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Si vouloir éloigne de la finalité
alors plutôt déployer le cœur dans une totalité

mars 2020   -    © copyright Thierry TOURNEBISE

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« Vouloir c’est pouvoir » dit le proverbe. Viser un but, un objectif, définir un projet, puis mettre en place des processus pour aboutir est bien tentant. Si cela est juste pour des réalisations matérielles (des études, la construction d’une maison, la réalisation d’un repas, la gestion d’une entreprise…), il n’en est plus de même pour des postures, des attitudes, des comportements (se détendre, rester calme, être ouvert, arrêter de fumer, de trop manger, de boire, être amoureux, bien dormir, gagner en affirmation de soi, avoir une capacité de réjouissance, être un bon interprète artistique, etc…).

Ce qui concerne un état d’être ou une posture semble échapper à notre volonté, et aucun processus, aussi astucieux soit-il, ne semble permettre un aboutissement satisfaisant, authentique, libre de toute feinte ou de toute fausseté. L’énergie, la volonté, les efforts semblent même ici impuissants et ne conduisent qu’à une perte d’authenticité, d’honnêteté avec soi-même et avec autrui.

Sans doute cela peut nous évoquer le supplice de Tantale à qui échappent l’eau et la nourriture quand il veut les atteindre. Il était condamné à une faim et une soif éternelles. Il semble en être ainsi de la quête des états désirables par la simple volonté. L’énergie, le pouvoir, la puissance, la technicité, les protocoles astucieux, sont étrangers à une telle quête, qui semble requérir une autre voie pour se réaliser. Au-delà des processus : « Ils ne savaient pas c’était impossible, alors ils l’ont fait » est un autre adage, signifiant « oser au-delà du cognitif "raisonnable" et "raisonnant" ». Mais là aussi il s’agit plus de posture que de processus.

Sommaire

1 Le « je veux » impuissant
- Tantale – Le protocole qui tue la compétence – Un mot aux praticiens et aux formateurs

2 Quand l’Être se déploie
- L’Être et le milieu – La pensée chinoise (François Jullien – Le vide

3 Deux aspects de la volonté
- Le « je veux » - Le « je veux bien »

4 Cas de la méditation
- Le « je veux » y est obsolète » - Le « je veux bien » y est une possibilité

5 Avec la Vie, oser y être
- Une finalité présente – Oser y être

Bibliographie du site

1.Le « Je veux » impuissant

1.1.         Tantale

Selon la mythologie grecque, Tantale, roi de Lydie était fils de Zeus et de la Titanide Ploutô (richesse)*.

*Jacquenod - Nouveau dictionnaire de la mythologie, 1998 – p.591

Alors qu’il jouissait pourtant de l’amitié des dieux, il n’était pas un modèle de sagesse ! Il était connu pour son extrême richesse, mais aussi pour son insolence. Il colportait chez les mortels des secrets entendus dans l’Olympe, il vola aux dieux de l’ambroisie (nourriture d’immortalité) pour ses amis, il était aussi menteur en niant avec aplomb avoir vu le chien de garde en or (volé dans le sanctuaire de Zeus par Pandarios et déposé chez lui). Il offrit même son propre fils Pélops en ragoût, à manger lors d’un festin offert aux dieux. Pour tout cela il fut condamné à un châtiment éternel : attaché à un arbre chargé de fruits sur la rive d’un plan d’eau, il ne pouvait cependant ni boire l’eau ni manger les fruits, qui alors se dérobaient dès qu’il en approchait les mains ou les lèvres.

Ainsi Tantale reflète-t-il l’inaccessible, ce qui s’éloigne, échappe, s’évanouit quand on pense le toucher, ce que l’on ne peut atteindre quand on s’en approche.

L’être humain aurait-il commis une faute telle qu’il mériterait de vivre des situations analogues au supplice de Tantale ? Même si ce phénomène de l’inaccessible peut se produire dans diverses situations de l’existence, il est particulièrement marqué et même systématique, concernant les postures, les comportements, les attitudes. Vouloir « être paisible », « trouver le sommeil », « être amoureux », « avoir de l’assurance », « se réjouir devant la vie », « être un bon interprète artistique »… tout cela ne se décrète pas, et même, plus cela est souhaité, plus cela se dérobe.

Rien de tel que de vouloir se calmer pour finalement s’énerver encore plus ! Ces postures ou attitudes souhaitées ne semblent pas pouvoir surgir du simple fait de notre volonté, qui semble même nous en éloigner du fait de la tension provoquée par l’énergie qu’on y investit. Ce qui concerne les postures et attitudes d’un individu semble échapper à sa volonté et à l’énergie durement dépensées (et pourtant contre-productives). Il semble alors que le travers dommageable, chez l’être humain, soit d’investir assidûment de l’énergie là où il serait plutôt nécessaire d’ouvrir son cœur à une vastitude difficile à identifier.

1.2.         Quand le protocole tue la compétence

La quête du processus efficace qu’il suffit de mettre en œuvre pour atteindre ce que l’on souhaite, est un rêve fréquent. Les processus algorithmiques, qui conduisent mécaniquement avec assurance au résultat attendu, font que l’on est amateur de protocoles. Après, il suffit de « lire la notice » et de s’entraîner un peu (ou beaucoup). Or si cela est efficace concernant les « choses » à réaliser, il en est tout autrement concernant les postures, les « états d’être ». Si par exemple un musicien peut apprendre à maîtriser son instrument jusqu’à la virtuosité par entraînement technique, cela ne fera pas pour autant de lui un bon interprète touchant profondément ceux qui l’écoutent.

Il est un endroit où l’on trouve particulièrement cela, c’est en psychothérapie. Si nombre de soins médicaux nécessitent des protocoles précis pour la qualité de leur mise en œuvre et la sécurité, cela ne fonctionne pas bien pour la psychothérapie. Outre les connaissances à acquérir, il convient pour le praticien d’y trouver une posture qui ne se fabrique pas. Si cela est sous-entendu chez des praticiens comme Abraham Maslow, Franz Feldman ou Carl Rogers, cela fut explicité par Rollo May :

« Les principes techniques protègent les psychologues et les psychiatres de leurs propres angoisses. Mais par la même occasion, les techniques empêchent les psychologues et les psychiatres de comprendre le malade, elles l’isolent de sa présence pendant l’entretien, qui est essentielle pour comprendre la situation » (May, 1971, p.26).

Rollo May était proche de Carl Rogers, mettant en œuvre une psychothérapie humaniste, existentielle, où la congruence (cohérence entre ce que l’on montre et ce que l’on est) est un fondement majeur.  Nous lui devons d’avoir attiré notre attention sur ce point essentiel que la qualité du praticien en psychothérapie non seulement ne vient pas des protocoles, mais qu’en plus ceux-ci l’éloignent de ses patients et de l’efficience de ses soins. Le praticien seulement « bon élève » (au sens péjoratif du terme) se révèle alors en grande insuffisance professionnelle.

1.3.         Un mot aux praticiens et aux formateurs

Il est essentiel de bien comprendre que l’assiduité aux protocoles ne conduit pas à la compétence, à l’efficience du praticien en psychothérapie. S’il est important de connaître les processus à l’œuvre, il est aussi et surtout essentiel de s’ouvrir en sensibilité et en créativité, en continuelle connexion avec le patient, avec ce qui appelle sa conscience à travers ses symptômes, avec la Vie qui œuvre avec pertinence en un chemin d’émergence adapté, conduisant à plus de complétude ou de déploiement. Sans cela, suivre scrupuleusement un protocole est voué à l’échec : au mieux à une absence de résultats, au pire à une nuisance. Voir la publication de décembre 2013 « Primum non nocere ».

