « Mettez votre attention sur lui ! ». Et l’on découvre les ressentis au fur et à mesure d’un déroulement naturel, où toute hésitation (voire réticence) est parfaitement respectée, où il n’est pas forcément utile d’avoir des détails factuels pour l’efficience de la séance. Ce sont des Êtres que l’on rencontre, et non des faits que l’on explore ou analyse.

2.2    Alliance, partenariat

L’accompagnant et l’accompagné doivent immédiatement sentir un cheminement en équipe. Ils sont dans une même démarche, vers ce que la Vie exprime à travers ce qui est éprouvé. La proximité est de l’ordre du tact psychique, profondément concerné par la justesse de ce qui s’accomplit ou qui se révèle. Proximité du praticien avec le patient, mais aussi et surtout avec ce qui, en lui, émerge et attend d’être rencontré, reconnu, validé.

Proximité, écoute, prise en compte, ajustements permanents. Le patient a l’assurance que chacun de ses pas, chacun de ses propres mots, sont habités de justesse concernant ce qui s’exprime en lui. Le praticien en reprend l’énoncé ou l’expression en le précisant, sans jamais le déformer... et quand bien même cela arriverait qu’il y ait dissonance, le patient sait qu’il a toujours la main pour rectifier, fort de la bienveillante gratitude du praticien qui lui est toujours reconnaissant d’ajuster la trajectoire. 

2.3    Ni gravité ni légèreté, humour sans dérision

Rien n’est abordé avec gravité. Nul besoin d’alourdir quoi que ce soit. Rien n’est abordé avec légèreté non plus. Nul besoin du moindre dénigrement de ce qui est éprouvé. Tout est abordé hors du champ de la gravité, sur un plan profondément existentiel, prenant en compte l’Être qu’est le patient avec ses ressentis, ainsi que les ressentis de tous ceux qu’il évoque au cours de la séance.

Il peut se glisser de l’humour par opportunité, qui jamais ne niera quoi que ce soit, mais qui rappellera combien ce qu’il y a de plus sacré en soi attend d’être rencontré avec une indéfectible délicatesse, mais sans détours et sans précautions invalidantes. Le langage y est doux, mais direct*.

*Vous pouvez lire sur ce site la publication de septembre 2018  « Incontournable délicatesse et outrancières précautions »

2.4    Pertinence, délicatesse

Il y a accompagnement des pertinences qui s’expriment chez le patient. En aucun cas nous ne trouvons ici la recherche de dysfonctionnements, d’erreurs à corriger, de mal à chasser. L’expertise du praticien se place vers les pertinences à l’œuvre dans la psyché du patient. Il en accompagne délicatement l’accomplissement.

La délicatesse est un principe majeur de cette approche (et sans doute de beaucoup d’autres). Il importe de différencier « précautions » et « délicatesse ». La délicatesse c’est la généreuse considération. La précaution c’est la peur d’une maladresse avec, en sous-entendu, une fragilité supposée de ce qu’on rencontre. Or ce qu’on rencontre n’est pas si fragile : c’est la Vie. La Vie, le sacré qui la constitue, attendent d’être rencontrés avec une confiance en leur inestimable dimension, en leur socle existentiel indéfectible.

2.5    Des résultats… sans pour autant en attendre

Bien que l’esprit de la démarche ne soit pas d’attendre des résultats (juste d’accomplir ce qui est en cours), des résultats vont souvent se produire dès le premier entretien. Une sensation de mieux être, de validation, de compréhension, mais surtout que ce qui est en soi a désormais une juste place. De nombreuses tensions sont apaisées. Il se peut même que le symptôme initial qui a conduit à consulter ne soit plus là. Attention cela ne signifie pas qu’il soit « guéri » car ce n’était pas une maladie. Il a juste cessé d’être nécessaire, car la finalité vers laquelle il pointait en vue de réhabilitation ou de déploiement a été accomplie.

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3    Conseils majeurs de praticiens ou philosophes connus

Avant d’aborder ce qui se passe dans une séance, il peut être intéressant de parcourir les points de vue de quelques psys qui nous ont légué un regard sur la psyché, sur la psychothérapie, sur la posture des praticiens, sur ce qui peut faciliter une thérapie et sur ce qui risque de la rendre moins efficiente.

3.1    Sándor Ferenczi

Psychanalyste contemporain de Freud.

3.1.1    Le tact psychique

Il fut auteur du « Einfühlung » (avec Theodor Lipps). Ce mot allemand a initialisé la notion d’empathie en tant que « tact psychique » où « fühlen » signifie « tact psychique » (un peu comme le « feeling » anglais). Il énonça cette notion avant Carl Rogers, à qui nous devons aussi beaucoup.

Il est généralement entendu qu’être « empathique » c’est faire preuve d’humanité. Tout le monde est plus ou moins d’accord sur ce point. Mais contrairement à ce qui est trop souvent compris, il ne s’agit pas pour être empathique de se « mettre à la place de l’autre », mais d’« être touché par qui il est » et ouvert à ce qu’il éprouve.

En effet, en se mettant à sa place (à supposer que cela soit possible), nous n’aurions accès qu’à « nous-même à sa place »… et toujours pas à « lui à la sienne » ! Ainsi nous ne gagnerions ni en clarté, ni en humanité, car dans une situation identique au niveau des faits, tout le monde n’éprouve pas forcément la même chose. Comprendre ce que l’on éprouverait à sa place, ne nous renseigne pas sur ce qu’il éprouve à la sienne, même en étant très attentif à ses références. Nous ne parvenons déjà même pas à nous mettre à la place de celui que nous serons nous-même dans un événement futur… alors à la place d’un autre !!!

Nous retrouvons aussi cette notion de « tact psychique » dans l’haptonomie de Frans Veldman. Nous reviendrons longuement sur cette notion de « être touché » si différente de « être affecté ».

3.1.2    Les inutiles recrudescences

Outre la notion d’empathie, Sándor Ferenczi fit une remarque très intéressante en lien avec les traumas :

Nathalie Zajde, citant Ferenczi : « A quoi bon réveiller les vécus douloureux si c’est pour leur conférer une nouvelle recrudescence ? » (ibid. p.182,183).

Il semble bien qu’il se soit préoccupé du confort de l’entretien pour le patient et de son efficacité : remuer sans cesse une situation douloureuse ne conduit pas à un apaisement. Puisque c’est assez pénible, il aurait été sympathique au moins que ce soit utile ! La sensibilité de Ferenczi est très touchante, et sa volonté d’épargner des peines superflues au patient l’est aussi.

Or nous allons découvrir qu’il y a moyen d’accomplir un apaisement de la psyché sans passer par de trop grandes turbulences, sans engager de « recrudescences », tout en abordant l’essentiel sans détours.

3.1.3    Ne pas remuer le couteau dans la plaie

En effet, revenir sans arrêt sur les moments traumatiques de sa vie peut conduire à se refaire une blessure à chaque fois, sans pour autant se libérer de quoi que ce soit.

Il s’agit en fait de ne pas confondre l’incontournable discours initial sur le trauma (zone nécessaire de defusing [désamorçage du choc] avec une parole souvent abondante) et la rencontre tranquille de celui que nous étions lors de ce trauma qui reçoit alors une écoute, une présence et une reconnaissance salutaires. En effet, il ne s’agit surtout pas de « trifouiller » la blessure, il s’agit plutôt de pleinement rencontrer l’Être blessé que nous avons été, de ne plus le laisser seul avec sa peine, de lui offrir notre présence et notre considération bienveillantes.

3.1.4    Quand la psyché devient «deux »

Sándor Ferenczi a bien pointé ce clivage de la psyché lors du trauma. Tout l’enjeu consiste alors à la réunifier pour retrouver une complétude.

« Une partie de l’être reste en éveil tandis que l’autre, la partie sensible, disparaît littéralement sous le choc […] il est devenu deux, […] » (Nathalie Zajde (2012, p.180,181).

3.2    Sénèque et la complétude

Philosophe du premier siècle, Sénèque n’était pas un psychopraticien, mais il avait si bien pointé la notion de complétude de la psyché comme source de vie. Dans son ouvrage « De la brièveté de la vie » il évoque que la vie n’est pas longue du fait de sa durée, mais du fait qu’on n’en a rien retranché :

« La vie n’est pas trop courte, c’est nous qui la perdons » (I.1, p.101)

Il évoque ceux qui passent leur vie à compenser plutôt qu’à vivre vraiment :

« Leur esprit est encore dans l’enfance quand la vieillesse les accable : sans préparation ni défense, voilà comment ils y parviennent » (IX-3, 2005, p.117).

Quant à ceux qui ont su mener une existence sans rien y retrancher d’eux-mêmes, ceux qui sont en la complétude, il évoque combien leur vie est remplie :

« Toutes les années antérieures à eux leur sont acquises […] Aucun siècle nous est interdit » (XIV-1 ; ibid., p.127), « […] la nature nous admet dans la communauté du temps tout entier. » (XIV-2 ; ibid.,p.127).

« C’est le propre d’un grand homme, crois-moi, et qui s’élève au-dessus des erreurs humaines, que de ne rien soustraire de son temps. » (VII-4, p.113)

D’une certaine façon, c’était un écologiste avant l’heure, mais il ne parle pas en « empreinte carbone », mais en « empreinte existentielle » (ce qui finalement est encore plus subtil et tout aussi efficace si l’on considère son propre temps de vie et celui des autres aussi) :

« Nous vivons en achetant et en jetant. Mais ce que l’on dépense vraiment, c’est le temps de notre vie. Parce que quand j’achète quelque chose ou que, toi, tu achètes quelque chose, tu ne l’achètes pas avec de l’argent, tu l’achètes avec le temps de vie que tu as dépensé pour gagner cet argent » (p.19).

3.3    Stanislav Grof*

Médecin psychiatre (né en 1931), auteur de la thérapie transpersonnelle et de l’approche holotropique.

3.3.1    Le symptôme

Pour Stanislav Grof le symptôme doit être respecté car il est un moyen par lequel l’organisme optimise quelque chose en lui afin de préserver l’accès à un meilleur équilibre :

« L’apparition de symptômes ne représente donc pas seulement un problème, mais également une opportunité thérapeutique ; cette découverte constitue la base de la plupart des thérapies expérientielles » (Grof, 2010, p.87).

« Selon ce point de vue, toute tentative pour dissimuler ou soulager des symptômes devrait être considérée non seulement comme une fuite devant le problème, mais encore comme une interférence avec les tendances spontanées à la résolution de l’organisme » (Grof, 1996, p.389).

3.3.2    L’ouverture à la vastitude

Grof ouvre le champ de la dimension transpersonnelle, et ne limite pas l’investigation à la biographie ou à l’histoire familiale. D’une certaine façon nous sommes baignés dans la Vie et la Vie à la fois nous entoure et nous constitue. Nous sommes ainsi concernés par un « au-delà de Soi » qui fait aussi partie de Soi.

« On constate avec ironie – et c’est là l’un des paradoxes de la science moderne – que les expériences transpersonnelles, qui jusqu’à très récemment étaient qualifiées de psychotiques, possèdent un potentiel curatif supérieur à ce que la psychiatrie allopathe contemporaine offre » (Grof, 1996, p.383).

« Le thérapeute et le client doivent avoir une plus grande confiance en la sagesse de l’organisme du patient qu’en leur propre jugement intellectuel. L’expérience sera d’une nature curative s’ils supportent la découverte naturelle du processus et s’ils coopèrent intelligemment avec lui […]. » (Grof, 1996, p.397).