1.1.1    L’incontournable réjouissance

Il se trouve qu’un des éléments clés d’une thérapie est la capacité de réjouissance du praticien face à son patient, face aux Êtres de Soi qui émergent en lui au cours de la thérapie. C’est ce bonheur éprouvé, cette confiance inconditionnelle (en l’Être qu’est le patient et en la Vie) qui facilite ces émergences.

Or la réjouissance ne se décrète pas et ne peut résulter d’aucun protocole, d’aucune procédure algorithmique (c’est-à-dire d’une succession d’actes préprogrammés, soi-disant adaptés à la circonstance). La réjouissance est simplement la conséquence naturelle de « où le praticien porte son attention ». La porte-t-il vers les disfonctionnements dont souffre le patient, avec le projet de les combattre, de les corriger, de les résoudre ? Ou bien la porte-t-il vers les pertinences en accomplissement vers une rencontre de Soi, une remédiation ou un déploiement, vers les Êtres émergeants qui se manifestent grâce aux symptômes ? Selon l’option, le praticien sera naturellement soit en gravité (affect), soit en réjouissance (sensibilité), sans avoir à le penser ni à le construire. La volonté, l’énergie investie ou la technicité, n’y changent rien… voire éloignent de la congruence et de cet état naturel qui permet l’efficience, ainsi que l’a si bien souligné Rollo May. Voir la publication de février 2017 « Réjouissance thérapeutique ».

1.1.2    L’incontournable délicatesse

La délicatesse découle de la réjouissance. Elle est très différente des précautions qui sont une fausse délicatesse. En effet, la Vie est bien plus solide qu’on ne l’imagine. Si elle mérite qu’on l’aborde avec une très grande délicatesse (considération), elle ne nécessite pas qu’on l’aborde psychologiquement avec des précautions protocolaires (comme si elle était fragile ou inconsistante).

La Vie nous montre ce paradoxe qu’elle semble à la fois fragile (un rien peut la mettre en danger) et tellement inébranlable (elle ressurgit toujours d’une façon ou d’une autre). Il convient alors de distinguer le plan vital de la « biosphère » (grouillement cellulaire sur la planète) et le plan existentiel de la « noosphère » (la conscience en émergence dans le monde)*.

*Nous devons les notions de géosphère (énergie physique), biosphère (énergie biologique) et noosphère (conscience en déploiement) au paléontologue
Pierre Teilhard de Chardin : « Le phénomène humain » (1955, p.199).  

Si nous abordons la Vie sur le plan existentiel (Noosphère ontique, et pas seulement celui de la biosphère biologique) nous découvrons qu’elle EST, solidement structurée avec pertinence. Que les multiples processus qu’elle met en œuvre contribuent à sa complétude ou à son déploiement (émergence de la conscience), et qu’il s’y trouve plus de pertinences à l’œuvre que de dysfonctionnements (voir la publication de septembre 2018 « Incontournable délicatesse et outrancière précaution »). Pierre Teilhard de Chardin semble déjà évoquer ce phénomène dans son ouvrage des années 50 :

« Et, au cœur de la Vie, pour expliquer sa progression, le ressort d’une Montée de Conscience » (Teilhard de Chardin, 1955, p.161) « Tout au fond de lui-même, le monde vivant est constitué par de la conscience revêtue de chair et d’os. De la Biosphère à l’Espèce, tout n’est donc qu’une immense ramification de psychisme se cherchant à travers des formes. » (Ibid., p.165) « La conscience monte à travers les vivants » (p.195).

« La présence d’un plus grand que nous-mêmes, en marche au cœur de nous » (p196). « l’Homme ne progresse qu’en élaborant lentement, d’âge en âge, l’essence de la totalité d’un Univers déposé en lui. » (p.199).

Si les dysfonctionnements psychiques sont une possibilité qu’il ne faut pas négliger, ils sont bien plus rares que la pertinence à l’œuvre qui, elle, est trop souvent totalement ignorée.

1.1.3    L’attention et la confiance

L’intérêt (intéressé) d’un « je veux » ne fonctionne pas. Par contre, « être attentionné, en réception, en ouverture et en confiance, en réjouissance »… cela fonctionne naturellement, sans stratégie, sans énergie à dépenser.

Quand Erwin László nous parle d’« in-formation » il nous parle de phénomènes locaux, dont la connaissance est aussitôt disponible dans la totalité de l’espace et du temps, sans besoin d’énergie pour s’y exprimer (contrairement à l’information qui, elle, doit se délacer d’un point à un autre, et ne peut le faire qu’en consommant de l’énergie). Ainsi, ce qui se passe à un endroit, « in-forme » tout le reste, discrètement mais profondément.

Le praticien accorde donc son attention : à « Celui qu’est le patient » en face de lui dans le présent. Mais il en accorde tout autant à « ce qui, chez celui-ci, appelle sa conscience » en vue de remédiation ou de déploiement. Le praticien se retrouvera même plus en connivence avec cet « endroit de la psyché » de son patient, qu’avec le patient lui-même… qu’il s’agisse d’un de ceux qu’il a été (biographie), un de ceux dont il est issu (transgénérationnel) ou bien un des multiples « endroits de l’humanité ou autre » qui ne sont en lien ni avec son histoire personnelle, ni avec celle de ceux dont il est issu (transpersonnel), mais qui se manifeste à travers son ou ses symptômes. Voir la publication de novembre 2016 « L’emplacement subjectif du praticien ».

Accorder son attention et sa confiance, c’est offrir de la considération (co-sidéral : ensemble d’étoiles en constellation), de la reconnaissance (validation existentielle), c’est éprouver de la réjouissance face à la grâce de ce qui appelle la conscience. De même que Frans Veldmann évoque avec l’haptonomie cette capacité à voir « le bon en l’autre, présent et en devenir » (Veldman -1989, p.45) le praticien aura cette posture, tout en l’étendant à l’entièreté de la psyché de son patient, depuis sa biographie la plus récente ou la plus lointaine, jusqu’au transpersonnel le plus ancien et le plus impalpable. Un symptôme, c’est la Vie qui s’accomplit, qui cherche son chemin, qui émerge, qui met en œuvre des pertinences qui attendent d’être accompagnées, respectées. Qu’il s’agisse de la biographie, du transgénérationnel ou du transpersonnel, tout Être (passé, présent, ou même « futur ») qui s’exprime est là, dans un présent indéfinissable, de façon « uchrotopique » (concerné ni par le temps ni par l’espace), et mérite considération, confiance, réjouissance. Il est toujours un excellent partenaire pour aboutir la remédiation ou le déploiement en cours. Voir les publications d’avril 2017  « Confiance thérapeutique » et de mai 2016 « La Vie et l’énergie ».

1.1.4    Concernant les formateurs

Tous les points ci-dessus sont essentiels pour les praticiens, donc pour les formateurs qui vont leur ouvrir les portes du métier. Un praticien-formateur, qui forme de futurs confrères et consœurs, se doit de mettre l’accent sur ces points clés, afin de leur offrir la meilleure garantie de compétence, tant pour eux que pour ceux qui viendront les consulter.