3.4    Abraham Maslow

Docteur en psychologie (1908-1970), un des initiateurs de la psychologie humaniste et existentielle.

3.4.1    Dimension ontique (existentielle)

Il privilégie la dimension existentielle dans laquelle se trouve ce qu’il appelle les « besoins ontiques » (besoins de reconnaissance, de beauté, d’amour, d’harmonie, de justesse… etc.), qui sont selon lui un fondement :

« La privation des besoins fondamentaux est susceptible, on le sait, de créer des maladies à ranger dans la catégorie des maladies " carentielles" » (Maslow 2006, p.43).

« D’ailleurs d’autres impressions, plus vagues encore, me dictent que la communication facilitée par l’usage de la langue ontique s’accompagne d’une grande intimité avec l’interlocuteur, du sentiment de partager des loyautés communes, d’œuvrer pour un même objectif, d’être en ˝sympathie˝, de ressentir comme un lien de parenté avec lui, d’en être en quelque sorte coresponsable » (2006, p.273)

Il a confiance en la justesse qui se trouve en chacun :

« Nous en arrivons à ce paradoxe que nos instincts humains, du moins ce qu’il en reste, sont si faibles qu’ils doivent être protégés contre la culture, contre l’éducation, contre l’apprentissage – en un mot contre le risque d’être étouffés par l’environnement. » (2008, p119).

 « Une personne qui se soumet volontiers aux forces de distorsions présentes dans la culture (c'est-à-dire un sujet conforme aux normes établies) peut parfois se révéler moins saine qu’un délinquant, un criminel ou un individu névrosé prouvant par ses réactions qu’il possède suffisamment de courage pour défendre son intégrité psychique » (ibid. p.111).

Il va même assez loin en dénonçant l’impact dangereux des regards négatifs posés sur l’homme, érigés en vérités non justifiées :

« Toute croyance qui incite les hommes à se méfier d’eux-mêmes et des autres sans nécessité et à douter sans fondement des possibilités humaines, doit être considérée partiellement responsable des guerres, des rivalités entre les races et des massacres perpétrés au nom de la religion » (Maslow, 2008, p.107).

3.4.2    Le praticien est un conseiller vers le déploiement

Il ne prône pas la guérison de maladies, mais un accompagnement vers l’accomplissement de Soi, de ce que nous sommes déjà implicitement au plus profond de nous-mêmes. Ainsi, il n’y a pas à changer, mais à devenir pleinement qui l’on est vraiment :

« Ce que l’on devrait être est pratiquement identique à ce que l’on est au plus profond de soi […] L’être et le devenir sont côte à côte concomitants. » (Maslow, 2006, p.134)

« Je déteste le modèle médical qu’ils impliquent parce qu’ils présupposent que la personne qui vient consulter est malade, assaillie par la maladie, en quête de guérison. Nous espérons vraiment, bien entendu, que le conseiller sera celui qui pourra favoriser l’accomplissement des individus plutôt que celui qui aidera à guérir d’une maladie » (Maslow, 2006, p.72-73).

3.4.3    Compréhension au-delà du détail

Loin de s’attacher au détail des faits, il propose une vision élargie en vastitude, prenant en compte des éléments quasi archétypaux :

« Être capable de voir l’universel dans et à travers le particulier, et l’éternel dans et à travers le temporel et le momentané » (Maslow, 2006, p.137).

3.5    Carl Rogers

Psychologue humaniste (1902-1987) auteur de l’ACP (approche centrée sur la personne). Nous lui devons vraiment une dimension humaniste dans l’approche des thérapies.

J’ai connu son ami André de Peretti (1916-2017) qui me disait que la maïeusthésie aurait particulièrement plu à son ami Carl, me disant que j’étais finalement plus rogérien que les rogériens. André De Peretti a postfacé mon ouvrage « Le grand livre du psychothérapeute » dès qu’il en a pris connaissance.

3.5.1    Les résistances :

Carl Rogers remarque avec précision que les fameuses « résistances » du patient ne viennent pas du patient… mais de la malencontreuse façon d’œuvrer du praticien.

« …la résistance à la thérapie et au thérapeute n’est ni une phase inévitable, ni une phase désirable de la psychothérapie, mais elle naît avant tout des piètres techniques de l’aidant dans le maniement des problèmes et des sentiments du client. » (Rogers,1996, p.155).

En effet, quand il y a quelque chose qui ressemble à une résistance, ce n’est en aucun cas une « résistance », mais une précieuse indication pour le praticien que le chemin emprunté n’est pas juste, ou pas encore mûr. Le praticien a simplement à s’ajuster en fonction de cette indication, si bien qu’en fait il n’y a jamais de résistances, juste des indications. Ainsi, le parcours reste fluide.

3.5.2    Espace transcendé

Il se trouve qu’au cours de la thérapie il ne s’agit pas que de mots, de discours, d’analyse ou de faits, mais aussi d’une dimension spéciale assez difficile à définir :

« J’ai l’impression, que mon esprit est entré en contact avec celui de l’autre, que notre relation se dépasse elle-même et s’intègre dans quelque chose qui la transcende et qu’adviennent alors, dans toute leur profondeur, l’épanouissement, le salut et l’énergie » (Rogers, 2001, p.168-169).

J’ai connu André Botteman (psychologue), ami d’André De Peretti, qui rapporta dans la revue scientifique « Carriérologie » un intéressant propos de Brian Thorn (l’un des derniers disciples de Carl Rogers) :

« Est-il vrai que lorsqu’on entre dans une relation profonde on n’est plus conscient du temps et que l’on se retrouve dans une espèce d’éternité, quelque chose hors du temps ? Et qui nous permettrait d’embrasser, d’une certaine façon, la totalité des choses. »

(Botteman,  Carriérologie, p12, volume 09 3-4/10 ou https://docplayer.fr/21218797-Un-testament-de-carl-rogers.html
 UN TESTAMENT DE CARL ROGERS? – PDF Téléchargement Gratuit (docplayer.fr) page 453).

C’est l’accès à une telle dimension qui le conduisit certainement à remarquer que :

« Ce qui est le plus personnel est aussi ce qu’il y a de plus général. » (Rogers, 2005, p.22).

3.5.3    Empathie Confiance, Congruence,

C’est sans doute l’accès à cette dimension qui vint aiguiser l’idée d’empathie. Comme nous l’avons vu, pourtant le mot initialement utilisé par Sándor Ferenczi et Theodor Lipps, évoquait l’idée de « tact psychique ». Mais Carl Rogers nous donna plutôt « une écoute attentive des références de l’autre pour, en se mettant à sa place, mieux le comprendre ». Il voulait certainement parler de cette fameuse dimension transcendée où chacun perçoit l’autre.

Il proposa au praticien d’avoir une confiance inconditionnelle en son patient qui détient les clés des justesses qui sont en lui.

Enfin il invita le praticien à être en authenticité, à oser être, à ne rien mystifier. Ainsi il s’agit pour celui-ci d’être congruent (ne pas être incongru !).

Avec ces éléments, nous avons trois précieux conseils concernant la posture du praticien.

3.6    Rollo May

Rollo May était un psychologue également proche de Carl Rogers. Au-delà de sa participation à la psychologie existentielle, nous retiendrons un de ses propos qui en dit long en termes de conseils aux praticiens :

« Les principes techniques protègent les psychologues et les psychiatres de leurs propres angoisses. Mais par la même occasion, les techniques empêchent les psychologues et les psychiatres de comprendre le malade, elles l’isolent de sa présence pendant l’entretien, qui est essentielle pour comprendre la situation » (May, 1971, p.26).

Si les principes et protocoles peuvent sécuriser les praticiens débutants, ceux-ci ne doivent oublier qu’ils les éloignent du patient et altèrent la qualité de la thérapie, voire peuvent la rendre totalement inopérante, ou pire encore : néfaste.

La confiance évoquée par Carl Rogers, la justesse à l’œuvre dans le « devenir qui l’on a à être » évoqué par Abraham Maslow devrait aider le jeune praticien à se libérer du carcan des principes techniques.

3.7    Frans Veldman

Nous devons à Frans Veldman l’Haptonomie. La notion de « tact psychique « y est très présente, ainsi que la capacité d’émerveillement du praticien.

Voir en l’autre ce qu’il y a de meilleur et être sensible aux justesses qui s’accomplissent en lui. Voir en l’autre « le bon en lui », présent, et à venir (Veldman, 1989, p.45).

Dans l’émission « Le bébé est une personne » réalisée par Bernard Martino, diffusée en 1984 sur TF1,  Frans Veldman, à la demande du professeur Bertrand, est invité à accompagner une parturiente dont le bébé reste placé trop haut :
sur  Le bébé est une personne - A voir et revoir! • Émergence Harmonique (emergence-harmonique.fr)  ou sur
https://www.youtube.com/watch?v=3YzV-yWMVW0   Frans Veldman en 17mn (depuis 42 min jusqu’à 59 min)

Nous y voyons combien la délicatesse de l’accompagnement, le parti pris d’accompagner une justesse à l’œuvre, ainsi que le tact psychique, y sont opérants.

3.8    Sigmund Freud

Nous devons à Freud d’avoir eu l’idée de conscient et d’inconscient (et de préconscient). Nous lui devons d’avoir eu l’idée du « ça », du « moi » et du « surmoi » (qui sont hélas restées des notions un peu confuses en psychologie).

Pour faire simple : le « ça » est une source pulsionnelle qui prend sans réfléchir, le « moi » est source de stratégies pour obtenir le meilleur bénéfice avec le moins d’inconvénients, le « surmoi » vient tempérer les pulsions du ça et les stratégies du moi, pour rendre la vie sociale moins égoïste.

On peut dire que l’analyse freudienne est essentiellement une psychothérapie du moi (je suis désolé de cette simplification à laquelle les experts freudiens auraient sans doute bien d’autres commentaires à ajouter).

Bien que n’étant pas dans une thérapie humaniste ou existentielle, Freud n’en a pas moins proposé pour autant que le praticien doit être animé d’une neutralité bienveillante. Neutralité : capable de tout entendre sans jugements. Bienveillante : emplie de délicatesse et d’humanité. Cela a hélas souvent été mal interprété, jusqu’à être confondu avec « froideur distante ».

Il est même allé jusqu’à proposer au praticien d’apporter quelques succédanés d’amour :

« ...la collaboration du patient devient un sacrifice personnel qu'il faut compenser par quelque succédané d'amour. Les efforts du médecin, son attitude de bienveillante patience doivent constituer des suffisants succédanés » (Les névroses - l'homme et ses conflits" Chez TCHOU 1979 - p 68).

3.9    Carl Gustav Jung

Carl Jung nous fait bénéficier d’une notion qui va plus loin que le moi et le surmoi. Une dimension plus profonde et plus étendue émerge avec ce qu’il appelle le « Soi ».

Il nous ouvre ainsi la dimension existentielle et même transpersonnelle. S’il s’y trouve une intelligence analogue à celle du moi, elle s’exerce ici différemment, avec une générosité et une sensibilité naturelle, qui dépassent de loin les contraintes du surmoi.

La délicatesse et la conscience y sont spontanées, dans un déploiement de la vastitude capable de prendre en compte les autres Êtres, sans y être forcé artificiellement. Il s’agit juste d’un élan naturel.

« Le Soi embrasse non seulement la psyché consciente, mais aussi la psyché inconsciente et constitue de ce fait pour ainsi dire une personnalité plus ample, que nous sommes aussi […] » (1973, p.462). 