Un formateur ne peut se contenter de donner des éléments théoriques (même s’il en faut aussi), ni que des éléments de processus à faire (même s’il en faut également). Il n’oubliera pas qu’il est le principal exemple qui, sans chercher être idéal (surtout pas source d’admiration ou de fascination), permettra à l’étudiant d’apprendre… à force de voir faire, et pas seulement quand on lui explique. L’accompagnement du formateur devra sensibiliser l’étudiant à ces notions d’attention, de délicatesse (libre des précautions), de réjouissance (spontanée et discrète), de confiance (inconditionnelle), d’Être émergeant (qui appelle la conscience à travers les symptômes), de Vie avec ses pertinences (différente de l’énergie).

Le formateur saura accompagner l’étudiant depuis « là où il se trouve » au début de son apprentissage, jusqu’à une compétence profonde et suffisante, qui ensuite pourra se déployer lors de l’exercice de son métier. Il y aura toujours le paradoxe d’une profonde connaissance de la théorie et des mises en œuvre, un respect des fondements (structure indéfectible), mais avec une grande liberté d’ajustement, de créativité, face aux nouveautés que lui présente la Vie à travers ses patients. Un bon praticien ne peut qu’être un praticien chercheur qui sera toujours heureux d’apprendre de ses patients, ainsi que le disait si bien Donald Wood Winnicott : « Merci à mes patients qui ont payé pour m’instruire » (dédicace en introduction de son ouvrage « Jeu et Réalité » - Folio Gallimard, 1975). Le formateur se devra de sensibiliser se étudiants à de tels concepts, attitude, regard, éthique. La maïeusthésie ne sera pas garantie par des limites réductrices d’un contrôle illusoire (souvent même néfaste), mais par une structure indéfectible, suffisamment intégrée pour permettre une créativité en toute sécurité et une auto-régulation satisfaisante, même si des supervisions restent souhaitables.

De même que le praticien est enseigné par ses patients, le formateur est aussi enseigné par ses étudiants. Il aborde ses sessions avec enthousiasme et se sent en train d’apprendre avec eux, tout en leur enseignant. Cela donne une excellente dynamique pédagogique car formateur et étudiants sont ensembles dans une même dynamique de découverte. Voir la publication de septembre 2017 « Animer une formation ». Le philosophe et directeur d’études émérites à l’EHESS Heinz Wismann a apporté une grande contribution pédagogique et vient même étayer ce propos. Dans son ouvrage « Penser entre les langues », il nous écrit :

« […] le seul enseignement de valeur est celui qui se trouve associé à la recherche que l’on poursuit soi-même » (2014, p.134).

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2.Quand l’Être se déploie

2.1.         L’Être et le « milieu »

Le paradoxe est délicat pour l’intellect. Qu’est-ce que « l’Être, le Soi » ? Chacun de tous ceux que l’on a été, que l’on appelle souvent hélas « parts de Soi », sont en fait des « Êtres de Soi », des Êtres à part entière (et non des « morceaux de Soi »), contenant en plus chacun l’entièreté de Soi (au moins potentiellement). Voir la publication de février 2014 « Parts de Soi et entièreté ».

Quant au « milieu », là où se trouve cet Être de Soi, c’est autant ce qui l’entoure que ce qu’il contient. L’« autour de Soi » (ce dans quoi l’on baigne) est analogue à l’« en Soi » (qui nous habite au cœur, au centre, et en totalité).

Nassim Haramein (chercheur en géométrie fondamentale de l’hyper espace) nous dit que chaque point contient la totalité. La physique nous dit aussi qu’une particule est un centre de quelque chose de bien plus vaste, qui occupe « tout l’espace ». De ce fait, une particule a toujours une probabilité non-nulle de se trouver quantiquement ici… et aussi dans un ailleurs au bout de l’Univers.

« Tout est point, chaque point contient l’infini et tout se divise en l’infini » (Haramein, 2012, p.12)

Le paradoxe est alors de se côtoyer tout en étant distincts, et tout en occupant « tous » la « totalité ».

« L’homme ne saurait se voir en dehors de la Vie, ni la Vie en dehors de l’Univers » (Teilhard de Chardin, 1955, p.29). Parlant des atomes : « Chacun d’eux a pour volume le volume de l’univers. L’atome n’est plus le monde microscopique et clos que nous imaginions peut-être. Il est centre infinitésimal du monde lui-même » (Ibid., p .40).

Ainsi, le « milieu » est autant ce qui est au centre (un équidistant entre deux, ou même le centre d’une cible), que ce qui nous entoure (ce qui baigne chaque chose). La totalité en chacun était déjà évoquée chez les grecs sur le fronton du temple de Delphes : « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les dieux », sous-entendant que la totalité est autant en chacun, qu’autour de chacun.

2.2.         La pensée chinoise (François Jullien)

Le philosophe contemporain François Jullien a découvert que derrière « ce qui est dit » se trouve de « l’inouï », c’est à dire du « non entendu », du « non ouï » (Jullien, 2019). Les mots du langage conduisent à une signification, mais derrière cette signification, cognitivement perçue, se trouve une dimension trop souvent ignorée. Par exemple derrière le mot « considération » se trouve étymologiquement l’idée « d’étoiles en constellation » (co-sidéral). Mais François Jullien va même au-delà de l’étymologie.

« L’inouï fissure – fracture - le cadre de notre expérience, nous fait frôler dans l’expérience un au-delà de l’expérience, fait effraction dans l’empirique et ne s’y rabat pas. »  (Jullien, 2019, p.102).

« La sociabilité sert exactement à cela : à faire entrer le métaphysique dans sa niche, le laver de sa virulence, l’enfouir et le faire oublier » (ibid., p. 110).

« […] ce qui est le plus ordinaire, ne pourrait-on donc pas l’appeler aussi bien le « réel » […] l’inouï et le réel ne se laissent pas discerner […] » (Ibid., p.64)

François Jullien a eu l’idée que pour entendre « l’inouï », il convient de se décaler « d’un pas de côté » (se placer avec un écart), afin de changer son point de vue. Selon lui, le point de vue étymologique, aussi riche soit-il, est insuffisant. Ainsi, pour accomplir ce « pas de côté » d’une façon aussi efficiente que possible, lui qui parle plusieurs langues, qui est un helléniste accompli (il connaît bien l’étymologie), François Jullien, décide d’aller à un endroit où il ne dispose d’aucun repère. Sa quête est alors de mieux accéder à « l’inouï » du monde. A cette fin, il choisit d’aller pour un long séjour en chine, d’apprendre le chinois (rien de moins que cela !), de découvrir des textes ancestraux dans leur langue originelle, cette langue où il n’a aucun encrage. Aucun repère étymologique habituel (car transcrite en idéogrammes), aucun repères grammaticaux (car pas de conjugaison) et surtout une façon de voir le monde qui, occidentalement, nous échappe : l’Être isolé n’existe pas, il n’existe qu’avec ce qui l’entoure.