« Ma conscience est comme un œil qui embrasse en lui les espaces les plus lointains, mais le non-moi psychique est ce qui, de façon non spatiale emplit cet espace. » (p. 450).

On peut dire que la psychanalyse de Jung est une psychothérapie du Soi. Comme Carl Rogers, il commente les mythiques résistances comme venant plus de la mise en œuvre inadéquate des praticiens que des patients :

« Dans la littérature il est tellement souvent question de résistances du malade que cela pourrait donner à penser qu’on tente de lui imposer des directives, alors que c’est en lui que de façon naturelle, doivent croître les forces de guérisons » (Jung, 1973, p.157).

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4    Nuances fondamentales en maïeusthésie

Revenons à l’entretien en maïeusthésie.

Ce petit tour d’horizon est loin d’être exhaustif. J’aurais pu parler de Fritz Perls (Gestalt thérapie), Eugene Gendlin (Focusing), Gerda Boyesen (psychocorporel, psychologie biodynamique), Katie Byron (est-ce vrai ?!)…. Et bien d’autres ! Nombreux sont les praticiens qui ont eu des intuitions et des initiatives ingénieuses, souvent avec de belles pertinences.

Je laisse ce champ à votre recherche afin que celle-ci puisse s’accomplir en fonction de vos besoins, de vos intuitions et de vos inspirations.

Pour le moment, voici quelques points clés que nous trouverons en maïeusthésie, voici comment sont abordées les situations, comment se déroule une séance, ce qui y est éprouvé par le patient et par le praticien.

4.1    Approche par le mémorial plus que par la mémoire

Un point essentiel est que la mémoire (ce qui porte sur les faits) nous importe moins que le mémorial (ce qui pointe vers les Êtres qui ont vécu ces faits).

Ce que l’on appelle « mémorial » en maïeusthésie ce sont les ressentis récurrents qui sont « inconsciemment entretenus » par le patient, afin de ne pas perdre la trace des zones existentielles à réhabiliter dans sa psyché. Il arrive souvent que ce ressenti soit une « image » éloquente de ce qui a jadis été éprouvé, afin de recontacter celui qu’il était et qui en a fait l’expérience. Une fois recontacté, on peut l’accompagner et le valider dans un accomplissement salutaire.

Les manifestations (symptômes) sont ainsi précieusement respectées (ce qui plairait à Stanislav Grof !) et l’accompagnement se fait sans recrudescences émotionnelles (ce qui plairait à Sándor Ferenczi). Enfin la dimension existentielle et humaniste y est toujours présente (dans l’esprit de Rogers, Maslow, Jung).

4.2    Accompagnement des justesses plutôt que correction des dysfonctionnements

Tout au long de la séance, le praticien ne porte pas son attention sur des dysfonctionnements, mais des pertinences. Il ne s’agit pas d’identifier « Qu’est-ce qui se passe de travers ? », mais de questionner « En quoi est-il juste qu’il en soit ainsi ? Pour accomplir quelle réhabilitation ? Quelle rencontre salutaire ? ».

Le fil des propos et des ressentis permet de se rapprocher de ce point de rencontre vers lequel le symptôme initial et la succession des éprouvés nous conduisent.

Il importe de comprendre que le symptôme n’est pas là « à cause d’un trauma », mais « spécialement là pour qu’on puisse prendre soin de celui qui a vécu ce trauma ».

L’idée n’est pas « d’être positif » à tout prix, mais de se préoccuper des Êtres (toujours inestimables) plutôt que des circonstances (plus ou moins blessantes). Il en résulte une douceur naturelle, quand bien même les zones de la psyché qui sont abordées correspondent à des zones de vie tragiques sur le plan événementiel. Les circonstances ne sont pas revécues. Ainsi les recrudescences ou les reviviscences sont épargnées (Ferenczi s’en réjouirait !). En revanche celui qui les a vécues, lui, n’est plus seul, il est rencontré, validé dans ses éprouvés. De cette validation résulte un apaisement immédiat.

4.3    Simple restauration d’un état communicant

« Être communicant », c’est juste « être ouvert » (pareillement aux pièces communicantes qui ont juste une ouverture entre elles). Une telle ouverture (d’esprit) permet à des Êtres d’échanger, de se comprendre, et de s’enrichir réciproquement de ce partage.

Quand on ne peut être communicant (par sécurité ou protection), alors, faute de pouvoir rencontrer l’autre, on s’y attache. Soit de façon positive par une plaisante fascination, soit de façon négative par des reproches ou des pensées obscures. Grâce à cet attachement, nous garantissons ainsi une rencontre ultérieure avec cela que nous ne risquons plus de perdre. Même si cela entrave la liberté, cela préserve une complétude à venir.

Il en va de même dans la psyché. Celui que l’on est, est en principe ouvert à tous ceux qu’on a été, tous ceux dont on est issu etc. 

Quand il y a eu des zones chargées émotionnellement, l’état communicant se ferme. Il se crée alors un état relationnel (de lien). Le lien entre celui qu’on est et celui qu’on était est alors assuré par le symptôme qui joue ici un de ses rôles essentiels (mémorial).

Finalement une thérapie revient simplement à restaurer un état communicant (ouverture) au sein la psyché, qui était passé en mode relationnel (clivages puis liens) avec certains des éléments qui la constituent.

Et il se trouve que « l’élan de complétude du Soi » porte vers cet état communicant qui est comme une finalité qui attend de s’accomplir. En attendant cet accomplissement, les « ligatures relationnelles » garantissent de ne rien perdre de Soi.

Le praticien est censé accompagner cet accomplissement en cours (cela aurait certainement satisfait Abraham Maslow dans son idée de « devenir qui l’on a à être ».

4.4    Rejoindre une finalité

Le praticien ne cherche pas… il se laisse conduire vers ce qui émerge en vue de restaurer la complétude. Il ne cherche pas ce qui se cache, il s’ouvre à ce qui se manifeste*, à ce qui attend qu’on le rencontre. Tout se passe comme si une finalité attendait d’être rejointe.

*Publication de janvier 2019   « S’ouvrir à ce qui appelle, et non chercher ce qui se cache »

Cette sorte de « futur qui nous attend » peut sembler surprenante. Pourtant, au cours de la thérapie, tout se passe comme si « passé », « présent » et « futur » étaient contemporains les uns des autres (comme nous le signalait Brian Thorn en évoquant les propos de Carl Rogers).

Etienne Klein , physicien et philosophe des sciences, nous signale, qu’à ce jour, la science ne permet pas de trancher sur le fait que le futur existe déjà dans le présent ou existera seulement plus tard en fonction de ce présent. Il nous précise que la conception du temps n’est pas forcément linéaire.

Etienne Klein Le futur existe-t-il déjà dans l’avenir ? vidéo.

Certaines personnes ayant fait une expérience de mort imminente (EMI) nous rapportent qu’ils ont « vu » toute leur vie en même temps (tous ceux qu’ils ont été et tous ceux qu’ils ont rencontrés, avec tous les ressentis de chacun).

Le mathématicien Edwin Abbott (auteur de Flatland - 1884) nous explique comment en étant dans une dimension supplémentaire on voit tout à la fois, sans besoin de durée.

Quoi qu’il en soit, au cours d’une séance en maïeusthésie, il y a ce sentiment de contemporanéité, de finalité qui attend d’être rejointe, qui se manifeste par des symptômes et des ressentis. Cela se fait de façon naturelle, en toute simplicité et avec délicatesse.  

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5    L’attention du praticien en maïeusthésie

5.1    Une attention consacrée aux Êtres

Une des caractéristiques de l’entretien en maïeusthésie est que l’on accorde plus d’attention aux Sujets, aux Êtres, qu’aux faits, à l’histoire et à l’événementiel. Cette dernière n’est aucunement ignorée et peut éventuellement être abordée si le patient en éprouve le besoin (ce qui est parfois nécessaire quand il n’y a jamais eu d’écoute à ce sujet).

L’essentiel de l’attention du praticien en maïeusthésie est cependant essentiellement tourné vers celui qu’est le patient au cours de l’entretien, et surtout vers ceux qu’il a été et qui ont éprouvé des faits marquants… mais pas vers ces faits eux-mêmes. Cela peut aller jusqu’à des accompagnements où les faits n’ont même pas besoin d’être évoqués du tout. Par exemple :

-Mon enfance a été difficile  

« Ça a été difficile pour l’enfant que vous étiez ? »
- Oui.

« Ok- Vous y pensez souvent ? »
-Oui.

« D’accord - Mettez votre attention sur lui ! »
(Le patient met l’attention vers celui qu’il était).

« Bien- Comment vit-il ce qui se passe ? »
-Il en souffre.

« Ok - Demandez-lui comment est sa souffrance ! »
-Extrême.

« (validation non-verbale) - Dites-lui "Ta souffrance est extrême !?" »
(Le patient le fait intérieurement ou verbalement)

« Ok - Comment se sent-il ? »
-Apaisé.

« Très bien - Et vous ? »
-Plus tranquille.

« D’accord - Comment est votre symptôme initial ? » -
-Je ne le ressens plus.

Voici un déroulement simplifié, aboutissant directement, où l’évocation des faits est totalement absente. Il peut arriver que cela se produise ainsi.

Souvent nous trouverons des sinuosités, des méandres, des ajustements multiples en cours d’entretien qui ne se réalisera pas d’une façon aussi directe. Parfois il s’y glissera des évocations factuelles qui aident à prendre la mesure de ce qui a été éprouvé.

Mais nous noterons que c’est celui qu’on était qui nous renseigne sur la nature de son vécu et non celui qu’on est aujourd’hui qui l’évalue. Il est fréquent que celui que nous sommes aujourd’hui ait un regard différent de celui que nous étions (tout a été « remasterisé »). Or c’est le vécu de celui que nous étions qui importe et qui doit être validé, pas ce que nous en pensons aujourd’hui. Quand les faits ne sont pas évoqués, cela aide à ne pas avoir une opinion préfabriquée au sujet de ce vécu jadis ressenti.

5.2    Panorama sans images et protagonistes en interactions

L’idée est justement de tendre vers une décontextualisation événementielle, pour ne garder que les protagonistes qui interagissent entre eux.

Nous sommes alors face à une sorte de « panorama sans images », une « scène » juste avec des Êtres qui s’ouvrent, se ferment, se protègent, se cherchent, se rapprochent, s’éloignent, revendiquent, se déploient, etc.

Nous pouvons par exemple y trouver celui qu’est le patient aujourd’hui, celui qu’il était quand il était enfant, celui qu’était son père à cette époque, mais aussi celui qu’était son père quand il était lui-même enfant, ainsi que celle qu’était sa grand-mère quand elle perdit un de ces enfants, ainsi que cet enfant qu’elle a perdu... Tout le monde est là et se cherche, se protège, interagit du mieux qu’il peut vers sa juste place au sein de la psyché (pour ne pas dire « au sein du monde »), et assurer de la meilleure façon possible Vie et survie.

Tout se passe comme une sorte de chorégraphie qui se danserait sur une musique de la Vie. Le praticien accompagne ce mouvement naturel à travers lequel les connexions tentent de se faire, les rencontres de s’accomplir, les déploiements de se réaliser, les reconnaissances de se produire… tout cela sur un fond de délicatesse qui fait que rien n’est forcé, rien ne se produit si ce n’est pas prêt.

Curieusement, tout y est contemporain, dans un mouvement de pertinence, et tout va naturellement vers une finalité qui attend d’être rejointe.