En occident il est coutume de considérer un Être dans une circonstance (circum-stare : ce qui se tient autour) en les distinguant l’un de l’autre. Au sein de « ce qui l’entoure », « un Être » va ainsi décider d’atteindre un objectif, de réaliser un projet (pro-jet : jeter devant, ce qu’ensuite il rejoint). Pour cela il va tenter de soumettre plus ou moins cet environnement grâce à des stratégies (plan, prévisions, processus algorithmiques), de vaincre les obstacles, puis d’aboutir.

En chine, le mode de pensée est très différent. L’Être et ce qui l’entoure forment un tout indissociable. La façon d’agir est optimisé en épousant ce tout et non en le soumettant. Nous ne sommes finalement pas si loin du fait de suivre une pertinence qui s’offre à nous plutôt que de lutter contre un dysfonctionnement :

« Le stratège ne sera plus celui qui dresse un plan en fonction de ses objectifs et le projette sur la situation, en faisant appel à son entendement pour concevoir ce devoir être ; puis à sa volonté pour faire entrer celui-ci dans les faits, avec ce que ce "faire entrer" peut impliquer de forçage. […]. Mais le vrai stratège serait celui qui sait discerner, à la fois détecter et dégager, à même la situation dans laquelle il se trouve engagé, et non pas telle qu’il la reconfigurerait idéalement dans son esprit, les facteurs favorables […] suivant lesquels il pourra gagner continument en propension […] et infléchir la situation à son profit » (Jullien, 2015, pp.29-30)

Bien sûr, nous ne manquerons pas de remarquer qu’en dépit de cette approche radicalement différente, il y a tout de même l’idée de « stratège » et de « infléchir la situation à son profit ». Mais le point essentiel à remarquer c’est la cohésion, le partenariat, l’éco-fonctionnement « sujet/circonstance », les deux en interaction.

J’ai écrit dans la publications de novembre 2019 « Archétypes existentiels » (à Non-savoir et connaissance , à §2.2), une étonnante source du mot « connaître » :

« Le mot latin cognoscere a donné "connaître", constitué de cum (ensemble, en simultané) et noscere (analogue au grec gnose "connaître"). Le mot "connaissance" reflète ainsi une synergie entre CE qui perçoit et CE qui est perçu (qui curieusement va avec la phonétique [non étymologique] "co-naître") ».

Cela implique que « ce qui perçoit » et « ce qui est perçu » sont en synergie. Mais en maïeusthésie, plutôt que de chercher une synergie stratégique « à notre avantage », nous « rejoignons une pertinence en attente d’accomplissement ». Ni pro-jet, ni objectif, mais sensibilité à la justesse à l’œuvre et à cette finalité qui nous attend, sans pour autant être écrite par avance.

2.3.         Le vide

Une telle conception du rapport « objet/sujet » nous laisse cognitivement un peu désemparé. L’intellect pense difficilement une telle chose. Or, un autre penseur, professeur de chinois, expert dans cette pensée, nous apporte quelques éclairages : Romain Graziani.

Dans son ouvrage « L’usage du vide – Essai sur l’intelligence de l’action, de l’Europe à la Chine » (2019), il met en relief « Ces états qu’on ne saurait vouloir » (titre de l’introduction du livre). La volonté ne semble alors pas le moyen pertinent pour les atteindre et se révèle même le plus souvent contre-productive. Là aussi, il n’y a pas « un Être » contre « un obstacle », animé énergiquement par un projet à atteindre, une « finalité à fabriquer » (que nous distinguerons soigneusement d’une « finalité préexistante à rejoindre »).

Une spécificité, dans la façon d’être de l’approche chinoise, concernant les états optimums souhaités, est de ne pas être conduit par le « vouloir ». Pourtant, la Chine contemporaine a tendance à mettre les sujets en compétition dès l’école ? Est-ce par perte des sagesses initiales ? Ou est-ce du fait de points obscures de cette sagesse ? Peut-être nous pouvons observer que les différences de point de vue sont plus en complémentarité qu’en fausseté ou justesse. Notre ouverture et notre créativité se doivent de rester en vigilance souple, en ouverture du cœur, en délicate attention, prête à mieux « entendre le monde » du fait de ces différents endroits d’où il est perçu et décrit.

Selon Graziani, dans la pensée chinoise, le sujet n’est finalement pas source avec sa volonté. Nous trouvons dans son ouvrage des fondements différents qui peuvent certainement nous éclairer.

« […] lorsque les choses ne se déroulent pas comme nous l’avions prévu et voulu, c’est précisément en raison du plan d’action que nous avons formé, et même en raison du simple fait d’avoir un plan » (Graziani, 2019, p.9).

« Je me suis aperçu que les états, physiques ou mentaux, que nous associons de près ou de loin à l’idée de bonheur, comme l’état d’aisance dans la danse, d’exécution souple et allègre d’un air de musique, de transport euphorique, de ravissement poétique, de grâce agissante, de gaîté, d’enjouement, d’hilarité, etc., ont justement en commun cette propriété redoutable d’être mis en déroute par simple tentative de les faire advenir de façon volontaire » (Ibid., p.10).

Ainsi :

« Vouloir un état de non pensée, de non-désir ou de non-volonté est l’un des problèmes les plus aigus auxquels se heurtent les exercices méditatifs développés dans les milieux taoïstes et bouddhistes. » (Ibid., p.85).

« La seule tentative d’atteindre un état mental dans lequel la volonté n’est plus dirigée par rien, par aucune représentation finale, suppose déjà une forme d’attention volontaire qui entre en contradiction avec les propriétés intrinsèques de l’état recherché » (Ibid., p.87).

Cela semble être une impasse, mais Graziani nous propose une issue :

« Cet état optimal dans lequel le dehors et le dedans se confondent, se voit fréquemment associé à la notion de yeou* : un état d’effusion, de libre échappée, d’essor spacieux ou de transport. Cette mobilité heureuse, cette randonnée jubilatoire et sans freins constituent dans l’éthique et l’esthétique chinoise l’une des expressions ultimes de la puissance vitale parvenue à son comble ». (Ibid., p.177)

*Le terme yeou signifie en chinois voyager, divaguer, errer, s’ébattre, circuler dans l’air ou évoluer sur l’eau (note de Graziani).

Cela fait penser à « savoir s’amuser » (musarder, le nez – le museau - vers les étoiles) au lieu de « jouer » (avoir un but à atteindre dans un espace donné, avec des règles précises). Voir la publication de juillet 2016 « Jouer ou s’amuser ».

Finalement, nous avons là une posture libre et joyeuse, ouverte et réjouie, prête à la nouveauté, libre des préjugés et des buts réducteurs (tout le contraire d’une gravité assidue en vue d’un projet à atteindre). C’est sans doute une posture plus que souhaitable chez les praticiens en maïeusthésie et chez les formateurs de ces praticiens.

Une force quelconque engagée afin d’aboutir détourne de la « cible » (peut-être même le simple fait qu’il y ait une cible). Il s’agit plus de rencontrer la pertinence que nous manifeste la Vie et d’oser « s’amuser avec », tout en délicatesse (mais sans outrancières précautions !), en se laissant émerveiller.

 « Réaliser une tâche de façon distraite peut paradoxalement nous amener à mieux la réaliser et à déjouer l’action paralysante de la réflexion » (Graziani, 2019, p.160).

 « Les états de dispersion mentale, d’éparpillement de l’attention et de désintérêt vis-à-vis du but initial, voire l’oubli des intentions qui nous guident peuvent apparaître comme des aberrations d’un point de vue logique et nous sommes volontiers enclins à soupçonner d’induire de fatales erreurs de raisonnement alors que, comme le confirment tant de recherches en psychologie de la cognition, de tels états se révèlent les voies d’accès les plus sûres dans certains contextes pour atteindre un état supérieur d’aisance ou de maîtrise » (Ibid., p. 167).

Il ne s’agit ni de se centrer, ni de se concentrer, mais de s’ouvrir, de se laisser toucher, de se laisser guider… et, comme nous le verrons un peu plus loin : « d’oser y être » et « d’oser s’y amuser », d’y garder sa candeur sans aucune puérilité. 

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3.Deux aspects de la volonté

3.1.         Le « Je veux »

Celui qui « veut » est aux commandes pour accomplir son souhait… posture dynamique, mais aussi quelque peu égocentrée. L’Être qui veut est au centre d’un environnement, de circonstances, qu’il tente d’ajuster ou d’instrumentaliser pour atteindre sa cible.

Cette cible peut être quelque chose pour lui-même, ou quelque chose pour autrui (nous sous-entendons ici « quelque chose d’agréable pour autrui » et non « une nuisance à autrui » qui reviendrait à une satisfaction personnelle de pouvoir). Celui qui veut, engage une énergie en vue de l’accomplissement de son souhait. Vouloir, c’est tenter d’enclencher un certain pouvoir sur les circonstances pour aboutir.

La posture peut sembler purement égocentrée et même égoïste, mais attention, de ne pas mêler ici des choses différentes :

1/ Il y a le simple « je veux » pour tendre la main afin d’attraper un verre d’eau, juste parce que le sujet éprouve de la soif, ou pour le donner à une personne qui a besoin de boire. Ici, ce vouloir discret est le moyen naturel permettant l’accomplissement d’une chose simple, en vue de combler un manque par la satisfaction d’un « besoin » pour soi ou pour autrui.

2/ Il y a le « je veux » pour acquérir une chose attirante venant juste compenser un « manque », pour soi, ou pour autrui, mais qui ne correspond pas à un besoin. Ici le « je veux » vise la compensation (et non le comblement) d’un manque, afin de masquer un besoin frustré. Il s’agit alors un exercice de pouvoir contre un inconfort mal identifié qui se retrouve inchangé, juste masqué ou mis entre parenthèses. A cet endroit, nous avons la quête de performances, de richesses (souvent même au détriment d’autrui, sans pour autant ne lui souhaiter aucun mal, mais sans aucune considération ni compassion à son égard).

Il y a même davantage de complexité : chez un sujet, le « je veux respirer » du fait d’un manque d’air qui pourrait lui être fatal, n’est pas de même nature que le « je veux de la richesse » pour avoir l’impression d’exister ou pour dominer le monde. Et il y a entre les deux des millions de nuances. Même, celui qui « veut pour autrui » un mieux-être, le veut-il juste pour l’autre… ou pour la satisfaction personnelle d’une sensation de pouvoir en faisant du bien ? Il est difficile de tout catégoriser tant il y a nuances.

De plus, par exemple, un « je veux aller au cinéma » est-il la recherche d’une compensation pour oublier un inconfort mal identifié, ou bien cela vise-t-il la satisfaction d’un besoin d’autonomie (je fais ce que je décide), ou même encore un peu plus loin, un besoin ontique de contacter de l’harmonie, de la beauté, l’expression artistique d’autres humains ? Prendre un verre de vin découle-t-il d’une quête de compensation par enivrement, ou de la quête de rencontrer une harmonie gustative profonde et subtile résultant des compétence exceptionnelles d’un vigneron et d’un maître de chai talentueux, qui ont à cœur de contribuer au bonheur du monde ?

Notre intellect adore classer les choses afin de nous y retrouver, mais ces choses sont souvent rebelles à une classification simpliste. Pour les extrêmes, la réponse est souvent très claire, mais dans la multitude des situations intermédiaires, plus subtiles les unes que les autres, le classement devient vite inopérant et la confusion ressurgit, parfois s’accroit.

Nous avons même celui qui est en dehors du « je veux », qui donne sans compter et « ne veut rien pour lui »… est-il en générosité, en sagesse ? ou tente-t-il sans s’en rendre compte d’échapper au fait d’être redevable de quoi que ce soit, et d’assoir un implicite pourvoir (où c’est l’autre qui devient débiteur) ? D’une façon détourée celui-ci « veut : RIEN » et se trouve aussi dans le « je veux ». Il se coupe du monde pour préserver sa liberté, permettant l’existence d’un flux généreux de lui vers l’autre (qui le sécurise), mais pas de l’autre vers lui (qui le mettrait en dépendance). Il prive ainsi l’autre de pouvoir exprimer sa propre générosité.

A un autre endroit encore est celui qui « ne veut rien », qui n’a aucun souhait particulier : manque-t-il d’affirmation, d’implication, car il ne semble motivé (mu) par rien ? Ou s’agit-il de sagesse (libre et ouvert) ? Ou encore de dépression (effondré, « débranché ») ? Nous pressentons bien que le « vouloir » est soit au service de la satisfaction d’un besoin, soit à celui d’un détournement par la production d’une compensation (voir la publication de juin 2019 « Les besoins »). Dans les deux cas, nous ne sommes pas dans la même situation. Et, finalement, l’absence de « je veux » est-il pour autant une garantie de quoi que ce soit ?

Y aurait-il une posture qui ne procède ni de l’égo, ni de l’apathie ? Celui qui est motivé par l’obtention de quelque chose de son environnement est conduit par un moteur extrinsèque (extérieur à lui-même) et son « je veux » tente de maîtriser les circonstances pour arriver à ses fins. Celui qui est motivé par le simple fait d’être dans le monde avec l’élan de le découvrir, et qui est attentionné, est conduit par un moteur intrinsèque (en lui) : il se dispose à une rencontre avec ce qui l’entoure, avec ce qui se présente à lui. Par exemple, de ce que proposait le peintre Rembrandt : voir la beauté dans l’ordinaire et non la chercher dans l’extraordinaire.

Les hédoniste (dont Épictète et Épicure) étaient assez proches de cette dimension intrinsèque d’ouverture : ils ne recherchaient jamais « les choses qui font plaisir » mais plutôt « le plaisir qui pouvait résulter, en eux, de chaque chose ». Ils pouvaient ainsi se réjouir autant d’un bon repas que d’un jeûne, s’ouvrant simplement à la Vie. Finalement il s’agit un haut degré de sagesse trop souvent ignoré, car les hédonistes (notamment les épicuriens) sont hélas connus à tort pour « une quête des choses qui font plaisir », alors qu’ils sont disposés à « trouver le plaisir simplement en les choses qui se présentent à eux ». D’une certaine façon il sont hors du « je veux ». Ils sont plutôt dans une posture du « je veux bien », disposés à goûter le monde tel qu’il s’offre à chaque instant.

3.2.         Le « Je veux bien »

Le « je veux bien » procède aussi de la volonté, car notre assentiment y est actif (aucune passivité). Mais c’est ici une volonté confiante qui ne cherche à produire aucun contrôle, aucun effet. Une ouverture volontaire, sans énergie et sans pouvoir, une confiance en la justesse, un état à l’écoute du monde, tant extérieur (circonstances) qu’intérieur (présent, biographique, transgénérationnel, transpersonnel).