5.3    Priorité à l’Être émergeant

Ce que veut le patient est une chose. Souvent, il souhaite se débarrasser du symptôme qui l’importune. Il en fait généralement une priorité et c’est ce qui motive sa prise de rendez-vous. Il est vrai que pour se sentir mieux, il sera juste qu’il en soit libéré et c’est ce qui se passera en fin de thérapie, parfois même à la fin d’une seule séance.

Pourtant le praticien ne se précipite pas sur ce souhait du patient. Il entend son inconfort, en facilite l’expression de façon subtile. Mais il va se servir de ce ressenti pour l’accompagner vers ce qui, en lui, appelle son attention en vue d’être rejoint et de lui apporter plus de complétude.

En fait, la source de ce symptôme n’est pas un trauma à revisiter, mais celui qu’il était lors de ce trauma qui a besoin de reconnaissance (de qui il est) et de validation (de ce qu’il a éprouvé). Dès que cela est accompli, le symptôme cesse, non pas parce qu’il est guéri (ce n’est pas une maladie) mais parce que le signal qu’il représente a cessé d’être nécessaire.

Ce qui est priorisé pour le praticien, c’est cet Être émergeant qui appelle l’attention du patient à travers le symptôme. Le praticien se retrouve ainsi pareil à une sorte de médiateur, de facilitateur entre le patient présent et celui-ci. Le praticien est particulièrement en alliance avec cet Être émergeant, mais en profond respect de toutes les hésitations du patient, s’il a la moindre réticence.

Dès la prise de rendez-vous, il faut savoir que c’est cet Être émergeant qui, grâce à la pulsion de Vie, se manifeste sous forme de symptôme en vue d’une reconnexion. Il appelle ainsi la conscience du patient afin que celui-ci puisse aller vers plus de paix et de complétude.

Quand je dis « il appelle la conscience du patient », je personnifie cet Être émergeant et cela peut sembler excessif. Nous dirons plus modestement, « tout se passe comme si cet Être émergeant appelait la conscience du patient » ; « Tout se passe comme s’il était là ». Ce qui est objectivable, en revanche, c’est que quand la reconnaissance et la validation sont accomplies... le symptôme (manifestation psychique ou psychosomatique) disparaît souvent très rapidement.

5.4    Des fondements archétypaux

Grâce à ce panorama sans images (décontextualisation*) et la présence de ces protagonistes en contemporanéité, nous avançons très vite vers les justesses en cours d’accomplissement.

*Voir sur ce site la publication d’avril 2020 « Décontextualisation »

Cela est encore facilité par la connaissance de ce que j’appelle les « archétypes existentiels » ou « structures dynamiques invariantes ».

Un archétype, c’est étymologiquement un « type archaïque » (c’est-à-dire premier, initial). Une structure, c’est un assemblage cohérent, dynamique parce qu’en mouvement, et invariant car il se passe toujours la même chose.

Ici dans le cas de la psyché, nous aurons toujours des clivages par sécurité, des compensations pour étayer en attendant la remédiation… Puis un élan vers une remédiation (rétablissement de l’état communicant, vers la complétude de Soi) ou vers un déploiement (devenir qui l’on a à être). Le tout sur un fond de continuelle pertinence (cela se déroule avec beaucoup de justesse).

Quand le praticien « regarde » ce « panorama sans image » et ces protagonistes en interaction, il y reconnait les éléments archétypaux*, sans avoir besoin de s’appesantir sur les multiples détails événementiels. Cela facilite grandement l’accompagnement par rapport à une approche où l’on irait analyser ce qui s’est passé en raisonnant en termes de causes et d’effets.

*Voir sur ce sur ce site la publication de novembre 2019 « Archétypes existentiels »

Ici, il s’agit non pas de causes et d’effets, mais d’élans vers une finalité qui attend d’être rejointe. Le futur fait partie de l’aventure et contribue en quelque sorte au présent dont il est aussi un peu la source... du moins tout se passe comme s’il en était ainsi… et cela fonctionne.

5.5    Sensibilité aux pertinences à l’œuvre

Nous venons largement de voir combien l’idée de pertinence est essentielle. En maïeusthésie, l’expertise du praticien vise ces pertinences et non des dysfonctionnements. Nous avons là une particularité fondamentale de cette approche.

Notre culture nous a habitués à détecter les erreurs pour les corriger (notre scolarité a été emplie de cela !). En certains cas cela peut être très utile : en recherche scientifique, en architecture, dans l’industrie, dans un raisonnement mathématique, etc.

Tout au contraire, en maïeusthésie, non seulement il n’est pas nécessaire de chercher les dysfonctionnements, mais cela y serait indésirable. Nous y détectons essentiellement les pertinences pour les accompagner. La question qui se pose n’est jamais « Qu’est-ce qui ne va pas ? », mais « Quelle justesse est-elle en train de s’accomplir quand cela se passe ainsi ? ». De ce fait, le « détecteur » du praticien en maïeusthésie est particulièrement sensible à ces justesses (en équipe avec la Vie) et peut négliger l’idée « d’erreurs à corriger ». Même les apparents dysfonctionnements deviennent des indicateurs de cette justesse et en permettent l’accompagnement salutaire.

De ce fait, cela ne consomme pas d’énergie et se met en œuvre avec simplicité, car on ne fait que suivre le fil de ce qui s’accomplit, sans aucune lutte contre quoi que ce soit.  

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6    Ressentis du patient en séance de maïeusthésie

6.1    Symptômes

6.1.1    Symptômes en début de séance

Le patient arrive en séance avec des manifestations (symptômes) qui appellent son attention et le conduisent à consulter. Il importe pour le praticien de comprendre que ces symptômes peuvent être envisagés en termes de finalité à atteindre, comme s’ils servaient surtout à identifier celui qui a vécu le trauma afin de lui accorder reconnaissance et validation. Ils peuvent aussi avoir pour rôle de conduire le patient vers le déploiement de celui qu’il a à être (qui est déjà en lui). Ainsi cette manifestation ne résulterait pas d’un trauma dont il serait la conséquence mais d’une finalité à atteindre (remédiation ou déploiement en attente d’accomplissement).

Ce ressenti initial constitue un début de parcours où, avec des questions pertinentes, le praticien permettra au patient de rejoindre cet « endroit » de sa vie qui attend reconnaissance et validation pour trouver plus de paix.

6.1.2    Le symptôme, « outil » de guidage et de validation

En cours de séance, le symptôme initial restera une référence. Le plus souvent ce qui y est éprouvé est analogue à ce qu’a éprouvé celui qu’était le patient lors du trauma. Il constituera alors un précieux moyen de validation de ce qui a été jadis vécu. On trouve, au cours de son existence personnelle ou de celle de ses ascendants, des ressentis analogues (patterns) qui balisent le chemin, tels les fameux cailloux du Petit Poucet, ou tels une sorte de fil d’Ariane permettant de ne pas se perdre.

Attention « analogue » ne veut pas dire « identique ». Comme l’exemple de cette soignante qui se sent anormalement mal face aux patients âgés, grabataires et mourants. En suivant ce fil d’Ariane (que l’on pourrait aussi appeler « fil de Soi ») on arrive au fait qu’elle craint que ça arrive aux siens, car si ça leur arrivait ils lui manqueraient trop… pour finalement aboutir à la femme qu’était sa mère à qui il a été interdit de faire sa vie avec son premier amour.

Dans les deux cas (initial et final) il y a le manque d’un Être important. La manifestation symptomatique  : mal être face à un patient vieux, grabataire et mourant, crainte du manque d’un proche. Puis dans la zone de la psyché identifiée : femme qu’est la mère privée de son premier amour.

Faire préciser le ressenti au niveau du symptôme initial a permis à la patiente de constater : « ils me manqueraient trop », avec émotion, pour finalement arriver à sa mère qui a manqué de son premier amour, dont elle a eu un enfant (frère ainé de la patiente, préféré par la mère).

La validation a porté sur le manque éprouvé par la mère. L’énormité du ressenti initial de la patiente (symptôme face aux mourants) était à la mesure du manque éprouvé par la mère (manque déchirant de son premier amour dont elle porte un enfant). Il en a résulté un apaisement profond du symptôme.

6.1.3    Etat du symptôme en fin de séance

 En fin de séance, le praticien demandera souvent au patient si le ressenti de son symptôme est identique à celui du début de séance, ou différent. Puis s’il est différent, il lui demandera : « il est différent de quelle manière ? ».

Dans l’exemple précédent, la soignante ressentait qu’elle n’éprouvait plus d’inquiétude en pensant aux patients vieux grabataires et mourants, et cela s’est confirmé sur le terrain professionnel de l’hôpital où elle travaillait.

Attention cependant de ne pas faire du ressenti en fin de séance une prédiction sur l’avenir. Le mieux-être en fin de séance peut parfois n’être qu’une étape et, confronté au monde extérieur, le patient peut voir réémerger des inconforts qui témoignent d’un autre cheminement à accomplir, ou d’une maturation à laisser opérer.

6.2    Ressentis au cours de la séance

6.2.1    Ressenti émotionnel

Nous pouvons distinguer chez le patient deux sortes d’éprouvés : l’éprouvé de celui qu’il est actuellement et l’éprouvé de celui qu’il était (Être émergeant).

Concernant le patient (celui qu’il est au cours de l’entretien), il arrive à la séance avec des ressentis (symptômes) qui le dérangent, et justifient le fait qu’il ait sollicité cet accompagnement. Ces manifestations peuvent être émotionnelles ou psychosomatiques ou les deux.

Tant que le patient ne fait que raconter des faits, il ne se passe pas grand-chose d’autre, voire le côté « discours » peut même anesthésier ses ressentis symptomatiques et devenir une sorte d’écran masquant ce qui, en lui, appelle sa conscience.

Donc, au gré de ce qu’il évoque, le praticien sera souvent amené à lui demander ce qui se passe en lui, ce qu’il ressent.

Ce qui émerge faisant suite à une anesthésie, il est alors fréquent qu’une émotion apparaisse (petite, ou plus importante). Rappelez-vous que « é-mouvoir » signifie « mettre en mouvement » et que c’est une façon de sortir de l’anesthésie, une sorte de mouvement de réanimation. Attention : il ne s’agit pas de réveiller la douleur, mais seulement de réveiller la conscience. L’idée est que le praticien accompagne ce mouvement afin que, de cette réanimation, naissent plus de conscience, plus de sensibilité, une acuité plus fine distinguant « existentiel » et « événementiel ».

Si le praticien œuvre correctement, à cette étape, « être en émotion » fait rapidement place à « être touché ». Le patient ne revit pas ce qui est jadis arrivé, il se trouve juste « à côté » de celui qu’il était à qui c’est arrivé, sans revivre lui-même la situation. Il est « touché » par cette rencontre grâce à laquelle celui qu’il était n’est plus seul.

Il n’y a jamais le pourvoir de changer ce qui s’est passé, mais il y a toujours la possibilité de faire en sorte que celui à qui c’est arrivé ne soit plus seul, exilé dans un coin sombre de la psyché (sombre car non vu par la conscience).

L’état de réjouissance du praticien (résultant cette acuité) favorise l’aboutissement de ces finalités en attente chez le patient. Le patient, qui au début se sent « ému », se sent rapidement « touché ». Il arrive qu’il puisse y avoir plus de larmes en étant touché qu’en étant ému. La différence est que les larmes d’émotion bouleversent alors que celle du tact psychique remplissent le cœur (l’âme, l’Être, le Soi), le conduisant à un apaisement. Il se peut aussi que l’on soit profondément touché sans qu’aucune larme ne soit versée.

6.2.2    Tact psychique

Le patient offre donc sa présence à celui qu’il était, et le sort ainsi de son exil.  En se trouvant ainsi dans cette proximité, il n’est pas lui-même dans la situation (donc pas affecté, pas de reviviscence), mais simplement « à côté de celui qui la vivait ». Une sorte de « méta-position » lui permettant un accompagnement intime et salutaire.

Le praticien ayant lui-même cette proximité avec l’Être émergeant, le patient peut plus aisément oser y aller. Le fait que le praticien « y soit déjà » et « invite le patient à l’y rejoindre » est bien plus facilitant que s’il lui demandait simplement « d’y aller » ! Cela rend cet endroit de la psyché plus fréquentable pour le patient et lui permet d’oser le rejoindre. SI vous le souhaitez, vous pouvez lire à ce sujet la publication de septembre 2016 « Emplacement subjectif du praticien ».

De cette façon le déroulement de la séance ne se fait pas dans l’émotionnel mais dans le tact psychique. Le patient s’y trouve profondément touché par d’inestimables retrouvailles. S’il passe parfois par des phases émotionnelles, le praticien fait en sorte que celles-ci débouchent plus sur du tact psychique que sur la moindre reviviscence.

6.2.3    La proximité atemporelle (contemporanéité)

Le patient « est avec celui qu’il était » (ou celui dont il est issu en transgénérationnel, ou ce pan d’humanité ou de Vie en transpersonnel). Une proximité atemporelle où tous les protagonistes sont contemporains, quand bien même ils appartiennent à plusieurs époques.

Il se joue entre eux des mouvements dynamiques archétypaux (clivages de sécurité, finalité de remédiation à rejoindre, déploiements à accomplir). Ces mouvements au cœur de la psyché sont toujours en pertinence, et le praticien est seulement censé en accompagner le cours naturel. Il en est le facilitateur et non l’initiateur.

6.2.4    Les hésitations

Il arrive que le patient éprouve des hésitations, voire de francs refus. Le praticien les respectera toujours et les vivra même avec bonheur comme de magnifiques opportunités d’ajustement du cheminement.

Il se peut que ce que propose le praticien ne soit pas juste, ou simplement demandé trop tôt. Quelle qu’en soit la raison, le patient sentira toujours que ce qu’il éprouve est pris en compte, non comme une difficulté, mais comme une opportunité vers plus de justesse.

Carl Rogers (cité au § 3.5.1) a une idée bien précise sur les mythiques résistances des patients (cela vient des maladresses du praticien). Et Carl Gustav Jung (cité au § 3.9) est parfaitement en accord avec lui évoquant que c’est parce que on lui impose des directives inappropriées.

Ainsi le patient se sent en sécurité avec un praticien qui s’ajuste en permanence, respecte ses ressentis, qui est avec lui, voire le précède en l’invitant à le rejoindre auprès de l’Être émergeant, avec lequel il est déjà par principe, plutôt que de lui demander d’y aller. Même s’il est en « non savoir » à propos de la circonstance historique, il a une connaissance des principes archétypaux de la psyché.  

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7    Ressentis du praticien

7.1    En début de séance

Dès le début de l’entretien (mais on pourrait dire dès la prise de rendez-vous) le praticien est touché par la confiance qui lui est accordée. Il est encore plus touché par le fait qu’il y a potentiellement un Être de Soi qui appelle la conscience du patient à travers les manifestations (symptômes) qui le portent à consulter.

Bien-sûr le praticien ne s’appuie pas sur une confiance en soi qui lui donnerait une assurance quasi égotique au service d’un quelconque pouvoir de guérison. Il tire plutôt son assurance de la pertinence en jeu chez le patient, de cet Être de Soi clivé qui appelle la conscience de celui-ci, de la Vie à l’œuvre dans les phénomènes psychiques qui se manifestent.

Il est en non savoir par rapport à ce que le patient va lui révéler (humilité), mais il connaît bien les dimensions archétypales en jeu. Celles-ci se révèleront naturellement au cours de l’entretien, comme une sorte de structure dynamique invariante habitant l’ensemble de ce qui est éprouvé par le patient dans les différentes zones de sa psyché.

7.2    Réjouissance et proximité (existentielle)

7.2.1    Proximité avec le patient

De façon incontournable, le praticien se sent en proximité avec le patient. Il en respectera les moindres ressentis. Cette proximité va jusqu’à une notion de tact psychique (donc pas de distance ! même pas de « bonne distance », mais plutôt « en contact et en délicatesse »).

Il sait, comme le disaient Jung et Rogers*, que la moindre résistance apparente chez le patient n’est qu’un recentrage vers plus de justesse et non un blocage

« Dans la littérature il est tellement souvent question de résistances du malade que cela pourrait donner à penser qu’on tente de lui imposer des directives, alors que c’est en lui que de façon naturelle, doivent croître les forces de guérison » (Jung, 1973, p.157)
Déjà cité en 3.9.

« …la résistance à la thérapie et au thérapeute n’est ni une phase inévitable, ni une phase désirable de la psychothérapie, mais elle naît avant tout des piètres techniques de l’aidant dans le maniement des problèmes et des sentiments du client. » (Rogers 1996, p.155)
Déjà cité en 3.5.1

Il accompagne le patient en se situant « hors du champ de la gravité » (écrasante)  ou même de la « légèreté » (dénigrante) car il est plus sensible à l’existentiel (les Êtres et leurs vécus éprouvés) qu’à l’événementiel (qu’il entend tout de même, mais sans le prioriser).

Il propose un espace de sécurité où tout ce que le patient souhaite dire peut être évoqué, mais sans jamais d’obligation à quoi que ce soit (liberté). Il peut même entendre et valider des ressentis sans qu’aucun élément événementiel ne soit mentionné.

L’espace de l’entretien, qu’il soit dans le cadre d’une consultation en cabinet ou par simple opportunité, est un espace sacré où la Vie peut s’exprimer selon ses propres justesses, sans aucune contrainte dogmatique, sans processus imposé. L’atmosphère qui en résulte respire la sécurité, le respect, l’humanité.

7.2.2    Alliance avec l’Être émergeant et la pulsion de Vie

Cette indéfectible proximité avec celui qui le consulte ne doit pas faire oublier au praticien qu’il est avant tout en « alliance » avec l’Être émergeant qui appelle la conscience du patient à travers les symptômes manifestés.

Les ressentis du patient conduisent en lui vers une sorte d’« endroit sacré », clivé depuis un temps plus ou moins long : des jours, des années ou depuis toujours… n’importe où entre maintenant et « l’éternité » (donc libre de tout a priori).

La survie en a nécessité la mise à distance (du fait d’un quelconque danger à l’époque). De ce fait, la Vie en réclame ensuite la réhabilitation en vue de complétude à accomplir.

Pour ce faire, bien-sûr il convient de favoriser une acuité permettant clairement de distinguer entre les événements et les Êtres qui les ont vécus ou produits. Les événements sont des choses estimables (évaluables) en termes de sources de bien être ou de mal-être. Les Êtres, eux, sont toujours existentiellement inestimables. On peut « estimer » les choses (selon leur valeur, selon ce qu’elles amènent de peines ou de joies). On ne peut estimer les Êtres (car ils sont par essence inestimables, c’est-à-dire hors du champ des valeurs).

7.2.3    Réjouissance du fait des rencontres à venir

A chaque pas accompli, le praticien se réjouit de cette rencontre potentielle avec l’Être émergeant qui appelle la conscience du patient. Chaque pas nous rapproche de la rencontre qui viendra accroître la complétude de la psyché, permettant d’accomplir ce qui s’y trouvait en attente de réalisation.

Chacune des questions ou reformulations qu’il proposera au patient seront toujours mues par cette joie d’une complétude en voie d’accomplissement dans la psyché du patient. Sans doute aussi d’une complétude de la Vie qui se reconnecte à elle-même, sortant d’une douloureuse fragmentation.

7.3    Emotionnel, tact psychique et résonnance

7.3.1    Être « Touché » sans être « affecté »

Il est essentiel de distinguer entre « être touché » et « être affecté ». « Emouvoir » (« é-mouvoir ») est une mise en mouvement (transports de l’âme) plus ou moins perturbante. Cette « mise en mouvement » émotionnelle s’accompagne d’inconvénients (perte de contrôle). Cependant, elle a l’avantage de nous sortir d’une situation d’anesthésie où l’on est existentiellement figé (à la suite d’un trauma). Elle joue un précieux rôle de « réanimateur ».

« L’affect » (affectio) désigne un impact psychique, alors que « le tact » évoque une capacité à la délicatesse.

Être touché désigne une capacité au tact psychique alors qu’être affecté désigne une vulnérabilité émotionnelle.

Si le praticien n’est pas dans l’affect (émotions) mais dans le tact (délicatesse), ce n’est pas qu’il soit plus fort ou mieux protégé, à quelque niveau que ce soit. C’est juste qu’il priorise l’existentiel par rapport à l’événementiel (il n’est pas existentiellement anesthésié).*

*Le praticien qui n’est pas suffisamment sensible existentiellement se sentira affecté par les drames événementiels qui lui seront racontés, au lieu de se sentir réjoui par la rencontre existentielle qui lui est proposée.

7.3.2    Résonnances avec le patient ou avec l’Être émergeant

Etant riche de ce tact psychique, le praticien est à l’écoute du patient. Cette écoute se joue au niveau du verbe, mais surtout au niveau du paralangage (non-verbal). Ce qui est exprimé compte plus que ce qui est prononcé. Ainsi les reformulations du praticien ne reprendront souvent pas les mots prononcés par le patient, mais ce qu’il a exprimé (sachant qu’il arrive que ce qu’il exprime soit le contraire de ce qu’il prononce. Par exemple : il dit que tout va bien, mais avec une expression d’inquiétude, ou qu’il n’a aucun grief, mais avec une expression de colère ou de tristesse).

A ce stade, la situation est délicate car le praticien n’est pas censé interpréter, mais juste percevoir et rendre compte du fait qu’il est touché (et non affecté) par ce qu’il perçoit.

Mais son écoute dépasse le verbal et le non-verbal. Il arrive que le praticien éprouve personnellement un état émotionnel qui est simplement une perception de l’émotion éprouvée par le patient.

Ce point est encore plus délicat car il est hors de question que le praticien projette sur le patient ses propres émotions. Donc il importe de s’assurer que cette émotion éprouvée est bien celle du patient, ainsi perçue, et non un affect personnel du praticien ainsi réveillé par ce qui lui est raconté.

Par exemple le praticien sent sa propre attention fléchir face à un patient qui ne va pas vers ce qui s’exprime en lui. La question est de savoir si ce fléchissement d’attention vient de lui, ou s’il est l’expression de ce qui se passe chez le patient. Alors le praticien reformule : « Pas facile de garder son attention sur une telle chose !? » et , si c’est juste, soudain le praticien sent sa propre capacité d’attention revenir, et voit le patient se réinvestir dans la rencontre de ce qui, en lui, appelle son attention.

On pourrait dire qu’une telle « écoute » ne se réalise pas avec l’intellect (raisonnance), mais avec « le cœur » (résonnance). Comme le rappelle François Cheng, académicien : « L’esprit raisonne, l’âme résonne » (Cheng 2016, p.45) où, si l’on reprend le vocabulaire maïeusthésique, l’esprit représenterait l’intellect et l’âme représenterait l’Être.*

*Il n’est pas aisé de trouver les mots justes à ce sujet.