Cependant, une absence totale de vouloir est-il souhaitable ? Siddhârta (futur Bouddha), lui-même quitta cet absolu, lors de sa quête de soulagement des peines du monde. Parmi ses expériences, à cette fin, il rejoignit des ascètes qui, méditant continuellement, devaient même ne pas accepter des offrandes. Ils devaient se contenter de ce qui pousse autour d’eux, et de l’eau de la pluie. Il resta avec eux six années, se conformant à leur pratique qui semblait d’une grande sagesse. Mais il découvrit qu’il s’affaiblissait inutilement et fut éclairé par le conseil qu’un professeur de cithare, passant près d’eux, dit à son élève : « si tu ne tends pas assez la corde elle ne joue pas, si tu la tends trop elle casse ». Ainsi, réalisant qu’il mettait trop de force dans sa quête (un « je veux RIEN »), risquant de « casser la corde », Siddhârta abandonna aussitôt son comportement extrême (finalement une forme détournée de « je veux »). Il alla vers le monde plus simplement, se libérant de la « fermeture » qu’il s’était infligée, quand bien même, du fait de ce départ, les ascètes lui en voulurent de les abandonner comme un traître.

Cette ouverture est aussi accompagnée d’une complexité. L’acceptation de « tout » est-elle souhaitable ? Par exemple accepter de manquer d’air jusqu’à en mourir sous prétexte de ne pas « vouloir » cet air, et de juste « vouloir bien » ce manque d’air… cela apparaît comme une absurdité. Certes les extrêmes ne nous disent pas tout et il convient de nuancer, mais nous voyons bien que notre cœur et notre bon sens nous seront ici plus utiles que notre seul raisonnement.

Le « je veux bien » concerne une finalité que l’on rejoint. Le « je veux » concerne un but, un objectif, un projet que l’on fixe et que l’on poursuit en vue de l’atteindre. Le pro-jet est une volonté personnelle de placer devant (pro-jeter) une chose après laquelle nous engageons notre mouvement pour l’obtenir. Cela permet sans doute de faire de l’exercice (je le jette devant, puis je cours après), mais c’est une toute autre chose que de « rejoindre une finalité ».

Le pro-jet est jeté devant et on court après, alors que la finalité, elle, est déjà là et on se contente de la rejoindre. Cette finalité pré-existe avec pertinence, mais pour autant on ne peut pas dire qu’elle soit déjà écrite et que l’on ait la possibilité de la prédire factuellement. C’est juste une destination (oserons-nous le mot « destin » ?) qui pourra revêtir différentes formes, mais dont la structure conduit déjà les phénomènes présents (voir la publication de novembre 2019 « Archétypes existentiels »). Les règles d’un futur, juste structurel (pas encore habillé d’événementiel), conduisent le déroulement du présent (cela s’appelle « téléonomie » : telos [achèvement, fin] – nomos [règles]).

Ainsi, le « je veux bien » est un mouvement vers une finalité qui attend d’être rejointe, et non une passivité. Le Monde, la Vie à l’œuvre, les pertinences diverses en accomplissement, voilà le moteur. Mais là encore la tentation d’un absolu nous rappelle à l’ordre et vient contribuer à notre humilité. Trouver un sens à tout et à tout prix peut conduire à des niaiseries dommageables.  Nous avons à la fois « la pertinence à l’œuvre » et « un présent à gérer en vue de survie, et même de Vie ». Le « lâcher prise » n’est pas un abandon au n’importe quoi.

Face à l’adversité, autant le pouvoir du « je veux » pose un problème, autant les phrases du genre « ce n'est pas pour rien », « ce n’est pas un hasard », « cela va t’enseigner quelque chose » peuvent être meurtrières. Notre intellect qui veut tout ranger une fois pour toute à sa place s’en trouve contrarié ! Même s’il est souvent vrai, comme le dit l’adage, que « ce qui ne tue pas rend plus fort », n’oublions pas qu’il reste parfois des traces de trauma bien embarrassantes si l’on ne sait pas comment en faire bon usage. Elles ne disparaissent pas par la simple volonté. Cela nous invite encore une fois à l’humilité, nous propose de ne rien généraliser, nous conduit à rester sensible à la nuance, au bon sens. Toute théorie préfabriquée et définitive devient néfaste quand elle se transforme en dogme ou en idéologie.

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4.Cas de la méditation 

4.1.         Le « je veux » y est obsolète

Alors que l’on fait souvent l’apologie de la volonté, nous avons par exemple avec la méditation un endroit où elle n’opère pas, en tout cas pas au sens habituel du terme. Tout au plus nous y trouverons son amie « la persévérance » (mais sans effort), libre du « pouvoir » et du « vouloir », juste conduite par un « je veux bien » sensible, conscient, attentionné, libre.

Il peut sembler que la pratique de la méditation soit un bon moyen pour accompagner vers la confiance et le lâcher prise. Chacun sait pourtant qu’il est impossible de répondre à l’injonction « lâche prise ».

La méditation trouve aujourd’hui une place dans le soin psychologique, notamment grâce à Christophe André, psychiatre à l’hôpital Sainte Anne à Paris, avec des résultats probants. Praticien d’une extrême sensibilité à l’humain et à son besoin de transcendance, il ose magnifiquement des voies nouvelles. Et en effet, la méditation de « pleine conscience », tellement prônée en psychologie positive, permet d’aboutir à un apaisement signifiant de certaines psychopathologies (voir la publication d’avril 2012  « Psychologie positive »).

Nous avons cependant ici un paradoxe intéressant : si l’apaisement résulte de la méditation, par contre un projet d’apaisement en méditant ne fonctionne pas. L’apaisement se produit quand il n’est pas placé comme cible. Là aussi, la quête peut nous éloigner du résultat attendu. Les notions d’effort et de volonté sont étrangères à celle de « lâcher prise ». Pourtant, la volonté y joue tout de même un rôle, mais en délicatesse, car cela ne peut se faire sans « notre accord », sans un « Je veux bien ».

Une posture d’accueil et de confiance peut en constituer la source… mais elle non plus ne se décrète pas. Tellement habitués que nous sommes à opérer par des processus algorithmiques, des séquences procédurales efficaces, nous pensons que des rituels ou des protocoles viendront à notre secours pour atteindre ces états désirables. Nous tendons ainsi la main vers l’étoile tant espérée avec les efforts requis pour l’atteindre… mais pareillement à Tantale, nous la voyons s’échapper au fur et à mesure que nous en approchons, tel le pied de l’arc-en-ciel où paraît-il se trouve un trésor. La quête devient ainsi perpétuelle, sans fin et sans aboutissement.

4.2.         Le « je veux bien » y est une possibilité

Une tranquillité éprouvée, dans un bain avec la Vie, peut nous y conduire. Nous n’y sommes pas alors portés par la quête que l’on poursuit, mais par la joie qu’on y éprouve. Et s’il n’y a pas de joie ?... C’est alors par la non-joie consciente dont on fait l’expérience. Cela ne peut s’accomplir sans notre accord, mais en aucun cas sous la forme d’un « je veux ».

Quand l’on goûte quelque chose, l’on ne décrète pas qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas. On le goûte tout simplement, puis on en éprouve ce qu’on en éprouve. Si c’est savoureux, il n’y a aucune peine à laisser cette saveur nous atteindre.