Ce phénomène de résonnance est important, mais bien-sûr ne peut que s’accompagner de prudence chez le praticien afin de ne jamais projeter chez son patient ses propres affects.

7.3.3    Résonnance du patient lui-même avec l’Être émergeant

Ce phénomène est d’autant plus important qu’il se produit aussi chez le patient. Celui-ci se trouve parfois en résonnance avec ce qui, en lui, appelle son attention. Il ressent alors un éprouvé identique à celui qui fut jadis vécu. Cela lui permet alors une validation plus fine de l’éprouvé de l’Être émergeant qui appelait son attention avec le symptôme (symptôme qui était déjà lui-même un précieux indicateur).

Quand celui-ci, dit par exemple « je ne vois rien », « j’ai peur », « je n’ai pas envie d’y aller », « j’ai une angoisse », « c’est inquiétant » etc., le praticien vérifie si c’est juste le sentiment du patient, ou celui de l’Être émergeant qu’il éprouve en vue de le valider.

On pourrait appeler ce phénomène de résonnance (chez le praticien, autant que chez le patient) comme une sorte « d’oreille du cœur » qui ne passe ni par le verbe, ni par le paralangage : c’est de l’expérientiel (est expérientiel ce qui ne passe ni par la sensorialité, ni par l’intellectualisation).

7.4    Quand le patient montre des « résistances »

Nous l’avons déjà vu précédemment (7.2.1), mais cela mérite encore quelques précisions

7.4.1    Moment de grâce

Nous avons déjà abordé ce point, mais nous devons y revenir, tant il est courant en psychothérapie de parler des « résistances » des patients. Il est important de rappeler qu’il ne s’agit pas tant d’un blocage que d’une nouvelle indication… pour ne pas dire « une nouvelle invitation » à ne rien manquer d’essentiel.

De ce fait, face à une difficulté d’accès ou face à un refus du patient qui n’accepte pas notre proposition, en tant que praticien, nous en éprouvons une grande joie (et non un sentiment fautif de s’être trompé) car cela nous invite à ajuster plus finement notre cheminement. Sans de telles précieuses indications, nous pourrions nous égarer. Chaque recentrage est ainsi comme une grâce qui nous est offerte.

7.4.2    Ajustement dans la réjouissance

Recevant cette grâce en toute conscience, nous en témoignons une réjouissance. D’une part il importe de comprendre que cette réjouissance est un état et non une caricaturale manifestation (qui serait alors forcément ridicule). Elle ne peut en aucun cas être feinte et ne peut être qu’en pleine congruence.

D’autre part il importe également de savoir que le patient, ayant malheureusement tendance à idéaliser le praticien et ses compétences, n’osera que rarement exprimer explicitement son désaccord. C’est au praticien de le détecter, même quand cela est très discret. Non seulement il tend délicatement et généreusement cette possibilité en disant par exemple au patient : « Ce n’est pas vraiment ça !? »… mais en plus il le fait dans la joie d’avoir été épargné d’un mauvais chemin et invité vers plus de justesse. Soit un chemin plus court apparaît, soit un incontournable détour se manifeste. Il se trouve aussi que le chemin le plus rapide ne soit pas toujours la ligne droite !

Il appartient au praticien de créer un tel climat de confiance, de non-pouvoir et de partenariat, tels qu’au gré des séances le patient ose de plus en plus manifester de tels désaccords, de tels recentrages, de telles demandes d’ajustement.  

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8    Les interactions praticien/patient/Être émergeant

8.1    Connivence du praticien avec l’Être émergeant

Comme nous venons de le voir le praticien est en partenariat subtil avec le patient dont il respecte avec joie toutes les indications qui lui sont offertes (y compris les « résistances »). Il sera cependant plus sensible à ce que le patient exprime ou manifeste qu’à ce qu’il prononce verbalement. D’où une sorte d’écoute « flottante » en quête des points sensibles, indicateurs de possibles chemins vers ce qui attend une réhabilitation, vers cette finalité qui se révèle pas à pas, vers ce qui attend la possibilité de contribuer à la complétude du Soi chez le patient (par remédiations ou par déploiements).

Cependant, le praticien sera en partenariat encore plus étroit avec cet « endroit » de la psyché qui appelle la conscience du patient. Un Être de Soi, jadis clivé du Soi pour raison de survie appelle ainsi la conscience du patient afin que celui-ci ne reste pas avec ce « vide intime », noyé dans de temporaires compensations.

Dès le rendez-vous, le praticien, quoi qu’en « non savoir », sait qu’un « Être de Soi » appelle la conscience du patient. Dès le rendez-vous, il se sent en connivence avec celui-ci dont il accompagnera la réhabilitation ou le déploiement.

Tout se passe comme si le praticien, « entendait » déjà cet Être de Soi, et disait discrètement à celui-ci « Tu as bien fait de le faire venir en consultation. Je crois que qu’il a déjà perçu le signe (symptôme) que tu lui as dressé… il ne va pas tarder à te retrouver et à t’accorder ta juste place ! ».

8.2    Aller vers quoi, vers qui, comment ?

Le praticien est donc délicatement à l’écoute du patient, il est en connivence avec l’Être de Soi émergeant, qui appelle la conscience de celui-ci. Il reçoit de multiples informations. Il y discernera l’essentiel grâce à sa connaissance archétypale* : clivages de survie, tendance vers les remédiations ou les déploiements, justesses à l’œuvre dans la psyché accomplissant la Vie.

*Si besoin lire sur ce site la publication de novembre 2019  « Archétypes existentiels - structures dynamiques invariantes »

Le praticien « sait » que toutes ces manifestations conduisent vers un Être de Soi envers qui il s’agira de tourner son attention et celle du patient. Il « sait » qu’il y aura à distinguer entre ce qui s’est passé et celui à qui c’est arrivé. Il « sait » qu’il y aura à accomplir une validation de l’éprouvé de cet Être de Soi dans sa nature et sa dimension.

Il « sait », aussi et surtout, que tout cela ne sera opérationnel que si, en termes de validation existentielle, cette distinction entre ce qui est arrivé et celui à qui c’est arrivé conduit naturellement à une réjouissance… depuis si longtemps attendue au cœur de la psyché.

Cependant, il « sait » tout cela sur un fond d’ignorance et d’humilité. Il ignore totalement par quel chemin nous passerons, il ignore encore par quelles pertinences la Vie va conduire ses pas et ceux du patient. Mais il a une confiance indéfectible en cette pertinence. C’est pourquoi, du fait de son écoute et de son ouverture d’esprit si sensibles, il se sent toujours touché, jamais affecté.

8.3    Accompagner les justesses en cours

Tout comme s’il naviguait dans le sens d’un courant (jamais à contre-courant), il ne fait qu’ajuster la trajectoire dans le sens naturel de l’écoulement (donc ni effort ni énergie engagés).

La question pour lui n’est jamais « comment résoudre » mais comment accompagner cette finalité qui attend de s’accomplir (remédiation ou déploiement) et dont tout ce qui se manifeste favorise l’aboutissement.

Plus dans la confiance que dans le savoir, il se laisse « baigner » dans cette justesse à l’œuvre qui le conduit naturellement là où il faut. En dépit de quelques méandres, ce sera toujours le chemin le plus juste, compte tenu des multiples enjeux systémiques trop complexes pour être intellectuellement appréhendés.

8.4    Les repères dans le guidage non-directif

Bien-sûr les éléments apportés par le patient seront de multiples natures, y compris ceux sollicités par le praticien.

8.4.1    Repères sollicités par le praticien

Par exemple
-Repères temporels : « Il y a longtemps que c’est ainsi ? ».
-Repères événementiels : « Ce ressenti est apparu à quelle occasion ? ».
-Repères émotionnels : « Vous avez souvent éprouvé cette émotion ? ».
-Repères existentiels : « Avez-vous déjà pu le dire ? Avez-vous été entendu quand vous l’avez dit ? ».

En chacun de ces cas, il ne s’agit aucunement de savoir quelque chose à propos d’une situation événementielle. Il s’agit juste d’identifier et de rencontrer celui qui était dans cet événement.

8.4.2    Repères paradigmatiques ou archétypaux

Repères paradigmatiques (règles fondant la théorie)
-Le symptôme est là « spécialement pour un accomplissement », une rencontre, une remédiation, un déploiement (et non « à cause d’un trauma »).
-Les validations apporteront un apaisement.
-Le champ de mise en œuvre peut être biographique (histoire personnelle), inter ou trans générationnel (histoire familiale), ou même transpersonnel (histoire de l’humanité, histoire de la Vie).

Repères archétypaux (fondations de la Vie avant toute théorisation)
-Il s’agit de pertinences à l’œuvre.
-Il y a eu « clivage » ou « mise en attente du déploiement » par sécurité.
-Il y a une tendance naturelle à l’accomplissement d’une remédiation ou d’un déploiement.
-La pertinence joue de façon systémique, y compris dans la dimension transpersonnelle.

Finalement oser y aller !
Il s’agit d’oser ce jeu de la Vie en accomplissement. Oser y aller, oser y être, oser en être l’accompagnant. Il s’agit donc d’une action en confiance (justesses à l’œuvre), en partenariat (les protagonistes en jeu savent ce qu’il y a à savoir).  

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9    Le phénomène de réjouissance

9.1    Oser l’ontique

Trop souvent on a appris à craindre cette dimension. Abraham Maslow avait bien remarqué cela :

 « Il s’agit d’une chose que non seulement nous ne connaissons pas, mais que nous avons peur de connaître » (2006, p.104).

Comment cela est-il culturellement advenu ? Maslow nous propose un début de réponse :

« Nous en arrivons à ce paradoxe que nos instincts humains, du moins ce qu’il en reste, sont si faibles qu’ils doivent être protégés contre la culture, contre l’éducation, contre l’apprentissage – en un mot contre le risque d’être étouffés par l’environnement. » (2008, p119).

Bien-sûr de telles considérations pourraient nous éloigner de l’idée de pertinence, mais l’on doit bien reconnaître que nous sommes plus dans une culture du combat, de l’éradication du mal, de la correction des erreurs… que dans une culture de l’accompagnement des justesses. Même si celle-ci a certainement aussi son sens, il est souhaitable de pas s’y enliser.

9.2    Accroître l’acuité pour différencier les  « faits » et les « Êtres »

Notre attention peine souvent à se tourner suffisamment vers les Êtres et se laisse fréquemment happer par les faits, surtout quand ils sont graves ou surprenants. Il y a aussi cette croyance erronée qu’en connaissant mieux les faits, on comprendra mieux les ressentis. D’où d’interminables et inutiles anamnèses. Or, d’une part tout le monde ne vit pas de la même façon un fait identique, d’autre part, même lorsque les faits sont horribles, et sources de douleurs physiques ou psychiques, l’Être reste inestimable.

Rappelons encore que les faits peuvent être évalués en termes de sources de bonheur ou de tourment, alors que les Êtres, eux, demeurent systématiquement hors du champ des valeurs (donc des évaluations), hors du champ de l’estimation.  Rappelons-nous plus précisément qu’un Être n’est pas précieux : il est inestimable (car « précieux » c’est une valeur).

Donc non seulement le praticien aura cette posture, mais il invitera le patient implicitement à en faire de même. Les faits conservent une trace par la mémoire, les Êtres conservent une trace par le mémorial (§ 4.4). Le praticien ressent tout à fait quand un patient met en jeu un rappel mnémonique (qui risque de générer des recrudescences émotionnelles) ou un contact existentiel grâce au « symptôme mémorial » (qui sera source d’apaisement).

9.3    Réjouissance naturelle

L’art de prioriser les Êtres produit naturellement une réjouissance. Il la produit chez le praticien qui ne se laisse plus happer par les faits, mais aussi implicitement chez le patient qui découvre que, même quand les faits sont détestables, celui qu’il était reste profondément aimable.

Attention, un praticien peut commettre l’erreur de croire « qu’il faut se réjouir ». Or cette réjouissance résulte naturellement de sa posture et non pas laborieusement de sa volonté… sinon elle en devient une ridicule parodie.

9.4    La réjouissance thérapeutique

Ce point de la réjouissance est extrêmement important. Cette réjouissance du praticien permet à l’entretien de se dérouler sans gravité et favorise l’invitation du patient vers lui-même. Cet état particulier du praticien montre au patient qu’il peut aller vers lui-même sans crainte, avec même un augure de bonheur : il se révèle fréquentable à ses propres yeux, il sort spontanément de cette confusion entre « qui il était » et « ce qui lui est arrivé »*.

*Voir sur ce site la publication de février 2017 « Réjouissance thérapeutique »  

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10     Différentes séquences d’une séance

10.1              Identification

Le patient arrive à l’entretien avec une préoccupation, une manifestation, un symptôme, qui représente, soit une simple gêne, soit un inconvénient majeur dans sa vie. Il est invité par le praticien à en énoncer la nature et la dimension, plus ou moins gênantes, plus ou moins handicapantes.

Cette première phase de l’entretien est ce qu’on pourrait appeler une phase d’identification. Il s’agit ici d’identifier ce qui, dans la psyché, appelle la conscience du patient avec ces « signaux » symptomatiques.

Cela commence par une invitation à une précision d’énoncé des ressentis, plus que par une invitation à raconter des faits. Parfois le patient éprouvera le besoin de raconter des faits et sera respecté dans ce besoin, mais il sera toujours invité avec soin à aborder son éprouvé.

Il ne s’agit pas d’identifier le ressenti pour établir un diagnostic (on ne s’occupe pas de cela en maïeusthésie), mais de se servir du ressenti pour identifier dans la psyché ce qui appelle la conscience du patient, soit en vue d’une restauration de sa complétude, soit en vue d’un accomplissement de son déploiement.

Cette phase est plus ou moins longue. Elle peut durer quelques minutes, plus d’une heure, ou plusieurs séances. Il s’y trouve quelques méandres, parfois quelques « résistances » (dont nous avons vu qu’elles nous guident), divers allers-retours. 

Il s’y trouvera souvent une alternance de moments où le patient évoquera ce qu’il éprouve, et de moments où il racontera ce qui s’est passé. Il abordera différents protagonistes concernés qui se trouvent en interaction dans différents endroits de la psyché (biographiques, inter ou trans générationnels, transpersonnel).

A ce stade, le praticien sera en « non savoir » par rapport aux faits et aux ressentis qui lui seront révélés par le patient, mais il disposera de connaissances à propos des enjeux archétypaux (clivages, finalités de remédiations ou de déploiements). Cela lui permettra de proposer des questions pertinentes et respectueuses, facilitant le cheminement du patient vers lui-même, ainsi que des invitations à accomplir des « actes psychiques » sans se laisser noyer dans l’éventuelle abondance factuelle : « mettez votre attention sur lui », « demandez-lui ce qu’il éprouve », « Demandez-lui ce qu’il aimerait qu’on entende », « mettez de la lumière sur lui » (sachant que « mettre de la lumière* » revient à donner un espace où cela peut exister et non à modifier quoi que ce soit).

*Voir sur ce site la publication de décembre 2000  «  Eclairer sans produire d’ombre »

Le praticien parlera toujours à la troisième personne de celui qu’était le patient (« mettez votre attention sur lui », « demandez-lui ce qu’il éprouve ») afin de le maintenir distinct de celui qu’il était (méta position) et de ne pas susciter de reviviscences.

Il parlera aussi toujours des Êtres et non des statuts quels qu’ils soient. Il dira plutôt par exemple « la femme qu’est votre mère » que « votre mère » ou « votre maman » afin de ne pas replacer le patient dans son enfance en tant qu’enfant en train de regarder « maman », mais de le placer « à côté de l’enfant qu’il était et de faire découvrir à celui-ci l’Être qu’était sa mère dans toute la dimension de ses ressentis existentiels ».

Le praticien n’est jamais dans une posture de « recherche » (il ne pose pas de questions de type « enquête »). Il s’ouvre à ce qui se manifeste et ne cherche pas ce qui se cache (voir la publication de janvier 2019 « S’ouvrir à ce qui appelle et non chercher ce qui se cache »).

Puis, quand ce qui appelle la conscience du patient a été identifié, vient la phase thérapeutique proprement dite.

10.2              Moment thérapeutique

Le parcours de la psyché aboutissant à l’identification des zones clivées doit soigneusement être distingué du « moment thérapeutique » lui-même. Le fait de dire, de ressentir, de raconter, d’identifier, ne sont pas encore vraiment thérapeutiques. Ils sont même parfois un peu éprouvants pour le patient qui se rapproche ainsi de ce qu’il a passé sa vie à éviter, en dépit de « multiples appels », souvent depuis des années. Cette zone de la psyché appelle la conscience du patient à travers des manifestations (symptômes) qu’il aura passé son temps à tenter de faire disparaître.

L’étape d’identification (étape la plus longue) n’est qu’un prélude à ce moment thérapeutique (souvent assez rapide, d’où le mot « moment ») où vont s’accomplir soit une remédiation (quand la zone clivée rejoint le Soi), soit un déploiement (devenir qui l’on a à être).

Pendant la phase d’identification, le praticien a demandé au patient d’avoir son attention sur ce qu’il éprouve, sur ses ressentis. Depuis le symptôme initial, puis de ressentis en ressentis, le « voyage » s’accomplit jusqu’à cet « endroit » de la psyché où une remédiation ou un déploiement étaient en attente de se réaliser.

Dans cette étape thérapeutique le patient n’est plus invité à porter son attention vers ses ressentis, mais plutôt vers celui qui vient d’être identifié, celui qu’il était, dans la zone de la psyché qui vient de se révéler… celui qui pour la première fois a ressenti cela.

Dans cette étape spécifique, il s’agit pour le patient de rencontrer celui qu’il était  (ou celui dont il est issu en transgénérationnel, ou des Êtres de l’humanité ou de la Vie en transpersonnel) et d’en valider le ressenti éprouvé. Cette rencontre l’amène à se sentir touché par cet Être (ou ces Êtres) si longtemps resté seul et exilé, où désormais il distingue la dimension existentielle de la dimension événementielle (acuité retrouvée). Cette réjouissance du patient face à celui qu’il était est facilitée par celle qu’éprouve le praticien.

Il reste néanmoins à valider le ressenti éprouvé jadis. Pour cela, aucun travail de mémoire : le ressenti de l’Être (ou des Êtres) identifié se fait simplement en le lui (le leur) demandant, et non en tentant de s’en rappeler quand il s’agit d’un moment de sa propre vie ou de son histoire familiale. Parfois le ressenti de celui qu’on était se révèle très différent de ce dont on se souvient : soit bien moins douloureux qu’on ne le pensait (car on l’avait utilisé comme justification), soit bien plus douloureux qu’on ne l’imaginait (car on l’avait relativisé). Ce ressenti de celui qu’il était devra être validé dans sa nature (quel type de ressenti) et dans sa dimension (à quel point).

Comment cela s’accomplit-il ? De la façon la plus simple possible : une fois demandé à celui qu’il était quel fut son éprouvé, le patient est juste invité à valider celui-ci par une reformulation qu’il adresse à l’Être identifié : « tu as été éprouvé de cette façon et à ce point !? » (en remplaçant « de cette façon » par la nature de ce qui a été ressenti et « à ce point » par la mesure qui vient d’en être révélée).

Le symptôme initial peut parfois être utilisé comme « outil de mesure », comme une aide à la validation. Il n’est pas rare que le symptôme éprouvé aujourd’hui soit analogue à ce qui fut éprouvé jadis au moment du choc. Depuis tout ce temps, le patient a, sans le savoir, gardé (parfois même entretenu « soigneusement ») ce symptôme, tel une sorte de mémorial, pour ne pas perdre la trace de celui qu’il fut. Il l’a inconsciemment entretenu, tout en tentant sans cesse de s’en défaire. Il s’agit d’un paradoxe existentiell’élan de complétude (Vie) l’emporte sur la volonté de confort (survie). Il arrive que le praticien propose alors au patient de « montrer ce symptôme » à l’Être émergeant qui a été identifié et l’invite à lui demander « C’est ça que tu as éprouvé !? »

Quand l’Etre émergeant confirme… il s’en suit aussitôt un apaisement, tant pour cet être émergeant que pour le patient.

Il peut sembler curieux que l’Être émergeant « confirme ». Il se trouve qu’ au sein de la psyché ce qui se manifeste réagit, répond, s’oppose, est en accord ou en désaccord, ouvre les bras ou tourne le dos. Il est impossible de modifier cela par la volonté. Cela est perçu comme une sorte de réalité subjective non modifiable, qui témoigne spontanément et naturellement de la justesse ou de l’injustesse des propositions énoncées, comme si cela avait une vie propre. L’Être de Soi identifié sera sensible aux validations, et en farouche opposition aux tentatives d’apaisement (ressenties comme un déni de l’éprouvé).

Notons que l’apaisement n’a jamais été la cible à atteindre. Seule la rencontre avec réjouissance et la validation étaient envisagées. L’apaisement en est la conséquence, mais jamais le projet. Avoir pour projet l’apaisement reviendrait à un déni envers celui qu’il l’a vécu. Cela ne ferait qu’enfouir ce qui, ultérieurement, devra de nouveau émerger.

Quand il s’agit de déploiement, il ne s’agit plus de valider un éprouvé, mais plutôt de se laisser toucher par cet Être émergeant et ses qualités, si longtemps restées silencieuses alors qu’elles ont toujours été là. A ce contact, avec cette reconnaissance et cette validation, il se produit une expansion existentielle.

Comme le disait Abraham Maslow (citations déjà évoquées en début de texte §3.4.2) :

Nous espérons vraiment, bien entendu, que le conseiller sera celui qui pourra favoriser l’accomplissement des individus plutôt que celui qui aidera à guérir d’une maladie » (Maslow, 2006, p.72-73).

« Ce que l’on devrait être est pratiquement identique à ce que l’on est au plus profond de soi […] L’être et le devenir sont côte à côte concomitants. » (Maslow, 2006, p.134).

10.3              Vérification

Une fois ce « moment thérapeutique » accompli, il sera souvent pertinent de procéder à une vérification. Cependant attention : parfois l’aboutissement est si évident et si majestueux que la moindre vérification n’a aucun sens et serait profondément désobligeante. Là encore, pas de protocole, mais une posture ajustée à la situation existentielle.

Néanmoins, la plupart du temps, il est nécessaire que cette vérification soit mise en œuvre. Alors le praticien demandera au patient :

- comment se sent cet Être identifié (qui vient d’être reconnu et validé) ;

- puis comment il se sent lui-même ;

- puis comment est désormais le symptôme initial qui l’a conduit à consulter (pareil, différent - et si différent, en quoi est-il différent : présent, absent, plus fort, moins fort, d’une autre nature… ?).