Cette joie ne viendra donc pas d’une volonté mais d’une expérience éprouvée, plus précisément « expériencée ». Ici, il ne s’agit pas d’un vécu sensoriel (les mots « goûter » et « saveur » n’en reflètent donc pas tout à fait la nature), mais d’un vécu expérientiel (ontique, hors sensorialité) dont l’éprouvé est naturellement la réjouissance. Une sorte de vécu naturel qui se produit sans avoir à le poursuivre, à le rechercher ou à le vouloir. Il ne dépend pas de ce que l’on veut, ni de notre quête, mais de ce vers quoi l’on se tourne : soit vers la Vie (à l’œuvre, et simplement la recevoir), soit vers les dysfonctionnements (à corriger). Nous sommes naturellement en paix dans le premier cas, et au moins en stress dans le second.

Le temps de pause que peut représenter une méditation est une sorte de « mouvement existentiel sans mouvement », vers une contemplation de la Vie, sans admiration ni fascination, sans déni des réalités, mais connecté au Réel, avec gratitude et réjouissance. Alors que la réalité est perçue par le sensoriel, le Réel est lui perçu par l’expérientiel (voir la publication « La réalité, les vérités, le Réel » d’avril 2018).

ll est coutume de se « centrer » pour s’apaiser (sur le souffle par exemple) et ce peut être une première étape. Mais la posture finale est plutôt de « s’ouvrir », de laisser la Vie nous traverser, et de l’habiter pleinement dans son entièreté et de laisser habiter par elle. Un peu comme si le corps se retrouvait au cœur de l’Être, entouré par lui en douceur, entouré par une infinité, et non l’Être au cœur du corps, enserré dans une limitation.

Il ne s’agit donc pas tant d’un but que l’on poursuit, mais de la capacité d’émerveillement face à ce dont on fait l’expérience intime, celle-ci étant directement liée au fait « d’oser la Vie », « d’oser y être », « d’oser s’y étendre » ou « s’y déployer », « en être traversé ». La méditation peut ici être une précieuse alliée, si elle n’a pas été détournée de sa nature pour malencontreusement être transformée en « outil de pouvoir sur Soi ».

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5.Avec la Vie, oser y être

5.1.         Une finalité présente

Là où notre conscience est appelée, à travers les différentes manifestations éprouvées (symptômes), se trouve ce qui, de Soi ou du monde (zones du présent, de la biographie, du transgénérationnel ou du transpersonnel), attend d’être rencontré en reconnaissance (existentielle) et validé en délicates attestations (ressentis, émotionnel). La reconnaissance s’accomplit par l’émerveillement du praticien face à l’existentiel du patient, la validation s’accomplit par une reformulation sensible et précise attestant de ce que celui-ci a éprouvé face aux circonstances qu’il a traversée. Il est à noter qu’il est parfois important d’attester d’un « bonheur éprouvé » (qui n’a jamais pu être partagé) et pas seulement de « douleurs éprouvées ». Le non-partage d’un vécu agréable peut aussi être source de peine.

La méditation propose d’être dans le présent, pour ne pas se disperser, et de placer notre focus sur la respiration (ce qui d’ailleurs se fait aussi en sophrologie). Mais surtout, elle nous propose de simplement être là où nous sommes, et de faire l’expérience de notre vécu actuel.

« La mindfulness n’implique pas d’essayer d’aller quelque part ou de sentir quelque chose de spécial. Elle implique de vous autoriser à être là où vous êtes déjà, de vous familiariser davantage avec l’expérience que vous faites vraiment d’instant en instant. » (Kabat-Zinn, Manuel complet de MBSR - 2009, p.83)

Cependant, il s’y trouve une façon de légèrement contrer ce qui se passe, en ne le faisant pas, ce qui est déjà une forme d’interaction (mais la mise en mots de la posture est si difficile à énoncer !) :

« Nous observons plutôt l’impulsion de nous lever ou les pensées qui nous viennent à l’esprit. Et au lieu de nous lever et de faire ce que l’esprit a décidé d’inscrire comme point suivant à notre programme, nous amenons doucement mais fermement notre attention au ventre et à la respiration, et continuons simplement à observer le souffle, d’instant en instant. […] notre pratique consiste à accepter chaque moment tel qu’il est sans réagir à comment il est. » (Kabat-Zinn - 2009, p.148).  

Concernant le présent, certes l’idée est intéressante et produit des résultats, mais nous devrons aussi considérer ce présent d’une façon spéciale : « tout est présent », avec « uchrotopie ». Tout ce qui, de soi ou du monde attend « reconnaissance » et « validation » est « là », non assujetti au temps ou à l’espace. Tout se passe comme si en termes d’« in-formation », la Vie attendait notre regard, notre considération accueillante, notre validation de ses éprouvés… Tout cela en dehors de toute posture de pouvoir, libre des « je veux », dans la sensibilité ontique et la réjouissance d’un « je veux bien ».

5.2.         Une destination où l’on est déjà

Nous venons de lire de Kabat-Zinn sur la pleine conscience : « Elle implique de vous autoriser à être là où vous êtes déjà ». Tant que l’on veut « y arriver » c’est que nous nous plaçons bien trop loin et que nous n’avons pas vu que « c’est là ».

Mais de quelle façon pouvons-nous considérer ce « Là » ? En fait, la distance apparente de la « finalité » (ce qui attend d’être rejoint) est un effet de perspective. Il s’agit d’une entièreté à goûter, et non d’une étendue à parcourir. La notion de « tact psychique » du Einfühlung allemand (empathie) y trouve toute sa place, mais ici avec Soi-même dans ses différentes versions au cours du temps. La qualité de ce « tact psychique » émanera de la liberté spatiale et temporelle de notre regard.

Ce présent, si convoité, n’est peut-être pas un « moment ponctuel » aussi hypothétique qu’inconsistant, mais plutôt une sorte d’horizon ouvert à la Totalité.

L’astrophysicien Jean Charon auteur de « J’ai vécu quinze milliards d’années » (1983) évoquait les particules (qu’il aimait nommer « éons ») comme des « horizons » entre deux « endroits de l’univers » : l’un qui est celui que nous percevons, soumis à l’énergie et à l’entropie (ordre décroissant), l’autre que nous ne percevons pas sensoriellement et qui est en néguentropie (ordre croissant), où l’information s’organise. Il parlait alors d’une forme de « psyché de la matière ».

Finalement le présent est analogue à un tel horizon, tel une particule, entre le passé qui s’est produit et le futur qui va advenir. Une différence, cependant : tout se passe comme s’il contenait l’entièreté du passé et du futur. Comme l’évoque Ervin László, l’« in-formation » se répand instantanément dans l’univers passé, présent, futur et est disponible partout en même temps.

« […] ce qui arrive à une partie arrive également aux autres parties » (Laszlo, 2016, p.30). « […] cohérence omniprésente par-delà l’espace et le temps » (Ibid., p.33).