Si la séance a bien abouti :

-l’Être émergeant se manifeste apaisé, ou souriant, ou en gratitude… etc. ;

-le patient se sent plus tranquille, souvent même en joie d’avoir accompli cela ;

-le symptôme se trouve, soit avoir disparu (bouclage complet), soit avoir changé d’amplitude, soit avoir changé de nature (indiquant par là qu’une chose importante s’est accomplie, mais qu’il reste probablement d’autres aspects à visiter).

Quand le symptôme persiste à l’identique, cela indique clairement qu’il reste une rencontre majeure à aboutir, mais cela n’invalide aucunement ce qui vient d’être réalisé, ni les apaisements qui en ont résulté.

Quand le symptôme n’est plus, cela indique la qualité de ce qui a été réalisé, et constitue un magnifique bouclage de la séance. Cela ne permet pas pour autant de faire de prédictions. Le patient est mieux maintenant (certitude) mais pour demain… nous verrons demain ! Certes, il s’avère que l’apaisement et quasiment toujours durable, mais le praticien restera humble face à cela et ne s’autorisera pas à des affirmations déplacées concernant le futur.

10.4              Honorer le porteur de symptôme

Quand l’aboutissement est signifiant, il reste néanmoins une étape souvent nécessaire : honorer le porteur de symptôme. Cette étape n’est pas systématique dans sa mise en œuvre, mais ce qui est systématique à ce sujet, c’est la posture du praticien qui doit en tenir compte.

Cette étape est hélas souvent ignorée dans bien des thérapies. Nous sommes tellement instinctivement et culturellement éduqués dans le sens de se débarrasser des encombrants de la psyché, qu’une fois l’apaisement accompli il ne vient que rarement à l’idée d’honorer tous ceux que nous avons été et qui ont courageusement entretenu le mémorial (symptôme) afin que rien de ce qui nous constitue ne soit perdu ou abandonné.

Qu’est-ce que le porteur de symptôme ? C’est celui que nous avons été à chaque instant où ces inconfortables manifestations se sont produites… comme autant d’appels vers ceux qui, en nous, attendent d’être réhabilités ou déployés en vue de notre complétude.

Il s’agit donc d’une multitude d’Êtres de Soi, plus ou moins en inconfort (voire en souffrance) qui maintenaient en état ce signal répétitif (pattern) par lequel tout le cheminement de la thérapie a été possible.

Cette notion d’« honorer le porteur de symptôme » est particulièrement importante en cas d’addictions (notamment drogue ou alcool). Il est trop fréquent d’envisager la guérison avec un certain mépris envers celui qui consommait, tel un épouvantail qui éviterait mieux la rechute en le diabolisant. En fait c’est l’inverse. Quand bien même l’ensemble de la thérapie se serait bien déroulée, avec une telle diabolisation si le patient est conduit à mépriser celui qu’il était lors de sa consommation, cela engendrerait un nouveau clivage de la psyché qui nécessiterait une rechute pour y remédier (remédiation avec le porteur de symptôme évincé).

Qu’il s’agisse d’un symptôme écran ou d’un symptôme réel, dans les deux cas cela reste important. Si la substance (tel un écran protecteur) était une compensation ou une anesthésie (symptôme écran) pour rendre supportable un autre symptôme (symptôme vrai, plus douloureux), on la respectera pour le soutient qu’elle a ainsi apporté et on honorera celui qu’on était pour avoir assuré ainsi notre survie. Si la substance (tel un signal direct, symptôme vrai) permettait de retrouver et de mieux comprendre un proche qui en était consommateur et que l’on a rejeté, en devenant « un peu comme lui », elle sera respectée pour avoir maintenu le lien jusqu’à ce qu’on ait la capacité d’en accomplir la réhabilitation du fond de notre cœur*. On honorera alors celui qu’on a été, qui a ainsi supporté ce tourment, tel le gardien d’un chemin sacré que tout le monde veut effacer mais qu’il maintiendra soigneusement « ouvert » afin que cet Être de Soi en Soi ne soit jamais effacé. Une sorte de « cantonnier existentiel » maintenant une voie précieuse, ouverte vers un « Être inestimable » dont tout le monde pensait qu’il s’agissait d’une décharge à évacuer ou à condamner.

*Cela n’a rien à voir avec le pardon, c’est beaucoup plus subtil. Lire à ce sujet la publication de novembre 2016  « Sans rancune ni pardon ».

Cette notion est aussi importante lorsque le patient se demande comment il vivra désormais sans ce symptôme qui l’a si longtemps accompagné. Il y a là l’ambivalence d’un confort souhaité, mais aussi d’une sorte de nostalgie de ce compagnon de chaque jour (on trouvera notamment cela dans l’addiction au tabac). Si le porteur de symptôme est validé, cela permet de vivre la suite avec bien plus de sérénité.

Pour plus de détails à ce sujet, vous pouvez lire sur ce site la publication de septembre 2019  « Honorer le porteur de symptôme ».

10.5              Gratitude

Quand la séance arrive à son aboutissement, le praticien est en gratitude envers le patient pour lui avoir offert d’être présent à cette rencontre au cœur de sa psyché.

En effet, le praticien a conscience que rien ne lui est dû à ce sujet, quelle que soit sa formation, son expérience, sa compétence ou sa renommée, rien ne lui est dû ! Tout ce que livre un patient est un privilège pour le praticien.

Bien-sûr l’humanité de l’accompagnement que le praticien met en œuvre pour son patient est aussi un privilège pour ce dernier. Il y a une sorte d’équivalence d’humanité et de privilège des deux côtés.

Le praticien étant conscient aussi des Êtres émergeants rencontrés, validés tant sur le plan existentiel que sur la nature et la dimension de leurs ressentis, il se sent en gratitude envers le patient au nom de ces Êtres qui retrouvent enfin une place d’honneur au cœur de la psyché.

Comme si le praticien et le patient avaient accompli une sorte de générosité envers le Vie. En effet, au-delà du soin envers celui qu’était le patient (Être émergeant), il y a aussi une sorte de soin accordé envers la Vie qui est en peine de ne pas avoir été respectée. La Vie aussi retrouve ici une place d’honneur, une juste place, une juste considération. Rappelons-nous à quel point accompagner un patient c’est aussi accompagner la Vie. Si le praticien accompagne le patient vers cette complétude de la psyché, on peut tout autant considérer que le patient et le praticien forment, à eux deux, une équipe prenant soin de la Vie. Ce qu’apporte le patient est aussi une opportunité de délicatesse envers la Vie. Chaque mieux-être que celui-ci éprouve vient contribuer à un peu plus de paix au niveau d’une vastitude dépassant le cadre de l’entretien.

Pierre Teilhard de Chardin, paléontologue, considérait l’évolution comme la conscience émergeant à travers le vivant :

« L’homme ne saurait se voir en dehors de la Vie, ni la Vie en dehors de l’Univers » (Teilhard de Chardin, 1955, p.29). « Tout au fond de lui-même, le monde vivant est constitué par de la conscience revêtue de chair et d’os […] tout n’est donc qu’une immense ramification de psychisme se cherchant à travers des formes. » (ibid, p.165) « La conscience monte à travers les vivants » (p.195).

Proposait-il à travers ces mots de nous sensibiliser à cette dimension ?

Le praticien peut formuler cela, comme il peut ne pas le dire, mais telle est sa posture. Cette posture est source d’une atmosphère de confiance, de sécurité, de bienveillance étendue au-delà des situations évoquées. Le praticien n’oublie jamais que ce qui vient de se passer au cours de l’entretien a permis d’inestimables rencontres, telles des aboutissements qui étaient en attente de s’accomplir au cœur d’une Existence qui dépasse la cadre de l’entretien (d’où de fréquentes parenthèses transpersonnelles)… au cœur d’une existence pour laquelle le binôme praticien/patient constitue une équipe de soin, toute en délicatesse.

Pourtant, même si l’entretien est une sorte de moment de grâce, il se déroule en toute simplicité, de façon directe, quasi familière, dans une sorte de « chez-nous d’humanité » respectant le chez-soi de chacun, donc libre de tout affect.

IL s’agit d’une approche chaleureuse, délicate, mais sans précaution particulières (lire la publication de septembre 2018 « Incontournable délicatesse et outrancières précautions »).

 

Thierry TOURNEBISE  

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Vous pouvez aussi
visionner un exemple de séance 
entièrement retranscrite en vidéo
(vidéo de juin 2018)

Bibliographie

Abbott, Edwin
-
Flatland  - Edition du groupe « Ebook libres et gratuits » -1884
disponible en PDF  à 
http://www.ebooksgratuits.com  
http://www.ebooksgratuits.com/pdf/abbot_flatland.pdf  

Botteman, André  
-
Carriérologie - revue francophone internationale - volume 09 3-4/10
https://docplayer.fr/21218797-Un-testament-de-carl-rogers.html
UN TESTAMENT DE CARL ROGERS? - PDF Téléchargement Gratuit (docplayer.fr)

Cheng, François
-De l’âme – Albin Michel, livre de poche, 2016

Freud, Sigmund
Les névroses, l’homme et ses conflits – Tchou, 1979

Grof, Stanislav
-Psychologie transpersonnelle - Éditions du Rocher, J'AI LU 1996
-Nouvelles perspectives en psychiatrie, psychologie, psychothérapie – Editions Alphée, 2010

Jung, Carl Gustav
-Ma vie -Folio Gallimard, 1973

Maslow, Abraham
-Être humain - Eyrolles, 2006
-Devenir le meilleur de soi-même –
 Eyrolles, 2008

Rogers, Carl Ransom  
-Relation d’aide et psychothérapie – ESF, Paris 1996
-L’approche centrée sur la personne. Anthologie de textes présentés par Howard Kirschenbaum et Valérie Land Henderson. Trad. de Henri-Georges Richon. Editions Randin S.A. , Lausanne 2001.

Sénèque
-La brièveté de la vie – GF Flammarion 2005

Teilhard de Chardin, Pierre
-Le phénomène Humain- Edition du Seuil, 1955

Veldman, Frans
-L’haptonomie, science de l’affectivité – PUF, 2001

Zajde, Nathalie- Nathan, Tobie
-Psychothérapie démocratique – Odile Jacob 2012
 

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10.6              Liens

Liens internes  

Eclairer sans produire d’ombre décembre 2000   
Sans rancune ni pardon 
novembre 2016   
Incontournable délicatesse et outrancières précautions 
septembre 2018
S’ouvrir à ce qui appelle, et non chercher ce qui se cache  janvier 2019   
Honorer le porteur de symptôme 
septembre 2019   
Archétypes existentiels - structures dynamiques invariantes
novembre 2019  
Décontextualisation avril 2020  

Liens externes  

Etienne Klein Le futur existe-t-il déjà dans l’avenir ? vidéo.

Frans Veldman
Emission « Le bébé est une personne »
réalisée par Bernard Martino, diffusée en 1984 sur TF1,  passage avec Frans Veldman qui, à la demande du professeur Bertrand, est invité à accompagner une parturiente dont le bébé reste placé trop haut :
Le bébé est une personne - A voir et revoir! • Émergence Harmonique (emergence-harmonique.fr) 
ou sur
https://www.youtube.com/watch?v=3YzV-yWMVW0  
Frans Veldman en 17mn (depuis 42 min jusqu’à 59 min)  

Botteman, André

-Carriérologie - revue francophone internationale - volume 09 3-4/10
https://docplayer.fr/21218797-Un-testament-de-carl-rogers.html
UN TESTAMENT DE CARL ROGERS? - PDF Téléchargement Gratuit (docplayer.fr)

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