Dans un tel présent se trouve l’expérience d’une totalité à vivre, toute en douceur, hors de l’énergie et hors du vouloir, simplement à goûter la Vie… mais il s’agit de la « goûter » de façon expérientielle et non de façon sensorielle. Nassim Haramein écrit que chaque point contient toute la structure de l’espace-temps :

« La seule chose qui existe est le point. A l’intérieur du point son confinées toutes les dimensions. Le point contient toute la structure de l’espace-temps. En lui toutes les dimensions possibles trouvent leur existence. » (Haramein, 2012,  p.11)

En serait-il de même du présent ? La « destination » serait comme un effet de perspective du présent, avec lequel on peut être en tact psychique sur toute son étendue : le « là » et le « là-bas » se touchant, juxtaposés, en attente de connexion du simple fait de notre tranquillité, de notre regard, de notre émerveillement. « Oser y être », ce n’est pas « oser être ici », ni « oser être là-bas », c’est « oser être dans un ici qui est aussi là-bas ».

5.3.         Oser y être

Le phénomène semble vertigineux, mais en réalité il est très ordinaire et très simple. Notre intellect se laisse facilement déborder par de tels concepts, car ils ne signifient rien pour lui, juste parce qu’il ne sait pas se les représenter. Ni sensorielle, ni intellectuelle, l’expérience de « oser y être » se vit naturellement dans une zone sans efforts et sans énergie (on la dit « expérientielle »).

Romain Graziani, riche de son expérience de la Chine, insistait sur le fait que les états optimums recherchés ne peuvent s’atteindre par la volonté, (contrairement à ce qu’on a tendance à prôner occidentalement), et que « il convient plutôt de lâcher la cible pour l’atteindre ». De ce que nous venons de voir, il s’agit de la lâcher « spatio-temporellement » et « du point de vue de l’énergie investie pour l’atteindre », pour juste « oser la toucher » de ce « tact psychique » qui fait que nous sommes autant « ici » que « là où cela se trouve déjà » (en déploiement). Nous permettons alors une sorte de connexion entre les deux, libre du « je veux » dont l’énergie ferait fuir cette finalité qui deviendrait alors inaccessible. Sinon, nous deviendrions comme Tantale, tendant vainement la main vers les fruits, ou les lèvres vers l’eau.

François Jullien, est allé vivre en Chine et y a appris le chinois, en vue de lire les textes ancestraux dans la langue originelle, de faire ce « pas de côté » pour voir le monde et y entendre l’« inouï ». Bien sûr, il serait vain d’idéaliser la pensée chinoise comme seule source, car c’est aussi justement l’écart lui-même, en proposant deux points de vue, qui fait la finesse de la perception. Attention, car ce n’est pas seulement « l’écart » qui permet d’entendre plus finement, mais la capacité de synchroniser les deux points de vue (ou les deux points d’ouï). Comme pour deux télescopes de taille modeste, mais éloignés l’un de l’autre : s’ils pointent exactement vers une même direction, quand on synchronise les deux images, cela permet de voir aussi précisément qu’un télescope dont la lentille miroir aurait un diamètre équivalent à la distance qui sépare les deux appareils (les deux points de vue). Mickaël Launay, mathématicien auteur du « Théorème du parapluie », nous propose aussi un tel écart dans l’étude des mathématiques :

« Vous rendez-vous compte qu’un simple changement de point de vue a permis de jeter un éclairage nouveau sur un problème resté irrésolu pendant plus de deux mille ans ? » (2019, p.208). Cela grâce à la géométrie dans un cercle fini, imaginée par Beltami et Poincaré, permettant, entre autres, de rendre compte de l’infini.

François Jullien nous explique ce regard différent : il n’y a pas un Être au milieu d’une circonstance, mais un ensemble « Être/circonstance » et une capacité à s’épouser l’un l’autre, à se laisser aller à suivre un courant de pertinence, de justesse qui aboutit avec cohérence à une finalité que l’on atteint sans la poursuivre.

Le « vouloir » éloigne de la « finalité », alors que déployer son « cœur » (le centre de Soi) dans une totalité est bien plus efficient. Cela peut sembler curieux ? En fait Pierre Teilhard de Chardin nous propose que le volume d’un atome a pour volume celui de l’univers, et que chacun est le centre infinitésimal de la totalité du monde. Nassim Haramein, à la suite de ses recherches, revisite le spatio-temporel en écrivant que la seule chose qui existe est « le point » et que celui-ci contient toutes les dimensions, toute la structure de l’espace-temps. Jean Charon nous invite à considérer un horizon insoupçonné avec les particules (les éons) qui ne sont pas un objet ponctuel mais la jonction de deux endroits distincts de l’Univers (l’un en entropie avec un désordre croissant, l’autre en néguentropie avec un ordre croissant), porteurs de conscience. Erwin László lui fait suite, d’une certaine façon, avec cette notion d’« information » (énergie et sensorialité) » et d’« in-formation » (hors énergie, expérientielle) où le local informe la totalité spatio-temporelle. Rollo May, de son côté, avait si bien remarqué que le protocole (énergie, intellect) ne vient pas à notre secours (voire nuit à l’aboutissement) concernant les phénomènes de la psyché.

C’est avec tendresse que nous pouvons dire merci à tous ces chercheurs, à tous ces penseurs qui, chacun selon sa spécialité, ses talents, ses recherches, nous a fait approcher ce que l’intellect ne sait pas se représenter, mais qui fait partie de la Vie. Ils nous ont permis d’en approcher la principale source de mouvement, de pertinences, d’aboutissements. Ils nous ont permis de mieux comprendre pourquoi le « vouloir » nous éloigne de la finalité et, heureusement aussi, pourquoi un déploiement du cœur (du centre) nous en rapproche, car cette finalitéi est déjà là, en attente d’être rencontrée.

 

Thierry TOURNEBISE

 

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Bibliographie

Charon, Jean
-J’ai vécu quinze milliards d’années – Albin Michel 1983

Graziani, Romain
- L’usage du vide – Gallimard, Bibliothèque des idées, 2019

Haramein, Nassim
-L’univers décodé – Louise Courteau éditrice, 2012

Jacquenod, Raymond
-Nouveau dictionnaire de la mythologie – Marabout,1998

Jullien, François
-La pensée chinoise – Gallimard, Folio essais, 2015
-L’inouï – Grasset, 2019

Kabat-Zinn, Jon
-Au Coeur de la tourmente, la pleine conscience - Manuel complet de MBSR– J’AI LU, Bien-être, 2009

László, Ervin
-Sciences et champ Akashique tome 2 -Ariane, 2008

Launay, Mickaël
-Le théorème du parapluie, ou l’art d’observer le monde dans le bon sens -Flammarion, 1999

May Rollo (and all)
-Psychologie existentielle – Epi, 1971

Teilhard de Chardin, Pierre
-Le phénomène Humain- Editions du Seuil, 1955

Veldman, Frans
-L’haptonomie, science de l’affectivité – PUF, 2001

Wismann, Heinz
-Penser entre les langues – Flammarion, Champs essais, 2014

Winnicott, Donald Wood
-Jeu et réalité - Folio Gallimard 1975


Liens internes

Psychologie positive d’avril 2012 
Primum non nocere décembre 2013
La Vie et l’énergie  mai 2016
Jouer ou s’amuser  juillet 2016 
L’emplacement subjectif du praticien  novembre 2016
Réjouissance thérapeutique  février 2017
Confiance thérapeutique  avril 2017
Animer une formation septembre 2017
La réalité, les vérités, le Réel avril 2018)
Incontournable délicatesse et outrancière précaution  septembre 2018
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Archétypes existentiels  novembre 2019